Toute sa vie, Rei n'avait eu sans cesse de s'entrainer. Chaque jour, il avait passé la majorité de son temps libre à se muscler, manier son épée, d'étudier et de dormir. Bien sur, tout le monde s'impressionnait de sa volonté d'acier et de son dévouement au nom de Lan, l'Aeon de la Chasse. 

Mais la vérité était assez différente. 

Au début de sa vie, Rei avait toujours pensé que les dieux n'existaient pas.
Il y avait des histoires et des légendes dans son ancienne planète, mais sa mère et ses frères et sœurs n'y croyaient pas, alors lui aussi. Pour un enfant, tout ce qui sort de la bouche de son parent est vrai. Enfin en majorité.
Mais un jour, Ils étaient venus. Ils s'étaient présentés comme les messagers de l'unique divinité bienveillante dans ce monde. Ils avaient apporté une graine et une lune d'une blancheur impressionnante, et Ils avaient planté cette graine dans le sol. En à peine quelques jours, cette graine était devenue un arbre d'une grandeur dépassant le ciel. Il semblait toucher les étoiles.

La lune, elle, brillait d'un éclat blanc. Rei s'en souvenait comme si c'était hier. L'astre avait rallongé la durée de vie des personnes. Quant à l'arbre, des fruits avaient germé sur ses grandes branches, et tout le monde les mangeait... Sauf Rei et sa famille. Comme ils étaient trop pauvres pour pouvoir en acheter ne serait-ce qu'un morceau, ils se contentaient de regarder les gens en manger. Mais ces séances de contemplations donnaient envie à Rei... Jusqu'au jour où les gens se transformèrent en monstres.

Des monstres de bois et de chair humaine, des monstres tout justes humains. Ils étaient animés par une volonté, voire même un instinct animal. Ils tuaient. Et juste ça. Si des personnes les brûlaient, ils criaient en périssant dans les flammes avides de leurs vies, ce qui alertaient les autres monstres. Et la mère de Rei faisait tout pour que ses enfants échappent aux monstres.

-Ils n'auraient pas dû prendre ces fruits ! haletait la femme.

Rei se sentait un peu coupable d'avoir envié ceux qui eurent l'occasion de manger des fruits. Heureusement, il avait écouté sa mère. 
Maintenant, ils n'étaient que tous les deux, les autres enfants et adolescents étant morts.
La dame s'était cachée avec Rei dans des vieux et grands cartons au fond d'un hangar désaffecté. Le monstre crachotait et respirait en émettant un râle peu ragoûtant. 

-Maman... J'ai peur... chuchota Rei, en se blottissant contre sa mère.

-Ne t'inquiètes pas, mon chéri. Tout va bien se passer.

Si seulement tout s'était bien passé... Une lame traversa la fine couche de carton pour transpercer la pauvre femme au cœur. Elle put à peine caresser le petit visage de son fils, avant de tomber raide morte. Une mare de sang se forma peu à peu autour du cadavre. Le monstre s'approcha doucement de Rei qui essaya de courir vers la sortie, mais la créature lui barra la route, alors il ne put qu'espérer, puisque c'était tout ce que lui restait.

Et d'un coup -peut-être une ironie du sort-, deux lames transpercèrent le corps boisé du monstre, qui gela instantanément. Les deux dagues sortirent d'elles-mêmes du corps de glace du monstre, et une silhouette encapuchonnée se dressa devant Rei. La silhouette retira sa cape, laissant dévoiler une femme qui devait avoir la quarantaine. Elle rangea ses dagues dans deux fourreaux bleus en saphir, avant de se baisser pour regarder plus en détail le petit garçon. La femme sentait bon, une odeur fraiche, comme de la menthe et de la glace. Ses cheveux, coupés en un carré décoiffé, tombaient sur son visage comme un rideau blond. Elle se recoiffa, dévoilant des yeux d'un rose pétillant et réconfortant, comme un bonbon.

-Et bien... Que fais un aussi jeune garçon ici ? demanda la dame d'une voix éraillé mais douce.

Rei ne répondit pas, il resta juste à fixer la dame en se demandant s'il devait fuir ou pas. 

-Tu sais, si tu veux, je peux t'emmener quelque part où tu seras en sécurité.

La dame semblait digne de confiance donc Rei accepta. Les deux individus marchèrent pendant quelques minutes jusqu'à apercevoir un petit bateau. Enfin, un bateau volant. Disons plutôt un véhicule volant en forme de bateau. L'étrange moyen de locomotion flottait paisiblement au dessus de la terre ferme. La femme aida ensuite Rei à monter après lui avoir présenté le véhicule, et elle monta à son tour dans le vaisseau.

-Oh, petit, je m'appelle Lingyue. J'oublie quelques fois de me présenter.

Le rêve bascula du visage de sa mère adoptive à un autre visage, simultanément familier et étranger. Un homme pâle le regardait. Ses traits étaient coupés au couteau, et ses yeux étaient comme de l'or pur. Rei connaissait tellement bien ce visage. Il ne savait pas qui était cet homme -fort séduisant selon le Général-, mais son regard était une des plus belles choses de ce monde selon le rêveur. Dans celui-ci, de la peur et de la froideur étaient entremêlées. 
Sauf que comme d'habitude, le visage de ce bel homme annonçait pour Rei qu'il allait bientôt se réveiller, et comme promis, il ouvrit les yeux pour se retrouver dans son lit bien au chaud sous sa couette. 

-Ah... Heureusement que j'ai pas de réunion aujourd'hui... Qu'est-ce que les autres Généraux peuvent être ennuyants des fois... se dit Rei. 

Sauf que ce jour-là, la vie de Rei et de Xingxing allait basculer. Du bon comme du mauvais côté.