Hiver 2016 - deuxième partie.

Noël ne m'a jamais paru aussi beau et festif. Pourtant, rien ne change des années précédentes. Peut-être les quelques décorations en plus, ou les cadeaux aux pieds du sapin le vingt-cinq au matin.

Mes parents m'ont offert deux livres anciens de mon auteure préférée et une nouvelle bibliothèque pour ma chambre, que nous avons laissé à la maison. Mes grands-parents m'ont gentiment acheté un bel appareil argentique au style un peu vintage et tout l'équipement qui vient avec.

Je me suis déjà amusé à prendre le sapin en photo et toute ma famille devant. Même Rusty y a eu le droit. Partager ce moment en famille, autour des histoires d'enfance et des rires, m'a permis de ne pas penser à ce que mes amis pouvaient faire à des kilomètres de là.

Mais, pour autant, Maeva et son copain ne sont pas retenu de me tenir au courant. Ils m'ont partagé plusieurs photos, des selfies, un cliché flou de Zayn au loin avec un verre à la main et la cigarette entre les lèvres. Ils m'ont tenu informé de la soirée et le vingt cinq au matin, je n'ai pas eu nouvelle avant treize heures. Je suppose qu'ils avaient trop bu pour se lever tôt.

Maeva m'a montré une vidéo du capharnaüm auquel ils ont eu le droit en se réveillant. Les cadavres de bouteilles partout, les confettis, les verres vides, les assiettes encore à moitié remplies, les miettes à terre, les boissons renversées au sol. Pour mon plus grand soulagement, elle m'a épargné le vomi dans la salle de bains. D'un côté, je suis heureux de ne pas y être allé. Mais, je ne peux pas m'empêcher d'être un peu triste et jaloux aussi. Ils ont l'air de s'être tous bien amusé.

Mais je pense au joli boulanger que je ne vais pas tarder à revoir, et tous mes doutes s'envolent.

Le matin du vingt-six Décembre, je vais faire une balade avec mon nouvel appareil. Cette fois-ci, je vais réellement prendre des photos. Cependant, un détour par la boulangerie n'est pas interdit. Elle est même sur ma route. Je m'arrête entre deux pour prendre la neige et la montagne en photo, le grand sapin vert foncé dressé au milieu de la place, décoré de rouge et de doré.

- On joue les touristes ?

Je sursaute après avoir observé quelques secondes le sapin. Je n'ai pas besoin de réfléchir, même si je ne l'ai entendu qu'une poignée de minutes, je reconnaîtrais cette voix entre mille. Évitant de trop sourire, je me tourne vers lui. Mes yeux ne savent plus où regarder.

Il est juste à quelques pas de moi, une cigarette entre les doigts. Il porte un jogging noir, aux rayures blanches et rouges sur le coté, des baskets ainsi qu'un pull blanc, une veste en jean par dessus et une casquette sur la tête. Et, sincèrement, je ne dis pas ça parce que sa beauté me coupe le souffle, mais la couleur de sa veste met celle de ses yeux en valeur.

Béat, je baisse les yeux vers mon appareil et hoche docilement la tête. Je ne sais pas ce qui me prend, à perdre tous mes moyens comme ça. Je le regarde, la respiration lente et le cœur battant. Il porte sa cigarette entre ses lèvres fines et m'observe en haussant un sourcil.

Je pense qu'il attend que je parle, alors je dis n'importe quoi, la première chose qui me passe par la tête :

- Tu veux que je te prenne ?

Et je devrais réellement penser à réfléchir avant de parler. Mes joues chauffent et virent au rougir alors qu'un sourire amusé apparaît au coin de ses lèvres, ses yeux pétillent. Je me rends compte de mes mots et de la tournure plus que douteuse de ma phrase. Il faut toujours que ce soit dans ce genre de moment qu'une allusion sexuelle se glisse, et bien sûr elle doit sortir de ma bouche.

Après m'être frappé mentalement, je secoue la tête et reformule, je ne sais pas où je trouve encore le courage de lui parler, je devrais m'enfuir en courant et ne plus jamais revenir :

- Je peux prendre une photo de toi, si ça ne te dérange pas ?

- Tu vas en faire une carte postale ?

- Non, je souris timidement, j'ai eu cet appareil à Noël. Je l'inaugure ce matin, et j'aimerais garder un souvenir d'ici. De cette année.

De lui. Mais ça, je ne le dis pas. Je crois que je les gaffes, j'en ai assez fait pour toute une vie. A la place, je me pince les lèvres et le regarde expirer la fumée et sourire plus encore. Cet homme ne s'arrête jamais de rayonner, c'est éblouissant.

- D'accord, mais en échange tu dois me promettre de goûter un nouveau muffin caramel beurre salé que j'ai confectionné ce matin ?

- Comme si c'était une torture....

Son sourire m'illumine davantage que le soleil, j'en suis troublé pendant plusieurs secondes. Il remet correctement sa casquette sur sa tête, passe ses doigts dans ses cheveux et replace sa mèche qui lui tombe devant les yeux. Je fais tout pour ne pas le fixer, mais il est difficile de ne pas savourer chacun de ses gestes. De les suivre du regard jusqu'à en oublier la forme. Et c'est ce que je fais, je me perd dans la contemplation de sa personne jusqu'à ce que sa voix me ramène sur Terre. Mais, quand je pose mes yeux sur son visage, je vois encore des étoiles.

- Tu prends sous tous les angles que tu veux, je te laisse faire, mais tu me diras quel est mon meilleur profil, ok ? Je compte sur toi.

Tous. Mais ça non plus, je ne lui dirais pas. Je me contente de reculer de deux pas et de le prendre en photo, timidement, un peu gêné, plusieurs fois. Quand il porte sa cigarette à ses lèvres, surtout, c'est affreusement provocateur. Ça me retourne l'estomac.


Je me déplace ensuite, autour de lui et je crois avoir pris une dizaine de photos. Je ne compte pas en supprimer une seule. Elles constitueront, elles aussi, un souvenir de ces vacances d'hiver. Parce que cet inconnu était là, et il m'a fait battre le cœur un peu plus vite que la normale.

Quand je termine, il s'appuie contre un muret derrière lui et écrase les mégots de sa cigarette. Il glisse ses mains dans les poches de sa veste et me regarde. Je reste silencieux et joue avec le réglage de mon appareil. J'essaie de faire comme si je n'étais pas en train de l'admirer depuis son arrivée.

- Alors, quel profil ?

- Je ne sais pas encore, le côté gauche peut-être ?

- Je te fais confiance. Maintenant, j'ai besoin de ton honnêteté aussi pour goûter ma fournée de ce matin.

Je hoche la tête, il se redresse et me fait signe de la tête de le suivre. Je ne me fais pas prier, j'irais au bout du monde ou lui décrocher la Lune, les étoiles, s'il me le demande. Un bel inconnu, des viennoiseries, que demander de plus ? Ce Noël a un goût de paradis. Peut-être que ses lèvres à lui aussi.

Nous marchons côte à côte, je garde précieusement mon appareil accroché autour de mon cou grâce à la corde. Nos pieds font craquer la neige et nos coudes se frôlent parfois. Je suis tenté de glisser mes doigts contre les siens, mais je n'en fais rien. Je le serre autour de mon appareil et avance en regardant devant moi.

Lorsque nous atteignons la boulangerie, je lui demande l'autorisation de prendre en photo la devanture. Il hoche la tête, un sourire amusé et doux sur les lèvres. Je capture quelques clichés et nous entrons à l'intérieur du petit commerce, il ouvre avec ses clefs. Il ferme derrière nous et laisse le panneau tourné sur « fermé ».

L'odeur du pain est encore présente, mais il n'y a aucune lumière d'allumée. Je le regarde passer derrière le comptoir et ouvrir la porte de la réserve, mais au lieu d'y entrer, il se tourne vers moi et me fait signe de le suivre.

- Ce sera plus confortable à l'arrière de la boutique.

- Tu ne travaille pas ?

- Pas aujourd'hui, c'est mon jour de repos. Charlotte ouvre à onze heures. On a une petite demi-heure devant nous.

- Et tu cuisines quand même ?

- J 'adore ça, qu'est-ce que tu veux ?

Un sourire fend mes lèvres, sa bonne humeur est contagieuse. Il y a quelque chose en lui, une aura éblouissante. Un rayon de soleil qui ne cesse de briller. Et sa beauté m'aveugle. C'est sûrement pour ça qu'en faisant le tour du comptoir, je me prends le coin du meuble dans la hanche.

J'entre dans la réserve. C'est une grande pièce, presque aussi grande que la boutique. Il y a une cuisine où ils doivent certainement confectionner leurs viennoiseries, un grand four pour le pain et une table au milieu. Un plateau de muffin est posé dessus. Je le regarde tirer deux chaises et m'assois à côté de lui.

- Tu veux un thé avec ?

- Je ne voudrais pas abuser...

- Ça me fait plaisir, tu es mon testeur et tu pourrais ne pas aimer.

- Si ça ne te dérange pas alors...

- Choisis la saveur que tu veux.

Il me tend une boite avec plusieurs sachets de thé, j'opte pour un saveur vanille cannelle, pendant qu'il fait chauffer l'eau dans la bouilloire. Et quand je l'observe, je constate qu'il est réellement dans son élément. Il nous sort deux tasses, du sucre et dépose un muffin devant chacune d'elle.

A peine quelques secondes plus tard, il se redresse pour nous servir le thé. Je le remercie, il se contente de me sourire. Il sourit toujours. La boisson me réchauffe déjà le corps à la première gorgée. Et nous goûtons tous les deux ces fameux muffins. La saveur du caramel se marie parfaitement bien au sel et à la base moelleuse de la viennoiserie. A l'intérieur, j'ai la surprise de découvrir du caramel qui coule contre ma langue. Et ce n'est pas désagréable du tout.

- Alors ?

- J'adore.

Je parle après avoir avalé ma bouchée. A côté de moi, il prend des petits bouts entre ses doigts et les porte à ses lèvres. Il boit une gorgée de thé et me sourit ensuite.

Puis, il se met à me parler de la boulangerie, comment ils sont lancés dans un tel commerce. La confection de la pâtisserie tourne dans sa famille depuis des années, et c'est apparemment sa sœur qui a tout lancé. Ils gèrent ce domaine à trois, ses sœurs et lui, et je trouve cela extrêmement courageux. De courir après ses rêves et ses passions. D'en faire quelque chose de concret et réel.

C'est passionnant de le regarder parler de ce qu'il aime, de ce qui le rend heureux. Parce que, même si ça demande du temps et de l'énergie, il est fier de ce qu'il fait. Et il peut, il a accompli de grandes choses déjà.

Au bout d'un moment, nous terminons de manger. Je me suis régalé. Je tourne les yeux vers lui après m'être ressuyé la bouche avec une serviette. Et je ne peux pas détourner le regard, même si je devrais, parce qu'il est en train de se lécher ses doigts collants.

Je dois retenir mon souffle plusieurs secondes pour ne pas qu'il entende le tremblement de ma respiration. L'ambiance de la pièce devient plus lourde quand son regard croise le mien. Il passe sa langue entre ses lèvres, bien trop lentement. Si j'avais un minimum de courage, je me serais penché pour l'embrasser. Goûter la saveur du sel et du caramel sur le bout de sa langue, initier un baiser collant et sucré.

Mais je ne suis pas assez sûr de moi. Je manque cruellement de confiance, c'est déjà un miracle si j'ai réussi à lui parler plus de quelques secondes.

Lorsque mes joues se mettent à rougir, je baisse la tête vers ma tasse presque vide. Je le sens bouger à côté de moi, son genou touche le mien et je dois me contrôler pour ne pas glisser la main sur sa cuisse. Même si c'est terriblement tentant.

- Au fait, sa voix me sort de mes pensées et je le remercie silencieusement, je ne crois pas connaître ton prénom.

Et moi le sien, c'est vrai que je n'ai même pas pensé à cela. Je suis bien trop hypnotisé par ses yeux, sa voix, son sourire... Pour être honnête, je ne pensais pas tomber sous le charme du nouveau boulanger chez mes grands-parents. Il y a quelques jours de cela, j'étais encore persuadé que ce village n'était habité que par des personnes âgées ou des jeunes couples qui voulaient fuir la ville. Je ne m'attendais pas à ce qu'un véritable dieu grec me fasse goûter ses pâtisserie dans sa boulangerie.

- Harry.

Un sourire court sur ses lèvres quand j'ose enfin le regarder. Il me tend sa main, son genou frôle toujours le mien. Je ne sais sérieusement plus où regarder ni comment agir. C'est toujours la même chose. Avec chaque garçon qui me plaît. Je deviens maladroit, gêné, rougissant et incapable d'entretenir une conversation.

Je comprends qu'il attend que je lui serre la main, alors je le fais. Ses doigts se referment autour de la mienne. Sa peau est lisse et chaude, la douceur d'une plume.

- Louis.

Comme si nous venions de nous rencontrer, nous nous serrons la même. Ce geste nous fait rire tour à tour, harmonieusement. Et j'ai vraiment envie de me pencher et d'embrasser le coin de ses lèvres, ou sa pommette, là où ses paupières plissés par le rire forment des ridules. Passer ma main dans ses cheveux, contre sa nuque, enfouir ma tête dans son cou et déposer des baisers sur sa peau chaude. Humer son odeur, un mélange d'un parfum d'homme et de pain frais.

Nos mains restent un court moment enlacées ensuite, je baisse timidement les yeux et regarde son doigt passer contre l'une de mes bagues. Une délicate caresse qui envoie une vague de frisson dans tout mon corps.

Un silence s'installe entre nous, à la fois effrayant et agréable. Je pourrais laisser mes doigts glisser contre son poignet et retracer l'encre de ses tatouages sur ses bras, sur sa peau couleur du sable. Mais je n'ai pas le temps de penser à autre chose qu'une sonnerie me fait sursauter. Nous nous écartons, Louis tourne sur sa chaise et lâche ma main. J'ai subitement très froid. Alors que, il y a deux secondes à peine, je suffoquais.

- Ça doit être ma sœur.

- Je vais vous laisser alors, vous devez avoir du travail. Combien je te dois ?

- Pour ?

- Les consommations.

Louis lève les yeux au ciel et fait un geste de la main, tandis que je me remet mon manteau et mon écharpe autour de mon cou.

- Laisse, c'est un cadeau de la maison.

- Mais...

- Tu as pris des photos de moi, je te dois bien ça.

A mon tour, je lève les yeux au ciel et il se contente de rire silencieusement tout en allant vers la porte qui doit mener à l'arrière de la rue.

- Merci, dans ce cas.

- C'est moi qui te remercie, il me sourit tandis que la sonnerie se fait encore entendre, je vais aller ouvrir avant qu'elle ne me tue. Bonne journée Harry.

- Bonne journée. A bientôt.

Louis me fait un signe de la main et je hoche la tête, nous nous sortons tous les deux. Moi, par devant. La clochette de la boulangerie se fait entendre quand je referme la porte derrière moi. C'est avec un énorme sourire aux lèvres que je retourne à la maison.

En montant dans ma chambre, je vois bien le regard de ma famille. Le sourire amusé de mamie et le regard que me lance maman, seulement, j'ai envie de garder cela pour moi encore un peu. J'ai envie de garder Louis pour moi.

J'ai plusieurs messages de Maëva. Elle m'informe que Zayn a apparemment une copine, depuis deux ou trois mois, et ça ne me rend même pas triste.

Je suis un peu déçu, mais pas au point d'en avoir le cœur serré. J'ai simplement perdu mon temps, alors que déjà la vie est trop courte pour s'attacher à des personnes qui n'en valent pas la peine. Mais, je ne sais pas, Zayn est peut-être un garçon formidable, gentille et attentionné. Je crois simplement qu'il n'est pas fait pour moi.

Il y a quelques jours, je me serais roulé en boule dans mon lit en attendant que la vie vienne me chercher.

Il y a quelques jours, j'aurais pleuré sur mon sort. Je me serais maudit de toujours être intéressé par des garçons inaccessibles, hors de portée.

Il y a quelques jours, j'aurais souhaité ne plus jamais tomber amoureux.

Mais aujourd'hui, tout a changé.

Aujourd'hui, Louis a tout chamboulé.

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