Lettre (version originale)
Je ne suis qu'une existence sans consistance. Un amas de sentiments ardents qui ne veulent pas s'éteindre, peu importe à quel point je tente de les étouffer. Je ne suis que les réminescences d'un rêve, n'ayant vécu qu'une nuit sans vraiment avoir vécu. Je suis tristesse, culpabilité, désespoir, honte, angoisse et crainte.
Je suis regrets et remords.
Mon histoire, tout comme moi-même, n'a jamais eut lieu ailleurs que dans la fraction de seconde d'un songe lors d'un soir de tempête. Rien n'était réel, et tout comme un mirage qui se délite je finirai bien par diparaitre. Pourtant, les émotions assaillent et tourmentent l'être qui n'est pas que je suis... Elles refusent de lacher prise, s'accrochent si fort à mon coeur damné, me faisant perpétuellement hurler et pleurer. Qu'il en soit ainsi, je refuse de lacher prise aussi ! J'hurlerais et je pleurerais mes mots en deversant l'encre sur le papier. Je vais m'accrocher férocement à ce crayon dans cette main qui n'est pas tout à fait la mienne. Mon histoire, ma vie qui n'en n'est pas une, ne sont qu'un songe angoissant qui persiste un peu trop après l'heure du réveil...
Je n'existe pas, rien ne s'est produit. Quand bien même ! Quand bien même je coucherai sur le papier l'encre de mes déboires, ma tristesse, mon désespoir, mon angoisse et ma crainte.
J'étalerais ces remords et ces regrets sans substances.
Mon histoire débute ainsi, illuminer par la lumière blafarde d'un lampadaire. Il faisait nuit, l'air froid mordait le bout de mes doigts et de mes oreilles. Le claquement léger de mes dents résonnait dans le silence de l'obscurité. Mon souffle s'exhalait en nuages blancs devant la porte close. Tout était paisible.
La culpabilité ne cessera jamais de coller à mes semelles et à ma peau comme une sueur désagréable. Dès l'instant où j'ai franchit cette porte, je suis tombé dans un abime dont on ne ressort pas. Un de ceux qui ne tue pas mais qui fait mourir lentement, qui se creuse une place dans une poitrine et l'alourdit considérablement. Et on se retrouve à devoir traîner ce fardeau devenu notre corps jusqu'à la fin des temps.
Remords.
L'histoire continue, le lampadaire clignota. J'ai ouvert la porte, cette boîte de Pandore à la peinture écaillée. Elle n'était pas verrouillée, frémissant d'une impatience cruelle à l'idée qu'on l'ouvre. Mes doigts gourds et fébriles avaient eut bien des difficultés à chercher mon trousseau de clefs au fond des poches de mon manteau. Mais elle n'était pas verrouillé. Alors j'avais abandonné mes recherches.
En y repensant, peut-être que j'aurai préféré que ce verrou remplisse son rôle de verrouillage. Ou peut-être pas.
La clef qui s'insère dans le trou de la serrure, qui tourne lentement, doucereusement puis ces bruits métalliques caractéristiques, ce claquement sec. Du temps. Du temps en plus avant de franchir cette porte sans retour, un peu de temps avant que le château de carte fatale ne s'effondre. Mais du temps perdu, du temps qu'il est bien dangereux de dilapider. Car la perte serait nettement plus importante que quelques secondes d'ignorance. Mais la peur insidieuse continue de susurrer dans mes entrailles des paroles mielleuses.
« Quelques secondes de plus, la douceur d'un instant encore tranquille, ça aurait été bien.
Ça aurait été bien. »
N'ouvre pas cette porte ! Mais par pitié ouvre la vite... Ouvre ! Mais je t'en supplie encore quelques secondes de répit. S'il te plaît... s'il te plaît. S'IL TE PLAÎT ! Ne m'écoute pas ! Écoute moi ! Mais sans m'écouter, entend moi, ignore moi, devient sourd, comprend moi. Perd moi, perds-toi... Je ne suis pas prêt, je ne suis pas prêt.
Ces sentiments confus ne cessent de s'entremêler dans ma tête formant des noeuds inextricables qui me font perdre la raison comme si je l'avais déjà eu.
Et j'en ris, et j'en pleure.
Mais j'ai déjà ouvert la porte depuis longtemps, je ne fais que regretter et me noyer de remords comme dans un mauvais alcool, je ne fais que m'enivrer de mes regrets. Tout est déjà arrivé sans que jamais rien ne ce soit produit.
Le dilemme de la clef qui tourne mettant en branle la serrure du destin, je ne l'ai pas eu.
J'ai ouvert cette porte de fer peint. Cette porte qui n'est pas l'entrée principale du bâtiment, je l'ai ouverte innocemment, si innocemment. J'ai goûté au froid métallique de la poignet, entendu les quelques grincements, vu la lumière du corridor, sentit la chaleur de l'intérieur piquer ma peau. Je suis resté encore un peu dehors dans la nuit agréable qui ignore. Mais elle est restée prêt du local poubelle, là où l'air était moins nauséabond pendant que je franchissait le seuil.
Le lampadaire s'était éteint.
Remords, remords, remords.
Regret.
Dans la cage de l'escalier le monde a cessé de tourner. De grandes prunelles d'enfant ont saisies mon regard et ne me l'ont plus jamais rendu, me transformant en aveugle qui voit. Il aura suffit de deux iris d'un bleu absolu reflétant tels deux miroirs fous le désespoir total pour me perdre. Me perdre dans ce ciel éclatant éclaté en éclats douloureux qui transpercèrent ma chair. Un ciel éteint dans un regard et des taches violacées constellant un corps.
Je ne puis y songer sans serrer mes poings à m'en faire éclater les phalanges, sans glisser mes doigts entre mes cheveux pour mieux les arracher. Griffant mes épaules dans un vain espoir que la douleur puisse me tirer de l'emprise de ces yeux azurs. Alors je mords ma lèvre et je saigne. Mes dents cognent les unes contre les autres avec hargne à travers la chaire, avec tant de violence qu'elles pourraient bien se casser. Une indignation puissante, insoutenable, me brûle, me consumera encore pour l'éternité. Et c'est contre moi, son jouet pathétique, que cette indignation vive et impérieuse est tournée.
Remords et regrets.
Ils m'étouffent, m'écrasent les poumons, m'enserrent le coeur dans un étau infernal. La bile qui veut à tout prix s'échapper de mon estomac bute contre la boule de culpabilité qui prend toute la place au fond de ma gorge. Et est-ce des larmes enflammées qui forment des cloques le long de mes joues dans un grésillement amer ?
Regrets et remords.
Je regrette à en trouver la souffrance trop douce ! Je regrette à en crever mille fois !
Car j'ai croisé les deux yeux bleus cristallins du désespoir. Ils m'ont renversé et je ne m'en relèverai pas.
Les traces cuisantes sur son corps frêle, ces coups atroces imprimés sauvagement sur sa chaire blafarde. Et le goût imonde de la détresse qui assécha ma bouche. L'enfant qui se tenait devant moi, ne sera bientôt qu'une coquille vide au regard d'un ciel qu'il aura tôt fait de rejoindre. Du sang écaillé par là, de l'hémoglobine qui s'échappe toujours ici. Des marques rouges épaisses le long de son cou fin. Strangulation. Les cercles de bleu, de violet et de jaune le long de ses bras. Les griffures laissant des traînées de sang sec partout sur son dos. Son esprit blessé encore plus que ses côtes fracturées. Et le nom que l'homme responsable de tout s'octroyait.
« Papa »
Le nom d'un monstre abominable dont les mains invisibles continuées d'étreindre la gorge de son fils.
Mon estomac se souleva et j'ignore par quel artifice je n'avais pas vomi. L'enfant en miette au milieu des immondices, perdu au pied des marches d'un escalier secondaire. Dans le froid sous la lumière si crue qu'elle en était douloureuse de l'ampoule au plafond. La racine de mes cheveux se redressa fort, prête à me laissé chauve à tout instant pour mieux fuir, tout comme mes poils se hérissèrent. Mon estomac se souleva entraînement avec lui le moindre de mes organes internes.
Mon estomac se souleva de peur. D'une peur qui me prit aux tripes, les extirpa mètres par mètres et me les arracha pour les jeter sur le sol poussiéreux. Qui s'agrippa fort à ma moelle comme on s'agripperai a une bouée de sauvetage. Une peur intense qui me tira vers le bas, alourdissait mes jambes et me cloua les pieds contre le carrelage, qui, j'en suis sûre, était plus glacial encore que la mort. Je le sais car l'enfant était pieds nus.
J'ai peur.
Je suis terrorisé à un point inimaginable. Une terreur figeant, oppressante, mon coeur s'emballe, mes poumons, mes poumons... donnez moi de l'oxygène ! Je suffoque, j'ai peur, j'ai peur.
Maman au secours ! Papa à l'aide !
« Papa »
C'est lui le cruel responsable.
C'est de lui dont j'ai peur.
Tout mon organisme, jusque dans mes cellules, l'a très bien compris.
Il a très bien compris le danger ahurissant, inevitable, inéluctable, immense et etouffant. Le danger invincible que j'encourais moi-même si je me preocupais de cet enfant. Le péril qu'il subirait aussi.
Regrets, remords. Remords, remords,remords.
Finalement, j'aurais préféré mourir. Mais je ne voulais pas souffrir.
À quel point je suis stupide ? Sans doute trop.
À quel point encore les regrets peuvent me torturer ? Sans doute pas assez.
Ce n'est pas assez, même la damnation ne suffirait pas à alléger la lourdeur de mon crime.
Mon coeur remplacé par une pomme pourrie, j'ai monté les marches de l'escalier en piétinant l'âme cassée de cet enfant. Et les vers qui grouillaient dans la pomme ont envahit mes veines.
J'ai claqué la porte en fer depuis le haut des escaliers. Je ne me suis même pas retournée.
J'ai tant de choses à rajouter. Mais que rajouter de plus après cet aveux affreux ?
Je l'ai laissé, je l'ai abandonné, je l'ai achevé.
Je l'ai tué.
Sans un signe d'espoir. Sans une seule petite lumière à mettre dans ses prunelles.
Je ne pouvais pas me retourner, je ne pouvais pas lui donné le moindre réconfort. Je ne pouvais pas l'étreindre dans mes bras. Parce que sinon il allait arriver. Le grand méchant. Je le savais, je le savais. C'est pour ça que j'avais peur. Le moindre mouvement, la moindre sollicitude sur mon visage et s'en était fini de nous. Il serait venu. Il serait venu.
Je ne voulais pas qu'il vienne.
J'avais peur. Peur. Peur. Peur. Alors j'ai marché normalement, j'ai monté marche après marche puis j'ai claqué la porte de mon appartement. Il y a trop de portes et de marches dans cet immeuble. Je me suis enfermée à double tour. Je me suis rué sur mon téléphone. Pour prévenir la police. Parce que si j'étais resté en bas, il serait forcément arrivé et personne n'aurait été sauvé. Parce qu'en feignant l'indifférence je pouvais rentrer chez moi, prendre mon téléphone et le sauver.
Mais c'était déjà trop tard...
Ma fenêtre d'action s'était évaporée. Ma fraction de temps d'existence s'était conclue sans conclusion. Et je n'avais rien fait d'autre qu'abandonner lâchement un être à son sort.
Je n'existe pas.
Cet enfant non plus.
Je n'ai littéralement rien fait.
Peu importe mes choix, ils n'auraient aucune réelle conséquence.
Mais je regrette cette étreinte perdue.
Mais si c'était pour tout se termine avant la conclusion alors j'aurais préféré l'enserrer dans mes bras jusqu'au dernier moment !
Je regrette, je regrette, je regrette, je regrette.
J'ai tant de remords.
Tant de remords.
Alors que...
Je ne suis rien.
Et pourtant je demeure quelque chose malgré tout.
Je suis tout un entassement de sentiments qui dégouline, qui suinte partout, infiltrant la réalité pour partager sa médiocrité dérangeante. Qui empeste l'atmosphère et qui s'accapare d'une main un soir. Et qui commet l'odieux affront de se donner un semblant d'existence. Pour coucher sur le papier tout le dégoût de mes vices. Pour vomir ces sentiments puants, m'accordant durant quelques lignes une importance sacrilège.J'ai perdu la raison, je n'ai jamais eu de raison ni raison d'ailleurs ! Je couche des mots sur le papier sans raison et pour beaucoup trop de raisons à la fois !
Je suis remords et regrets.
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