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Après avoir surmonté la blessure intérieure qu'a infligé son refus de me donner son numéro à mon égo, je retourne dans ma chambre dont j'ai mémorisé le numéro. 213. Je monte lentement les escaliers pour ne pas mettre ma jambe à trop rude épreuve et les gens se retournent sur mon passage en murmurant.
— C'est lui...
— Celui qui a dénoncé le... l'année passée, là...
— Ouais, je crois que c'est lui...
Je me dépêche de me rendre dans ma chambre et claque rageusement la porte. Tout le monde me connait, mais.. je ne me connais pas moi-même, bordel ! Et l'autre ne veut rien me dire. « Tu dois découvrir par toi-même. » Ouais ben, si je n'en suis pas capable, je vais faire quoi ?!
Je remarque que l'on m'a mis un jogging gris et un t-shirt blanc sur mon lit pour que je sois à l'aise. Et j'approuve. Parce qu'il n'est pas question que je dorme avec un jean et une chemise. Je me change et m'assois sur les couvertures du lit d'hôpital. Ils ont retiré les moniteurs cardiaques, les poches de sang, les seringues et toute la merde qu'il y avait là avant que je sorte.
C'est mieux comme ça.
Mais il faut que je retrouve mon cellulaire. Peut-être vais-je trouver des réponses à mes questions dessus. Je me relève avec difficulté et vais fouiller un peu partout. C'est la dernière fois que je me relève le temps que je sois prêt à demander de l'aide pour mon genou. Je ne suis pas du genre à aimer réclamer du soutien... je crois. Au bout d'une bonne demi-heure de fouille, je finis par trouver l'objet de ma convoitise. Dans un sac en plastique avec mon portefeuille et mes clés de voiture. Une Honda Civic. Ouais, c'est pas si mal. Je me réinstalle sur le matelas et commence à inspecter le contenu de mon portefeuille. Je trouve mon permis de conduire: Gael White, yeux bruns, 18/03/1992...
Ah, alors j'ai vingt-cinq ans. Super. Une information de plus à mon cerveau qui ne se souvient plus de rien. Je cherche autre chose qui peut m'être utile, mais rien d'autre que des coupons rabais pour aller au McDonald's. C'est bien, ça aussi. Après avoir pris une grande inspiration, j'attrape mon cellulaire. Un IPhone six, noir. J'ai peur de ce que je pourrais trouver dessus.
Au début, tout va bien, j'ouvre le téléphone, regarde le fond d'écran: « Fond d'écran en grève ! », c'est ce qui est écrit. Mais il y a un petit détail qui m'a échappé. Un tout petit. Je ne connais pas le mot de passe. Ou plutôt, je l'ai oublié. Je me laisse tomber sur le dos en grognant. En fait, je crois que je ne le saurai jamais, qui je suis. Je vais rester quelqu'un qui a tout oublié, qui ne connait personne, qui est seul au monde. Je sais qu'il y a des gens qui pourraient tout me dire, mais je n'ai pas envie de leur parler. Je me sens incapable de leur faire confiance... à part cette fille. Je me passe les mains sur le visage et tressaille lorsque mon doigt accroche mon œil au beurre noir. Il faut vraiment qu'on vienne m'aider. Je pèse sur le bouton rouge et encore une fois, je dois attendre une éternité avant de recevoir une réponse.
Un infirmier ( Dieu merci, un homme ) arrive.
— Comment puis-je vous aider ?
Je me redresse.
— J'ai mal à la jambe. Et je voudrais quelque chose pour atténuer le noir que j'ai autour de l'œil, marmonné-je.
Il hoche la tête, puis réfléchit un moment avant de s'approcher de ma commode.
— Je peux vous trouver ça. Quant à votre jambe, je vais devoir faire quelques petites tests pour m'assurer.
Il s'accroupit et fouille dans un des tiroirs de ma table de chevet. Il en sort un marteau à réflexe et me demande de laisser pendre mes jambes en bas du lit. Il commence à inspecter mes réactions, à appuyer à certains endroits près de mon genou et lorsqu'il touche l'endroit qui me fait mal, je serre les dents.
— Vous avez juste le bas du quadriceps qui est un peu trop étiré. Essayez de bouger le plus possible sans pour autant abuser. Vous devriez vous sentir mieux au bout d'une ou deux semaines tout dépendant combien de temps vous allez faire de l'activité physique.
Puis il me laisse me réinstaller et sort pour revenir quelques minutes plus tard avec une crème. Il me demande de l'appliquer autour de mon œil deux fois par jour jusqu'à ce que l'ombre disparaisse. Après son départ, je pose à peine ma tête sur l'oreiller que je sombre dans un sommeil profond, sans rêve.
***
Au matin, quelqu'un me réveille en ouvrant en grand les rideaux. Je me cache par réflexe sous les couvertures, mais rien n'y fait, le soleil me brûle toujours les yeux.
— Allez connard, on se lève.
Je grogne avec déjà l'envie de frapper tout le monde en plus de cette voix masculine qui m'énerve. Je veux dormir, merde ! Laissez-moi tranquille !
— Ça fait deux semaines que tu dors, là, allez lève-toi.
Je me redresse dans mon lit avec l'intention de buter bien comme il faut la personne qui ose troubler mon sommeil et prends du temps pour ajuster ma vue à la lumière dorée qui inonde ma chambre d'abord. Je fixe l'homme qui est entré, sans prévenir, dans ma chambre en plissant les yeux.
— T'es qui, toi ?!
— Ton meilleur ami. Quand tu avais de la mémoire, dit-il avec un air détaché, comme si c'était totalement normal de débarquer à l'improviste comme ça et prétendre être un ami.
Je me calme après un moment. Une autre personne qui me connaissait avant. Une autre personne qui peut répondre à mes questions, donc. Je l'observe pendant qu'il replace ses cheveux noirs, fourre ses mains dans son sweat-shirt gris et s'adosse au mur en face de mon lit.
— Tu as le choix. Soit tu viens avec moi et je t'emmène à l'appartement que t'occupais avant l'accident, soit tu vas chez ta mère, souffrir sous les petites attentions cul-cul.
— Elle est dehors, hein ? demandé-je après un moment.
— Ouaip.
Je soupire en m'étirant. J'ai plus le choix là. Je vais devoir bouger avec lui. Désolé, m'man.
— Je viens avec toi.
J'ai besoin de réponses, aussi.
Un large sourire éclaire son visage au traits ciselés.
— Ça c'est le Gael que je connais. Allez dépêche-toi. Je m'appelle Mathis, en passant.
***
Nous arrivons à mon appartement après que j'aie pris ma douche et que je m'aie fait violence pour laisser la dame qui prétend être ma mère me donner un câlin. Mathis me dépose sur le trottoir avant de sortir pour me saluer. Il me donne une accolade et je la lui rends en pensant que finalement, il n'est pas si terrible.
— Voilà où t'habites. Si t'as besoin de quoi que ce soit, t'as mon numéro sur ton cellulaire.
— Je n'en connais pas le code..
— 000000.
— Sérieux ?
— Ouais.
Je pouffe et il me donne une tape dans le dos avant de me montrer quelle clé ouvre ma porte. Je lui souris, le remercie et il retourne dans sa voiture, une BMW assez crève l'oeil. Elle a dû coûter grave cher. Mais je n'en ai pas encore exactement fini avec lui...
— Mathia... Mathis ?
Il passe la tête par la fenêtre avec un sourire amusé.
— Ouais ?
— Est-ce que tu connais une Elizabeth, par hasard ?
Il réfléchit un instant.
— Elizabeth Salvatore ?
— Euh.. Ouais, je crois.
— Oh, ben c'est facile. À quatre pâtés de maisons d'ici, il y a son atelier de couture. C'est une styliste assez connue. Fais ça bien, mec.
Il me salue une dernière fois puis retourne chez lui en prenant un chemin opposé à celui que nous venons de prendre. Je me retourne vers le bâtiment dans lequel j'habite. Bon. Je sais au moins où retrouver la fille. Et une partie de ma mémoire dans cet appartement.
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