J'ouvre doucement les yeux, incapable de discerner où je suis. Tout est mou, chaud, agréable... Je me lève lentement. Enfin, essaie, quelque chose me bloque et je prends un moment avant de réaliser que c'est Jack, qui me tient contre lui. Au travers des rideaux, des rayons dorés éclairent le sol. C'est le jour ? Je regarde ce qui ressemble à un réveil posé sur la table de nuit du confortable lit. "10h26" ? J'ai du mal à réaliser combien de temps s'est écoulé depuis que l'autre Lana s'est endormie, m'entraînant avec elle. Jack remue près de moi, sans doute réveillé par mes mouvements. Je m'immobilise et essaye de me faire la plus petite possible, mais trop tard. Il ouvre les yeux et s'étire en grognant. Je souris et le regarde calmement sortir des vapes du sommeil.

" - Salut. "

Il se tourne vers moi et je vois dans son regard qu'il est... méfiant ?

" - C'est toi, Lana ? "

Je hoche la tête. Je garde des souvenirs assez flous de la prise de l'asile, même si je suis sûre qu'en me concentrant, je pourrais tout voir en détail. J'ai beau ne pas regretter, je suis bien moi, la bonne vieille Lana, qui déteste tuer et avoir des morts sur la conscience.

" - T'aurais préféré l'autre ? "

Je lance ça sur un ton amusé, avec un petit rire, mais il le prend sérieusement et m'attire contre lui. 

" - Quand vous êtes ensemble, vous êtes vraiment stylées, mais je te préfère toi toute seule. "

Je souris et l'enlace aussi. Nous restons comme ça un moment, sans rien faire, ni dire, puis...

" - LANAAAAA ! "

Je me redresse en sursaut et une Sally affolée me fonce dessus. Immédiatement, je me mets en position défense, prête à me battre pour la défendre.

" - Qu'est-ce qu'il se passe, Sally !? "

Elle me pointe la porte et s'agrippe fortement à moi. 

" - C'est Jackie ! Il s'est moqué de moi ! "

Je me détends immédiatement et pouffe en la serrant contre moi. 

" - Onh, mais pourquoi il a fait ça ? "

" - C'EST PAS VRAI ! J'AI JUSTE DIT QU'ELLE ÉTAIT MIGNONNE À ROUGIR DÈS QUE BEN LUI PARLE ! "

" - TU VOIS !? IL SE MOQUE DE MOI ! "

Je lui caresse les cheveux en approuvant mentalement à la remarque de Jackie, qui vient de passer la moitié de son corps à travers la porte. 

" - T'en fais pas, Sally. Ne lui accordes pas d'attention et il va arrêter. "

Elle fait la moue et me relâche avant de quêter une quelconque intervention de la part de Jack. 

" - Tu peux toujours lui voler ses bonbons pour te venger. "

" - Bonne idée ! "

" - LE SANS YEUX TU M'LE PAIERAS ! ... SALLY REVIENS ICI !! "

Et les deux fantômes repartent aussi vite qu'ils étaient apparus, certainement lancés dans une course poursuite à travers le manoir. Je souris doucement alors que les vieux souvenirs de la cabane dans les bois me remontent à la mémoire. C'était le bon temps.

" - On se lève ? "

Je souris à Jack et acquiesce. Ensemble, nous descendons dans la cuisine où Jeff et Jane se sont lancés dans une bataille de regard, et aussi de qui mangera ses céréales le plus rapidement, on dirait bien. 

" - Des gamins. "

" - Pas le droit de se battre sur les lieux de repos. Alors ils se défoulent comme ils peuvent. "

Je m'incline mentalement devant l'autorité de Slender, qui permet de tels miracles. ClockWork passe alors derrière Jane et pose sa main sur son épaule en s'asseyant près d'elle. 

" - Jane, je vais me sentir jalouse si tu continues de fixer Jeff comme ça. "

La magnifique femme aux cheveux noirs lance un énième regard meurtrier au tueur et se tourne vers Tic-Tac. 

" - Va chier Clock. "

Celle à l'oeil en horloge sourit et change le sujet, s'engageant avec Jane dans une discussion que j'arrête de suivre dès la première phrase. Avec Jack, nous nous installons en retrait, sur le bord d'une fenêtre. Le salon est bruyant et la cuisine n'est pas en reste vu les fantômes qui apparaissent et disparaissent, les proxys qui se courent après, le chien qui jappe contre tout ce qui passe et... vous voyez le portrait. Malgré que ça me donne mal à la tête, je ne peux m'empêcher de sourire. Tout est rentré dans l'ordre. Enfin.

Plus tard dans la matinée, je sors à l'extérieur pour aller parler avec Slender. Nous nous asseyons sur le bord d'un immense sapin et passons l'après-midi à ressasser de vieux souvenirs. Il m'explique aussi que nous sommes au Canada et que j'ai dormi trois jours après que l'autre Lana se soit retirée. Ils en ont profité pour soigner mon bras. Je vais avoir deux belles cicatrices sur ce bras. Le coup de hache et maintenant la balle. Je soupire. Ça me fait du bien de parler avec lui de tout ce qui s'est passé, ça m'aide à faire le point, à rassembler mes émotions, à clarifier mes pensées. Il me parle de la difficulté qu'il a eu à nous faire sortir du pays, comment ils auraient pu échouer si le Puppeteer ne s'était pas joint à lui. Je comprends parfaitement. Nous parlons de SED, des expériences qu'ont subi les fantômes. Ni lui, ni moi, ni les fantômes ne savons de quoi il s'agit, et nous craignons que les scientifiques nous cherchent. Il me dit qu'il regardera de son côté pour des informations, mais qu'avec l'incendie de l'asile, la plupart de leurs recherches ont du périr avec les flammes. C'est l'un des derniers mystères que nous devons éclaircir. Le plus gros. 

Finalement, nous nous quittons un peu avant la tombée de la nuit et je rentre à l'intérieur, où tout le monde s'apprête à s'attabler autour d'un repas préparé par... Les proxys. Intéressant, on dirait bien que je ne suis plus la bonniche. Plus pour le moment, en tout cas. Je m'assois entre Angels et Jack, qui se lancent des regards meurtriers, et nous sommes servis. Le souper se passe dans une bonne ambiance, si ce n'est Jane et Jeff qui se lancent des insultes d'un bout à l'autre de la table. Slender finit par intervenir depuis la fenêtre pour réprimander Jeff tandis que Clock s'occupe de Jane. Ces deux filles ont un truc. Je veux dire... Je sais pas. Je me secoue la tête et me concentre sur ma discussion avec Jack, Sally, Ben et Jackie. 

La soirée se termine sur une partie de poker dont le perdant doit faire la vaisselle. Je n'ai pas participé et je l'ai faite pendant qu'ils jouaient, de peur que par rage, le désigné casse la précieuse vaisselle. Bloody Painter, le final perdant, ne me remercie pas, mais me lance un "Bon travail, bonniche" que je prends comme un compliment. Avec eux, mieux vaut se contenter de peu. 

Après avoir mis tous les fantômes au lit et que Jeff et Jane se soient embarrés dans leur chambre, le reste de la maison va lentement se coucher, un à un. Jack et moi nous retrouvons dans notre chambre assignée. 

" - Alors ? Tu voulais me parler des dossiers ou pas ? "

Je me tend et hausse les épaules. Mon bras ne me fait plus mal, mais Slender me demande quand même de prendre des painkillers alors j'en profite pour masquer mon embarras derrière une gorgée d'eau. 

" - Ouais.. ? "

Il sort les dossiers du tiroir de la table de nuit. Je savais que Slender les enverrait ici. 

" - Je t'écoute. "

" - Tu... les as lu ? "

" - Non. "

Je tends les mains et il me donne les A-331 et A-332. Je parcoure du regard les notes avec lassitude et peine. Le fait que l'autre Lana ait déjà été au courant de tout ça enlève un peu de la panique que je pourrais ressentir, mais je ne me sens tout de même pas à l'aise. 

" - Je suis... une expérience. La seule raison pour laquelle j'ai eu la vie que j'ai eu, avec des parents violents, avec... tout ce qui m'est arrivé... est que... C'était une putain d'expérience. Créer un tueur parfait et indétectable. L'autre Lana évacuait les émotions négatives et tuait pendant que je restais parfaitement saine et aux commandes. C'est la seule raison pourquoi j'existe. Parce que des scientifiques l'ont décidés. "

Jack ne dit rien et me laisse continuer. À contre-coeur, je lui raconte tout ce que j'ai trouvé, de A à Z. Il reste près de moi, à écouter, comme quand je lui ai dit pour l'autre. Il se contente de me regarder et de m'épauler pendant que je raconte tout et que je me vide le coeur et la tête. Il ne fait aucun commentaire à mes pleurs, qui viennent au moment où les notes parlent d'Alec, ni ne m'interromps une seule fois. Quand j'ai fini, mon esprit est totalement vide. Je pense qu'en ne faisant qu'une avec l'autre, j'ai accepté tout ça, comme le sang sur mes mains. Ma vengeance, je l'ai déjà prise en tuant Alec et mes parents. Si un jour je pouvais tuer le Docteur Tremblay, je le ferais, mais... Je ne me jetterais pas dans une chasse à l'homme, ça ne sert à rien. Les principaux coupables, ceux qui m'ont directement fait souffrir, sont morts. Et c'est tant mieux.
Jack me prend doucement dans ses bras sans rien dire, mais l'important est que je le sens là, près de moi, et que c'est suffisant. 

*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*

Les jours, la vie, s'écoulent à un rythme à la fois rapide et tranquille dans le manoir. Avant que nous ayons le temps de nous en rendre compte, nous devons nous séparer et partir chacun de notre côté pour ne pas nous mettre en danger. Jack et moi emportons Jackie tandis que Jeff part avec Smile, Sally et Ben. Me séparer d'eux m'arrache le coeur, mais je sais que nous nous reverrons. Avec une dernière accolade, je dis au revoir à cette moitié de famille qui part aux Etats-Unis et me dirige de mon côté vers le Nord Québécois. Installés dans les abords d'un petit village de campagne, nous terrorisons les gens du coins puis repartons, passant de bourgades en bourgades pour éviter d'être reconnus. Mes cheveux ont repris leur teinte normale, mes cicatrices sont enfin guéries, petits traits clairs sur mon épaule et mon bras et j'atteint en moins de temps que je ne le pensais mes 17 ans. Nous rejoignons le reste de la famille pour chaque Noël, caprice de Slender, et repartons après deux semaines pour continuer nos vies. Au bout d'un moment, Jackie nous laisse pour partir seul de son côté et je me retrouve seule avec Jack. Une autre année s'écoule ainsi et j'ai enfin ma majorité, ce qui nous facilite beaucoup les choses.

Entre Jack et moi, tout se passe bien. Nous sommes généralement sur la même longueur d'onde, et même quand nous ne le sommes pas, le sarcasme et les piques nous permettent de passer par-dessus. Ce n'est pas l'amour fou, l'idylle de conte de fée, mais ça me convient. Nous faisons des concessions et des compromis quand nous devons le faire et tout va pour le mieux. J'ai encore du mal à me laisser toucher mais l'autre Lana a tendance a prendre les commandes dans ces moments, beaucoup plus à l'aise que moi. Plus le temps passe, plus elle me laisse faire les choses moi-même, ou alors ensemble, ce qui m'épuise, mais m'empêche de sombrer dans les souvenirs. J'ai accepté qui je suis, je crois, et je tue avec maintenant beaucoup plus de facilité. Jack m'y aide beaucoup, et je lui en suis reconnaissante. 

Maintenant, quand je repense à tout ce qu'il s'est passé, je ne peux m'empêcher de me dire qu'en l'espace de quelques mois, j'ai rencontré la plus belle des familles, l'amour, la folie... J'ai fait ce que des gens mettent une vie à accomplir...

J'ai rencontré et fait la paix avec mes cauchemars.  

Fin