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Après avoir enlevé la forêt que j'ai sur le visage, je prends une grande inspiration et vais à la rencontre de cette mère dont je n'ai aucun souvenir. Sa voix me semble plus ou moins familière, mais c'est tout. Ces cheveux grisonnants, ces yeux noisettes remplis de larmes, ces traits fins, je ne les connais pas. J'attrape la chemise blanche et le jean déposés sur une chaise dans la petite pièce et retourne dans la toilette les enfiler en évitant le plus possible son regard. Lorsque j'en ressors, la femme me détaille, note mes blessures, la façon dont je boite. Depuis ce matin, j'ai un peu mal, mais ma fierté m'empêche de l'admettre. Elle s'approche doucement.

 — Salut Gael...chuchote-t-elle.

 — Bonjour madame. 

Ses yeux s'assombrissent et elle penche doucement la tête sur le côté en posant un bras sur mon épaule. Je tresaille un peu, mais essaie de conserver mon sang froid. Je n'aime pas qu'on me touche, encore moins par des inconnus.

— Ne m'appelle pas comme ça.. Tu... tu ne te souviens pas de moi...? 

Je secoue la tête en enfouissant mes mains dans mes poches après avoir replacé mes cheveux. Elle s'assoit sur le lit, tremblante. Pendant un long moment, personne ne pipie mot, je me contente d'observer mes souliers, noter qu'il y a une éraflure sur le côté gauche de la chaussure droite, que les lacets sont un peu sales.. Lorsqu'elle se relève, elle me coupe dans la contemplation de mes magnifiques souliers.

— Je.. Je vais te laisser. Le docteur te dit que tu.. peux te promener un peu et on appellera ton nom à l'interphone pour les examens... Bye, mon amour... 

Elle sort après m'avoir jeté un dernier regard par dessus son épaule et je me sens un peu mal, à vrai dire. Ce n'est pas exactement de ma faute, mais quand même. J'aurais pu me montrer un peu plus délicat, ou quelque chose. Mais ce n'est pas de ma faute si je suis franc...  Je ne la connais pas, je ne vais pas faire semblant, quand même ! Je rassemble mon courage et sors pour la première fois de la chambre d'hôpital. Je ne sais pas pourquoi je suis si nerveux tout à coup. 

Je n'en ai pas la moindre idée, mais je me sentais bien en sécurité dans la chambre. Disons que j'ai un peu peur d'affronter les regards désagréables des gens sur mes blessures. Alors je rase le mur, détourne le regard quand quelqu'un s'étonne devant la « beauté » de mon visage. Je fais un peu le tour, croise les infirmières en uniforme bleu en train de s'occuper des patients dans la salle d'attente, de chercher des rouleaux de gaze, de pousser des handicapés dans leur fauteuil roulant. Je croise quelques malades qui sont dans le même état que moi. Ils m'offrent un sourire, pas plus. Je ne sais pas s'ils sont amnésiques eux aussi, mais ça m'est égal. Je n'ai pas dit que je voulais les connaitre, non plus... 

Je me rends dans le jardin de l'hôpital à l'extérieur et marche dans les allées encadrées de roses et de tulipes de toutes les couleurs. Je hume le parfum... de la liberté. Parce que oui, ici, les malades sont libres de faire ce qu'ils veulent dans la limite du possible. Le premier point positif de cet endroit maudit.

Je me promène, longtemps, observe les autres malades qui profitent du soleil aussi ou qui lisent, tout simplement, assis sur un banc. Au bout d'une demi-heure, je me laisse tomber sur un banc près d'une jeune femme qui ne doit pas avoir plus de vingt-cinq ans. Elle lit un magazine de mode et ses cheveux bruns clairs se décoiffent à cause du vent. Elle doit sentir que je l'observe parce qu'elle lève ses yeux bleu-gris vers moi et me sourit. 

— Bonjour. 

Je lui rends instinctivement son sourire en me retenant de replacer les mèches rebelles qui ont bougées.

— Salut. 

Elle dépose son magazine et se tourne légèrement pour me faire face. Puis, son visage se fend d'un petit sourire moqueur. 

— Comment tu trouves l'endroit ? 

Je soupire en me pinçant l'arrête du nez. Par où commencer ?

— C'est dégueulasse... finis-je par répondre.

Elle glousse et je ne peux m'empêcher de sourire avec elle. Son rire me semble familier...

 — Ton réveil a dû les surprendre, ils n'étaient pas prêts, dit-elle en replaçant à nouveau sa chevelure.

— Comment tu sais ça ? 

Elle semble hésiter, puis ouvre la bouche pour répondre, mais mon nom retente à l'interphone. Nous ne pouvons alors parler un peu plus. Si nous avions pu, je lui aurait posé une tonne de questions. Quitte à la faire fuir. J'ai trop besoin de réponses en ce moment. Nous nous levons en même temps et elle me tend la main. 

— Au plaisir de se revoir, Gael. 

Et elle part, sans plus ni moins. 

— Attends, comment tu... ? commencé-je.

Mais elle ne s'arrête toujours pas, ne fait que m'offrir un sourire malicieux par-dessus son épaule. Ell veut jouer alors ? J'aime Je cours pour la rattraper, mais ma jambe ne me permet pas d'aller bien loin. À bout de souffle et de patience, je finis par l'attraper par le bras au moment où elle franchit la porte de l'hôpital et la retourne vers moi. Un autre sourire.

— Comment tu connais mon nom ? je demande en haletant sous l'effort que je viens de faire.

— Tout le monde ne parle que de toi, ici, marmonne-t-elle.

Ah. Je suis populaire alors ? Super. Nan, en fait pas super du tout. 

— Je peux savoir ton nom au moins ? 

Elle sourit un peu en découvrant ses dents blanches et je ne peux que la trouver plus belle.

— Elizabeth.

 Et elle se dégage de ma poigne pour aller s'entretenir avec quelqu'un à l'accueil et j'en profite pour admirer sa belle silhouette. Une taille mince, les cheveux coupés courts, bouclés. Elle porte un t-shirt col en V bleu, un jean pâle et des chaussures à talons haut. Simple, mais belle. On m'appelle une seconde fois à l'interphone et... je ne me rappelle plus de mon numéro de chambre. Alors je vais un peu abuser de ma popularité et demander à ladite Elizabeth de me montrer ma chambre. Avec un autre sourire qui a le don de gâcher la vision positive que j'avais d'elle et de m'exaspérer, elle accède à ma requête et m'y conduit où le même docteur énervant et deux infirmières différentes ( Dieu merci, pas la même blonde chiante ) m'attendent. Je me retourne vers Elizabeth pour la remercier.

 — Mer... 

Mais elle est déjà repartie en balançant ses belles hanches. 

—...ci.

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