CHAPITRE 6 | KAIDEN
Le soleil vient à peine de se lever à L.A. qu'il me dore déjà la peau lorsque je me gare sur le parking de l'université. Je bâille à m'en décrocher la mâchoire et lutte contre l'envie de faire une sieste, calé contre l'appuie-tête, les yeux clos. Je suis crevé, mais surtout en retard pour rejoindre mes amis. Olivia a insisté pour qu'on se voie quelques minutes avant les cours, c'est notre petit rituel.
Je jette un léger coup d'œil à ma montre puis sors de l'habitacle. À l'angle du parking, je remarque Terence, confortablement installé dans sa voiture. J'arque un sourcil devant la paisible attitude qu'il arbore et jette un coup d'œil à mon portable. Notre amie est prête à venir nous chercher par la peau du cul, vu les insultes qu'elle nous laisse dans notre groupe chat, et il trouve le moyen de rester tranquille ?
Comme à son habitude, le jeune homme a le nez plongé dans la paperasse. Ce n'est ni le lieu ni le moment, pourtant, il s'obstine tout de même à réviser le matin alors que c'est plutôt trois jours avant qu'il le fallait. Pour lui, réviser quelques minutes avant le cours permet de gagner en productivité tout en bénéficiant de temps libre. Pour moi, c'est comme faire un doigt d'honneur à un aveugle : inutile et insultant pour l'académie. Je lève les yeux au ciel.
— Terence ? l'interpellé-je en toquant contre la vitre.
Surpris, il lève la tête. Ses sourcils froncés et sa bouche pincée se détendent immédiatement quand il m'aperçoit tandis que les documents éparpillés un peu partout dans le véhicule témoignent de son anxiété. Je ne comprends toujours pas pourquoi il se sent obligé de relire ses cours, même en début de rentrée. Les examens ne sont pas pour tout de suite et il se met déjà une grosse pression sur les épaules. Il ouvre sa portière.
— Kaiden, quel plaisir de te revoir ! Tu es toujours aussi beau même si tes cernes se sont allongés !
Je le gratifie d'un regard noir.
— Et les tiennes commenceront à te creuser les joues si tu continues à autant réviser le matin. Tu sais que les filles et Chris nous attendent ? À moins que tu n'aies pas lu le dernier message.
D'un mouvement las, il sort de sa voiture et s'étire.
— Ça va, c'est le stress du début de semestre, c'est rien. Allez, on y va avant qu'ils ne perdent patience ! Je voulais être à jour dans mes relectures, ça m'angoisse.
Rien que de le voir, j'en ai la migraine. Il se gratte le cou et soupire. Son obsession maladive sur les cours bousille sa conscience à longueur de journée.
D'un commun accord, nous nous réfugions dans un silence réconfortant pour monter les marches des escaliers menant au bâtiment et à la pelouse du lieu tant convoité. Les rayons lumineux du matin éclairent, de leur lueur encore timide, les espaces verts de l'UCLA, où la majorité des étudiants s'installe.
Quels chanceux nous sommes. Pas encore parfaitement réveillés, mais déjà mis sur un piédestal par la lumière chaleureuse californienne.
— Nous sommes censés les rejoindre où ? demandé-je en essayant de les repérer.
Il hausse les épaules.
— Sur un banc, près de la fontaine, je crois.
Je hoche la tête et nous nous dirigeons vers l'emplacement du lieu de rendez-vous. Aller à la cafétéria ou s'installer dans le parc de l'université en début de cours est devenu une habitude depuis que j'étudie ici. Nos emplois du temps ne coïncident pas souvent, alors on essaye de se voir le plus possible tant que nous le pouvons. Et puis, il est vrai que je préfère la solitude, mais parfois, être entourée de mes amis et profiter de l'air frais apaisent les troubles de mon esprit.
Peut-être que c'est comme ça que je devrais vivre. Dans une vie superficielle.
Soudain, la voix stridente d'Olivia retentit.
— Je vais vous trucider ! Je remercie Dieu pour la patience qu'il m'a inculquée parce que...
Je n'écoute pas la suite de son sermon. Elle a tendance à s'étaler et honnêtement, tôt le matin, je n'ai pas besoin de ça. Terence n'est pas du même avis parce qu'il contre-attaque avec une réplique provocante et moqueuse à laquelle s'ensuit le brouhaha d'une dispute à la Olivia-Terence. Je m'approche du banc, situé derrière mon amie et remarque l'absence de Chris et Keira. Puis, je me statufie. Mes yeux sont immédiatement aimantés par la femme assise sur le banc, un livre ouvert sur ses genoux. Son visage est caché par le voile de ses cheveux bruns et j'ai soudain un drôle de pressentiment.
— ... Et en plus de ça, vous faites patienter May-Lee ! Son cours commence dans cinq minutes, elle ne va pas pouvoir rester. Vraiment pas cool, les gars.
Et soudain, le temps semble s'arrêter. Mes oreilles bourdonnent à l'entente de ce prénom qui m'est familier. Mon sang se fige. Mon téléphone glisse entre mes mains.
C'est quoi ce bordel ?
May-Lee. May-Lee. May-Lee.
Je sens toutes les fibres de mon corps réagir à la mélodie de ces deux syllabes. Les battements de mon cœur s'accélèrent si fort que j'en ai mal. Je tourne la tête vers Olivia, espérant avoir mal entendu. Cette dernière désigne d'un ample mouvement du bras la femme assise et je recule d'un pas, sonné par l'information.
Mon cerveau se joue-t-il de moi ?
Après tant de temps à espérer la voir, entendre son prénom me pulvérise.
Et c'est alors que tout s'écroule autour de moi, quand la jeune femme replace ses mèches derrière ses oreilles et lève les yeux vers nous. Des yeux en amande...
Les mêmes qui me regardaient avec cet air angélique. Les mêmes qui faisaient battre mon cœur trop vite. Les mêmes qui m'ont tué pour me ressusciter.
May-Lee. May-Lee. May-Lee.
Ma gorge se noue et je recule, frappé par la réalité qui me heurte si violemment.
— Ce n'est rien, murmure-t-elle, un sourire factice aux lèvres.
Cette voix.
Je l'ai déjà entendue. Quelques bribes de mots destinées à Keira pendant...
Mon ventre se tord.
Mady. J'en suis certain maintenant. La fameuse Mady était en réalité May-Lee. Ce lien étrange n'était pas un pur hasard.
Bordel de merde.
Les pièces du puzzle s'arriment une à une et je suis pris d'un frisson incontrôlable. Mes muscles se tendent et les impulsions sanguines dans mes tempes me font mal. Mon pouls cogne contre ma gorge. Je vais exploser. Je suis au bord de l'explosion. Mes amis parlent, mais je n'entends plus rien. Je regarde Terence qui fronce les sourcils en nous observant. May-Lee ne daigne pas une seule fois poser ses iris sur moi, comme si elle ne m'avait pas remarqué.
Non, pas elle. Elle ne peut pas être là. Elle ne peut pas...
Ses longs cheveux bruns soyeux n'appellent qu'aux caresses, sa bouche pulpeuse et ses fossettes creusées qui me font remonter des souvenirs plus que destructeurs me bloquent la respiration. Sa cicatrice sur la tempe et le grain de beauté si particulier sous son œil, puis celui au-dessus de ses lèvres, me font tourner la tête. Je serre si fort mes dents que j'ai peur qu'elles se détachent de ma mâchoire. Le cœur au bord des lèvres, j'ai du mal à réellement assimiler ce qu'il se passe.
Je ne comprends rien. Je ne souhaite pas comprendre.
— Kaiden ? Tu nous écoutes ? Chris et Keira nous attendent au café.
La voix de Terence me sort de cette brume noire dans laquelle je sombre. Je détache mes yeux de May-Lee, qui ne me regarde toujours pas.
Pourquoi tu ne me regardes pas ? Pourquoi est-ce que tu me laisses dans le doute ? Pourquoi est-ce que tu réapparais subitement ? Est-ce que tu me reconnais ? Est-ce que tu m'as oublié ?
— Je...
Je reste médusé, le cerveau en feu. Ma voix est éraillée. Terence plisse les yeux devant mon attitude plus que douteuse. J'aperçois May se relever, les membres tremblant malgré la sérénité qu'elle tente de dégager. Elle récupère son sac, fait un signe à Terence et Olivia puis prononce, un poil angoissée :
— J'aurais bien aimé rester, mais mon cours va commencer. Je dois y aller, salut.
Ça ne m'était pas destiné. Non, ses iris captivants se dirigent vers mes deux amis. Je l'observe de nouveau, le cœur en feu. Tente-t-elle de fuir ? Elle tourne les talons en évitant soigneusement mon regard. Soudain, dans un geste brusque, pas calculé et purement instinctif, je tends précipitamment la main pour la rattraper, mais c'est déjà trop tard. Mes doigts se renferment sur le vide. Elle se presse, m'échappe.
Je resserre le poing et pousse un soupir de frustration, anéanti par cette putain de coïncidence. Qu'est-ce qu'elle fait là ? Je fixe ma main toujours suspendue devant moi et ferme les yeux.
Mon cœur étouffe, prenant conscience de la réalité.
J'ai mal.
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Et voilà les premiers chapitres de Remember Us disponible partout le 17 mai 2024 !
J'avoue, je vous laisse sur la meilleure partie haha, la suite n'est que explosion, flashback, cœurs brisés...
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Et n'oubliez pas : tout ça, c'est grâce à vous ❤️
Azalée.
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