Lettre
Les désillusions d'un cœur trop tourmenté
Et la plume tenue fort par des doigts fictifs,
Traçent avec l'encre des propos dégoûtants.
Je suis je, un je-ne-sais-quoi de pitoyable, un jeu de jolis, gênants, cinglants, affolants, affligeants sentiments. Un jeunot ou bien un vieillot jacassant des inepties. Psy qui pourrait m'extraire de la cervelle dont je suis le rejeton. Jeton sans face, j'empile le risible. Je monte le ton et je me jette la pierre, pas plus tard qu'hier, en soufflant une prière. Je suis je. Jeu de maux. Jeu avec la mort.
Je mords. Vous êtes prévenus.
J'imagine ce que j'aurais pu faire et je me lamente de ce que je n'ai pas fait. Comme un pauvre petit lamantin échoué. Échec et maths ! Mon compte est bon, mon ticket pour l'enfer est poinçonné, mon âme ponctionnée par la douleur. À la bonne heure ! Toujours à la bonne heure puisque cette souffrance franchement francophone est permanente.
Je ne suis qu'un étant, sans consistance. Bon à lancer dans un étang, plus utile à servir de subsistance à la poiscaille. Ça caille pas dans mes tréfonds: je m'incinère des boyaux au bout des nerfs ! Je suis un feu qui couve mais qui ferait des omelettes avec ses œufs, un amas de sentiments ardents âcres sous la dent, qui exhalent des fumées infamantes. On pourrait cuire à l'étouffer un bœuf suffoqué avec ces flammes métaphoriques fumantes. Il aurait bien meilleur fumet.
Je ne suis que les réminiscences de méninges se servants d'une rémige pour raconter l'essence de mon aberrance, m'sieur l'abbé. N'ayant vécu qu'une nuit sans vraiment avoir de cul, je me confesse. Je suis ces braises qui brûle le coeur, je suis cette chaleur fiévreuse qui s'attaque à la raison, une gangrène bouillante qui pourrie l'intérieur des pensées. Un bocage infernal autour du bocal des pensées en pleine floraison. Coule à flot, la raison.
Je suis tristesse, culpabilité, désespoir, honte, angoisse et crainte. Et la folie qui les lies.
Je suis regrets et remords.
Mon histoire hystérique n'a jamais eu lieu ailleurs que dans la fracture de seconde d'un songe. Un soir, une nuit, cette nuit. La mienne. Qu'à cela je tienne ! Et ce rêve si court a suffit pour que je m'accroche, tel l'alpiniste à sa roche, pour que je me fraye entre quelques circonvolutions d'un cerveau et que j'y devienne la Créature instillant son venin. Comme le nain de jardin dans un jardin, tapi -ou paillasson- dans mon élément. Rien des évènements imaginaires qui m'ont fait naître n'était réel... Et tout comme le songe se délite hors du lit en hêtre, je finirai par disparaître. Cesser d'être. L'heure du réveille tarde mais elle surviendra. Entre les draps froissés, croisons les doigts.
Pourtant, les émotions saillent, assaillent et tourmentent, encore l'être qui né pas que je suis, coincé dans cette tourbe. Mélasse dégoûtante d'émotions en motion dans un cœur en émulsion.
Elles refusent de lâcher prise, telles la prise de l'accordéoniste, et de leurs doigts qui pianotent il n'y a pas à dire elles jouent de moi . Elles s'agrippent si fort à mon coeur damné, me faisant perpétuellement gémir et vomir. Et grandir et rétrécir l'estomac, comme l'accordéon rance. Qu'il en soit ainsi, je refuse de lacher prise aussi ! Je gémirais et vomirais mes mots en deversant l'encre sur le papier. Je vais m'accrocher plus fort que le C'ptain crochet, férocement à cette plume dans cette main qui n'est pas tout à fait la mienne. La rémige arrachée à l'oiseau privé de cieux et l'encre noire extraite d'une seiche exsangue serviront à retranscrire ce passé terrible.
Mon histoire, ma vie vide avide d'oubli qui n'en n'est pas une, de vie, n'a pas de sens... Ma vie n'est qu'un songe qui ronge, angoissant, contraignant, abrutissant. Abrupte, butée, brutale, elle forme la pâte brisée de mon identité. Je ne suis qu'un amant d'une nuit trop polygame pour m'accorder de l'importance, je suis un mensonge qui persiste un peu trop après l'heure du réveil... Un mauvais coup du soir.
Je me sens écrasé par la colère et cette haine qui colle à mon haleine. Et cette rage qui mousse entre mes dents pourries.
C'est comme si des ongles sales s'amusaient à gratter la surface de mon coeur.
Scrash. Scrash. Scratch.
Et je m'entends hurler à moi-même, ce moi qui n'est pas je. Je m'entends crier d'une voix croissante dans des crissements
aigüe abasourdissants.
Je n'existe pas, rien ne s'est produit. Il ne devrait donc pas y avoir de produit de consommation. Pourtant, sans sommation, les passions m'assassinent ! Ces sentiments sont dépourvus d'interêt et de sens ! Quand bien m'aime! Quand bien même je coucherai sur le papier l'encre de mes déboires, ma tristesse, mon désespoir, ma honte, mon angoisse et ma crainte. Et la folie qui les lies.
J'étalerais ces remords et ces regrets sans substances.
mon conte de faits, mon histoire débute ainsi : Froidement illuminée par la lumière blafarde d'un lampadaire bancale. Le vent sifflotant soufflait des avertissements dans le creux de mes oreilles gelées. Il faisait nuit sous la voûte étoilée, l'air froid mordait le bout de mes doigts gourds. Je les gardais le plus possible bien au chaud, fourrés dans les poches de mon manteau. Le claquement léger de mes dents blanches comme la neige à mes pieds résonnait dans le silence de l'obscurité. Mon souffle s'exhalait en nuages d'humidité devant la porte close. Tout était paisible. Tout paraissait passible. Passablement paisible. Mais a bien y penser, le monde tournait trop calmement cette soirée.
Plic, ploc.
Oh, laissez-moi essuyer ces quelques gouttes de vomi qui m'ont coulés des yeux.
Larmes, vous dites ? Il est vrai qu'elles me blessent comme une arme.
Où ai-je mis mon torchon ? ...Suis-je bête ! Je suis en train de l'écrire.
La culpabilité et sa bile pleine de viscosité ne cesseront jamais de coller à mes semelles et à ma peau comme une sueur désagréable. Dès l'instant où j'ai franchit cette porte, je suis tombé dans un abime dont on ne ressort pas. Ah ! Bim ! Je suis tombé dans le gouffre aux relents de soufre. Et je souffre dans ce trou. Un de ceux qui ne tue pas mais qui abîme et fait mourir lentement, qui se creuse une place dans une poitrine et l'alourdit considérablement. Et on se retrouve à devoir traîner ce boulet devenu notre corps jusqu'à la fin des temps. Vivre alors devient pénible puisque tout s'attaque au sensible.
Remords.
Ma maladive chronique, mon histoire continue. La lumière blafarde du lampadaire vacilla tandis que j'allais cillant de mes longs cils saupoudrés de poudreuse. La lumière elle aussi semblait vouloir m'avertir. J'ai ouvert la porte, cette boîte de Pandore à la peinture écaillée. Elle n'était pas verrouillée, j'ai longtemps songeait qu'elle avait frémit d'une impatience cruelle, mais ce n'était qu'une porte. Tout comme le vent et le lampadaire n'étaient que le vent et le lampadaire. Il n'y avait pas plus de signification aux frasques des bourrasques qu'aux clignotements amples de la lampe, seulement ressasser le passé me fait voir partout des interprétations. Quelle tentation de chercher le destin inéluctable pour mieux justifier le choix de s'être laissé choir. La folie fait chercher dans la contingence une myriade de significations fantômes. C'est une quête infructueuse : La porte qui n'était qu'un objet inanimé, -quoique en dise mon obsession anémiée- n'était pas verrouillée.
Mes doigts gourds et fébriles avaient eut bien des difficultés à chercher mon trousseau de clefs au fond des poches de mon manteau. Mais elle n'était pas verrouillé, je l'avais réalisé sans même poser la main sur la poignée. Ce n'était pas une intuition mais une connaissance soudaine de l'évidence des règles du monde. Le monde entier tourne calmement, (calme-ment, ah ! J'avais bien dit qu'il y a des signes partout, mais non pas les animaux...) un lampadaire diffuse une lumière blafarde, il fait froid et la porte n'est pas verrouillée. Ce sont des vérités desquelles je ne peux douter. Tout les détails disparaissent dans l'incertitude laissant place à une scène des plus épurées. La façon dont je crispais mes doigts, l'aspect du lampadaire, la direction du vent ou le nom de la rue relèvent davantage de la conjecture pure. Je peux imaginer que le vent soufflait de l'Est, mais la vérité est qu'il soufflait, pas davantage. Quant à moi, je suis à l'ouest !
Pas besoin de clefs, en consequent j'avais abandonné mes recherches.
En y repensant, peut-être que j'aurais préféré que ce verrou remplisse son rôle de verrouillage. Oyez, oh yeah vive les verrous rouillés, verrou-verrouillés ! Que dis-je « peut-être » ? Dans la moitié de l'infinité de scénarios alternatifs que j'ai créé, j'espérais indéniablement qu'il y ai un verrou fermé.
Ou peut-être pas.
Dans l'autre moitié de ces spéculations infinies je me félicite de l'absence de verrou.
Mais j'y pense. j'y panse ma mémoire trouée, j'y pense avec précision. A ce qui aurait pu être.
Il ferait sombre alors je me m'y reprendrais plusieurs fois avant de réussir à placer la clef dans la serrure. La morsure du froid ne n'aurait pas aidé à faire preuve de dextérité. Le trousseau me serait glissé des mains, et rendu raide par le froid, j'aurais eut l'air un peu ridicule en le ramassant. L'échec m'ayant rendu impatient mais l'embarras m'ayant réchauffé les joues, j'aurais fébrilement insérer la clef dans le mécanisme.
La clef qui s'insère dans le trou de la serrure qui susurre, qui tourne lentement, doucereusement, puis ces bruits métalliques caractéristiques, ce claquement sec. Clac. Oups, mauvais sens. Quelle maladresse. J'aurais ri à voix basse. Clac. C'est bon, c'est ouvert.
Du temps.
Du temps en plus avant de franchir cette porte sans retour, un peu de temps avant que le château de carte fatale ne s'effondre. Mais du temps perdu, du temps qu'il est bien dangereux de dilapider. Je préfère me faire lapider. Car la perte serait nettement plus importante que quelques secondes d'ignorance. Mais la peur insidieuse continue de susurrer dans mes entrailles des paroles mielleuses.
« Quelques secondes de plus, la douceur d'un instant encore tranquille, ça aurait été bien.
Ça aurait été bien. »
Ça aurait été bain de sang, oui !
Et à m'imaginer tout les possibles qui aurait pu être j'entends, tout les moi, les voix des millions de moi, moins existants encore que moi, qui me supplient. Qui au supplice me supplient.
N'ouvre pas cette porte ! Hurle l'un. Mais par pitié ouvre la vite... murmure l'autre. Ouvre ! S'énerve un troisième. Mais je t'en supplie encore quelques secondes de répit. S'il te plaît... s'il te plaît. S'IL TE PLAÎT ! pleure encore un autre. Et le reste des voix se superposent. Ne m'écoute pas ! Écoute moi ! Mais sans m'écouter, entend moi, ignore moi, devient sourd, fuit ton devoir, mais reste pour ta responsabilité, comprend moi. Comprend ma crainte. Elle n'est pas feinte ! Je ne suis pas prêt, je ne suis pas prêt. Je veux être dans un près. Pas ici, pas maintenant. Je n'ai pas le temps d'être prêt.
Ces sentiments confus ne cessent de s'entremêler dans ma tête formant des noeuds inextricables qui me font perdre la raison comme si je l'avais déjà eu. Et fou, je me fais des œufs au front en le fracassant contre un mur fictif.
Les couches se superposent aux couches alors que je suis trop grand pour en porter. Ce qui a était fait, ce qui aurait dû être fait, ce que je voulais qu'il soit fait. Les couches se superposent aux couches. Et l'histoire initiale se perd dans les possibles de ses copies. Un best-seller peut-être...
Mais j'ai déjà ouvert la porte depuis longtemps, je ne fais que regretter et me noyer de remords comme dans un mauvais alcool, je ne fais que m'enivrer des baies liquoreuses de mes regrets. Je suis saoul de ma mémoire et de ses cocktails de souvenirs à base de kir. Tout est déjà arrivé sans que jamais rien ne ce soit produit. Grandiose cirrhose qu'est l'imagination ! Et le labyrinthe des scénarios alternatifs ne demande qu'à être noyé par un véritable alcoolisme. Le coma éthylique est le meilleur des oublis.
Mais non ! Je suis sobre. Ni dans ma tenue ou mes propos impropres mais mon sang l'est au moins, je me souviens nettement !
Le dilemme de la clef qui tourne mettant en branle la serrure du destin, je ne l'ai pas eu.
J'ai ouvert cette porte de fer peint. Cette porte qui n'est pas l'entrée principale du bâtiment, je l'ai ouverte innocemment, si innocemment. Un pied sur le lino, l'autre sur le ciment... Ah, dans mes yeux brillait déjà la promesse d'un chocolat chaud ! J'ai goûté au froid métallique de la poignet, entendu les quelques grincements, vu la lumière du corridor, sentit la chaleur de l'intérieur piquer ma peau. Je suis resté encore un peu dehors dans l'agrégat d'étoiles agréables qui ignorent. Mais la Lune est restée près du local poubelle, là où l'air était moins nauséabond, pendant que je franchissait le seuil d'un bond.
Le lampadaire s'était éteint.
Remords, remords, remords.
Je vais finir par me mordre.
Regret.
Bon gré, mal gré, je vais me suicider !
Je devrais faire de la chanson.
Comment raconter l'horreur de ce que j'ai vécu ? Comment le raconter pour que cela ne semble pas insignifiant. Le contenu d'un rêve n'a pas grand effet sur celui qui reste éveillé. Plongez dans le sommeil avec moi, dans les miasmes obscurs du cauchemar. Prenez ma peau dépecée tout comme j'ai pris celle d'un autre et soyez frappé de l'horreur que j'ai vécu ! Que ce qui n'existe pas vous hante ne serait-ce qu'un instant. Peut-être que cela apaisera la solitude des soliloques de ma souffrance...
Dans la cage de l'escalier le monde a cessé de tourner. Les rouages se sont arrêtés mais la mécanique fatale a continué. Les ignorants ne peuvent se soustraire à la finalité. Si j'avais été lucide, et bien je serais devenu le monde et alors dans mon objectivation j'aurais détourné la mécanique sordide. Certains disent que l'ignorance est un confort, c'est vrai. Néanmoins, je ne voudrais pas oublier pour me débarrasser de tout mes remords et mes regrets. Ce que je connais je ne veux plus le perdre car je pense que je me sentirais lâche. Réaliser qu'une chose est, voila qui est tout bonnement terrifiant. C'est absolu. Il n'y a pas de retour en arrière.
J'ai réalisé que le monde tournait autour d'un être figé. Et que s'il s'était arrêté soudainement, c'est parce que l'être aussi s'était arrêté. Arrêté de tout. De vivre. Arrêter de vouloir vivre et arrêter de vivre, n'était-ce pas après tout terriblement similaire ? Il n'avait cependant jamais arrêté de regarder. Garder un regard qui fixe sans crier gare, qui décortique sans égards.
Scruter partout. De ses grands yeux comme des puits il fixait l'au-delà. Il transperçait du regard la matière, en décortiquait le superflu pour en mettre a nue l'essence. Trancher l'apparence de la vie, cet appât rance lancé par la Mort. L'Ankou pêche des pêcheurs à ses heures perdues. Derrière l'illusion d'être en vie, il voyait bien la Mort omni-pressente qui guide chacun de nos pas vers le trépas.
Il m'a regardé comme-ci j'étais mort. J'étais devenu un cadavre ambulant, tout froid et rigide. Il voyait peut-être même les derniers gaz s'expulser de mon corps raide. Dans ses yeux j'avais commencé à pourrir... Je dû me retenir de gratter l'épiderme pour voir si j'avais des asticots sous la peau. Et j'eus soudain la sensation de me retrouver dans mon cercueil, six pieds sous le lampadaire. Les bras croisés sur le torse avec solennité et les paupières collées grâce au bon travail d'un thanatopracteur. Les deux globes oculaires du gamin lui serait tombés dans la bouche pour qu'ils puissent dire « Toute mes condoléances. » à ma famille éplorée, et l'on m'aurait enterré. Un jet de pensées sur ma pierre tombale, et l'enterrement était plié.
J'avais réprimé un frisson. La chaire de poule s'était imprimée sur mes membres.
Il n'y avait plus rien de vivant dans cet enfant, sinon ses yeux et quelques nerfs, parce qu'il fallait bien qu'il souffre. Sinon ce ne serait pas suffisant horrible.
De grandes prunelles d'enfant ont saisies mon regard et me l'ont plus jamais rendu.
Un voyant atteint de cécité versa une larme.
Ma vue s'offrît à lui comme pour se faire pardonner.
Il aura suffit de deux iris d'un bleu absolu. Qui reflétaient, tels deux miroirs fous, le désespoir total pour me perdre.
Me perdre dans ce ciel éclatant éclaté en éclats douloureux qui éclatèrent ma chair écarlate.
Un ciel éteint dans un regard et des taches violacées constellant un corps.
Nuages contusionnés.
Je ne puis y songer sans serrer mes poings à m'en faire exploser les phalanges, sans glisser mes doigts entre mes cheveux graisseux pour mieux les arracher. Et faire tomber avec eux d'innombrables poux gorgés de culpabilité. Griffant mes épaules dans un vain espoir que la douleur puisse me tirer de l'emprise de ces yeux azurs, je reproduis la moindre de ses cicatrices. Et débordant de remords, je mords ma lèvre inférieur et je saigne. Un liquide épais, presque noir. Mes dents cognent les unes contre les autres avec hargne à travers la chaire, avec tant de violence qu'elles pourraient bien se casser. Une indignation puissante, insoutenable, me brûle, me consumera encore pour l'éternité. Et c'est contre moi, son jouet pathétique, que cette indignation vive et impérieuse est tournée.
Remords
Et regrets.
Je pourrais les tracer à la craie,
Ou me les graver au corps.
Ils m'étouffent, écrasent mes poumons pleins de crasse, m'enserrent le coeur dans un étau infernal. La bile qui veut à tout prix s'échapper de mon estomac bute contre la boule de culpabilité qui prend toute la place au fond de ma gorge. Et est-ce des larmes enflammées qui forment des cloques le long de mes joues, dans un grésillement amer ?
Une bouteille à la mer.
Regrets et remords.
Échoués sur une page.
Je regrette à en trouver la souffrance trop douce ! Je regrette à en crever mille fois si ça ne fait pas trop mal !
Car j'ai croisé les deux yeux bleus cristallins du désespoir. Leur feu était rouge lorsqu'ils m'ont renversé et je ne m'en relèverai pas.
Les traces cuisantes sur son corps frêle, ces coups atroces imprimés sauvagement sur sa chaire blafarde. Et le goût imonde de la détresse qui assécha ma bouche. L'enfant qui se tenait devant moi, ne sera bientôt qu'une coquille vide au regard d'un ciel qu'il aura tôt fait de rejoindre. Du sang écaillé par là le transformait en sirène, de l'hémoglobine qui s'échappait toujours ici attirait les vampires. Des marques rouges de doigts épais le long de son cou fin. Etranglement. Les cercles de bleu, de roses et de jaune le long de ses bras. Si ça avait été le moment, j'aurais fait une blague sur le drapeau pan. Les griffures avait laissé des traînées de sang sec partout sur son dos. Son esprit blessé encore plus que ses côtes fracturées... Je m'attendais presque à voir ses intestins surgirent de sa panse éclatée. Et le nom que l'homme responsable de tout s'octroyait.
« Papa »
Le nom d'un monstre abominable dont les mains invisibles continuées d'étreindre la gorge de son fils. Je percevais le millier de ses fils pour en faire un patin pantelant, guignol sanguinolent.
Mon estomac se souleva et j'ignore par quel artifice je n'avais pas vomi. Je discute beaucoup de dégobiller mais pas assez d'excréments. Rassurez-vous mes intestins liquéfiés m'assurent une bonne diarrhée verbale. L'enfant en miette au milieu des immondices, perdu au pied des marches d'un escalier secondaire. Dans le froid glaçant, sous la lumière si crue qu'elle en était douloureuse de l'ampoule au plafond. La racine de mes cheveux se redressa fort, prête à me laissé chauve à tout instant pour mieux fuir, tout comme mes poils se hérissèrent. J'étais semblable à un porc qui pique ! Mon ventre se souleva entraînant avec lui le moindre de mes organes internes. Le pancréas avait entamé une valse avec le foie, l'estomac avait rendez-vous avec mes talons, et les poumons s'accrochaient désespérément aux barreaux de leur cage.
Mon estomac se souleva de peur. Ascenseur. Parti en flèche de mes talons à ma glotte. Se souleva d'une peur qui me prit aux tripes, les extirpa mètres par mètres et me les arracha pour les jeter sur le sol poussiéreux. Et pour pour la forme, avait craché dessus un molars. Peur qui s'agrippa fort à ma moelle comme on s'agripperai a une bouée de sauvetage. Une peur intense qui me tira vers le bas, alourdissait mes jambes et me cloua avec les clous tétaniques qui me tétanisèrent, les pieds contre le carrelage, qui, j'en suis sûre, était plus glacial encore que la mort. Je le sais car l'enfant était pieds nus.
J'ai peur.
Non ! Je ne veux pas entendre les pas de papa qui se déplace pas à pas ! Je ne veux pas qu'il vienne ! Je préfère être jeté aux hyènes !
Je suis terrorisé à un point inimaginable. Une terreur figeant, oppressante, mon coeur s'emballe, il veut se tirer une balle. Mes poumons, mes poumons... ont abandonné leurs fonctions. Mais je respire encore, quel supplice indécis ! C'en est indécent. Donnez moi de l'oxygène ! Que mes gènes soient occis ou bien qu'on cesse de m'asphyxier. Je suffoque. Je suis phoque suant une peur grasse. Mes pensées, ces fleurs en plastique, chantent en chœurs « j'ai peur, j'ai peur ! ».
Maman accourt vite, au secours ! Papa à l'aide !
« Papa »
Non. Pas papa. Et ses pas qui font paf paf paf sur les marches.
C'est lui le cruel responsable. Ce tordu corpulent a tordu le corps suant de sa progéniture. Il serait ravi de me tordre aussi s'il me trouvait. Tout mon organisme, jusque dans mes cellules de crapule, l'a très bien compris. Elles ont exsudés leur cytoplasme pour mieux se recroqueviller.
J'ai fait table rase de la morale car j'ai compris le danger inévitable, inéluctable, inégalable. Ce danger invincible que j'encourais moi-même si je me preocupais de cet enfant. Le péril qu'il subirait aussi, mais, dans mon égocentrisme je dois bien avouer n'avoir penser d'abord qu'à mon propre salut.
« A la revoyure gamin battu ! Essaie de survivre, bisous, bisous. »
Et j'aurais pris la poudre d'escampette.
Et j'aurais filé un mauvais coton mais vaut mieux tricoter que fricoter avec les aiguilles du malheur.
Regrets, remords. Remords, remords,remords.
Finalement, j'aurais préféré mourir. Quitte à être démembré, écorché ou bien immolé.
Ces remords et ces regrets...
Ce n'est pas assez, même la dame de la nation des damnés ne suffirait pas à alléger la lourdeur de mon crime.
Parce que j'avais peur de la confrontation,
J'ai...
Mon coeur remplacé par une pomme pourrie, j'ai monté les marches de l'escalier en piétinant l'âme cassée de cet enfant. Et les vers qui grouillaient dans la pomme ont envahit mes veines.
Marche après marche j'ai arraché l'espoir effiloché auquel il aurait pu se raccrocher.
« Enfin quelqu'un d'autre que mon père. Est-ce qu'il va me frapper ou m'abandonner ?
Je préférerais qu'il frappe.
Qu'il me tue et puis qu'il m'enterre. ... Ou qu'il m'enserre et me sorte de cet enfer.
Oh, il est parti.
Je suis seul. »
J'ai claqué la porte en fer depuis le haut des escaliers. Je ne me suis même pas retourné.
J'ai tant de choses à rajouter. Mais que rajouter de plus après cet aveux affreux ?
Je l'ai laissé, je l'ai abandonné, je l'ai achevé.
Sans un signe d'espoir. Sans une seule petite lumière à mettre dans ses prunelles.
Je ne pouvais pas me retourner, ce serait tourner autour de la potence. Je ne pouvais pas lui donné le moindre réconfort. Je ne pouvais pas l'étreindre dans mes bras. Parce que sinon il allait arriver. Le grand méchant. Je le savais, je le savais. C'est pour ça que j'avais peur. Le moindre mouvement, la moindre sollicitude sur mon visage et s'en était fini de nous. Il serait venu. Il serait venu.
Je ne voulais pas qu'il vienne.
J'avais peur. Peur. Peur. Peur. Alors j'ai tendu une jambe, puis l'autre, et j'ai grimpé les escaliers. D'abord j'ai claqué une porte blanche, enfermant l'enfant dans la cage, puis j'en ai monté d'autres, de marches. J'avais un plan, une idée pour le sauver lui et moi, j'osais à peine la formuler. J'avais peur qu'on puisse lire mes pensées. Enfin j'ai claqué la porte de mon appartement. Il y a trop de portes et de marches dans cet immeuble. Je me suis enfermée à double tour. Je me suis rué sur mon téléphone. Pour prévenir la police. Parce que si j'étais resté en bas, il serait forcément arrivé et personne n'aurait été sauvé. Parce qu'en feignant l'indifférence je pouvais rentrer chez moi, prendre mon téléphone et le sauver.
Mais c'était déjà trop tard...
Le concept de téléphone s'était évaporé.
Pouf ! Il n'existait plus. Téléphone ? Il n'y a plus aucun moyen de communication de ce genre. Voulez-vous écrire une missive à la gendarmerie, très cher ?
Dans ce monde dépourvu de fenêtre, ma fenêtre d'action s'était dissolu. La nuit avait décidé de mettre fin à cette idylle onirique. Ma fraction de temps d'existence s'était conclue sans conclusion pour l'enfant plein de contusions. Et je n'avais rien fait d'autre qu'abandonner lâchement un être à son sort.
Je n'ai littéralement rien fait. C'est de la non-assistance à personne en danger ! Ma vie entière se résume à ce méfait.
Peu importe mes choix, ils n'auraient aucune réelle conséquence.
Mais je regrette cette étreinte perdue.
J'ai envie de faire une crise, de taper du poing comme un gamin privé de sucette.
Si c'était pour tout se termine avant la conclusion alors j'aurais préféré l'enserrer dans mes bras jusqu'au dernier moment !
Je regrette, je regrette, je regrette, je regrette.
J'ai tant de remords.
Encore tant de remords.
Je vis dans tant de remords. Dans un temps de remords. L'éternité de mes regrets.
Alors que...
Je ne suis rien.
Et pourtant je ne meure, je demeure quelque chose malgré tout.
J'ai perdu la raison, dont je n'ai jamais eu la moindre ration, ni jamais eut raison d'ailleurs ! Je couche des mots sur le papier sans raison particulière et pour beaucoup trop de raisons à la fois... Avec autant de raisins on pourrait faire du vin. Qu'avec tout ce qui est vain on fasse du vin et que Dionysos devienne mon Thanatos.
Je suis tout un entassement de sentiments qui dégouline, qui suinte partout, infiltrant la réalité pour partager sa médiocrité dérangeante. Qui empeste l'atmosphère et qui s'accapare d'une main un soir. Et qui commet l'odieux affront de se donner un semblant d'existence. Pour coucher sur le papier tout le dégoût de mes vices. Pour vomir ces sentiments puants, m'accordant durant quelques lignes une importance sacrilège.
Je suis remords et regrets.
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