Chapitre 4

Chapitre 4

Onze jours plus tard

Je m'assis délicatement sur le long banc qui ornait le dessous de ma fenêtre. Je posai mon avant-bras sur le rebord de celle-ci, pouvant ainsi de cette manière pencher ma tête directement sur la vitre. Mon rythme cardiaque était lent, je ne réalisai presque même plus que j'existai encore. J'étais là physiquement, mais à partir dans mon centre de contrôle, c'était totalement différent. Je ne pouvais rien diriger, ça par contre, j'en étais extrêmement consciente.

Je portai attention aux gouttes de pluies qui dévalaient la vitre. C'était apaisant. C'était comme si un instant, la météo compatissait et ressentait mes émotions. Que de l'eau qui ruisselle, ruisselle, ruisselle...

La pluie s'abattait fort sur l'asphalte dehors, elle entrait presque en compétition à chaque fois qu'elle terminait sa lignée dans un trou d'eau. Le temps était gris, lourd, de manière à me dire de ne pas bouger. Je ne voulais pas, d'ailleurs.

Je frottai mes mains ensemble, soudainement le bord de la fenêtre se transforma en un endroit beaucoup plus frisquet que tout le reste de ma chambre. Je passai avec mon pouce sur mon faux ongle rose, ce qui me fit sourire un court instant. Des minuscules lignes apparurent aux coins externes de mes yeux. Merde, je les détestaient déjà. Je suis jeune, pourquoi devrais-je écoper de cela maintenant? 

À vrai dire, il y a beaucoup de choses dont j'ai écopé ces derniers temps. Premièrement, la perte de mon emploi. Cela ne fut pas un coup facile à accepter, loin de là.

Je sais bien que cela fait plusieurs semaines que je n'enseigne plus, mais avec le cas de ma mère, je ne l'ai pas réalisé. C'est un peu comme si ce n'était qu'un passage temporaire, mais c'est aujourd'hui que cela devient plus concret. Je n'ai plus de source de revenus. Je devrais m'en trouver une, bien évidemment, mais je ne m'en sens pas capable. Du moins, pas maintenant. La chose c'est qu'Isabelle ne pourra pas me faire vivre éternellement et c'est dans sa maison que je demeure. Je n'ai pas le coeur à aller travailler. Je pourrais bien remettre ça à dans quelques semaines, voire des mois, mais qu'est-ce que ça me procurerais? Il n'y aurait sûrement aucun avantages.

Je pris une mèche des mes cheveux noirs. J'eus envie de changement. Devrais-je peut-être les remettre bruns? Comme à l'époque où tout allait bien? Peut-être que ça m'aiderait à retrouver la raison?

Je ne savais pas non plus combien de temps j'allais rester ici, en campagne. Je déteste cet endroit. Cela ne me rappelle que des mauvais moments. Je n'aime tout simplement pas l'ambiance de la campagne, en plus. Tellement lent, ennuyant, cela me donne envie de sombrer encore plus.

Je dû me lever, je me devais d'aller faire honneur à ma mère. J'avais gâché beaucoup trop de fois, je ne me permettrai pas d'en faire plus. Malgré la température maussade qui sévit aujourd'hui, les funérailles de ma mère se déroulent. J'espère que la cérémonie sera à la hauteur de la femme qu'elle était. Elle mérite énormément, elle était exemplaire. Je ne pouvais pas demander mieux pour une mère. Je l'ai si aimé, et je l'aimerais toujours.

Je me levai doucement, mes pieds semblaient vouloir s'écrouler à chaque pas que je faisais vers mon garde-robe. Je regardai attentivement ce qui s'y trouvait, mais j'avais déjà ma petite idée. J'y ressortis ma robe noire, dont les manches sont mi-longues. C'est une robe qui arrive tout juste au-dessus des genoux et qui est légèrement moulante. Chaque fois que je la portais, ma mère me disait que mon corps était fait pour celle-ci. Cela ne la provoquait pas du tout, elle l'adorait. Je me penchai vers le sol pour attraper mes talons hauts, noirs eux aussi. Ils traînaient au fond, perdus avec un tas d'autres souliers. Je les enfilaient. Un petit sentiment désagréable ce fit sentir, sûrement dû au fait que cela remontait à plus d'une éternité que je n'avais pas mis ce genre de chaussure. Mais j'aimais ça. Je me sentais plus forte. D'ailleurs, c'est bien ce que j'avais besoin aujourd'hui. Je pu enfin descendre, tranquillement cette fois-ci pour retrouver ma cousine et ma tante qui étaient quant à elles déjà prêtes, attendant sur le bord de la porte avec les clés.

- Enfin, lança Marianne.

- Oh, Marianne, puis-je au moins prendre le temps que je veux pour me préparer en raison des funérailles de ma mère?

- Calme, calme, seigneur! Répliqua-t-elle.

- Les filles! Intervint Isabelle.

Marianne soupira en direction de sa mère. Je ne savais pas ce qui lui prenait à celle-là.

*

Je suis là, gelée dans le temps et l'espace. Tout le monde bougent autour de moi, ils s'agitent et parlent. Je sais bien que c'est n'est pas contre ma mère, je pense même qu'elle aurait préféré que ses funérailles se déroulent dans une ambiance positive. Mais moi je ne peux pas l'être. C'est impossible. Je suis la seule fille de ma mère, donc la seule qui ressent cette douleur si spéciale.

Je regardai la lignée qui suivaient le cercueil de ma défunte mère. En premier, vers la droite, se tient Isabelle. C'est la plus vieille de nous toute. Ensuite vient Linda, l'autre sœur, cadette de deux ans. Je suis la dernière, puisque ma cousine se promène entre les groupes de gens qui entrent et sortent. D'ailleurs, j'aperçois deux autre de mes cousines, les filles de Linda, mais je ne leur ait pas encore adressé la parole. Simplement car je suis plantée là en me disant que cette ligne est incorrecte. Isabelle n'est pas la plus vieille. La plus vieille personne de cette famille, c'est mon père. Autrement dit, un salaud qui doit absolument ignorer que son ex-femme est décédée. Cela me lève le coeur, j'ai de la difficulté à ne faire qu'un court mouvement. J'apprécie le fait de revoir des gens que je n'ai pas vu depuis des lustres, mais lui, il manque à l'appel. La chose, c'est que je ne suis pas encore décidée je me réjouis ou me fâche de son absence.

Je me mets sur un pied, puis sur un autre. Des gens que je connais viennent me souhaiter leurs sympathies. Ils sont sincères, mais cela ne m'empêche pas de leur adresser un demi-sourire. Je vois très bien qu'Isabelle et Linda se posent des questions, et voudraient que j'essaie d'avoir l'air un minimum à l'aise.

J'en veux à mon père. Je lui en veux depuis toujours. Mais en majeure partie depuis mes trois ans, l'âge où le verdict fut prononcé. Je ne comprenais rien, j'étais haute comme trois pommes, ce ne fut que quelques années plus tard que je réalisai ce qu'il faisait vraiment, la souffrance qu'il propageait à ces pauvres enfants.

Mon père était entraîneur au soccer. C'était un sport qu'il pratiquait depuis ses cinq ans. Il avait étudié là dedans, et parallèlement pratiqué ce sport tout au long de ses études, bien sûr. Il n'avait pas l'air à faire fureur comme coach, mais je me disais que ça se pouvait, les jeunes avaient le droit d'aimer qui ils voulaient.

Un certain jour, un joueur révéla au monde entier la vérité. Il devait avoir maximum douze ans, je n'imagine pas la pression qu'il portait sur lui. Il raconta cela à sa mère, qui reprit ses propos devant la police. Cela fut comme suit :

« Mon entraîneur... mon entraîneur... il fait des choses pas bien. Des choses interdites aux p'tits garçons. Dont moi. Il m'a passé moi aussi, après une pratique. Il m'a entraîné dans le vestiaire, puis voilà, c'est arrivé. Hum... je suis désolé, je ne sais même pas pourquoi je raconte ça...»

Aussi simple que ça. Un jeune garçon qui a balancé ça à ses parents. Ça l'a fait le tour de la population. La police s'en est mêlée en un claquement de doigt, et les preuves furent montées. Pleins d'autres jeunes révélèrent à leur tour ce que mon père leur forçait à faire. Il leur garantissait d'énormes choses en échange d'une pipe ou pire. Mon père fut arrêté le 18 novembre suivant, la date qui changea la vie de ma mère.

Ma mère fut incroyablement forte de traverser cette épreuve. Mon putain de père étant en prison pour viol envers des mineurs, et tous savent que cela me dégoûte de le dire, elle dû m'élever seule. Elle ne m'expliqua pas où était mon paternel. Elle fut parfaite. Moi, tout ce que je trouvai à faire, c'était de le détester jusqu'à la fin de mes jours.

Je déteste tous ces putains de violeurs.

Mais surtout lui. Il ne méritait pas ma mère. Encore moins d'avoir un enfant. Jamais je ne veux le revoir. Qu'il crève cet enfoiré.

- Élé?

Je me retournai pour voir une amie de Marianne que j'ai connu étant plus jeune.

- Oh, bonjour.

- Non, non, c'est à moi de parler. Mes sympathies, ma belle. Je suis extrêmement désolée.

- Ça va. Merci beaucoup.

Puis elle se retira. J'avais fini de penser à mon père et voilà qu'une pensée aussi terrible s'empara de mon cerveau.

Je regardai ma mère, couchée dans son cercueil. Je fus paisible un court instant, puis je reçu littéralement une claque au visage. Je ne sais aucunement qui s'occupait de mettre la musique mais là, on venait de toucher un point sensible.
Une mélodie, aussi lente et aussi triste se fit retentir. Elle me chamboula et me fit retourner quelques mois plus tôt. Elle ressemblait, mais certainement pas au niveau des paroles, à cette chanson. Celle qui me perturba, qui me trotta en tête pendant tout ce temps. Elle était si frappante, elle marqua un temps.

Cette chanson, ou plutôt celle qu'Amy me chuchota à l'oreille quand je dû la quitter.

Million Dollar Man.

Je ne la connaissais pas auparavant, mais maintenant je la connais bien trop. Plus que tout.

Je sais que cette relation devait bien se terminer un jour, mais cela ne m'empêche pas d'être nostalgique. C'était quelque chose de puissant, de magique. Mon coeur se serre seulement à ces souvenirs. Toute bonne chose à une fin, je ne peux donc pas m'en plaindre. Mais j'aurais assurément préféré garder cette jeune femme près de moi.

Sauf qu'à partir d'aujourd'hui, je dois laisser cette histoire derrière moi. Elle ne reviendra pas. C'est fini. Je dois apprendre à vivre sans elle. Ce n'est pas pour autant que je pus m'arrêter de réfléchir, d'y repenser. Cette foutue mélodie ne faisait que me ramener en arrière.

Ce jour-là, j'avais demandé à Amy de venir me voir dans ma classe pendant l'heure du dîner. Je l'a connaissais à peine à cette époque, et elle semblait très mal à l'aise avec moi. Je l'étais aussi, elle me faisais sentir différente, comme personne ne l'avait jamais fait. Je marchai dans le corridor, clés à la main. Je la vis flâner avec une autre fille que je ne connaissais pas. Elle semblait perturbée. Je la regarda. J'ouvrai la porte, mais elle ne m'avais pas suivi. Quelques minutes plus tard, elle entra avec son téléphone à la main et sa trousse dans l'autre.

- Bonjour, lui dis-je, souriante.

J'étais assise sur un petit tabouret. Elle s'approcha et déposa sa trousse sur le coin de la table qui se trouvai devant moi. Elle plaça son téléphone dans la poche arrière de son jean. Elle paraissait extrêmement nerveuse.

- Hum, allô...

Je souris une fois de plus. Elle regarda l'horloge. Je me demandai ce que j'avais fais de mal, pourquoi voulait-elle tant m'éviter. Elle se pencha ensuite, les coudes sur la table. Cela mis son décolleté à découvert. J'y portais un regard. J'étais captivée par elle pour une raison que j'ignorais. Ses ongles résonnèrent sur la table noire. Des milliers de questions me traversèrent l'esprit. C'était la première fois que je me retrouvai seule avec elle. Je l'avais appelé pour qu'elle termine un travail et je voulais aussi regarder quelques petites choses avec elle. Les documents se trouvaient dans une grande armoire grise, accotée un mur.

- Oh, Amy, les documents sont là-bas, tu peux aller les chercher.

- D'accord, me répondit-elle.

Elle essaya d'ouvrir une des deux portes, mais aucun résultat se fit. Elle forçait assez fort. Elle était mignonne. Je laissai échapper un petit rire et je n'aurais effectivement pas dû. Elle se retourna, comme si je venais de lui balancer une insulte.

- C'est l'autre porte, Amy, rigolai-je.

- Ah okay. Peut-être que ça irait mieux, n'est-ce pas? Me sourit-elle.

Elle sortit finalement les documents et les apporta jusqu'à moi. Je pris un élastique brun, ceux qui font extrêmement mal, pour attacher un autre paquet de feuilles pendant qu'Amy était occupée par son travail. Elle se retourna vers moi et vis que j'avais de la difficulté.

- T'sais, je n'ai plus tellement de dextérité, lui dis-je en montrant mes faux ongles.

Elle rigola. Ce n'était pas supposé être drôle. Mais je m'en foutais, elle était magnifique.

Ouhloulou flashback Elamy 😻 Malheureusement, on ne parlera plus d'Amy pour quelques chapitres 😭 Sinon, j'espère que vous avez fait des liens entre le père d'Éléonore et le frère d'Amy 😌 Long chapitre, wahou 🎉 N'hésitez pas à me laisser un p'tit vote ou votre avis, c'est toujours motivation et ça me fait extrêmement plaisir ! Bonne journée à tous 💝

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