Chapitre 13 : Fleur de lotus
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Li Mei, jour 7
C'était fou à quel point Li Mei s'était habituée à la vie au Diamant. Elle se rappelait avoir été stressée à peine quelques jours auparavant. Elle se souvenait être tombée dans la mélancolie à plusieurs reprises. Mais aujourd'hui, depuis hier même, Li Mei était comblée. Comment en sept jours cela pouvait-il être possible ? Est-ce qu'un gaz de bien-être se mouvait dans les airs ? Elle se le demandait parfois. Et elle souriait bêtement à chaque fois que cette pensée lui traversait l'esprit... C'était tellement idiot. Mais depuis qu'elle avait trouvé son rôle de médecin sur l'île, Li Mei attendait le lendemain comme un bourgeon attend le soleil pour fleurir. Elle se sentait légère. Elle voulait remplir cette responsabilité à la perfection. Elle voulait être là pour les autres.
Et en ce milieu d'après-midi, elle allait faire le tour du Laboratoire pour récupérer des plantes nécessaires à ses préparations.
Elle avait même obtenu le droit d'être accompagnée par un guide personnel. Qui, justement, l'attendait près du plus grand arbre, à l'arrière du Hall. Il avait le dos posé contre le tronc, il regardait l'horizon, comme s'il attendait que sa destinée lui soit livrée.
Avec ses vêtements en lin gris, sa silhouette n'avait jamais paru aussi élancée. Ses cheveux noirs mi-long voletait au vent. Il ferma les yeux pour profiter de la brise et Li Mei ne put que sourire.
Jiho semblait paisible.
Il croisa son regard, puis quitta le tronc de l'arbre. Il s'abaissa pour saluer Li Mei qui lui répondit par un signe de la main. Elle s'approcha de lui, assez pour parler sans crier et lui demanda comment s'était passé sa journée.
— On attend notre Signal avec Juwon, mais on ne l'a pas encore eu. Je peux quand même t'accompagner pour faire un petit tour.
— Oh ! Vous en recevez un aujourd'hui ?
— Oui, tous les trois jours. Mais on ne sait jamais à quelle heure on recevra les infos...
Ils se regardèrent quelques secondes puis Jiho continua :
— Je te fais visiter ?
— Avec grand plaisir ! J'avoue, je suis assez impatiente de voir ce qu'il y a autour du Diamant.
Jiho étouffa un rire.
— C'est beaucoup de forêts à vrai dire. Mais il y a des endroits sympas.
— Et tu vas me montrer un petit coin sympa ? quémanda la benjamine.
— Tu veux que je te montre le Saphir ?
— Oh oui, j'adorerais !
Jiho était attendri par tant de mignonnerie de la part de Li Mei. Elle le voyait à son regard doucereux.
— Mais euh... C'est quoi déjà le Saphir ? demanda-t-elle en jouant avec l'une de ses couettes, embarrassée.
— C'est la grande cascade qui se jette dans la rivière, près de notre camp, précisa-t-il d'un ton chantant.
On lui avait déjà parlé de cet endroit, le jour où les Explorateurs lui avaient présenté le plan du Laboratoire. Mais elle avoua, honteuse, ne pas s'être souvenue de tout. Jiho la rassura et la guida à travers la forêt pour une petite balade, direction cette cascade qu'elle n'avait jamais vue.
Li Mei s'était vêtue de la robe rose et blanche que lui avait offerte Harin, mais n'avait pas pensé qu'il aurait été préférable de se promener en combinaison complète... Elle se faisait piquer les jambes par des herbes parfois trop hautes. Jiho, en bon guide, lui retenait ces obstacles pour qu'elle ne se blesse pas... Assez contradictoire pour un médecin. Mais au moins, elle pourrait se soigner sans trop de difficulté.
Après quelques pas, elle conclut qu'elle porterait sa robe uniquement quand elle resterait au cabinet. Lors de ses recherches pour la flore, elle demanderait t-shirt et pantalon à sa chère Harin.
Li Mei observa tout autour d'elle. Les arbres étaient tellement différents les uns des autres... Les plus proches étaient petits, pauvres en feuilles et leur bois blanc se rapprochait de la clarté de la neige. Les plus éloignés étaient gros et imposants, leurs troncs étaient ébène et leurs feuilles pourtant petites étaient tellement denses qu'elles cachaient sans mal le bleu du ciel. Le sol, lui, était fourré de pièges. Des cailloux gris, souvent lisses, sortaient le bout de leur nez de cette terre meuble pour parsemer le "chemin" d'embuches. Sans parler des racines qui avaient pris entière possession des lieux.
Tout ceci n'avait rien à voir avec les chemins de randonnée qu'elle avait dû emprunter dans sa vie d'avant. La structure de cette forêt lui paraissait être une totale découverte. Jamais Li Mei ne pensait avoir traversé un endroit si sauvage.
Les oiseaux chantaient, les bois, les feuilles, craquaient dans la forêt, le vent jouait un doux son en s'insérant dans les interstices de ce labyrinthe naturel.
Li Mei aimerait avoir un microscope. Elle voudrait prendre un échantillon de la terre pour voir toutes les petites bestioles qui séjournaient dedans... Mais elle était persuadée que la cabane ne lui donnerait jamais un objet technologique aussi poussé.
Quand les innombrables racines et pierres se firent plus rares, Jiho s'intéressa à l'installation de Li Mei. L'organisation de son cabinet. Ils discutèrent quelques minutes de son emplacement et des matériaux que lui avait offert la cabane.
Puis soudainement, dans cette vaste végétation, elle reconnut des hibiscus aux pétales fripés teintées de roses, elle se pencha pour en prendre quelques échantillons. Elle ouvrit sa sacoche couleur noisette que lui avait cousu Harin pour y plonger ces fleurs connues pour ses effets antioxydants, mais également utiles pour protéger contre les ultra-violets de l'astre lumineux.
Elle admira ces jolies fleurs au creux de sa main. Elles étaient semblables à celle que Insu lui avait offert sous forme de collier. Mais l'idée qu'elle eue, actuellement, fut de déraciner proprement ces fleurs. Peut-être qu'elle pourrait demander à Kihyun de lui mettre en pot ? Ou pourrait-elle se voir offrir une portion du Diamant pour y planter des fleurs ?
Ce serait vraiment très pratique pour elle. Mais en même temps... vu la taille de sa sacoche, elle ne pourra pas transporter autant qu'elle le voudrait.
Li Mei allait devoir trouver une organisation solide pour son cabinet. Les idées flambaient dans son esprit, c'était déjà un bon départ.
Les arbres se dispersèrent et le soleil illumina l'herbe dense et verdoyante. Li Mei leva son visage, un œil fermé pour s'habituer aux rayonnements vifs. Jiho exécuta un demi-tour gracieux pour faire face à la jeune femme.
— C'est tellement agréable de sentir la chaleur sur sa peau, murmura-t-il en pointant ses paumes vers le ciel.
Le cœur de Li Mei loupa un battement. Son corps se fit plus lourd, son visage se décomposa et ses yeux doublèrent de volume.
Elle était imposante, immense, épaisse, solide. À la fois monstrueuse et grandiose. Li Mei n'était qu'un minuscule grain de sable à côté. Le Diamant faisait pâle figure. L'île était bien plus vaste qu'elle ne le pensait. Bien plus mystérieuse qu'elle ne l'avait imaginé. Il y avait tant de choses qu'elle ignorait...
Elle était scotchée. Comme si son esprit s'était envolé, comme s'il était en train de fuir son corps. Li Mei n'en croyait pas ses yeux.
Et pourtant, elle était devant. Incroyable, irréelle.
Cette immense falaise qui séparait l'île en deux parties.
Elle était tellement abrupte, sa pierre si blanche, qu'elle était un soleil à elle toute seule. Elle en était aveuglante. Elle en était intimidante. Li Mei se croyait dans une autre dimension.
Cette falaise, rien ni personne ne pouvait la survoler. Il fallait être un oiseau pour oser s'y aventurer et passer ce haut mur d'un demi-kilomètre de hauteur.
C'était à la fois exaltant et inquiétant.
Le cœur de Li Mei battait à mille à l'heure. Pour elle, c'était actuellement un trouble qui l'habitait. Elle ne savait que penser de cette immense barrière naturelle. Elle avait traversé tant d'émotions en une seconde, que seule une petite crainte brillait au fond de son être à présent.
— C'est la première fois que tu la vois ?
Li Mei cligna plusieurs fois des paupières. Ses bras et ses doigts se mouvèrent à nouveau. La voix de Jiho la ramena à la raison.
— Elle est vraiment très... murmura-t-elle.
Tous les adjectifs pouvaient lui convenir, et en même temps, aucun.
— C'est la géante de l'île. Celle qui nous intrigue, celle qui nous interroge. On ne sait pas ce qu'il y a en haut. Et on ne le saura sûrement jamais, répondit Jiho d'une voix plate.
— On ne l'aperçoit pas du Diamant ? demanda Li Mei, surprise de ne pas l'avoir vu jusque maintenant.
— Si. Mais qu'une petite partie. Les arbres du Diamant réduisent ce côté colossal.
Li Mei l'admira à nouveau. Cette falaise était indescriptible, irréelle, effrayante mais aussi théâtrale.
Mais son émerveillement fut de courte durée car elle entendit une voix familière s'approcher d'elle.
— Oh... S'il-vous-plaîîîîîît, offrez-moi un peu de répit ! se plaignit Harin.
La jeune blonde avait les pas traînant, le dos vouté et le visage fatigué. Elle était clairement au bout de sa vie.
— Bah alors, Harinie, c'est quoi le problème ? l'interrogea Jiho avec un rictus.
— Le nouveau, il m'épuiiiiiiise, dit-elle dans un long râle.
Li Mei esquissa un sourire de compassion. Elle scruta une dernière fois la falaise qui se trouvait actuellement dans son dos, comme pour lui dire au revoir, et la benjamine se concentra sur la conversation, mettant de côté sa contemplation.
— Je l'ai laissé à Sooah. Je n'en peux plus. S'il-vous-plaît, acceptez ma présence.
— On ne va pas t'abandonner, pouffa Li Mei.
— Oh je vous remercie beaucoup. J'ai besoin de souffler.
— Comment est-il ce nouveau ? s'intéressa Jiho.
— Fatiguant. Criard, peureux, excité et totalement fou. Je vais le devenir à rester avec lui.
Jiho lança un regard à Li Mei, rempli de malice. La situation l'amusait.
— Et son Identité ? demanda-t-il.
— Un papier avec des notes de musique, souffla-t-elle.
— Une partition ? précisa Li Mei.
— Ouais, ouais, un truc comme ça, répondit la blonde en donnant des coups de main dans le vent.
— On voulait aller au Saphir, tu nous accompagnes ? proposa le brun.
— Je vous suivrai partout, peu importe où vous allez.
Li Mei ne prit pas le temps de réfléchir à l'Identité du nouveau. Il était clair qu'il s'y connaissait en musique. À moins que la benjamine ne fasse fausse route. Mais elle avait bien compris que la réflexion n'était pas la bienvenue. Harin n'avait aucune envie de réfléchir au cas du petit dernier.
Alors qu'ils reprenaient la marche, direction la cascade, une question lui vint soudainement.
— Jiho, c'est quoi ton Identité ?
Le garçon se retourna, telle une fleur balayée par le vent. Avec une légèreté inhumaine et une finesse lunaire.
Li Mei remarquait à quel point, Jiho, avait sa façon à lui de marcher. Avec bien plus d'adresse et de gracilité que tous les autres Joailliers.
Il se gratta soudainement le cou, le regard fixé vers le sol.
— Hum... C'est un... bonnet, dit-il à voix basse.
— Un bonnet ? répéta Li Mei, incertaine.
— Oui. Juste ça.
— C'était peut-être un porte-bonheur ? supposa la benjamine.
— Sûrement.
— Tu sais, moi, avec la reine blanche du jeu d'échec, ce n'est pas incroyable non plus. Surtout que ma logique atteint un maximum de 0,0001%, souffla la blonde d'un air mollasson.
— Oh mais il ne faut pas dire ça LianHua ! Je n'y crois pas une seconde, la rassura Li Mei.
Li Mei, comme Jiho et même Harin, s'arrêtèrent d'un coup net. Ils regardèrent la benjamine qui exprimait, elle aussi, un air surpris sur le visage.
— Liaquoi ? répéta la blonde.
— Ça signifie quelque chose ? continua Jiho.
Li Mei observa ses mains comme si elle allait avoir une réponse. Puis elle leva son visage vers ses amis et les regarda un à un. Ce surnom lui était venu si facilement...
— Ça veut dire Fleur de Lotus en Chinois... répondit-elle d'une voix lointaine.
— Mais... tu sais parler Chinois ? insista Harin.
— Je, je ne crois pas...
— C'est trop mignon.
Li Mei, comme Harin dévisagèrent Jiho qui affichait un air béat. Il se sentit soudainement jugé et opta pour une expression plus sérieuse :
— Harin, tu sais bien parler Japonais ?
— Oui.
— Tu l'as su quand ?
— À mon septième jour. Comme mon groupe sanguin.
— Quel est ton groupe sanguin Li Mei ? s'intéressa Jiho.
— A. Oh ! Comment je sais ça ?!
Li Mei avait porté une main à ses lèvres, surprise de répondre naturellement à cette question. Son cœur palpitait dans sa poitrine, tant de choses sortaient de sa bouche. Des choses qu'elle ignorait pourtant quelques secondes auparavant.
Harin entoura les épaules de la benjamine de propres ses bras pour la rassurer.
— T'inquiète pas. C'est normal. Dès qu'un nouveau arrive au Laboratoire, quelques brides de souvenirs nous reviennent. Parfois elles se faufilent discrètement dans notre mémoire sans qu'on y fasse attention, et on le comprend dans les jours qui suivent. C'est assez subtil, mais c'est naturel pour tout le monde.
— Mais... Et vous ? Vous avez appris des choses sur vous aujourd'hui ?
— Moi, je ne suis pas sûre, répondit Harin en haussant des épaules.
— Ce matin j'ai eu très envie de Jeon au Kimchi. Celles qui sont juste assez assaisonnées mais pas trop épicée pour en devenir inoubliable. Mais jamais Sangook n'en a cuisiné ici. Je pense que c'est lié à un de mes souvenirs, répondit le brun, rêveur.
— Oh mais...
Li Mei sentit des larmes lui monter aux yeux.
— C'est génial ! Sooah doit savoir pleins de choses sur elle ! s'excita Li Mei en sautillant sur place.
— Hum... Euh... pas vraiment. Ce ne sont que des futilités, avoua Harin.
Mais Li Mei ne s'attarda pas sur la réaction décevante de Harin. Elle continua d'être agitée à l'idée d'avoir des brides de souvenirs fréquentes.
— Mais... du coup, vous pensez que je suis Chinoise ?
— Est-ce que tu sais le parler ? Tu peux nous dire une phrase ? demanda franchement la blonde.
— Euh, je...
Li Mei chercha au plus profond de son être. Des mots, des phrases. Des significations, mais rien. Fleur de Lotus, lui était venu si naturellement. Mais actuellement, rien d'autre ne lui venait à l'esprit.
— Je n'y arrive pas. Je ne sais pas, se désola-t-elle.
— Ton accent Coréen est vraiment parfait, je pense que tu n'es pas née en Chine. Ou alors, tu as déménagé dès ton plus jeune âge, supposa Jiho.
Les épaules de Li Mei s'affaissèrent. Il avait raison. Les hanoks du Diamant, ces maisons traditionnelles Coréennes lui étaient si familières qu'elle avait eu l'impression d'être à la maison. Chez elle. En Corée du Sud.
Elle n'avait rien de Chinois, juste son nom, et peut-être bien du vocabulaire vaquant sur ses maigres connaissances de la langue.
— J'y pense... Ce matin Manshik a cru entendre quelque chose. Une musique je crois.
Ni Jiho ni Harin ne furent surpris par cette révélation. Comme si tout ceci était normal.
— Beaucoup de choses se passent sans qu'on en comprenne le sens. Par exemple, Harin commence à parler Japonais quand elle est très fatiguée, sans s'en rendre compte.
— Oh ouaiiiiis, c'est vraiment lourdingue quand vous me regardez avec vos yeux de merlans frits !
Jiho lui donna un coup d'épaule pour la bousculer gentiment.
— Tu es en meilleure forme, toi !
— On est l'équipe des maknae ou pas ! On est les meilleurs ! s'exclama Harin, heureuse de retrouver sa bonne humeur.
Mais Li Mei s'était arrêtée. Ses pensées vrillaient dans tout son cerveau. Cette falaise immense. Ces souvenirs récurrents, ces mots lui rappelant son origine... Tant de choses qui étaient naturelles pour les autres mais encore stupéfiantes pour Li Mei. Jiho et Harin continuaient leur vie comme si tout était normal. Li Mei vivait un ascenseur émotionnel. Alors que ce matin elle s'était réveillée en pleine forme, enfin habituée au Diamant, voilà qu'elle apprenait d'autres mystères. D'un sens, ça l'intriguait, mais surtout, ça l'effrayait. Elle ne savait pas où elle allait, ce qu'il adviendrait d'elle, au bout de ce tunnel.
Elle avait encore tant à apprendre, et elle n'était pas au bout de ses peines.
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