Hiver 2016 - Première partie.

Hiver 2016.

                                  Un énième soupir s'échappe d'entre mes lèvres alors que je referme ma valise. Elle est pleine et prête pour onze jours. Onze jours qui me paraissent déjà une éternité. Je ne suis pas certain de pouvoir tenir plus d'une semaine là-bas, tandis que mes amis restent ici et font la fête sans moi.

J'adore ma famille. Je suis très proche d'eux et j'ai toujours adoré nos moments ensemble. Mais cette année, j'avais d'autres plans. Cette année, je devais passer Noël chez ma meilleure amie, sortir en boîte et peut-être -enfin- avoir le courage d'embrasser ce garçon qui me plaît depuis des mois aux coups de minuit à la nouvelle année.

Mais, mes parents en ont décidé autrement.

– Je suis vraiment obligé de venir ?

Je râle en arrivant au salon, traînant des pieds. Mes parents s'activent pour ne rien oublier, ma mère prévoit tout et mon père vérifie derrière elle. Cependant, ça ne les empêche pas de lever les yeux au ciel et me prendre encore pour un enfant de douze ans.

– Oui, Harry, répond ma mère. Tu ne penses pas que papy et mamie seraient déçus que tu ne viennes pas ?

L'argument qui m'ôte les mots. Mon père me regarde avec un petit sourire victorieux, il sait qu'ils ont gagné de toute façon.

– Si, je souffle, bien sûr que si. C'est juste que...

– Je sais, tu avais d'autres choses de prévues, mais on a tout organisé au dernier moment. Je suis désolé mon cœur...

Je ne dis rien, je tourne le dos et retourne dans ma chambre. Même à dix-neuf ans, ils me surveillent comme si j'étais encore leur bébé.

Ils m'ont prévenu quelques jours avant, seulement, que nous allions passer le réveillon de Noël et du nouvel an chez mes grands-parents. Et donc, que mes projets chez mes amis tombaient à l'eau. Je ne pouvais pas refuser ou essayer de discuter avec eux, c'était peine perdue.

Je me suis résolu à faire ma valise. Des vêtements chauds et confortables. Deux livres et mon ordinateur portable.

Ma tête posée contre la vitre gelée, je regarde le triste paysage hivernal défiler sous mes yeux. Mes parents mettent la radio, je retiens un soupir et me décide à utiliser mes écouteurs. Je m'enferme dans mon propre monde, bercé au rythme des musiques mélancoliques. Quelle idée ai-je eu de créer une telle playlist ? Il n'y a que des chansons trop douces pour moi.

Je crois que je me suis endormi pendant un long moment, car je me réveille d'un coup quand la voiture freine. Après avoir papillonné des paupières pendant plusieurs secondes, je regarde autour de moi. La première chose que je vois, c'est la neige partout. Il n'y en a pas des couches énormes, mais la poudre blanches recouvre les toits des maisons, les routes et même les arbres autour. Cette vision me redonne presque le sourire.

Sans attendre, je retire mes écouteurs, me détache et ouvre la portière. L'air frais me fait un bien fou. Je me prends à fermer les yeux une longue minute, inspirer le parfum de la montagne pour en remplir mes poumons. C'est la voix de ma grand-mère qui me sort de mon songe.

Quand je me retourne, je la vois sur le pas de sa porte. Un long gilet recouvre ses épaules et le haut de son corps, ses bras serrés autour de sa taille pour se protéger du froid. Je fais le tour de la voiture pour aller la rejoindre et lui dire bonjour. La neige craque sous mes pieds, je souris et m'engage ensuite sur le devant de la maison qui est dégagé de toute cette couverture blanche.

Évidemment, j'ai tout de suite le droit aux grandes embrassades. Le câlin, les baisers sur les joues et si je ne portais pas mon bonnet, elle passerait certainement ses doigts dans mes boucles. Elle a toujours fait ça, et ça n'a jamais cessé de me faire sourire. Mon père rentre nos valises, je traîne la mienne jusqu'au bord l'escalier. Rusty, le chien, vient m'accueillir en sautant sur mes jambes. Un rire s'échappe de ma bouche et je lui offre des caresses comme bonjour.

C'est ensuite grand-père que je vais serrer dans mes bras. Il est un peu moins actif que sa femme, suite à un problème au genou, mais son sourire n'est pas moins doux quand il me voit. Maman avait raison, ils sont heureux de me voir. Je peux le comprendre, je suis leur seul petit-fils.

Ils habitent à la montagne, à presque trois heures de route de chez nous. C'est assez éloigné, nous ne pouvons pas nous rendre chez eux chaque week-end. Nous faisons de notre mieux pour venir les voir une fois par mois. Même si je pense que maman souhaiterait voir ses parents plus souvent. Ceux de mon père, je ne les ai connu que tout petit. J'avais à peine deux ans quand je les ai vu pour la dernière fois. Je n'en garde pas de souvenirs. Papa m'a simplement raconté, quand j'étais plus grand, qu'ils étaient tous les deux morts car très malades.

Quoi qu'il en soit, j'ai toujours été extrêmement proches de mes grands-parents. Autant que du reste de ma famille. Nous venons passer chaque fête chez eux, dans leur grande maison. Comme ils sont à la campagne, nous pouvons faire du ski, de la luge, aller boire du chocolat chaud au petit marché de Noël ou faire un tour dans le village tout illuminé pour les fêtes. Et j'aime partager ce moment avec eux, mais j'admets que j'aurais aimé aussi le passer avec mes amis.

Ma grand-mère a décoré toute la maison, même son petit jardin et la devanture. Quand je rentre, je sens tout de suite la bonne odeur de la nourriture. La cannelle, la vanille et les épices. Rusty me suit alors que je vais déposer ma valise dans la chambre qui m'est réservé pour ces prochains jours. Lorsque je redescends, mamie m'offre tout de suite un cookie.

– Merci, tu as besoin d'aide pour quelque chose ?

– Non merci mon chéri, ta mère va déjà s'occuper de tout avec moi. Tu peux te reposer ou aller faire un tour au village. Ils ont une petite chorale et les illuminations partout.

– Vous n'y allez pas ?

– Peut-être tout à l'heure.

Après un dernier baiser sur sa joue, je les laisse voguer à leurs occupations. De mon côté, je remets mon manteau, écharpe et bonnet, puis je sors avec simplement mon portable dans ma poche.

Le village est à cinq minutes de marche, j'en profite pour observer le paysage autour de moi. Le blanc partout, le vert des sapins, les décorations déjà allumées aux fenêtres des maisons. Il n'est pas encore quinze heures, mais la magie de Noël n'a pas d'heure.

Je déambule entre les maisons, les allées, les rues. Je prends quelques photos pour mes amis, m'achète un chocolat chaud avec de la chantilly et des éclats de spéculoos au dessus. Pour aller le savourer, je me trouve un coin où j'ai le droit à une belle vue. Je m'assois sur une caisse qui se trouve là, il y a peu de bancs ici.

Mon gobelet en carton chaud entre les doigts, je souffle dessus et bois une gorgée brûlante mais délicieuse. J'observe autour de moi, les quelques personnes qui passent, des sacs à la main, une des rares voitures qui remonte les rues, les illuminations aux vitrines de magasin. Ca brille de partout.

Peut-être que j'avais tort, je me sens bien ici. Même si je ne connais réellement personne à part mes grands-parents depuis toutes ces années. Il faut dire qu'à part la veille du réveillon pour faire un tour au marché, et aller voir le feu d'artifice sur la place le trente-et-un au soir, nous ne sortons quasiment jamais de chez eux. Il fait froid, il gèle et il neige pratiquement chaque année.

Ce n'est que maintenant que je me décide à regarder mon portable. Depuis que nous sommes partis de la maison. Je n'ai pas réellement envie de lire les messages de mes amis ou de voir leurs photos sur les réseaux sociaux. Je suis prêt à parier qu'ils s'amusent comme des fous. Maeva, ma meilleure amie, avait tout prévu. L'alcool, les cigarettes, les toasts, les apéritifs. Son copain a même proposé de ramener de l'herbe et quelques petits extras pour s'amuser. Je ne touche pas à la drogue, mais à ce que j'ai pu comprendre, ça avait enchanté pas mal de personnes. L'événement Facebook organisé il y a plusieurs semaines compté plus de trente participants, je n'en connaissais même pas la moitié.

Pour ne pas mentir, j'y allais pour voir une personne en particulier. Évidemment, Maeva, son copain, et quelques amis à nous. Du lycée, de l'université... Mais, la présence d'un garçon m'avait particulièrement donné envie de me joindre à la fête. Parce que, généralement, ce n'est pas ma tasse de thé. Je bois modérément, je ne fume pas, j'ai deux pieds gauches donc je danse mal, je suis assez timide et j'ai du mal à aller faire le premier pas vers les autres.

Seulement, il y a Zayn. Zayn dont je n'ai jamais su oublier le nom ou le visage ou le parfum depuis ce jour de rentrée à la fac il y a un an et trois mois.

Depuis tout ce temps, je l'admire en secret.

Je le regarde exister de loin. J'essaie de l'écouter parler. Il n'est pas très bavard, il ne participe jamais en cours et sa voix reste basse et discrète.

Mais... Sa beauté est à tomber à la renverse. Je ne sais pas, il dégage quelque chose de réellement attirant. Peut-être ce côté mystérieux et un peu mauvais garçon aussi, il a de nombreux tatouages sur les bras, il fume régulièrement et semble ne jamais s'occuper de ce que les autres pensent de lui. Il sourit peu, mais quand il le fait, j'ai les joues qui chauffent et le corps en vrac.

Nous ne sommes parlés qu'une fois, et je suis à peine parvenu à lui donner une réponse concrète. Il cherchait une salle, il m'avait repéré dans le couloir et se souvenait certainement de ma tête. Que j'étais aussi dans son cours. Alors que moi, je retenais tous nos horaires en commun et l'heure à laquelle il arrivait le matin ou partait en fin de journée. Je sais qu'il prend le métro, qu'il s'arrête cinq minutes avant d'entrer dans la station pour fumer. Et que je fais exprès de louper deux métros afin de le prendre en même temps que lui.

Maeva m'a envoyé plusieurs messages, elle me submerge d'emojis tristes après que je lui ai écris que je ne pouvais pas venir à la soirée. Elle m'informe que Zayn sera là, c'est certain. Et je grogne. Je prends une nouvelle gorgée de mon chocolat et m'apprête à taper une réponse de ma main libre, quand un raclement de gorge me surprend.

– Excuse-moi, tu es installé sur ma caisse.

Je relève la tête de mon écran et mon regard tombe sur un jeune homme pour le moins très attirant. La première chose que je remarque, ce sont ses yeux d'un bleu perçant. Je mets plusieurs secondes à réagir et cligne des paupières. Quand la réalité me frappe, je me redresse et m'excuse. Il est vêtu d'un simple pull aux manches longues, qui recouvrent presque ses doigts aussi et une écharpe légère autour de son cou. Je frissonne pour lui.

Un petit sourire est dessiné sur ses lèvres, son regard va de moi à la caisse que j'avais pris pour un banc public. Je me décale quand il s'approche pour la prendre entre ses mains et la soulever, le contenu n'a pas l'air extrêmement lourd. Il me remercie et s'éclipse tout aussi rapidement. Je le suis des yeux, intrigué, alors qu'il entre dans la première boutique de la rue.

Piqué par la curiosité, je m'approche et remarque la façade d'une boulangerie. Elle doit être nouvelle, car je ne l'ai jamais remarqué avant. En tout cas, la présentation de la vitrine est pour le moins alléchante. Des viennoiseries en tout genre, du pain qui a l'air croustillant et des brioches dorées. Je n'ai que quelques pièces dans ma poche, mais je ne vais pas manquer l'occasion d'y faire un tour.

Quand je pousse la porte, une petite clochette annonce mon entrée. L'odeur du pain frais envahi mes narines et j'en frémis presque. J'essuie mes pieds humides de neige sur le tapis.

Le jeune homme est encore là, il tourne son regard vers moi après avoir déposé la caisse sur le comptoir. Le même sourire qu'il y a quelques secondes prend place sur sa bouche. Je m'avance, timidement, et admire les différents mets dans les deux grandes vitrines. Derrière, sur des étagères, plusieurs sortes de pains ou baguettes. Il y en a vraiment pour tous les goûts.

– Qu'est-ce que je te sers ?

Je coince ma lèvre inférieure entre mes dents environ trois secondes puis montre une brioche au sucre.

– Ce serait combien pour ça ?

– Trois euros vingt cinq.

Avant de faire mon choix, je plonge la main dans la poche de mon jean et compte les quelques pièces en ma possession. J'opte finalement pour ce choix. Le jeune homme m'emballe la brioche dans un sachet en carton et tape sur sa caisse, je lui tends les pièces et lui dit de garder les centimes qu'il s'apprête à me rendre.

– Merci, je souffle, vous êtes ouvert depuis longtemps ?

– Cet été, ma sœur a ouvert la boutique fin Juin.

D'une main, je prends le sachet qu'il me donne et je hoche la tête. Cela explique pourquoi je n'avais jamais aperçu cette enseigne avant. Je suis un déçu de ne pas venir ici aussi souvent, quand même, surtout si d'aussi beaux garçons y habitent.

– Tu es nouveau ici ?

Sa voix me sort de ma réflexion et je rougis presque, je secoue la tête tout en tenant encore mon gobelet à moitié vide dans ma main.

– Non, je viens ici de temps en temps pour rendre visite à mes grands-parents. C'est pour ça que je te posais la question, je n'avais jamais remarqué cette boutique.

– J'espère que tu reviendras, alors.

Ses mots me soufflent, je ne parviens pas à formuler une réponse correcte. Je préfère simplement sourire, hocher la tête et partir. Avant de me ridiculiser. Chaque fois que je vois un joli garçon, je ne peux pas m'en empêcher. Je deviens incapable de parler ou d'agir normalement. Il faut que je devienne maladroit et que je rougisse comme une tomate.

Bien qu'un peu déçu de m'enfuir aussi vite, je me console en dégustant une part de brioche une fois de retour au chaud, à la maison. Ma mère me demande où j'ai acheté cela, mon grand-père regarde l'emballage et se met à parler de cette nouvelle boulangerie. Mais moi, tout ce à quoi je pense, ce sont les jolis yeux bleu mer de ce boulanger.


                               Je devais trouver un prétexte pour retourner à la boulangerie. Ma grand-mère prend généralement le pain depuis le camion qui fait le tour du village, cela permet aux personnes âgées de ne pas se déplacer trop souvent.

Le lendemain, j'ai prétexté vouloir aller prendre des photos de la montagne en face du village. Là où les personnes vont généralement skier. En partant, je me sens tout à fait idiot. Je n'ai plus aucun sous sur moi, donc aucune raison de venir faire un tour dans la boulangerie. Surtout un vingt-quatre Décembre, alors que je devrais fêter le réveillon de Noël avec ma famille.

Mais je devais le revoir. La boulangerie ferme ce soir jusqu'au vingt-six matin, et ce serait dommage d'oublier la couleur de ses yeux aussi vite.

Par miracle, ma mère a voulu m'accompagner. Elle devait acheter des derniers ingrédients pour une recette. J'ai failli lui sauter au cou pour la remercier, mais je me suis contenté de cacher mon sourire heureux derrière mon livre.

Ce matin, le vent est mordant. J'ai les mains enfoncées dans les poches et mon écharpe remontée jusqu'à mon nez. Ma mère, quand à elle, semble être prête pour aller faire du ski. Je la regarde avec un air amusé et elle tourne sa tête vers moi.

– Qu'est-ce qui te rend si heureux d'un coup ?

– Rien, rien du tout.

– Hier, tu faisais la tête parce que tu devais venir ici, et maintenant tu es rayonnant. Il faudra m'expliquer, parce que je ne comprends plus...

– Je suis simplement content d'être là, au final.

Elle aussi se met à sourire, je vois ses lèvres se redresser derrière sa grosse écharpe. Elle glisse une main autour de mon bras et nous terminons notre route vers le village.

Le plus dur reste maintenant à faire. Trouver une raison pour se rendre à la boulangerie. Je me mords la lèvre, observe autour de moi. Les dernières personnes qui s'activent pour les achats de Noël, afin que tout soit prêt à l'heure. Je ne me soucie même pas de ça.

Maman sort sa liste de sa poche, je saute sur l'occasion :

– Je peux aller me chercher un truc à manger à la boulangerie en attendant que tu fais tes courses ? Je te prends quelque chose, si tu veux ?

– S'ils font des chaussons aux pommes, je veux bien. Merci mon cœur.

Elle me tend un billet qu'elle sort de son porte-monnaie, et je me retiens de venir embrasser vivement ses joues. A la place, je la remercie et prends l'argent. Je me dirige vers la boulangerie, deux rues plus bas. Même si je suis pressé, je fais attention à ne pas glisser sur du verglas. Je n'ai pas spécialement envie de me casser un os ou d'être paralysé jusqu'à la fin des vacances, même pour un beau garçon.

Lorsque je parviens à destination, je pousse la porte et cherche le bel Apollon du regard. La boulangerie est vide, mais la délicieuse odeur des viennoiseries me met l'eau à la bouche. Je m'avance près du comptoir pour me décider sur mon choix. Le billet, de ma chance, toujours entre mes doigts.

Quelques secondes plus tard, des pas se font entendre et une porte, qui doit mené à la réserve, s'ouvre. Je relève immédiatement la tête, sourire aux lèvres, prêt à accueillir le beau jeune homme d'hier.

A ma plus grande déception, c'est une jeune femme blonde qui m'apparaît sous les yeux. Je me retiens de soupirer et essaie de ne pas ravaler mon sourire, tandis qu'elle me demande avec gentillesse :

– Bonjour, qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?

– Bonjour, euh... Un chausson aux pommes et un beignet à la framboise.

Elle frotte ses mains sur son tablier coloré et prends un sachet, une pince et me sert ma commande. Toute ma joie redescend, j'ai l'impression d'être vide. Pourtant, elle m'offre un beau sourire quand je lui donne le billet et qu'elle me tend en retour. Je me force à lui rendre un sourire poli, me tourne et traîne des pieds jusqu'à la porte.

Tout ça, pour rien. Toute cette soirée et cette matinée à penser à lui, toutes ces réflexions et ces minutes à marcher dans le froid, pour ne pas le voir.

Une fois dehors, je laisse échapper un long soupir. Ma mère n'a certainement pas encore terminé, j'avais prévu de traîner un peu à la boulangerie et essayer d'échanger quelques mots décents avec le bel inconnu. Mais, je suis sorti en à peine une minute.

Frustré, je prends mon portable dans la poche de mon manteau et me décide à répondre au message de Maeva qu'elle m'a envoyé ce matin. Elle m'a fait suivre la photo de la décoration qu'ils ont fait pour la fête de ce soir. Maintenant, je regrette de ne pas y être. Depuis mon arrivée hier, mes sensations s'amusent à faire les montagnes russes. Et je déteste ça, je commence à avoir la nausée.

J'avance lentement, remonte la rue que je viens d'emprunter. J'aimerais me plonger dans un livre, boire du thé et oublier ce moment honteux de ma journée. Mais je sais que je suis bien parti pour y penser toute la nuit encore.

Au moment où j'envoie ma réponse à ma meilleure amie, je manque de me faire renverser par un autre corps. Je me stabilise à temps pour ne pas retrouver le sol et relève la tête vers la personne en face de moi. Et je ne sais pas si je dois rire ou pleurer quand ses yeux rencontrent les miens et que sa voix me parvient aux oreilles.

– Dis donc, on dirait bien qu'on est destiné à se rencontrer autour de ces caisses.

J'entends son rire, et je me perds quelques seconds à l'admirer. Puis, quand un semblant de lucidité me revient, je baisse le regard vers le carton qu'il tient au bout de ses bras. Avec lequel il a manqué de me faire tomber au sol, mon portable avec.

Seulement, comme hier, je suis incapable de réagir comme il le faut. Je parviens à m'excuser, rapidement, et il fronce les sourcils.

– Pourquoi tu t'excuses, c'est moi qui ai failli te renverser ?

– Je ne regardais pas devant moi...

– Alors, excuses acceptées.

Je dois littéralement me contenir pour ne pas sourire comme un imbécile. En plus de ne pas savoir aligner deux mots, il faudrait que je passe aussi pour un psychopathe. Je baisse timidement les yeux vers le sol et serre le sachet entre mes doigts.

Le regard du boulanger s'illumine, son sourire s'étend jusqu'à ses iris et il montre mes achats du menton.

– Tu es passé à la boulangerie ! Tu as vu ma sœur ?

– Oh, j'hésite, oui. Oui, c'est elle qui m'a servi.

– Qu'est-ce que tu as pris ?

Je lui fais part, d'une petite voix, des viennoiseries qui sont enfermées dans le sachet et son visage s'anime.

– J'ai préparé tout ça ce matin, j'espère que tu aimeras.

– Tout est fait maison ?

Il hoche la tête vigoureusement et me sourit encore. J'aimerais que ce moment dure une éternité, le froid ne me préoccupe même plus. Au contraire, la chaleur qui picote mes joues réchauffe tout mon corps.

– Oui, il continue, je m'occupe de la plupart des viennoiseries et gâteaux avec mon autre sœur, et Charlotte, que tu viens de voir, prépare le pain et les sandwiches.

– C'est beaucoup de travail, je suppose.

– Effectivement, mais on adore ça. Toute la famille met la main à la pâte.

– C'est le cas de le dire...

Et, il se met à rire. Le son cristallin me parvient aux oreilles et fait tout vibrer jusqu'à mon cœur. Sa tête est légèrement penchée en arrière, comme si je venais sérieusement de dire la blague la plus hilarante au monde. Je me mords la lèvre et prie mes joues de ne pas virer au cramoisi. Mais sincèrement, à l'entente de son rire, c'est tout mon corps qui se réveille. Et moi qui pensais qu'il ne pouvait pas être plus beau, il vient de me prouver le contraire.

– Si tu veux, dit-il une fois calmé, je viens de ramener les bûches de Noël.

– Merci, mais je crois que ma famille a déjà tout prévu de ce côté là.

– Bon, régalez-vous bien dans ce cas.

Je le remercie d'une voix basse. Nous restons quelques secondes sans rien ajouter, à nous observer. Puis, il reprend bien la caisse en main et me sourit à nouveau.

– A une prochaine fois, peut-être ?

– Certainement.

– Je te préviens à l'avance, ajoute-t-il, nous faisons des gâteaux spéciaux pour le nouvel an. Oh et, joyeux Noël.

– Joyeux Noël.

Le sourire qu'il me lance me retourne l'estomac, et pour en rajouter une couche, il me fait un clin d'oeil. Avant que je ne puisse réagir, il tourne déjà les talons et prends la direction de la boulangerie. Mes joues s'enflamment et je laisse échapper un souffle que je retiens depuis que nos regards se sont croisés.

Finalement, ma journée retrouve de ses couleurs en moins de deux minutes. Je vois surtout du bleu, partout.

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