Hiver 2020.
Hiver 2020.
Un grognement m'échappe alors que je repousse le tiroir pour le fermer. Je laisse la pile dérangée de linge sur le lit et rejoins rapidement le salon.
– Lou, tu as vu ma chemise rouge en satin, celle avec les poches de chaque côté ?
Quand j'arrive dans la pièce, Louis est déjà habillé, prêt avec sa tasse de thé fumante à la main. Il se tourne vers moi, un sourire naît sur ses lèvres et il s'approche pour me faire face. Ses yeux brillent de malice, il pose ses doigts libres sur mon torse nu, et si je n'étais pas aussi en retard, je pourrais lui demander là-maintenant de me déshabiller et de me faire l'amour pour oublier tout ce stress.
– Elle est accrochée dans la salle de bains mon cœur, tu l'as repassé hier soir, tu te souviens ?
Je lève les yeux au ciel en soupirant, le rire de Louis me parvient aux oreilles et il dépose un baiser sur mon menton. Déjà, ses gestes me détendent un minimum. Ça doit faire deux semaines que je suis dans cet état là. Impatient, nerveux, surchargé.
J'ai promis à Louis de l'aider à vider les derniers cartons qui nous restent du déménagement qui a eu lieu à la fin de l'été. Nous sommes le Dix Décembre et je n'y pas encore touché. Mais, je n'ai même pas eu le temps de les ouvrir depuis. Tous mes projets se sont concrétisés, ils ont pris de l'ampleur et ce matin je commence un nouveau chapitre de ma vie. Avec Louis.
– Pourquoi tu es si tendu ? Ça va bien se passer Harry.
– Je veux faire bonne impression.
– Aux clients ? La plupart te connaissent déjà.
– Non, je souris, à mon petit copain.
– Tu crois sérieusement qu'il a besoin de ça pour t'admirer ?
– Je ne sais pas, à lui de me le dire.
C'est à son tour de lever les yeux au ciel, et au mien de me pencher pour embrasser tendrement ses lèvres. Un petit goût de menthe reste sur le bout de ma langue, certainement son thé. Ses mains trouvent mes hanches nues et s'arrêtent au dessus des boutons de mon jean. Il les ferme en continuant le baiser et me souffle que je suis à couper le souffle. Je crois qu'il ne se rend pas compte que lui me vole le mien bien trop souvent.
Même si j'ai maintenant retrouvé ma chemise, il y a un autre stress qui s'ajoute. Celui de ne pas être à la hauteur. Que mon idée ne plaise pas et que tous mes projets sur lesquels je travaille depuis des mois tombent à l'eau. C'est un risque à prendre, mais je suis prêt à le faire tant que Louis me tient la main. Nous arrivons ensemble à la boulangerie, ses doigts ne quittent pas les miens jusqu'à ce qu'il pousse la porte. Ses sœurs nous accueillent, mes parents et grands-parents ont fait le déplacement également.
J'enlace tout le monde et les remercie d'être venu. Nous ouvrons dans moins d'une heure. Tout est fin prêt, j'y veille depuis des semaines. Mais cela ne m'empêche pas d'aller vérifier que chaque chose est à sa place. Je descends les chaises des tables, replace les cartes dessus, puis quelques livres sur les étagères. Louis me rejoint quelques minutes plus tard, un tablier autour de sa taille et son éternel sourire sur les lèvres. Il m'aide, même s'il est sensé préparer ses fournées pour l'ouverture.
Le stress monte dans mon estomac, je regarde par une des fenêtres qui donne sur la rue. Louis prend mes mains entre les siennes, embrasse mes doigts puis mes lèvres. Depuis des jours, il ne cesse de me répéter que je suis le meilleur, que tout le monde va adorer ce que j'ai fait et qu'il sera toujours fier de moi, dans tous les cas. Le fait qu'il croit en moi me donne le courage d'affronter cette journée.
Je l'embrasse une dernière fois, il caresse ma joue où apparaît ma fossette et disparaît ensuite dans sa cuisine. Je m'installe derrière le comptoir, un sourire légèrement crispé sur les lèvres, ma famille vient me parler plusieurs minutes, assez pour me calmer un minimum. Ils me serrent dans leurs bras, ma grand-mère me murmure que je vais réussir et qu'elle est fière de moi. Je l'enlace un peu plus fort. Ils finissent par partir, j'irais les retrouver ce soir pour tout leur raconter.
J'ajuste mes vêtements, tandis que Charlotte va ouvrir la porte d'entrée de la boulangerie. Je retiens mon souffle jusqu'à ce qu'un premier client entre, une dizaine de minutes plus tard. Une vieille femme, apparemment une habituée car Charlotte l'accueille avec un grand sourire et lui prépare son pain sans même lui demander.
Cependant, la cliente ne part pas directement après avoir payé sa baguette. Elle se dirige vers la nouvelle pièce. Mon côté. Un fin sourire prend place sur ses lèvres quand elle me salue, je fais de même et me redresse.
– C'est nouveau ici non ? Je n'ai jamais vu cet endroit encore.
– Oui, ça vient d'ouvrir. Vous êtes la première à le découvrir.
– Vous voulez bien m'expliquer le fonctionnement, jeune homme ?
Mon visage s'illumine, elle me sourit plus encore et je quitte mon comptoir pour lui faire un tour de ma nouvelle boutique. Je lui explique tout. Nous marchons dans une nouvelle extension de la boulangerie. La petite crêperie à côté a fermé il y a environ huit mois, elle est longtemps resté sans acheteurs.
Louis et moi avons emménagé ensemble après mes études. Il était évident que nous allions nous installer là où notre histoire a commencé. Chez lui. Dans son village. A quelques minutes seulement de chez mes grands-parents. Trouver un appartement à prix raisonnable n'a pas été très compliqué, mais j'ai cherché pendant des semaines un stage en photographie, un emploi dans une petite librairie. Un endroit où je pourrais m'épanouir et toucher de l'argent, subvenir à nos besoins. Mais, le village n'a pas tellement d'offres intéressantes à ce niveau là, j'ai dû faire de nombreux kilomètres en voiture pour aller à des entretiens et finalement décrocher un poste dans une petite librairie coopérative à quarante minutes de route de notre chez nous.
Pendant plusieurs mois, j'ai pu mettre de l'argent de côté. Le salaire de Louis payait le loyer, les factures et ma famille nous ont énormément aidé pour le reste. Je crois que sans elle, et sans les heures supplémentaires de Louis, nous aurions pu dire adieu à nos rêves depuis longtemps. Après des semaines difficiles, je suis passé devant cette offre de vente à côté de la boulangerie, et j'ai tout de suite su que je devais saisir cette opportunité.
La boutique est collé à la boulangerie, nous avons entrepris de nombreux travaux qui nous ont bien pris deux mois environ. Tout le monde nous a donné un coup de main, les meubles, la peinture, le ménage, gérer les économies, les dépenses... J'ai quitté mon travail quelques jours avant de commencer celui-ci, par moi-même, indépendant. Pas complètement non plus, Louis et moi nous sommes associés afin d'ouvrir ce commerce ensemble, faire une seule et même boutique. Quand nous en avons enfin accroché le nouveau nom sur la devanture, j'ai eu les larmes aux yeux.
Boulangerie, salon de thé, librairie.
Tout le long, Louis m'a soutenu dans mon projet. Il n'a jamais hésité à me supporter, à agrandir sa boulangerie pour moi, à rester à mes côtés et m'écouter en parler pendant des heures, me soutenir quand j'avais l'impression que rien n'allait jamais fonctionner, me tenir la main quand la boutique nous a été vendu, me sauter dans les bras quand nous avons terminé les travaux. Parce qu'il m'a dit que c'était mon rêve et qu'il allait tout faire pour le réaliser. Et c'est fait, aujourd'hui il y tient même une place importante. Nous avons ouvert une boutique ensemble, et il sait que moi aussi je suis fier de lui. Je crois que sans lui, j'aurais déjà tout abandonné depuis longtemps.
Je montre à ma première cliente les tables décorés de petites plantes où elle pourrait s'asseoir, les quatre bibliothèques contre les murs ornés de nombreux livres à la vente, le comptoir où je reçois et même l'entrée de la cuisine de la boulangerie où je préparerai aussi mes différents thés ou cafés, les viennoiseries seront confectionnées par les soins de Louis et ses sœurs.
A côté de cela, j'ai pu accrocher mes propres photographies un peu partout dans la pièce. Je me promène toujours avec mon appareil. C'est surtout une excuse pour prendre Louis en photo, devant la mer, face à un coucher de soleil, allongé dans l'herbe, en train de fumer sur un banc, boire son thé dans un petit café... Mais il ne râle jamais, ça le fait sourire parce que c'est ce qui me rend heureux.
– C'est vraiment très joli et accueillant, j'adore. Je crois que je vais m'installer avec un livre et vous commander quelque chose à boire.
– Tout ce que vous voulez. Les cartes sont sur les tables, et je suis à votre disposition.
Elle me remercie, je la laisse s'installer sur une table à côté de la baie vitrée. Quand je me retourne, je vois Louis qui m'observe depuis la cuisine, il me sourit et lève son pouce en l'air. Ses yeux brillent, je crois qu'il est aussi ému que moi. Je prends la commande de ma première cliente, commence à préparer sont thé. Un deuxième entre par la porte de la boulangerie, un couple d'une trentaine d'années, ils prennent un pain coupés et viennent de mon côté. Je n'ai plus le temps de me poser de questions, je suis occupé pour tout le reste de la journée.
Je finis une heure et demi avant Louis, je le laisse travailler et file chez mes grands-parents. Je reste là-bas une bonne trentaine de minutes, à tout leur raconter. Ma mère m'offre un grand sourire heureux, le mien ne faiblit jamais. Les émotions me submergent, j'en ai encore les doigts qui tremblent et les étoiles dans les yeux. Ma grand-mère avait raison, Louis avait raison, c'est une réussite.
Finalement, je rentre à l'appartement et il me reste une heure avant que Louis ne revienne. Je passe prends une douche rapidement et me décide à déballer les derniers cartons. Surtout de la vaisselle, des vieux bibelots. Un sourire étend mes lèvres lorsque je tombe sur un cadre. Un cadre dont je me souviendrais à jamais. Celui que j'ai offert à Louis, avec des photos de lui, de moi, de nous. Un cadre que nous avons rempli au fil des souvenirs que nous avons créé ensemble. Je sais qu'il voudra y ajouter la photo qu'il a prise de moi lors d'une pause tout à l'heure, devant notre boutique.
Je commence à sortir les affaires du dernier carton quand la porte d'entrée s'ouvre. D'abord j'entends des clefs se poser sur le meuble d'entrée, puis des pas et enfin je tourne la tête et vois le regard amusé et étonné à la fois de Louis fixé sur moi. Il ne me demande rien, il s'assoit à mes côtés dans le canapé, pose ses doigts sur ma nuque et m'embrasse jusqu'à ce que j'en perde le souffle. Rien qu'avec ce baiser, je sens tout ce qu'il ne me dit pas encore. Je sens qu'il est fier de moi, qu'il m'aime et qu'il a toujours cru en moi.
Et ce qu'il me murmure ensuite, yeux dans les yeux, alors que ses doigts caressent mes joues et que mes larmes y coulent. C'est tout le stress, l'adrénaline et l'anxiété de ces derniers temps qui demande à sortir. Louis me prend dans ses bras et me serre si fort que j'oublie toutes mes peurs, tous mes doutes. Je sais que, tant qu'il se tient à mes côtés, je n'ai plus rien à craindre.
– Je t'aime, avoue-t-il en posant son front contre le mien, je t'aime et je suis tellement fier de toi. Si tu savais... De tout ce que tu accomplis, de l'homme que tu es. Je suis fier d'être avec toi, de te tenir la main et de t'embrasser dès que j'en ai envie. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi... En deux ans, tu as chamboulé ma vie, tu as tout changé... Tu m'as montré que pour que ce soit possible, il suffit d'y croire... Et moi j'y crois. Je crois en nous...
C'est à mon tour de me reculer pour le regarder, je prends son visage entre mes mains, caresse ses joues et viens l'embrasser. Lentement, longtemps. Il s'accroche à moi comme s'il craignait que je ne le laisse. Alors, je le serre davantage et respire contre ses lèvres qui ne me quittent plus.
– Louis, je murmure, je suis certain que ta mère est fier de toi. De là où elle est, elle te regarde et elle sourit parce qu'elle sait à quel point son fils est extraordinaire. Et que c'est pour ça que je suis tombé amoureux de lui.
Et là, c'est lui qui capture ma bouche. Il m'embrasse jusqu'à ce que j'en vois des étoiles. Désespérément. J'en ai le souffle coupé et le cœur palpitant. Instinctivement, mon corps se rapproche du sien dans la volonté de ne former qu'un. Ses doigts touchent la peau frissonnante de mon dos, sous mon tee-shirt. Nos genoux se touchent, nos lèvres ont dû mal à se séparer, nos doigts s'accrochent à chaque vêtement. Nos souffles tremblants, lourds, se mêlent.
– Ok.... Il souffle doucement contre mon front avant de se reculer pour me regarder. Laisse tomber les cartons, Haz. Ce soir, je t'emmène au restaurant pour fêter ça. Mais avant...
Louis pose un baiser sur le bout de mon nez, puis mes yeux se perdent dans les siens. Il a toujours su me rassurer comme ça, avec un regard et une caresse. Ses doigts glissent sur ma nuque, dans mes cheveux, et il demande tout naturellement :
– Est-ce que ça te dirait de faire l'amour ? J'ai très envie de toi.
L'ambiance change littéralement. J'ai les joues qui chauffent, la bouche entrouverte et je mets quelques secondes à comprendre. Puis, je n'ai pas besoin de lui donner de réponse orale, mon corps le faire à ma place. Parce que déjà mes lèvres sont sur les siennes. Nous ne prenons pas la peine de rejoindre la chambre. Il m'allonge dans le canapé étroit, tandis que nos mains nous déshabillent petit à petit et que nous redécouvrons, comme à chaque contact même au bout de plus de deux ans de relation, le corps de l'autre.
Avec nos doigts et nos lèvres. Les siennes qui parcourt mon ventre, mes cuisses, mon cou, mes doigts qui s'accrochent à ses fins cheveux, ses épaules ou ses fesses. Je ne me lasserai jamais de le sentir aussi proche de moi. Jusqu'à ne former plus qu'un avec son corps.
Et même si je connais celui de Louis par cœur, j'aime toujours le toucher et l'embrasser comme si c'était la première fois. Je sais ses points faibles, ces endroits qui le font se cambrer, trembler, frissonner ou gémir. Je sais ce qui le rend fébrile, ce qui l'excite et le fait voyager entre les étoiles.
Mais surtout, je sais, en sentant son cœur battre contre le mien au même rythme animé, que je n'ai pas fait d'erreur. Et que Louis n'en sera jamais une. Que nous n'en serons jamais une.
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