44

La lumière m'aveugle encore une fois. Rien à faire, cette lampe de poche est un instrument de torture pour mes yeux.

- J'ai froid. me plains-je

- C'est bon signe, me répond docteur Roche. Vous réagissez à la température. Je demanderai à ce que l'infirmière vous habille plus chaudement.

- Qui suis-je ? je le questionne.

- A vous de me le dire.

Je cherche alors dans ma tête. Aucun nom ne me vient. Mais la voix en colère, elle, revient... la même rengaine, « tu me fais hérisser le poil ! ».

- Je lui fais hérisser le poil.

- Pardon ? s'exclame-t-il.

- C'est tout ce qui me revient en mémoire. Quel jour sommes-nous ?

Hésitant, il regarde sa montre, puis me regarde. Il me dit de but en blanc :

- Le 5 octobre.

- Le 5 octobre ? De quelle année ?

À nouveau l'hésitation le submerge, elle le fait bégayer : « 2020 ».

- 2020... 44 alors, j'enchaîne.

- Pardon ?

- J'ai 44 ans aujourd'hui.

- Vous semblez sûre de vous.

- Oui, je n'ai aucune idée de qui je suis mais je suis sûre de l'âge que j'ai.

Ça paraît bizarre mais me rappeler mon âge me redonne un peu d'espoir, du courage. Cela me permet d'imaginer un happy end à ce qui m'arrive en ce moment. À ma présence à l'hôpital.

- Docteur ? je relance.

- Oui madame !

- Je ne vous vois pas très bien.

- C'est normal, ne vous inquiétez pas. Je viens d'observer vos pupilles avec ma petite lampe. Vous vous rappelez certainement... C'est aveuglant mais nécessaire. Ça ira mieux dans quelques minutes.

- Je pensais plutôt à des lunettes. J'ai l'impression que j'en ai besoin pour mieux voir.

- Oh ! s'étonne-t-il. Je demanderai à l'infirmière si elle sait quelque chose à ce sujet.

- Je vous remercie. J'aurais une autre question, encore.

- Je vous écoute.

- Mes jambes ? Enfin, pourquoi je suis attachée ?

- Vous semblez n'avoir pas de problème à me comprendre. Je vais donc vous donner une explication mais je compte sur vous pour ne pas faire de bêtises en cherchant à vous lever.

C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il me prend pour un enfant. Des bêtises, et puis quoi encore...

- Des bêtises ? Quel genre de bêtises ?

Tout en détachant mes liens...

- Nous vous avons attachée pendant votre coma pour éviter que vous vous leviez brusquement et que vous rompiez tous vos liens. Comme vous pouvez le voir, vous êtes reliée à des perfusions et vous êtes constamment sondée.

- Mais mes jambes, elles sont encore là ?

- Oui, tout est bien à sa place. Il faudra juste me promettre de ne pas descendre du lit seule. Après 3 mois de coma, vos muscles sont beaucoup trop atrophiés pour que vous puissiez déjà vous mettre debout. De plus il vous faudrait au moins autant de temps pour récupérer complétement.

- 3 mois... ? je m'alarme.

- Pardon, s'excuse-t-il, c'était normalement au psychologue de vous en parler.

L'externe derrière lui étouffe un rire... Mais le mal était fait, 3 mois de coma, et 3 mois pour récupérer... et toujours la même question : « Qui suis-je ? »

« Tu me fais hérisser le poil »... La colère dans ces mots me désarçonne. Je suis mal à l'aise. J'en pleurerais mais les larmes me manquent. Il me semble qu'ils me sont adressés, mais pourquoi ? Qu'ai-je fait de si terrible pour mettre un homme ainsi en colère ? Suis-je si mauvaise ? Comment le savoir ? Comment répondre quand on n'a aucune idée de qui on est ni de comment on est arrivé où on est...

Qui suis-je ?

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