Partie 2 - Chapitre 2

" - Alessandra Castov ? "

Je lève la main en mordillant le bout de mon stylo. La première semaine vient juste de s'écouler et je suis déjà sur le point de craquer. J'ai beau adorer le cours de littérature anglaise (merci Slendy), je m'ennuie ferme dans toutes les autres matières, qui sont malheureusement obligatoires. Avec un soupir ennuyé, je passe ma main dans mes cheveux et les laisse retomber en cascade sur mes épaules. Quelques regards, masculins, restent accrochés à la courbe de ma crinière brune, qui descend subtilement et contre ma volonté, dans mon léger décolleté. Non, mais on est quand même en milieu novembre, je vais pas mettre des camisoles avec un super décolleté plongeant. Mon pull en laine, que j'ai trouvé au milieu de toutes mes nouvelles affaires, dans mon super condo, est plutôt mignon, confortable, et chaud. C'est rare de trouver ce genre de vêtements alors je l'ai élu pull préféré du mois. Oui, je m'ennuie à ce point. 
Le prof commence sa litanie ennuyante sur les maths et les formules compliquées auxquelles je ne comprends quasiment rien. Heureusement que je suis quand même bonne élève, parce que sinon, je me collerais des cours de rattrapage. La dernière chose que je souhaite. 
J'ai beau essayer de me concentrer sur le tableau, je n'y arrive pas. Tout ça manque cruellement de l'action à laquelle j'ai été habituée ces dernières semaines. Avec un nouveau soupir, j'attrape une feuille et commence à griffonner. La première image qui se forme sur le papier représente un masque, avec deux trous d'où s'écoule un liquide noir. Tss... Pense à autre chose, Lana. J'essaie de dessiner une licorne, avec mon talent de gamine de CM1, mais cette pauvre petite finit étendue dans son sang, près d'un étrange personnage au sourire de l'ange tenant un couteau. Raaah !! 
Je repousse mes feuilles et essaie de me concentrer à nouveau, en vain. Finalement, quand la sonnerie retentit, j'attrape mes affaires et les fourre dans mon sac. Enfin ! Je sors avec un sourire et me dépêche d'atteindre la bibliothèque. En plein milieu du couloir, une bande de trois grands idiots, dont l'un est dans ma classe, m'arrêtent avec de superbes sourires. 

" - Hey, Alessandra ! "

Je m'arrête et leur sourit de mon mieux. Ils ne peuvent pas juste me foutre la paix ? J'ai besoin d'aller emprunter un livre avant de rentrer, et je n'ai pas envie de m'éterniser ici. 

" - Salut, les gars ! "

Ils ont l'air tout fiers que je leur ai répondu. 

" - Je peux vous aider ? "

Je leur demande, leur signifiant clairement qu'ils sont en plein milieu du couloir et que j'ai hâte de déguerpir.

" - Ouais, on va déjeuner dans un resto demain midi, avec tout le monde. T'es invitée aussi. "

Je ris intérieurement en leur souriant mystérieusement. 

" - Merci d'avoir pensé à moi. Je verrais si je peux me libérer ! A demain ! "

Et sur ce, je m'éclipse, les laissant en plan. Si Jack ou Jeff avaient assisté à cette scène, ils se seraient moqués de moi ouvertement. Ils me connaissent. Je ne suis pas cette fille énigmatique et sexy. Je suis plutôt cette cruche peureuse et drama-queen, amoureuse d'un chien. Je soupire de nouveau. 

" - Arrête de penser à eux Lana. C'est juste quelques mois... "

Je m'arrête devant les portes de la bibliothèque et inspire un coup avant d'entrer. Lentement, je commence à parcourir les rayons, à la recherche d'un exemplaire de Macbeth, une oeuvre plutôt populaire de Shakespeare. Oui, je sais que c'est bizarre et que je devrais prendre Roméo et Juliette... Mais j'ai pas envie de lire l'histoire de deux amants qui meurent dans les bras l'un de l'autre. J'ai besoin de quelque chose de plus tragique. De plus violent. Il paraît que Macbeth, c'est parfait pour ça. 

" - Très bon choix, mademoiselle ! "

Je me tourne vers la bibliothécaire et lui sourit. Elle me conduit à son bureau et je lui tend ma carte. 

" - Ne tardez pas trop pour le rendre. "

J'acquiesce en silence et pars. J'ai hâte de regagner mon condo. Je marche à petits pas pressés vers la sortie. Dieu, faîtes que personne ne me demande quoi que ce soit. La porte qui mène à ma liberté n'est plus qu'à quelques mètres. Dès que je la franchis, un grand sourire naît sur mes lèvres. Ahh ! Enfin ! Je m'arrête un instant dans les escaliers qui mènent à la porte et m'étire légèrement. Une brise froide vient caresser mes épaules et je frissonne agréablement. Revigorée, je me dirige vers mon chez-moi. Mon condo n'est pas situé très loin de l'école, mais c'est pas la porte à côté non plus. Sans précipitation, je m'engouffre dans les tunnels des métros parisiens et attrape le premier qui passe. Les minutes passent et je me plonge dans la lecture de Macbeth. Lorsque j'arrive à mon arrêt, je ferme le bouquin et m'engage vers les escaliers qui me font regagner la surface. A ma droite s'ouvre la Seine. Je soupire en repensant à mon magnifique plongeon. Bon, c'est vrai que j'ai foutu une sacrée raclée à Clockwork, mais quand même. Je suis tombée malade et j'ai du faire confiance à Jackie pour me ramener des médicaments. J'ai vraiment craint pour ma vie, ce jour-là. Avec un nouveau sourire, j'attrape mes clés et ouvre la porte de l'immeuble. Je monte les escaliers quatre à quatre et, une fois sur mon palier, j'ouvre avec délice la porte qui mène chez moi. Dans mon salon, posée au milieu de la petite table à manger installée près de la fenêtre, la boîte à musique de Jackie m'accueille. J'aime qu'elles soient aussi visible. Au début, je l'avais mise en sécurité, au fond d'une armoire, mais je me suis réveillée le lendemain en paniquant parce que je pensais l'avoir perdue. Oui, j'étais encore très endormie, mais quand même. L'avoir en vue peu importe ce que je fais me rassure. Je la contemple un instant en pensant à ce stupide clown qui doit bien me moquer de moi en ce moment. Avec un soupir rasséréné, je me mets à l'aise. Je retire mon pull et enfile un T-Shirt trop grand pour moi. Mon soutien-gorge va voler à l'autre bout de la pièce. De ma main qui ne tient pas déjà un livre nommé "Cobaye, Elliot", j'attrape une boîte de pocky et m'installe confortablement sur le canapé. J'ai presque fini ce tome, particulièrement dégoûtant, d'une série mettant en scène plusieurs cobayes virant tous fous à leur manière. Je dois avouer que celui-ci est bien le plus violent de tous ceux que j'ai lu. Le personnage principal est un violeur et un tueur qui adore torturer ses victimes. Les scènes sont si bien décrite que ça me met mal à l'aise. Je frissonne en lisant un passage où il tue une femme enceinte en sortant son foetus de son ventre et en l'exposant sur la scène du crime comme un trophée. 
Est-ce que les criminels font vraiment ce genre de choses ? Je pense à Jeff. Ce n'est clairement pas son genre. Et Jack ? Non, je pense qu'il n'a pas de temps à perdre à ouvrir une femme en césarienne pour lui retirer son enfant. Et Jackie ? Il torture exclusivement les enfants. Voilà qui règle la question. Ben, Sally et Smile n'ont tout simplement pas l'esprit assez mal tourné pour faire ça, je pense. 
Tout en pensant à ma journée et à mes acolytes, répartis dans Paris, je commence à me faire un petit repas. Je n'ai pas très faim et je suis crevée. Après avoir mangé des pâtes, je m'installe sur mon lit pour finir mon livre. Lentement, et sans m'en rendre compte, je m'endors. 
Tout la nuit, mon esprit est torturée par l'image de cet homme que je hais tellement. Je revois son visage, j'entends les mots qu'il me disait si souvent par le passé... Je finis par me réveiller en sursaut. Une rage sourde monte dans mon coeur, en même temps que tant de souvenirs que mon esprit n'a pas jugé bon d'effacer. Je me lève et commence à faire les cent pas pour faire sortir ça de ma tête. Il est à peine trois heures du matin, et je sais très bien que je n'arriverai pas à me rendormir. Finalement, je vais me faire un thé et m'installe dans le salon. Autant me faire une raison... Ses souvenirs ne partiront pas. Alors pendant quelques heures, je les laisse affluer, en même temps que les larmes sur mes joues. 

Par le passé, tellement de choses me sont arrivées. Mais la chose qui m'a le plus marqué a été le temps passé avec Alec. J'avais quoi ? 10 ans ? Sans doute, je ne me souviens plus très bien. 
Ça a commencé pendant un mois de novembre comme celui-ci, frisquet mais pas froid. Alec était un collègue de mon père, du temps où il avait encore un métier. Un soir, il a été invité à venir à la maison pour partager un repas avec mes parents. J'avais mis mes plus beaux habits, pour ne pas leur faire honte. J'avais beaucoup de mal à socialiser et à ne pas me raidir à la vue d'un adulte dans le temps. Lorsqu'il avait frappé à la porte, j'étais allée ouvrir en vitesse et l'avait accueilli. Ce jour-là, mon petit coeur de gamine a battu un peu plus fort. J'étais conne. Pendant toute la soirée, ce porc a tout fait pour m'amadouer en me parlant et en me rendant des services. Il m'a même protégé de la fureur de mon père. Quand il est parti, j'avais déjà hâte qu'il revienne. Seulement, quand il est revenu, ce n'était pas pour manger. Il a donné de l'argent à mon père et m'a emmené en dehors de la maison. Au début, je pensais qu'il m'avait acheté et qu'il voulait me libérer de mes parents, mais au final... Il m'a emmené dans un motel miteux et m'a violée. Rien de plus simple. Je n'avais pas mal, j'étais tout de même habituée. Mais j'étais triste de voir que tous les adultes étaient les même. En revenant chez moi, je me suis juste tue et j'ai commencé à redouter les moments où il venait à la maison. Ma mère n'avait pas l'air au courant, mais je ne savais pas si je pouvais avoir son appui... Après tout, elle était la première à me frapper dès qu'elle en avait l'occasion. Les années ont passées et je me la suis fermée. Alec passait une ou deux fois par mois pour payer mon père et profiter de moi. Et puis un jour, il m'a emmené un jour où j'avais promis à des amies d'aller les rejoindre. Je n'avais pas souvent l'occasion de sortir alors j'étais vraiment en colère, et triste. Une fois devant le motel, j'ai essayé de décamper. Malheureusement, il m'a rattrapé et m'a tiré de force dans la chambre habituelle. Là, il m'a frappé et crié dessus. Je crois qu'il m'a frappé à la tête, parce que dans mes souvenirs, cette scène est encore plus floue que les autres. Mais malgré ça, je n'ai jamais oublié ses paroles ce jour-là. 

" - Tu es à moi, Lana. A moi et à personne d'autre. C'est clair ? "

J'ai acquiescé, en larmes, et il a fait ce qu'il avait à faire. Lorsqu'il m'a rendu à mon père, il a payé un dédommagement pour m'avoir abîmée. Après ce jour, j'ai encore attendu plusieurs mois, puis un jours, ma mère est venue me voir. Elle était de bonne humeur. 

" - Tu t'entends bien avec Alec on dirait. Vous partez souvent faire des trucs ensemble, non ? "

Je l'ai regardé dans les yeux, sans que la moindre expression n'effleure mon visage. 

" - Si par faire des trucs ensemble, tu entends qu'il me frappe comme tu le fais et me viole, alors oui. On fait souvent des trucs ensemble. "

Elle est restée immobile quelques secondes. Puis j'ai vu défiler pleins d'émotions sur son visage. Du dégoût, de la haine, de la tristesse, et une rage sourde. Elle s'est approchée de moi, menaçante, et j'ai rentré ma tête dans mes épaules. 

" - Il paye ton connard de père, c'est ça ? "

J'ai acquiescé et elle est partie en trombe de la maison. Ce soir-là, mon père ne m'a pas touché, mais Alec est venu s'expliquer avec ma mère et m'a emmené. Direction le motel, pour la pire soirée de ma vie. 

- Flash Back -

Je tiens fermement la portière de la voiture. Alec me tire le bras sans faire attention à la marque violacée qu'il y laisse. 

" - Je veux pas Alec ! Lâche-moi ! "

Le premier coup part vers ma tête. Sous le choc, je lâche la portière et il réussit à me faire sortir de la voiture. Je prends quelques secondes avant de me rendre compte que je suis supposée marcher. Alec me tire tellement fort que j'ai à peine besoin de bouger mes jambes. 

" - Lâche-moi... "

J'ai essayé de crier, mais ma gorge nouée par les sanglots que je retiens ne réussit qu'à faire sortir une pitoyable plainte. Soudain, il se tourne vers moi. Nous sommes encore sur le parking du motel, mais ce soir, je sais que ça ne changera rien. La rage passe dans ses yeux et il me pousse si fort que je tombe sur le sol. Des larmes coulent sur mes joues, à cause de la peur. 

" - S'il te plaît Alec... "

Mon murmure se perd dans le néant et il me donne un coup de pied dans les côtes. Je gémis et me roule en boule pour me protéger d'un deuxième assaut. 

" - Tu croyais quoi Lana ? Que tu pouvais m'échapper ? Que ta petite maman allait te sauver ? Eh bien tu te trompais ! T'es tellement conne ! Tu sais ce que ta mère m'a dit ? Hein Lana ? Tu le sais ? "

Un sanglot m'échappe et je tente de m'éloigner. Sa main me ramène près de lui. 

" - Elle a augmenté ton prix pour que ton père lui donne une part de ce que tu leur rapportes. "

Je ne suis pas surprise. Je ne pensais pas que maman m'aiderait. Elle me déteste. Ils me détestent tous. Je sanglote et tire sur mon bras pour m'échapper. Je voudrais courir et me jeter sous les roues de la première voiture qui passe. Alec me tire par les cheveux et me jette de nouveau au sol. Ma tête heurte violemment le pavé et je suis incapable de me relever tant la douleur est vive. Je gémis et pleure sans bouger, me contentant de regarder mon bourreau s'allumer une cigarette. 

" - Tu sais quoi Lana ? Je pense que tu n'as pas très bien compris la leçon de la dernière fois. "

Je le regarde s'approcher et j'essaie de me reculer, de lui échapper. Il m'attrape encore une fois par les cheveux et me relève à sa hauteur. Le parking est vide. Personne n'interviendra en ma faveur. Je pleure encore et encore. Lentement, il me montre le bout de sa cigarette. 

" - Tu sais ce qu'on faisait aux esclaves, avant ? On les marquait au fer rouge pour que tout le monde se souvienne qu'ils n'appartenaient qu'à leur maître. Alors comme tu as tendance à oublier, je vais être obligé de te marquer, Lana. "

Je piaille et me débats alors que le bout enflammé se rapproche de ma peau. Alec n'a pas l'intention de me lâcher. Les larmes n'arrêtent pas de dévaler mes joues et mes pitoyables cris n'alertent personne. 

" - Tu es à moi, Lana. A moi et à personne d'autre. "

Et à ce moment, je commence à hurler plus fort que tout. La cigarette s'est abattue sur ma peau avec une telle violence que mon bras s'est plié douloureusement. Je me débats, tire sur mon bras, recule, crie... En vain. Il me tient solidement et ne me lâchera pas. Lentement, le feu fait une marque sur ma peau. J'arrête de tirer et me laisse tomber au sol. Je n'en peux plus. Je crois que je vais vomir. Un nouveau coup de pied m'atteint dans les côtes et je roule sur le côté. Finalement, je suis remise dans la voiture sans avoir enlevé le moindre vêtement. J'ai mal partout et je vois flou. Je ne sais pas ce qu'il se passe. 

La seule chose que je sais, en fait, c'est qu'Alec est revenu me chercher beaucoup plus souvent qu'avant, une fois cette soirée passée. Il devenait de plus en plus violent et me ramenais avec toujours plus de blessures. Il a commencé à boire. Un jour, il a voulu me forcer à fumer. 

Je suis rentrée toute seule ce soir-là. Et il n'est plus jamais revenu me chercher.

Assise sur le divan de mon condo, toujours, je me permets de pousser un long soupir. Le malaise s'est installé en moi, en même temps que la honte et la haine. Je me déteste. Tellement. Tremblante, je ramène mes jambes contre moi pour cacher mon corps couvert de blessures, dont certaines sont encore visibles. Ces bleus, ces cicatrices... J'ai hâte que toute cette merde disparaisse. Je sais que ça va prendre du temps, et que certaines marques resteront pour toujours mais... Je sais aussi que la plupart disparaîtront. Et c'est cela l'important. 
J'étouffe avec difficulté un sanglot et m'isole du monde. Mon corps a servi de jouet, de marionnette, pendant si longtemps. J'ai du mal à croire qu'aujourd'hui, je suis totalement maître de moi-même. Je m'immobilise. C'est faux. Je ne suis pas maître de moi-même. Je tâtonne ma main, là où, petite, je me suis coupée avec du verre. L'autre est en moi depuis si longtemps. Je ne serais jamais maître de mon corps. Pas tant qu'elle sera là. Soudain, une rage sourde monte en moi. C'est une colère tellement intense que ma vue se brouille. Je repense à tous ceux qui m'ont fait du mal. Pourquoi est-ce que je ne me suis jamais rebellée ? Ils méritent juste de crever, tous autant qu'ils sont. Un grand sourire naît sur mes lèvres et j'attrape une veste. 

On est novembre... La vengeance est un plat qui se mange froid, non ?  


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top