Chapitre 26 : La phytothérapeute à l'action

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Li Mei, jour 25

— Aïe, aïe, souffla Manshik.

— Pardon, j'ai oublié de te prévenir que ça allait piquer, s'excusa Li Mei.

— Hum. C'était pour la forme. Je suis un homme, rien ne me fait mal, dit-il en se raclant la gorge.

Li Mei esquissa un sourire.

Certains hommes étaient douillés et le pêcheur ne semblait pas être une exception.

Elle passa plus doucement le coton sur la commissure de ses lèvres. Juwon ne l'avait pas loupé...

Deux heures plus tôt...

Li Mei faisait le tour du Diamant. Elle avait pris cette habitude tous les deux jours. Une petite marche de deux heures lui faisait le plus grand bien. Sortir du village était ressourçant.

La benjamine aimait passer près du Saphir. Cette cascade à la douceur inégalée. Li Mei aimait s'y arrêter. Regarder l'eau s'écouler dans le bassin. Voir les vaguelettes s'y former et se jeter dans la rivière, qui se mêlerait, bien plus loin, à la mer.

Jamais Li Mei n'avait vu cette plage qu'ils appelaient l'Or. Elle comptait sur les descriptions précises et rêveuses que lui fournissaient Jiho. Ce qu'elle aimait avoir l'Explorateur comme patient.

Il remplissait son esprit d'une imagination sans faille. Elle se permettait, un instant, de voyager dans les magnifiques recoins que pouvaient offrir le Laboratoire.

Du coin de l'œil elle aperçut une sauge et la récupéra pour la mettre dans sa pochette.

25 jours qu'elle était là... Elle approchait du premier mois. Elle se demandait parfois si elle rêvait. Si elle allait se réveiller en sursaut et se rendre compte que tout ceci n'était pas réel. Mais pour le moment, elle semblait toujours dormir à poing fermé.

Les premiers jours avaient été longs ici. Mais voilà une petite dizaine de jours que les journées passaient à une vitesse... Li Mei avait trouvé une routine confortable pour son rôle de phytothérapeute du camp. Elle avait l'impression que sa vie était ici maintenant, et qu'elle finirait le reste de ces jours sur le Laboratoire.

Mais bientôt, ils devraient obtenir des réponses. Ils allaient enfin savoir ce qui les attendait. En tout cas, c'étaient ce qu'ils espéraient.

Sept jours que le nouveau aurait dû arriver. Sept jours qu'ils réalisaient des tours de garde et des recherches régulières. Personne en vue. Et aujourd'hui, un autre nouveau aurait dû arriver... Mais pour le moment, Harin n'était pas revenue de sa recherche. Voilà treize jours que Chonhee, la dernière, était avec eux. Et personne n'avait pris sa place de "petite nouvelle".

Les souvenirs tous les sept jours continuaient de s'éveiller dans l'esprit de chacun d'entre eux. Li Mei s'était rappelée d'un parc floral à Séoul... Un parc où elle adorait aller se promener quand elle avait besoin d'air. Elle ne savait pas si elle y allait toujours seule, et pour quelle raison précise elle s'y rendait. Mais elle savait que c'était un endroit qui la détendait, et la faisait rêver.

Les Indices continuaient d'apparaître tous les trois jours. Rien ne s'était arrêté. Hormis l'apparition de nouveaux Joailliers.

Et tout paraissait logique. Comme le faisait comprendre les codes. Quinze Indices de première vague avaient été récoltés. La deuxième vague comportait probablement quinze Indices également - si l'on pensait que l'Indice 15, qui était introuvable, faisait partie de la deuxième vague.

Au début ils se demandaient pourquoi 15. Ils n'étaient que 14. Jusqu'à ce que Dakho ne leur remette les souvenirs en place.

SiYeon.

Li Mei ne l'avait jamais connue, mais elle connaissait son prénom. Cette jeune femme partie à cause d'une maladie qui la rongeait. Ils auraient dû être quinze. Et ses Indices, malgré son départ, continuaient à être déposés.

Plus personne n'allait arriver. Tout correspondait. Mais les Joailliers préféraient être prudents et continuer les recherches...

Rien n'est sincère chez toi. Arrête de te cacher derrière ce masque ignoble, je sais qu'il est faux, grogna quelqu'un.

Li Mei s'arrêta d'un seul coup. Elle se comporta telle une statue et osa à peine bouger les yeux pour voir d'où venait la voix. Son cœur battait la chamade. Elle ne savait pas quoi faire.

Quelqu'un n'était pas loin et vraisemblablement, sur les nerfs. Devait-elle se montrer ? Continuer son chemin en toute discrétion ?

Pourquoi tu veux voir le mal partout ? Les gens changent et les avis aussi... C'est juste que tu es quelqu'un de buté.

Manshik. Elle reconnaissait sa voix rauque et grave. Il parlait d'un ton léger, comparé à son interlocuteur qui semblait bien plus remonté.

Arrête avec ces jolis mots. Dis-moi ce que tu lui veux.

Juwon. C'était la voix de l'Explorateur. Elle était tellement dédaigneuse et sombre que la benjamine ne l'avait pas reconnue aux premiers abords.

Le cœur de Li Mei tambourinait dans sa poitrine. Elle avait chaud. Stressée de se retrouver dans ce genre de situation. Elle voulait continuer son chemin et ne pas être démasquée. Mais ses jambes ne bougeaient pas. Une part d'elle voulait connaître la suite... Et connaître la raison de leur petit entretien dans la forêt. Jamais Manshik et Juwon n'avaient échangé plus de deux mots. Se contentant de se lancer des regards noirs et assassins à travers le Diamant.

Passer à autre chose. Mais ça tu ne peux pas comprendre. Parce que tu es buté.

Li Mei ne savait pas de quoi ils parlaient. Mais elle était surprise de voir à quel point la voix de Manshik était calme et posée.

Je t'interdis de la blesser à nouveau ! Tu l'as détruit au début, elle était faible par ta faute !

Le ton de Juwon augmentait. Sa voix était proche de l'intensité d'un cri.

Li Mei souffla doucement.

Elle remit les wagons les uns derrière les autres.

Ils parlaient de Sooah.

La Leader lui avait déjà expliqué que Manshik avait été difficile au début, avec ses sautes d'humeur et ses tremblements. Et Li Mei était surprise, car ces derniers jours elle les voyait parler, voire même rigoler ensemble. Comme si quelque chose s'était décoincé entre eux. Depuis qu'ils étaient partis à la recherche du nouveau.

Je lui ai fait la promesse de prendre soin d'elle. Mais il faut croire qu'elle ne te l'a pas dit. Elle ne te fait plus confiance, après tout.

La voix de Manshik se peignit d'un ton assassin.

Li Mei ne voyait pas la scène, mais elle était sûre que Juwon devait serrer des poings à l'heure qu'il était.

Ne remets pas en doute mon amitié avec elle. J'ai toujours été là pour elle, et toi tu as toujours été un frein ! Un mur pour l'empêcher d'avancer.

Le vent a tourné, ne sois pas jaloux. Elle va te détester, te haïr, et me remercier d'être là.

Un bruit sourd et un craquement se fit entendre, puis le calme complet. Li Mei émit un petit cri de surprise. Puis elle entendit des coups couler à flot. Ils se battaient.

Elle se pouvait plus rester dans l'ombre. Son cœur allait sortir de sa poitrine et ses mains se mirent à trembler sous l'inquiétude.

Elle sortit de sa cachette pour découvrir Juwon coincer Manshik sur un arbre qui essayait de se débattre. Elle n'attendit pas une seconde de plus pour crier.

Arrêtez !

Il n'y avait pas besoin de plus.

Ils s'arrêtent instinctivement et se retournèrent vers Li Mei, tous les deux surpris de la voir.

Juwon tenait fermement Manshik par le col, le poing prêt à être envoyé dans sa figure.

Vous ne pouvez pas vous battre !

Le cœur de Li Mei battait toujours la chamade, elle ne savait pas comment réagir. Mes ses mots sortirent tout seul, sa voix cria d'elle-même, ses poings se serrèrent sous la pression. Et s'ils ne l'écoutaient pas ?

Nous sommes tous là pour la même raison ! Ce n'est pas entre nous que nous devons nous battre ! C'est contre ceux qui nous ont envoyé ici ! S'il-vous-plaît, aidez-vous. Entraidons-nous. Manshik, Juwon... vous êtes deux personnes incroyables. Ne laissez pas la haine vous envahir. Vous êtes des piliers. Ne brisez pas tout ceci. Les personnes comme moi comptent sur vous... Vous êtes des meneurs. Je refuse que tout ceci parte d'un malentendu. Laissez-vous vous soigner, et arrêtez de vous battre.

Li Mei avait fermé les yeux, serré les dents et baissé la tête. Elle avait peur de leurs représailles. Qu'ils n'acceptent pas ses paroles, qu'ils se fichent d'elle, qu'ils l'ignorent.

Elle n'entendit plus aucun coup. Mais elle sentit une main sur son épaule.

Elle ouvrit un oeil, puis un autre.

Les cheveux rougeoyants de Juwon voletaient devant ses yeux. Son visage paraissait soudainement doux, malgré le sang qui coulait de sa tempe.

Ça va aller Li Mei... Je suis là. Nous allons rentrer.

Li Mei posa le coton imbibé de sang dans une coupelle. Manshik bailla sans élégance dans le fauteuil du cabinet.

— Ouille, souffla-t-il juste après avoir ouvert sa bouche comme une carpe.

Sa blessure à la commissure de ses lèvres saignait de nouveau.

— Eh ! Fais attention. Elle ne va jamais cicatriser si tu continues comme ça.

— Si on ne peut même plus bailler... s'indigna Manshik, un léger sourire aux lèvres.

Juwon avait refusé d'être soigné. Il était reparti dans la forêt, probablement pour calmer ses ardeurs et ne pas sauter une nouvelle fois au cou de Manshik. Ce dernier, quant à lui, avait accepté joyeusement d'être soigné par la phytothérapeute.

Li Mei souffla intérieurement. Jamais elle n'aurait pensé voir Juwon et Manshik se battre un jour. Ils étaient deux fortes têtes au sein du Diamant. Juwon était meneur, personne ne connaissait l'île comme lui. Personne n'avait sa force mentale, personne ne l'égalait sur son implication de leur raison sur l'île.

Manshik, c'était la joie, la bonne humeur. Celui qui souriait, blaguait, prenait tout le monde sous son aile. Il ne faisait aucune différence entre les Joailliers, et c'était ce qui rendait ce personnage tout aussi important que celui de Juwon, voire même celui de Sooah.

Li Mei était surprise par la relation que partageaient Juwon et Sooah. Il n'y avait que de l'amitié, elle n'en doutait pas. Mais cette amitié semblait bien plus forte que l'amour qu'elle partageait avec Minjae qui était bien plus en retrait.

Elle comprenait la jalousie de Juwon mais comprenait aussi le dédain de Manshik. C'était une situation particulière.

Manshik posa sa main sur sa mâchoire pour la faire bouger avec douceur. Juwon lui avait mis un sacré coup.

— Vous m'avez fait super peur, ne recommencez pas ça, ordonna Li Mei.

— S'il se tient à carreaux, on ne recommencera pas. Mais j'ai adoré ses yeux remplis de haine ! C'était magnifique.

Li Mei lança un regard noir à Manshik.

— Bah quoi, c'est pas ma faute s'il avait envie de me "parler", dit-il en mimant des guillemets. Mais j'avoue, que sur la fin, je l'ai un peu cherché, se réjouit-il.

— Vous me désolez... Heureusement que j'étais là, sinon ça aurait pu être bien pire.

À ce moment, quelqu'un ouvrit la porte du cabinet pour entrer et laissa passer sa tête brune au visage angélique.

Jiho.

— Oh coucou Meng Difan !

— Moi aussi je pourrais avoir un surnom Chinois un de ces jours ? jalousa Manshik.

— Euh... Oui peut-être. Ça sort tout seul, je ne réfléchis pas avant de le dire, avoua-t-elle avec un sourire maladroit.

C'était une sensation que Li Mei n'aimait pas.

Sortir des mots qui lui paraissaient incompréhensibles, puis en déduire le sens quelques secondes plus tard. Comme si on lui imposait cette langue. Elle ne put se résoudre à regarder son bracelet noir. Était-ce lui qui se jouait de ses connaissances ?

— Bon, je vous laisse. Merci Limmie pour m'avoir soigné. Et t'inquiète, maintenant je ferai des bisous et des câlins à Juwon quand je le croiserai, dit-il avec ironie avant de sortir de la pièce.

Jiho suivit du regard Manshik et son visage amoché qui quitta le cabinet.

Il ne posa néanmoins aucune question quand il se posa sur le fauteuil, prêt pour son traitement quotidien.

Li Mei lui rapporta la tablette pour qu'il puisse y poser son pied et souleva sans attendre le pant gauche de son pantalon.

Cette nouvelle routine quotidienne lui plaisait. Li Mei se sentait vraiment utile dans ces moments.

Elle s'arma de sa crème aux 7 plantes pour poser ses mains sur la cuisse du jeune Explorateur.

La personnalité de Jiho était tellement douce et affectueuse que Li Mei en oubliait tous les mystères non résolus du Laboratoire quand elle était avec lui. Il lui faisait oublier toutes ses expériences négatives, repoussait les mauvaises ondes et la faisait rêver de par sa voix douce et son sourire angélique.

Jiho était un réel ami. Comme l'était Harin pour elle. Elle ne voulait en aucun cas être séparée d'eux, ils comptaient beaucoup pour elle.

— Est-ce que tu veux que je te masse l'autre jambe aussi ?

Li Mei avait toujours pris soin de sa jambe gauche où il avait subi son élongation. Aujourd'hui, elle voulait allonger le temps du rendez-vous pour ne pas penser à l'accrochage passé entre Manshik et Juwon.

— Je serai fou de ne pas accepter... dit-il d'une voix mielleuse.

En effet. La question était plutôt rhétorique que réelle.

Li Mei se permit de lever l'autre pant de son pantalon.

Par mégarde, sa main glissa sur son t-shirt qui se releva au niveau de ses pectoraux.

— Mince, excuse-moi.

Jiho se mit à rougir. Li Mei se repositionna, droite, mal à l'aise.

Son regard se posa discrètement sur ses abdominaux.

Il n'était pas du genre comme Juwon, à montrer son corps, à se trimbaler torse nu. Mais Jiho était presque autant musclé. Fin, à l'allure élancée, le jeune Explorateur cachait sous son haut un corps aux allures parfaites.

Les yeux de Li Mei se firent plus insistants, remarquant une tâche brune en haut de son adducteur droit.

— Est-ce... une tâche de naissance ?

Li Mei tendit la main pour frôler sa peau.

Jiho frissonna puis la phytothérapeute retourna sur Terre et retira sa main d'un seul coup.

Elle se retourna auprès de son établi et attrapa un torchon pour le prendre entre ses doigts. Elle avait enfreint son espace de confort. Elle l'avait touché à son insu.

Li Mei se retourna vers lui, pour adopter un sourire professionnel.

— Je vais te masser la jambe droite, ça ne pourra que lui faire du bien.

Elle descendit avec douceur le t-shirt pour Jiho pour cacher son ventre.

Il n'avait même pas pris le soin de le cacher lui-même...

Li Mei se racla la gorge et entreprit son massage quotidien.

Il lui fallut quelques secondes pour palper sa jambe et comprendre que quelque chose était différent.

Les os n'étaient pas positionnés de la même façon ici.

Elle toucha encore, les yeux fixant un point de son cabinet.

— Limmie ? l'interrogea Jiho, comprenant qu'elle ne massait pas mais palpait quelque chose.

Sous sa main, son os était dur, droit. Non naturel.

Ce n'était pas différent de sa jambe gauche. C'était tout pareil. Avec quelque chose en plus. Une tige solide pourtant fine mais bien présente.

Une broche.

La jambe droite de Jiho avait une broche.

— Jiho, je... Tu as déjà eu un accident ?

Quand Li Mei tourna son regard vers lui, son environnement sembla se distorsionner.

Le fauteuil de Jiho se changea en lit d'hôpital. Les murs de l'extension devinrent blancs. Le paravent devint le support d'une poche de perfusion. Une femme la regardait à présent. Un cinquantenaire aux airs fatiguées, des rides marqués, des cheveux bruns lisses mais gras, un regard doux la scrutait.

— Li Mei...

La voix, c'était celle de Jiho. Elle sortait de la bouche de cette pauvre dame malade. Li Mei ouvrit les yeux remplis d'horreur, son cœur semblait avoir remplacé son cerveau. Elle l'entendait battre comme jamais. Un flux d'énergie parcourait son corps. Une énergie mauvaise, déstabilisante. Li Mei recula. Elle tapa contre le paravent et elle tomba au sol.

Les murs blancs disparaissaient. Le visage de la vieille dame rajeunissait pour montrer celui androgyne de Jiho. Le lit se réduisait pour se transformer en vieux fauteuil.

Elle était au Diamant. Elle était bien sur l'île.

Jiho la regardait avec inquiétude. Li Mei avait les yeux révulsés, le cœur battant à tout rompre. Bientôt, l'extension reprenait sa forme originelle.

Mais avant, Li Mei s'exécuta par instinct. Elle releva son poignet pour regarder son bracelet. Une diode rouge était allumée puis disparut une microseconde plus tard.

L'extension était à nouveau comme elle l'avait toujours été, et Jiho plus réel que jamais.

Elle venait de recevoir une illusion.

Une illusion qui avait retourné son cerveau et son estomac.

Elle attrapa avec rapidité la poubelle de la cuisine pour y rejeter tout son déjeuner.


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