Eté 2017 - première partie
Été 2017.
Maëva est allongée en travers dans mon lit et me regarde vider ma valise. Je plie mes vêtements que je range ensuite dans l'armoire qui va me servir presque tout ces deux prochains mois.
Cette année, ma meilleure amie se joint à moi pour deux semaines et part ensuite en vacances avec son copain, dans le sud de la France. Elle m'a proposé de me joindre à eux, mais je n'ai pas franchement envie de tenir la chandelle et les voir si heureux et amoureux.
Depuis Janvier, Maëva est constamment sur mon dos. Au début, je n'ai rien voulu lui raconter pour Louis. Mais, elle a bien vu que je fixais sans arrêt mon téléphone et que j'étais complètement ailleurs. Au départ, elle a cru que c'était à cause de Zayn et sa copine, j'ai ris et j'ai fondu en larmes deux minutes après, dans ses bras.
Après trois semaines sans signe de vie, j'ai compris que Louis ne donnerait aucune réponse à mes messages. J'ai eu l'espoir qu'il se soit trompé dans un chiffre, j'ai appelé pour vérifier si ce n'était pas une erreur, mais le message de la boite vocal, sa voix et son prénom m'ont bien fait comprendre qu'il m'ignorait.
Quand je lui en ai parlé, Maëva l'a d'abord traité de tous les noms, mais ça ne m'a pas soulagé pour autant. Parce que malgré tout, depuis Janvier, je n'ai jamais été capable de l'oublier. Même s'il m'a fait tomber amoureux de lui, avant de me pousser dans le vide et me laisser suspendu au bord du gouffre.
Je suis retourné chez mes grands-parents quelques week-ends, et plusieurs jours aux vacances de printemps, mais je ne suis presque jamais sorti de leur maison.
A côté de cela, mes parents voient que je ne suis pas tout à fait moi-même, mais je ne leur ai toujours rien raconté. Je préfère garder mes peines de cœur pour moi. Je sais que ma mère en ferait toute une histoire, et je ne veux pas que ça en devienne une.
Je veux l'oublier, aller de l'avant.
Seulement, tout m'est revenu en plein visage hier quand nous sommes passés devant la boulangerie avec mes parents et Maëva. Ils voulaient aller faire un tour en ville et acheter un repas pour le soir, j'ai commencé à me tendre quand j'ai compris par quelle rue nous allions passer. Ma meilleure amie m'a prise la main pour me soutenir, j'ai cru que j'allais fondre en larmes quand j'ai vu Louis, là, devant mes yeux.
J'ai tout de suite repensé à notre baiser, à son sourire, sa voix, à ses lèvres. Et j'ai détourné le regard pour ne pas lui donner le plaisir de me voir pleurer.
J'aurais aimé ne jamais le croiser à nouveau, parce que toutes les plaies à peine cicatrisées se sont rouvertes.
– Alors, on va faire un tour en ville cette après-midi ?
– Non, je n'ai pas envie.
Maëva se redresse sur ses coudes et me regarde sérieusement, un sourcil haussé. J'évite de croiser ses yeux et me contente de sortir mes affaires de toilette.
– Tu ne vas quand même pas passer tout l'été enfermé ici ?
– Pourquoi pas ?
– Et qu'est-ce que tu vas faire pour t'occuper exactement ?
– Lire, regarder des films et pleurer sur mon sort.
– Harry !
Elle descend du lit en soupirant et me stoppe dans mes gestes, je fixe la trousse entre mes doigts et me pince les lèvres. Je sais ce qu'elle va me dire et ça m'exaspère déjà. Elle pose sa main sur mon poignet et exerce une légère pression dessus, avant de murmurer :
– Haz, regarde moi.
Je soupire mais lève les yeux vers elle. Maëva reste ma meilleure amie, ma confidente, et je ne peux pas la détester non plus. Elle m'a laissé pleurer sur son épaule, me plaindre de ma vie, parler de Louis, manger de la glace à même le pot et me faire un marathon de films tristes et romantiques pour soigner mon mal de cœur. Ça n'a pas réellement fonctionné, mais ça m'a fait du bien pendant quelques heures.
Elle a toujours été présente pour moi. Encore plus ces derniers temps, même si je pense que ça a dû l'agacer au bout d'un moment de m'entendre parler de Louis des heures durant. Lui dire à quel point il est beau et son rire bouleverse mon cœur puis le détester corps et âme de m'avoir fait croire. Croire que j'avais le droit à l'amour et que je pouvais l'aimer.
– Tu ne peux pas passer ta vie à te cacher de lui et vivre en ayant peur de le rencontrer. Je pense... Tu ne devrais pas chercher à le fuir, peut-être qu'il a des choses à t'expliquer et...
– Ne recommence pas avec ça.
– Mais, tu ne sais pas s'il...
– Je sais qu'il ne m'a jamais répondu, ni à mes appels ni à mes messages, et je crois que c'est suffisant, non ? Je l'interrompt presque froidement. Je devrais lui laisser une autre chance de me briser le cœur, c'est ça ?
– Non, de s'expliquer.
– Je ne veux pas qu'il m'adresse la parole, plus jamais.
– Alors, pourquoi tu continues de parler de lui ? Pourquoi tu lui accordes de l'importance comme si le simple fait qu'il respire te dicte ta vie ?
Ses mots cognent dans ma poitrine et je me redresse en laissant ma trousse tomber dans ma valise. Je suis énervé, mais je sais au fond de moi qu'elle a raison. Je vis en fonction de lui. Depuis la nouvelle année, depuis notre baiser, je ne pense qu'à lui, qu'à ce qu'il fait.
Je me demande si parfois il pense à moi, à nous, à ce que nous aurions pu devenir s'il nous avait laissé une chance, s'il m'avait répondu un jour. Je me demande s'il tenait réellement à moi, si ses lèvres contre les miennes signifiaient réellement quelque chose à ses yeux, ou si j'étais juste un amusement, un baiser de plus dans sa vie.
– Maëva, je soupire, je ne suis pas venu pour lui de toute façon. Je viens toutes les vacances ici, je ne vais pas changer cela parce qu'il travaille à quelques minutes de la maison.
– Oui, mais je n'aime pas te savoir dans cet état. Tu ne vas quand même pas t'enfermer les deux prochains mois ?
– Tu es là.
– Oui, pour deux semaines. Après, tu seras tout seul.
– J'ai l'habitude, ne t'en fais pas pour moi.
Ma meilleure amie soupire, je me redresse et laisse ma valise au milieu de la chambre pour le moment. Je n'ai pas réellement envie de parler de ça. Depuis Janvier, je ne cesse de penser à Louis et j'aimerais simplement que mon esprit l'efface pendant ces deux mois. Mais, je ne crois pas que ce sera si facile alors que je risque de le croiser à chaque fois que je mets un pied dehors. Alors que je sais qu'il est ici, à quelques pas de moi.
Je descends me servir un grand verre d'eau. Mes parents sont sur mon dos également, ils sentent que je leur cache quelque chose. Seulement, je n'ai pas tellement envie de raconter mes peines de cœur. J'ai déjà du mal à en parler à Maëva, ce n'est pas pour commencer à étaler mes problèmes à mes parents qui me connaissent un peu trop.
Ma grand-mère me sourit, pose sa main dans mon dos et je lui donne un coup de main pour préparer le repas. Le silence me convient mieux, j'ai besoin de penser à autre chose. De me changer les idées et de respirer un nouvel air.
Ces derniers mois, j'ai la sensation d'être sur le point d'exploser.
Comme si un poids lourd et invisible m'appuyait sur la poitrine et m'empêchait de respirer.
Comme si chaque fois que j'essayais de me distraire, toutes mes pensées revenaient vers Louis.
Comme si, sans lui, la vie n'avait plus le même goût ni aucun sens.
Comme si j'avais cessé d'exister depuis notre dernier baiser.
– Harry, que dirais-tu de venir chercher des plantes avec moi cette après-midi ? J'aurais bien proposé à grand-père, mais il n'aime pas trop sortir quand il fait chaud.
– Bien sûr, je t'accompagnerais.
– Parfait, on s'arrêtera pour manger une glace sur la route.
Je souris, parce que mes grand-parents me gâtent toujours trop. Je suis loin de manquer de quoi que ce soit, ou peut-être juste d'amour. Mais ça, ce n'est pas quelque chose qu'on achète avec de l'argent. Ma grand-mère me remercie d'un baiser sur la joue et un grand sourire. Je l'aide à porter les couverts à table, Maëva se joint à nous et les dispose.
Durant le repas, elle me lance quelques regards inquiets, mais je fais semblant de ne rien voir. Je sais pertinemment que notre conversation de tout à l'heure n'est pas terminée, mais je n'ai pas envie de la continuer pour le moment.
Le temps que mon père fasse la vaisselle, je monte dans ma chambre enfiler une paire de baskets et mettre de la crème solaire. Maëva discute au salon avec ma mère et mon grand-père, notre confrontation aura certainement lieu quand je rentrerai en fin d'après-midi et je ne m'en plains pas. Je n'ai pas envie que ma bonne humeur s'évapore.
Ma grand-mère prend le volant de sa voiture, elle me laisse choisir les musiques que nous allons écouter durant le trajet. Sur la route, j'observe le paysage coloré de l'été qui défile, bercé par le son qui émane de la radio.
Je ne sais pas si elle a compris que je ne souhaitais pas parler, mais ma grand-mère ne cherche pas à discuter avant que nous ne soyons garés devant le grand magasin floral. Elle m'attend à l'entrée tandis que je prends un chariot.
Et lorsque nous mettons les pieds à l'intérieur, l'odeur de la terre, de l'herbe et des différents parfums de fleurs me montent aux narines. Ma grand-mère se met à me parler de toutes les plantes qu'elle aime faire grandir chez elle, dans son jardin à l'arrière de sa maison.
Nous passons bien une heure et demi à choisir les futures fleurs qui orneront son salon et son jardin. Elle ne me laisse pas le temps de penser à quoi que ce soit parce qu'elle monopolise la parole. Et ça me fait un bien fou.
Nous terminons notre après-midi en passant s'acheter une glace. Mon cornet à la lavande entre les doigts, je suis ma grand-mère jusqu'à un banc en face d'un petit parc. Des enfants courent, s'amusent, des familles se promènent, des couples ou des amis se reposent dans l'herbe.
Je savoure le goût frais de la glace contre ma langue, mes lunettes de soleil sur le bout de mon nez. Si j'adore venir passer mes vacances ici, je crois que je préfère encore plus l'été. C'est vivant, coloré et joyeux. Puis, maintenant, l'hiver aura toujours pour moi un goût amer.
– Alors... tu comptes me parler un peu de ce garçon ?
La question de ma grand-mère manque de me faire étouffer avec ma glace, je passe le dos de ma main sur le coin de ma bouche et me tourne vers elle. Elle me regarde avec un petit sourire, son chapeau en paille sur la tête et son sorbet à la mangue qu'elle porte à ses fines lèvres.
Mes joues rougissent instantanément et je ne peux pas les cacher dans un écharpe cette fois. Je me racle la gorge et hausse les épaules. Ma sexualité n'a jamais été un sujet difficile ou tabou. Ma famille m'a toujours accepté et supporté, je n'ai pas à m'en plaindre. Je n'ai jamais eu peur de leur avouer mon attirance pour les hommes, je craignais simplement de briser la proximité entre eux et moi.
Au final, c'est peut-être ma grand-mère avec qui je parle le plus des histoires de cœur. Ça n'arrive pas souvent, parce qu'à part Zayn, je n'ai jamais été réellement intéressé par un homme au point d'en être bouleversé. Mais, maintenant, il y a Louis. Et Louis est véritable tornade. Une tempête de neige. Je n'y ai pas survécu.
– Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
– Ce garçon avec qui tu as passé les vacances en hiver. Je ne le connais pas, mais je t'ai vu plusieurs fois avec et... Il avait l'air de te plaire... ?
Un léger soupir sort d'entre mes lèvres, je baisse les yeux vers ma glace et continue de la manger avant qu'elle ne fonde entre mes doigts. Peut-être qu'au final, c'était une mauvaise idée de venir passer les vacances d'été ici. C'est ce que je me répète depuis que je suis arrivé. Mais d'un autre côté, je ne peux pas décevoir ma famille, mes grands-parents. Et c'est inutile de se priver d'une partie de ma vie pour un garçon qui m'a brisé le cœur.
– Est-ce que c'est à cause de lui que tu es aussi triste ces derniers temps ?
Je me mords brièvement la lèvre et croque dans mon cornet, je me tourne ensuite vers elle et hoche lentement la tête. En discuter avec ma grand-mère est certainement plus facile qu'avec mes parents ou ma meilleure amie, elle ne cherche pas à me protéger du monde entier ou me juger sur mes actions.
Quelques minutes passent sans qu'aucun de nous deux ne prenne la parole. Je crois qu'elle attend que je me sens prêt à aborder le sujet. Elle me donne le temps dont j'ai besoin pour rassembler mes mots.
– On a passé de bons moments ensemble, je pensais qu'il m'appréciait aussi, mais... Quand je suis rentré à la maison, il ne m'a donné aucune nouvelle. Malgré tous les messages que je lui ai envoyé...
Un air un peu plus sérieux prend place sur le visage de ma grand-mère, elle semble réfléchir à la situation. J'ai terminé ma glace et joue nerveusement avec mes doigts. Son avis compte énormément à mes yeux. Elle n'est peut-être pas experte en amour, mais j'ai toujours essayé de suivre ses conseils qui me paraissent les plus raisonnables.
– Et s'il avait peur ?
– Peur ? Je demande en fronçant les sourcils.
– S'il t'a embrassé, s'il est resté avec toi ces jours là, c'est bien que tu lui plaisais. Peut-être qu'il a simplement peur de s'engager dans quelque chose de sérieux...
– Mais pourquoi ne pas m'en avoir parlé alors ?
– La timidité ?
– Il n'avait pas l'air de l'être...
– Parfois, les personnes sont très habiles pour cacher ce qu'elles ressentent ou ce qu'elles ne veulent pas montrer. Sûrement une manière de se protéger.
A nouveau, je hausse les épaules. Louis ne me paraissait pas être une personne timide, il était même assez franc et direct. A part quand nous nous sommes quittés. Mais je crois que je l'avais senti dans sa manière de m'embrasser, comme un dernier baiser. Et j'aurais peut-être dû le voir venir.
Ma grand-mère pose une main sur la mienne et je relève les yeux vers elle. Son sourire me réchauffe un peu le cœur. D'un coup, je me sens moins seul et triste.
– Il habite ici, n'est-ce pas ?
Je hoche lentement la tête, elle passe ses doigts dans mes boucles. Comme elle le faisait quand j'étais enfant.
– Pourquoi n'irais-tu pas le voir, parler de ce que tu ressens avec lui en face à face ?
– Je crois qu'il m'a fait comprendre qu'il ne voulait plus entendre parler de moi.
– Est-ce qu'il te l'a dit explicitement ?
– Non, mais il ne répondait ni à mes appels ni à mes messages...
Depuis Janvier, je n'ai rien effacé. J'ai tout gardé, en souvenir de ce qu'on a vécu ensemble et de l'erreur qu'il a commise. Je ne peux pas nier l'attirance que j'ai ressenti envers lui dès que je l'ai vu, je ne peux pas nier non plus que nous avons partagé de bons moments dont je me souviendrais à jamais.
Cependant, il m'a abandonné et blessé. Il a brisé la promesse qu'il avait faite de garder contact avec moi et je n'ai pas réellement envie de revivre la même déception. Je me suis senti trahi et perdu, je me demande encore si j'ai fait quelque chose de travers, si je ne l'ai pas brusqué. Notre baiser n'avait pourtant pas l'air de le déranger plus que cela, car ensuite, il prenait à chaque fois l'initiative de m'embrasser dès qu'il le pouvait.
– Je pense que tu devrais lui laisser une chance de s'expliquer. Il pourrait peut-être te surprendre, qui sait ? Au moins, tu seras fixé et tu pourras réellement aller de l'avant s'il te dit que ce n'était pas ce qu'il voulait.
En réalité, je n'ai pas envie d'entendre qu'il a changé d'avis et que se lancer dans relation amoureuse avec moi lui déplaît. Je crois que ça me ferait plus de mal que de bien. Mais je ne peux pas non plus me reposer sur l'espoir qu'un jour il me reparlera. Ces derniers mois de silence en ont été la preuve la plus concrète. Je préférais encore qu'il me hurle dessus, que nous passions notre temps à nous disputer, parce que l'ignorance est la pire des tortures.
Malgré tout, j'essaie de me persuader que ma grand-mère a raison. Nous avons besoin d'en parler face à face pour mettre les choses au clair, puis je ne peux décidément pas passer mon été à le fuir. Ni lui, ni mes sentiments.
– Et dans tous les cas, je serais toujours là si tu veux en parler mon chéri, mais tu ne peux pas cesser de vivre et d'être heureux pour un garçon. Si ce n'est pas le bon, tu iras de l'avant jusqu'au jour où tu rencontreras la personne qu'il te faut. Ça ne peut te rendre que plus fort.
Un sourire timide orne à présent mes lèvres, je prends ma grand-mère dans mes bras et la remercie. J'espère simplement que ma personne ne va pas attendre des années, parce que j'en ai assez d'avoir l'impression de me noyer au milieu d'un immense océan vide et sombre.
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