Chapitre 17 : La mélodie du Laboratoire

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Li Mei, jour 10

Jamais la médecin n'avait travaillé aussi tard.

Cela faisait presque une heure que le soleil s'était couché et Li Mei commençait tout juste à ranger son matériel sur ses étagères.

Elle avait trouvé énormément de fleurs aux propriétés bienfaisantes aujourd'hui. Ses pieds étaient gonflés et ses jambes lourdes. Ses mains tremblaient légèrement à force d'avoir malaxé les pétales et les pistils des fleurs. Elle avait été très productive. Elle était fière d'elle, elle devait l'avouer.

Avant de quitter son cabinet, elle jeta un dernier regard à sa paillasse de travail. Elle admira une dernière fois ce bouquet aux couleurs douces de roses, de violettes, blanches mais aussi de bleues. Ce présent que lui avait offert Jiho.

Il lui avait donné en fin de journée, laissant penser que ces fleurs seraient des échantillons pour ses préparations. Il avait promis qu'il en rapporterait d'autres si besoin, si les cosmos possédaient des bienfaits conséquents.

En effet, ces fleurs étaient anti-inflammatoires et antispasmodiques. Mais Li Mei n'avait pas eu la force de les abîmer. Elles étaient tellement belles et... le cœur de la benjamine s'était emballé quand elle avait vu ce mélange de couleurs sublimes qu'on lui offrait. C'était probablement la première fois qu'on lui tendait un bouquet... Elle ne pouvait pas le réduire à néant. Elle voulait l'observer pendant des heures.

Li Mei et Jiho avaient passé un pacte. Elle décrirait, au mieux, les fleurs dont elle aurait besoin dans ses préparations et Jiho lui ramènerait quand il partirait en Exploration. Ils avaient noué leurs auriculaires puis touché le pouce de l'un et de l'autre. Ils s'étaient fait une promesse.

Li Mei se força à quitter le bouquet du regard, elle devrait demander à Dakho de lui fabriquer un vase... Elle avait utilisé un pichet d'eau pour maintenir les fleurs. Mais avant, le maçon avait encore un paravent à lui fabriquer. Le pauvre, avec Li Mei il allait avoir une grande liste d'attente. Il n'allait pas s'ennuyer.

Li Mei sortit de son cabinet. Quand elle ouvrit la porte du Hall, elle fronça ses sourcils.

Elle entendait une douce mélodie. Elle semblait venir de l'extérieur du Diamant. Peut-être était-ce celle que Manshik avait entendu quelques jours plus tôt ?

Li Mei se dirigea tel un robot, vers ce son. Elle devait découvrir ce que c'était. Puis très vite, elle comprit ce qui se tramait.

Rien de bien étrange. Elle n'était pas folle et Manshik ne devait probablement pas l'être non plus.

Quelques Joailliers étaient assis autour d'un feu de camp, aux abords de la forêt.

Li Mei s'approcha, absorbée par cette mélodie enchanteresse. Manshik tapotait doucement sur un petit tambour fabriqué par leurs soins, suivi par Dakho qui caressait des clochettes avec délicatesse.

Et cette voix. C'était celle du pêcheur. Elle était rauque, vibrante, profonde et gutturale. Li Mei en eut des frissons. Elle ne savait pas si cela venait de la brise fraîche ou du chant que lui offrait ce compagnon, accompagné de paroles intenses et personnelles... qui leur parlait à tous.


Sous cet aspect idyllique, tu nous plonges dans un sombre mystère.

Sous cette lueur éphémère, tu nous gardes prisonniers par tes océans.

Je me sens comme un garçon perdu qui s'est réveillé dans un endroit inconnu.

Dis-moi ce que tu attends de moi, de nous.

Oh, Laboratoire, nous voulons cesser d'être gardés entre tes griffes.

Laisse-nous notre liberté, et nous te rendrons ta paisibilité.


Un nouveau frisson intense envahit Li Mei. Encore une fois, les anciens du Diamant démontraient qu'ils attendaient un présage pour quitter cette île depuis un bon moment...

Manshik qui chantait les yeux fermés jusqu'à maintenant, les rouvrit, signe qu'il venait de finir son chant. Il croisa directement le regard de Li Mei et un énorme sourire s'afficha sur son visage. Il se leva du rondin de bois sur lequel il était assis.

— Eh ! Li Mei ! Viens-donc t'asseoir avec nous !

Alors que les autres ne l'avaient pas remarqué non plus, Dakho se leva également pour l'accueillir. Sangook lui adressa un sourire, Kihyun l'observa avec une pointe de curiosité et Miya osa à peine lever les yeux vers elle.

Li Mei baissa son visage pour s'excuser.

— Désolée, je ne voulais pas vous déranger.

— Oh mais non, viens ! Tu es la bienvenue ! s'écria le garçon aux cheveux fous.

Pour accompagner la bonne humeur de Manshik, Dakho fit de grands gestes pour inviter la phytothérapeute avec eux, et s'écria à plusieurs reprises "Li Mei, Li Mei, Li Mei !". La benjamine ne put que sourire face à leur enthousiasme, puis elle accepta de s'asseoir avec eux. À vrai dire, elle avait espéré pouvoir passer un petit bout de soirée avec eux. Leur coin était bien sympa : un modeste feu de camp avait été installé au centre des Joalliers et des rondins de bois servant de banc étaient posés en cercle autour des flammes vibrantes. Alors que Sangook se réchauffait les mains devant le feu, Miya était assise à même le sol, les jambes en tailleur.

— Maintenant que le soleil Li Mei est là, chantons quelque chose de plus joyeux ! s'exclama Manshik qui frappa sur son tambour avec bien plus de force que tout à l'heure.

— Arrête, ce n'est pas vrai, tu vas me rendre mal à l'aise ! se plaignit Li Mei en cachant son visage avec ses mains.

— Mais si ! Tiens Dak, passes-lui un instrument. Sangook s'endort, on va le réveiller un peu.

Li Mei attrapa un xylophone en bois sculpté grossièrement que lui tendait le maçon. Elle observa Sangook qui esquissa un rictus face à la remarque de Manshik.

Changement d'ambiance abrupt, Manshik tapa fortement sur son tambour, Dakho remuait ses clochettes dans tous les sens et Kihyun rejoignit la danse en tapant sur le rondin de bois.

Li Mei ne savait pas pendant combien de temps ils avaient chantés et criés.

Manshik et Dakho étaient les deux clowns de la bande. Faisant peur à Sangook quand il piquait du nez, titillant Kihyun quand l'occasion se présentait et, c'étaient les seuls à pouvoir faire sourire Miya sur cette île.

Ils s'étaient lancés dans des rimes sans fin. Tout le monde avait participé, même Li Mei. Mais elle était vraiment nulle à ça... Dakho était toujours le dernier à finir ses rimes, soit, le meilleur. Le rôle de maçon lui allait à merveille, la benjamine se rendait compte qu'il avait une imagination et une créativité sans limite. Alors qu'il avait réussi à faire danser Miya en faisant des vagues avec ses bras, la jeune femme au visage habituellement caché par ses cheveux, jouait le jeu. Manshik s'était mis à se balancer de droite à gauche, entraînant Li Mei dans son mouvement musical. Sangook tapait des mains et Kihyun regardait principalement Manshik et Dakho avec un mince sourire. Il se permettait de lever les yeux au ciel quand les deux garçons en faisaient trop. Mais il les regardait avec tant de tendresse dans le regard que Li Mei n'arrivait pas à reconnaître l'agriculteur.

Puis le brouhaha fut arrêté brusquement par un Manshik qui se leva et cria soudainement :

— Eh Insu !

Li Mei se retourna pour voir le Créateur passer – probablement discrètement - au sein du Diamant.

Il essayait de se cacher derrière ses cheveux longs.

— Viens avec nous ! s'exclama le plus grand du Laboratoire.

Puis Insu s'arrêta. Il ne pouvait pas ignorer la demande de Manshik, il avait clairement été repéré.

Il se retourna tout d'un coup, comme si des projecteurs étaient fixés sur lui puis passa une main dans ses cheveux.

— C'est très sympathique tout ça, mes petits camarades, mais j'ai à faire. La nuit de sommeil n'est pas à négliger vous savez.

Li Mei entendit Miya souffler et pousser un râle, Dakho étouffa un rire et Kihyun marmonna des mots incompréhensibles, mais c'était sûrement mieux comme ça.

Sangook quant à lui, continuait à piquer du nez, la situation lui passait au-dessus de la tête.

— Allez, quelques petites minutes, viens nous composer une petite mélodie, une petite danse, insista Manshik.

— Je ne vais pas vous révéler mes secrets. Je vous souhaite une bonne soirée, lunes du Laboratoire.

Puis Insu tourna les talons, le dos droit, le menton levé et il entra dans le dortoir masculin.

— Je suis déçu... Je voulais le voir à l'action, se plaignit Manshik en s'asseyant lourdement sur le rondin.

Dakho se leva d'un coup pour passer une main dans ses longs cheveux imaginaires et prit une voix hautaine :

— Ne vous plaignez pas d'être fatigués demain, je vous aurais prévenu !

Un rire général résonna dans la nuit noire.

Sangook en profita, à ce moment, pour souhaiter bonne nuit à tout le monde puis il rejoignit Insu dans le dortoir.

— Bon... On a quand même réussi à avoir Joochan et Li Mei pendant notre soirée clandestine, se réjouit le pêcheur.

— Joochan était là tout à l'heure ? demanda Li Mei, intriguée.

— Oui, il n'est pas resté tard, mais il a eu la sympathie de se joindre à nous, répondit-il.

— Les autres ne viennent pas ?

Quand Li Mei parlait des autres, elle sous-entendait Sooah, Harin, Juwon, Jiho et Minjae qui n'étaient pas là ce soir.

— On ne mélange pas les torchons avec les serviettes, ma petite Li Mei. Nous ne l'avons pas choisi, mais nous l'avons bien compris, lui dit-il d'une voix platonique, le regard fixé sur un point.

Dakho le poussa gentiment avec son épaule.

— Allez Mannie, un jour on fera une soirée tous ensemble tu sais.

Manshik n'esquissa même pas un sourire, il n'exprimait rien dans son regard. Li Mei comprenait que ce n'était pas un sujet à aborder mais que c'était bien quelque chose qui le tracassait au fond de lui.

— On fait un Cham-cham-cham* ? proposa Dakho pour relancer les festivités.

Alors que Manshik repartait de bon cœur, Li Mei resta plongée dans ses pensées. Elle avait bien remarqué qu'il y avait deux gros groupes au sein du Diamant et quelques électrons libres. Elle se demandait bien pourquoi... Quelque chose avait donc causé ce différend entre les Joailliers ? Étaient-ce juste leurs personnalités qui ne pouvaient pas s'accorder ensemble ? Elle savait que ce n'était pas le moment, ni le soir pour poser des questions à Manshik. Mais la curiosité de Li Mei était piquée. Elle aimerait, un jour, avoir deux versions de la situation. De la part de Manshik, mais aussi de Sooah. Quel était donc ce conflit qui régnait entre les deux camps ?

Li Mei fut contrainte de rejoindre le jeu quand Dakho se plaça devant elle, les doigts pointé vers son visage. Dès qu'il eut crié "Cham-cham-cham", Li Mei tourna son visage à droite et les doigts de Dakho pointèrent vers la même direction. Li Mei avait perdu, elle devait se prendre un coup sur le crâne. Alors qu'elle fermait ses yeux avec force, comme si la douleur en serait estompée, Dakho lui donna un petit coup avec son doigt.

Li Mei laissa échapper un rire. Alors que les garçons s'en donnaient à cœur joie pour se frapper le crâne avec force, ils étaient doux et gentils avec elle. Peut-être un peu moins avec Miya... Mais vu les coups qu'elle leur donnait également, ils pouvaient bien riposter contre elle.

Ce fut au tour de Li Mei de commander le jeu. Elle laissa de côté cette réflexion sur cette discorde au sein du Diamant et se dirigea vers Kihyun. Pouvait-elle jouer au Cham-cham-cham avec lui ? Serait-il vexé s'il perdait contre elle ? Mais la réponse n'attendit pas, Li Mei tourna sa main d'un côté et Kihyun à l'opposé. Il avait gagné, elle ne pouvait pas lui donner de coup sur la tête. Elle joua contre Manshik, il perdit et elle le frappa sur le crâne.

— Quoi ? Mais c'est tout ?! Faut frapper Li Mei ! se plaignit Dakho qui aurait aimé voir le pêcheur se plaindre.

Le maçon récolta ce qu'il venait de semer car il perdit face à la médecin et elle lui donna un gros coup sur la tête.

— Yah ! Mais fallait donner un gros coup à Manshik, pas à moi ! dit-il en rigolant, pas rancunier pour un sou.

Le pêcheur était bidonné de rire et l'agriculteur lança des pics au maçon. C'était bonne ambiance. Puis Li Mei se plaça devant Miya. La pêcheuse osa à peine lever les yeux et grogna d'une voix basse :

— Je ne joue plus.

Le cœur de Li Mei s'accéléra. Elle avait déjà remarqué que Miya n'était pas réceptive aux discussions avec les filles de son dortoir, mais de là à refuser ce jeu avec Li Mei, cela lui prouvait qu'elle ne l'appréciait vraiment pas.

— Oh mais Miya fais un effort ! Elle est cool Li Mei ! plaida Manshik.

— J'ai dit que je ne jouais plus ! s'écria-t-elle d'un coup.

Puis Miya se leva et rejoignit, après de grandes enjambées, le dortoir féminin pour disparaître de la vue de ses amis.

— Faut vraiment qu'elle arrive à gérer ses appréhensions ! Elle est incroyable ! râla Manshik en faisant de grands gestes.

Le cœur de Li Mei battait à tout rompre. Elle venait de faire fuir Miya... Elle la détestait. Pourquoi ne pouvait-elle pas la voir ? Li Mei avait-elle fait quelque chose de mal ? Elle se sentait vide de toutes émotions, quoiqu'une pointe de tristesse s'élevait au creux de sa poitrine.

— Tu n'as rien fait Li Mei, ne t'inquiète pas, la rassura Dakho. Nous pensons qu'elle a un manque de confiance en elle.

— Elle est surtout insupportable, grinça Kihyun.

— Mais vous êtes compliqués aussi, râla Manshik en parlant de Kihyun et Miya.

Alors que la soirée commençait à toucher à sa fin, Manshik, Dakho et Li Mei parlaient de tout et de rien. De l'indice du jour- cette fameuse cartelette rouge et noir -, du repas qu'ils avaient mangés ce soir, du pont qu'était en train de fabriquer le maçon... Kihyun était plutôt silencieux.

Li Mei risqua un regard vers lui.

Puis, elle ne le quitta pas, consternée de le voir si fragile, subitement.

Kihyun avait les mains sur ses oreilles, la tête recroquevillée près de ses genoux, il murmurait, ses mains tremblaient. Il se balançait d'avant en arrière. Li Mei se leva, prête à lui demander si tout allait bien, elle voulait lui apporter de l'aide. Mais Kihyun se mit debout d'un coup sec, ses yeux rougeoyants et humides, son regard rempli de confusion au premier abord qui se changea en haine en une seule seconde. Il serra ses poings tellement forts qu'il était prêt de saigner.

— Est-ce que tout... commença Li Mei.

Kihyun cria, il donna un coup de pied dans le rondin de bois, son visage devint rouge et il s'enfonça dans la forêt.

Li Mei ne comprenait rien. Tout semblait être passé si vite, elle n'avait pas réussi à s'occuper de lui à temps et Kihyun venait de partir tout seul à la fois fulminant et bouleversé.

— Bah, qu'est-ce qu'il lui arrive ? lança Manshik comme s'il se réveillait tout juste d'une sieste.

Dakho haussa ses épaules.

— Il était... Il tremblait. Quelque chose ne va pas, précisa Li Mei, inquiète.

Elle n'osa même pas regarder les deux garçons, son regard restait fixe, là où avait disparu Kihyun quelques secondes plus tôt. Elle était inquiète pour lui. Pourquoi s'était-il énervé subitement ? Pourquoi, durant quelques secondes, semblait-il avoir perdu tous ses moyens ?

— On ne peut pas passer une bonne soirée avec eux. Ils me tapent sur le système ! Bon... bah je vais le chercher, râla Manshik, en disparaissant à son tour dans la forêt.

Li Mei avait un sentiment étrange, un vide à la place de son cœur et de sa poitrine. La soirée avait été bonne mais plusieurs moments avaient inquiété la médecin. Que ce soit le refus de Miya d'échanger avec elle ou le départ inquiétant de Kihyun. Était-ce une situation normale au sein du Laboratoire ? Li Mei n'était là que depuis dix jours, et chaque jour, elle était surprise de la tournure des évènements.

Dakho ne s'en inquiéta pas le moins du monde et bailla à s'en décrocher la machoire.

— Bon bah je pense qu'il est l'heure pour nous. Seul Manshik pourra résonner Kihyun. Ne t'inquiètes pas.

Le regard de Li Mei croisa celui de Dakho qui était doux et rassurant. Il avait raison. À son niveau, la phytothérapeute ne pouvait rien faire. Elle devait accepter ces situations et les laisser entre des mains expertes.

— Je te dis à demain !

Dakho lui fit un signe de la main et rejoignit le dortoir masculin.

Li Mei sentit la brise fraîche passer à travers sa nuque, ses cheveux, son visage. Les membres de son corps devinrent soudainement lourds. La fatigue la gagnait elle aussi. Elle se trouvait toute seule, à côté du feu de camp qui crépitait faiblement et allait s'éteindre d'un moment à l'autre.

Il était temps pour elle de rentrer, même avec ce sentiment étrange qui régnait au sein de son corps. La nuit ne lui serait que bénéfique, à elle, comme aux autres.


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Nous changeons un peu d'environnement ici ! Nous ne suivons pas souvent ce groupe de persos. Ça change un peu :)

Petit mystère avec Kihyun qui part sans rien dire... :P Je vous laisse à vos réflexions héhé

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