Chapitre n°20
Décembre 2016 - le lendemain soir
Ce soir ma mère travaille tard. Elle m'a appelé pour me le dire. C'est bientôt la dernière du Barbier de séville avant qu'elle ne commence réellement à travailler sur le lac des cygnes. J'ai d'ailleurs hâte de voir ce que ça va donner pour ce dernier ballet. Elle m'a promis que je pourrais être au premier rang pour la première. Mais ce ne sera sûrement pas avant le mois de mars. J'ai donc le temps.
J'ai donc demandé à Taylor de venir me voir. Elle a annulé une soirée en tête à tête avec Liam pour venir me tenir compagnie. Vu ce que j'ai à lui dire, peut-être qu'elle aurait mieux fait de rester avec lui...
Je lui en veux. Je lui en veux parce qu'elle m'a poussé à emmener Louis sur le pont de Brooklyn pour de mauvaises raisons. Je suis certain qu'elle n'y est jamais allé avec Liam. Qu'elle a inventé cette histoire parce que c'est Niall et moi qui y sommes allés. Je sais que Liam est un grand romantique, donc c'était plausible qu'il ait fait une chose pareille pour faire battre le coeur de Taylor. Je ne me suis pas méfié. Maintenant, je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Quand on est rentré hier avec Louis, il a insisté pour me raccompagner jusque chez moi. Ce qui est adorable de sa part. Il m'a dit de ne pas en vouloir à Taylor, qu'elle voulait simplement m'aider. Mais je ne suis pas d'accord. Elle n'a pas à essayer de manipuler mes sentiments comme elle le fait. J'espère seulement qu'elle ne recommencera pas. Je compte bien avoir une discussion avec elle pour mettre les choses au clair.
Il est un petit peu plus de vingt heures quand on sonne chez moi. Je me lève du canapé pour aller ouvrir. Taylor apparaît les bras chargés. Elle a ramené le repas. Je souris faiblement et la laisse rentrer dans l'appartement. Elle me remercie, embrasse ma joue au passage puis elle va directement vers le salon pour déposer les paquets qu'elle a ramenés. Elle enlève son manteau qu'elle va poser dans l'entrée tout en prenant la parole.
- Alors Hazz, comment tu vas ? Demande-t-elle en revenant vers le salon.
J'ai le choix. Soit j'attaque tout de suite soit j'essaie de la jouer finement et de ne pas l'agresser. Enfin pas tout de suite en tout cas. Je sais qu'elle essaie de m'aider. Même si elle ne s'y prend pas de la bonne manière, c'est clair. Mais je ne peux pas lui en vouloir pour essayer de m'aider. Non je lui en veux pour la méthode qu'elle a employée.
- Ca va. Je réponds simplement en haussant des épaules.
Je la vois s'asseoir sur le canapé pendant que je vais chercher des bières dans le frigo. Je pense que ça nous mettra plus à l'aise pour parler avec de quoi boire. Taylor ne se doute sûrement pas de ce que j'ai à lui dire. Elle n'est de toute façon pas au courant que je suis allé sur le pont avec Louis...
Elle me remercie quand je lui tends la bouteille de bière et on trinque silencieusement avant que je ne me laisse tomber à côté d'elle. Je ramène mes jambes sous moi et m'assoie en tailleur.
- Alors le boulot ? ca se passe toujours aussi bien ?
- Oui. Je suis content d'avoir repris, ça m'aide. A défaut de ne pas pouvoir aller en cours, il faut bien que je m'occupe puisque je suis condamné à rester ici.
Je ne comprends toujours pas pourquoi on ne me laisse pas rentrer chez moi, enfin chez Taylor et moi. J'aime bien l'appartement de mon enfance, je m'y sens bien. Et Louis avait raison. C'était une bonne idée que je revienne là dans un premier temps. Maintenant, un mois plus tard, je voudrais pouvoir essayer de retrouver mes habitudes chez moi, pas chez ma mère. J'ai pas voulu en reparler avec elle, j'ai peur qu'elle prenne mal le fait que je veuille partir. Je la suspecte de vouloir me garder pour elle parce qu'elle a eu très peur de me perdre pendant l'accident. Sauf que je suis toujours là. Que je vais bien. Enfin, presque bien. Mentalement c'est pas encore ça.
- Tu sais que ça rassure ta mère de t'avoir ici. Me sourit Taylor.
- Oui. Mais je serais mieux chez nous. J'assure. En la regardant.
Elle secoue la tête. Elle n'est pas d'accord. Taylor se range toujours du côté de l'opinion de ma mère, ce n'est pas nouveau.
- Je pense être mieux placé que vous pour savoir ce dont j'ai besoin. Je réplique sèchement.
Elle se pince les lèvres et prend une gorgée de bière. Elle est clairement mal à l'aise. Je le vois. Elle ne sait pas quoi répondre. Tant pis. Elle n'avait qu'à réfléchir à tout ça. Ils essaient tous de me confiner et de s'assurer que je vive le plus normalement possible la situation. Sauf que ma situation n'est pas normale. Tout le monde ne vit pas ce que je vis. On ne peut pas banaliser quelque chose d'aussi grave.
- Taylor..
- Oui Hazz..
- Je ne suis pas en sucre vous savez.ourquoi vous me surprotégez comme ça ? Je demande.
Ce qui est paradoxal parce que, dans un sens, elle ne m'a pas du tout protégé en m'envoyant sur le pont de Brooklyn avec Louis. Je ne les comprends pas. J'arrive pas bien à suivre ce qu'ils veulent faire.
Je la vois se mordre l'intérieur de la joue et poser sa bouteille de bière sur la table basse.
- Parce qu'on t'aime et qu'on veut juste que ça aille en douceur.
En douceur mon cul ouai... Quoi qu'il se passe ça risque de toute façon de se terminer en carnage.
- J'ai perdu quelqu'un que j'aimais, alors quelque soit la manière que vous employez quand je me souviendrai, ce sera un carnage.
- On voudrait... éviter, ou tout du moins limiter ce carnage.
- On ne peut pas contrôler la tempête.
- Je sais...
Je crois que c'est le bon moment pour lui parler du pont et de ce qu'il s'est passé avec Louis.
- Je suis allé sur le Pont de Brooklyn avec Louis hier soir. Je commence en déballant le repas japonais qu'elle nous a ramené.
Elle hoche la tête en s'asseyant par terre à côté de moi devant la table basse. Elle tourne son attention sur moi en cherchant mon regard. Elle cherche à savoir si ce que j'ai vécu avec Niall m'est revenu ou pas. Je le sens dans ses yeux. Elle m'analyse et essaie de comprendre. J'avais donc raison. Elle m'a envoyé là-bas pour pousser ma mémoire.
Alors autant mettre les pieds dans le plat.
- On s'est embrassé avec Louis. Je dis ensuite.
Elle me regarde avec surprise, se redressant et fronce les sourcils. Elle ne s'attendait clairement pas à ce que je lui dise cela. Elle devait s'attendre à ce que je lui déballe tout ce qui m'était revenu en mémoire en me retrouvant dans ce lieux si emblématique pour ma relation avec Niall..
Elle ne devait donc pas s'attendre à ce que mon rendez-vous avec Louis se passe bien. En gros, elle avait presque participé à une tentative de sabotage entre Louis et moi.
- C'est tout ? S'étonne-t-elle.
- Quoi ? Tu t'attendais à ce que je me souvienne que c'était l'endroit où j'ai dit à Niall que je l'aimais pour la première fois ? Je demande alors l'air de rien.
Je ne tourne pas le regard vers elle, mais je la vois rougir du coin de l'oeil. Elle se racle la gorge et baisse les yeux sur ses doigts qu'elle commence à se triturer comme lorsqu'elle est embarrassée ou stressée. Elle est clairement mal à l'aise. Je le sens et elle prend conscience qu'elle a fait une connerie.
J'attends une quelconque réaction de sa part. Qu'elle me dise qu'elle est désolée ou qu'elle ne voulait pas. Elle voit bien que je lui en veux. C'est logique après tout. Je pense qu'elle doit le lire dans mon comportement et dans mon discours. Sinon c'est qu'elle est clairement idiote.
- Pourquoi tu as fait ça ? Je lui demande directement.
- Tu as besoin de te rappeler Harry.
Je secoue la tête en la regardant. Non, ils ont besoin que je me rappelle. Je ne sais pas pourquoi ils veulent que je me rappelle mais à chaque souvenir qui revient c'est comme l'effet d'une claque en pleine gueule. C'est pas eux qui ont mal. C'est moi. Ils ne cessent de me dire qu'eux aussi ont perdu quelqu'un, mais c'était MON amoureux. Pas le leur. J'imagine bien que perdre un ami c'est difficile. Mais perdre un amant, ça l'est encore plus.
- Non. J'ai plus l'impression que c'est VOUS qui avez besoin que JE me rappelle. Tu as conscience que tu aurais pu foutre en l'air mon rendez-vous avec Louis ? J'étais en train de l'embrasser quand je me suis souvenu. Est-ce que tu te rends compte de ce que TU as fait ?! Je réplique en appuyant sur les bons mots en sachant qu'elle ne s'en sentira que plus coupable.
Je m'étais senti tellement honteux et idiot en fondant en larme comme ça dans le creux des bras de Louis alors qu'on venait de s'embrasser pour la première fois. C'était terriblement gênant pour moi et peut-être blessant pour lui ! J'essaie de me reconstruire et d'avancer après un accident qui a vraisemblablement changé ma vie. J'ai déjà du mal à tout assimiler et vivre sans avoir envie de me jeter du haut du pont de Brooklyn ! Je n'ai pas besoin qu'on essaie de manipuler ma mémoire et qu'on me pousse comme ça.
- Je suis désolé. Me dit-elle en baissant les yeux.
- Tu peux l'être. Comment veux-tu que j'ai confiance en toi maintenant Taylor ?
Je la vois alors relever le regard vers moi et je lis une grande déception dans son regard.
Sauf que la déception c'est moi qui devrais la ressentir, pas elle.
- Tu m'as trahis et manipulé Taylor.
- Tu ne peux pas tourner la page si rapidement Harry, tu ne peux pas oublier tout ce que tu as vécu avec Niall aussi facilement, je suis désolée mais tu ne peux pas. Louis est peut-être adorable, peut-être qu'il s'occupe très bien de toi et tant mieux mais NON ! Niall était TA personne !
- MAIS JE NE ME SOUVIENS PAS ! Je lui réplique en lui hurlant presque dessus !
Elle secoue fortement la tête de gauche à droite en se levant. Je fais de même et me campe face à elle avec un regard noir droit rivé sur elle.
- Tu commences à te souvenir. Si tu te souviens du pont comment tu peux envisager quoi que ce soit avec Louis ?! S'exclame-t-elle.
Parce que je veux vivre ! Parce que je ne veux pas regarder en arrière ! Parce que je ne veux pas souffrire ! Parce qu'il m'aide à avancer ! Parce que se souvenir est moins douloureux quand il est là ! Tant de réponses pour répondre à cette question !
- Mais parce qu'il me fait vivre et qu'il ne se comporte pas comme vous ! Il ne fait pas comme si j'avais TOUT perdu dans cet accident. Quand je suis avec lui, je ne suis pas une victime ! Je suis NORMAL.
- Ta situation n'a RIEN de normal ! Tu as TOUT perdu dans cet accident Harry ! TOUT ! Et tu fais n'importe quoi ! Le Harry que je connais n'aurait JAMAIS recouché avec Zayn ce week-end. Le Harry que je connais a préféré s'éloigner de lui plutôt que de perdre Niall. Tu n'es plus celui que tu étais !
- MAIS JE SUIS ENCORE LA ! J'affirme en haussant la voix. JE SUIS ENCORE VIVANT !
- Ce n'est pas toi. Tu n'es pas là. Le Harry que je connais, il serait malheureux comme les pierres parce qu'il a perdu Niall mais il ne s'accrocherait pas à la première personne venue pour ne pas se souvenir. Il n'essayerait pas de passer à autre chose sans accepter ce qu'il se passe et sans faire son deuil.
Respire Harry, respire. Inspirer, expirer...
J'ai besoin de me calmer, je sens mon palpitant s'agiter dans ma poitrine. Taylor n'a pas le droit de me balancer tout ça à la figure, elle n'a pas le droit de me traiter de lâche ! C'est pas elle qui a eu un accident, qui a perdu quelqu'un, qui ne se souvient plus de ce quelqu'un et qui est aujourd'hui à mi-chemin entre la folie et la dépression nerveuse.
Ce n'est pas ELLE qu'on surveille H24 pour vérifier que tout va bien, qu'elle ne manque de rien, qu'elle ne va pas péter un plomb, qu'elle ne va pas fondre en larme parce qu'elle se souvient d'un truc.
C'EST PAS ELLE QUI TOMBE AMOUREUX D'UN MORT !
- Tu n'as aucune idée de ce que je suis en train de vivre. Tu n'as AUCUNE IDEE de ce qu'il se passe dans mon cerveau ! Je m'exclame.
J'ai envie d'attraper quelque chose et de lui lancer à la figure, j'ai envie de la frapper et de lui montrer qu'elle n'a pas le droit de me juger ou de dire quoi que ce soit dans ce sens là. ELLE N'A PAS LE DROIT.
J'en ai assez qu'on me cache des choses, qu'on essaie de me jeter dans des situations où les souvenirs me prennent avec violence, j'en ai marre qu'on me manipule et qu'on ne me dise rien ! J'ai l'impression que personne n'est sincère avec moi, qu'on ne me dit pas la vérité !
- De toute façon, vous me cachez tous des choses, personne n'est honnête ! Si vous l'étiez réellement vous auriez fait comme Eleanor, vous auriez répondu à toutes les questions que j'avais !
- Harry, arrête, tu commence à me faire peur là.
- Vous n'êtes absolument pas là pour moi. Vous essayez simplement de me manipuler, de me protéger et vous ne m'accompagnez pas dans tout ça ! Vous m'invitez à des soirées, essayez de reconstruire des contextes pour que je me rappelle ! Vous violez mon esprit ! Je continue avec violence
Je vois Taylor faire un pas en arrière, secouant la tête de gauche à droite en tendant ses bras en avant. Comme si elle voulait me tenir à distance. Quoi ? Je lui fais peur ?
- La seule chose que vous êtes capables de faire depuis que je me suis réveillé c'est me sortir de grands sourires avec vos : tout va bien se passer, tout va s'arranger, et patati et patata. MAIS NON tout ne va pas s'arranger ! Je ... vous ne m'aidez pas DU TOUT !
J'attrape la première chose qui me passe dans les mains et je lui lance au visage. Je la vois pâlir, évitant la télécommande que je lui ai jetée dessus.
Je prends un coussin et le lui envoie aussi. Elle l'évite une fois de plus.
- Harry calme-toi ! S'il-te-plait calme-toi. Ok ? Je suis désolée. Je suis désolée. Je te promets on va tout te dire. Harry... NON HARRY ! NON !
Elle n'a pas le temps de continuer que j'attrape un cadre qui était accroché au mur pour le lui balancer à la gueule. Je ne me contrôle plus, je ne sens plus mes bras, mes jambes, j'agis, comme si j'étais un pantin. J'ai mal, j'ai peur, j'ai envie de lui balancer à la figure toutes mes frustrations, tout ce que je suis en train de vivre. J'ai envie qu'elle souffre, qu'elle comprenne, j'ai envie qu'elle me dise la vérité !
Elle avoue ! Elle avoue qu'ils ne me disent pas tout, que je ne suis pas du tout sur le bon chemin. Ils me mentent. ILS ME MENTENT !
- Hazz... S'il-te-plait... s'il-te-plait ... arrête.
Elle a le regard bordé de larmes. Elle pleure, je les vois rouler le long de ses joues, mais je ne peux pas m'arrêter. Je renverse le canapé. Elle crie, elle court, je l'entends s'enfermer dans la salle de bain. Je me rue sur la porte, je la frappe de toute mes forces, je me jette dessus, il faut que je l'enfonce.
Taylor n'a pas le droit de me mentir comme ça. Elle n'a pas le droit. Je continue de me jeter sur cette putain de porte mais rien n'y fait, elle ne lâche pas. Elle ne bouge pas. Elle ne s'ébranle même pas !
J'entends Taylor qui sanglote de l'autre côté. Je lui fais peur. Elle l'a mérité. Ils mériteraient tous d'être derrière cette porte. TOUS. Sauf Louis. Sauf Zayn. Sauf Eleanor. Parce qu'ils sont honnêtes eux au moins.
- HARRY ARRETE ! JE T'EN SUPPLIE !
- Vous me mentez tous ! Vous êtes horribles, vous ne me dites pas la vérité ! Je réplique en frappant un grand coup sur la porte avec mes deux mains.
Je l'entends sursauter et recommencer à pleurer derrière la porte. Elle parle. Je n'entends pas ce qu'elle dit mais elle parle.
Elle téléphone. A qui est-ce qu'elle téléphone ? Pourquoi elle téléphone ?
- LACHE TON TELEPHONE !
Elle pleure de plus belle, parle plus fort, j'entends alors qu'elle est en train d'appeler la police, ou les pompiers, ou j'en sais rien. Ils vont venir, pour moi ! Ils vont venir. Non. Ils n'ont pas le droit !
Je me redresse d'un geste, mon cerveau file à toute allure et je quitte le couloir. Je fonce vers la porte d'entrée, la déverrouille et je sors. Il faut que je parte d'ici ! Il ne faut pas que je reste sinon ils vont me prendre, m'enfermer, et me lobotomiser. Je ne me souviendrai plus de rien. Mon cerveau est déjà bien assez en bouillie comme ça. Je n'ai pas besoin d'eux.
Je dévale les escaliers le coeur battant. Je suis happé par le froid quand je me retrouve dehors. J'en avais presque oublié la saison, le temps, les températures. Je suis idiot d'être sorti comme ça ! Mais je devais faire vite, le plus vite possible !
La nuit est tombée, la neige a repris et recommence à couvrir la ville de son épais manteau. Je suis sorti en pull, survêtement, chaussettes et je cours. Il fait froid...
J'ai mal. J'ai mal au coeur, j'ai mal qu'on ne me fasse pas confiance, qu'on ne veuille pas me dire, qu'on ne soit pas honnête. Pourquoi on ne me dit rien ? Pourquoi on continue de me cacher des choses ? J'ai très bien réagi quand Eleanor m'a avoué certaines bribes de mon passé sur ma relation avec Niall. Pourquoi les autres ne peuvent pas faire comme elle, ou comme Zayn ! Eux au moins ils me disent les choses. Et Louis aussi. Louis il me dit les choses.
Mais pour le moment, je cours. Il neige, j'ai froid, je ne sens plus mes pieds. Mais je continue. Je ne sais pas où je vais, où je suis mais je cours. Je cours à perdre haleine, à m'en arracher les poumons.
Je tremble, je tremble de froid, si je m'arrête, je tombe et je ne repars pas. Si je m'arrête, ils me trouvent. Et je ne veux pas. Alors je continue de courir. Sauf que là, je commence à manquer de souffle. Je commence à souffrir, j'ai mal partout, je vais perdre mes pieds, mes doigts, je vais mourir de froid ! J'ai besoin de chaleur, j'ai besoin qu'on me réchauffe... j'ai besoin ....
Et c'est le trou noir.
*
Troisième année de fac - mois de janvier.
Les dernières fois qu'on s'est vu avec Niall c'était pour baiser. On ne va pas se mentir. La première fois qu'il a fini dans mon lit on a d'abord pris un verre. Mais on savait tous les deux pourquoi on était là. A chaque fois, on s'est retrouvé chez moi. Parce qu'on était plus proches. Mais ce soir, il m'invite chez lui. Je viens de rentrer de quinze jours de vacances avec ma soeur et ma mère. Elle nous a emmené au ski en France. C'était vraiment sympa. On a rarement eu la chance de voir les montagnes quand on était gamins. Nos parents n'avaient pas d'énormes moyens. Après la mort de papa, maman avait peut-être un bon métier, un salaire intéressant, mais il n'empêchait qu'elle était tout de même seule pour s'occuper de deux enfants à New-York. L'une des villes les plus chère du pays. Alors c'était pas facil pour elle. Quand papa était encore là, on faisait plus de trucs, mais c'était parce que c'était plus simple aussi. Bref. Ces deux semaines à la montagne en famille m'ont fait un bien fou. Je suis content que Gemma continue cette tradition de nous emmener au bout du monde pour chaque Noël. C'est génial de sa part.
Sauf que cette année, je me suis retrouvé comme un con, parce que Niall me manquait. Ca fait deux mois qu'on se connaît mais il m'a manqué. Je n'ai jamais connu ça alors autant dire que ça m'a fait extrêmement bizarre. Evidemment que Taylor et Zayn m'ont déjà manqué, comme tous mes autres amis mais Niall ? C'est différent, c'est Niall. Il n'est pas un pote. Je pensais que c'était qu'un mec que j'apprécie avec qui je couche parce qu'on s'entend bien au lit mais je crois que non.
Quand je suis rentré tout à l'heure et que j'ai reçu son sms pour me proposer qu'on se voit ce jour j'ai accepté sans réfléchir. J'aurais normalement dû prévoir une soirée retrouvailles avec Taylor, Liam, Zayn, Ed et tous les autres comme d'habitude ! Mais non, j'ai tout de suite accepté la proposition de Niall à venir chez lui.
Je n'y suis jamais allé. Vu le personnage, je n'imagine pas la caverne d'Ali Baba que doit être cet appartement. Il vit seul, ce qui est étonnant pour un gars de son âge à New-York. Les loyers sont tellement chers... mais je crois qu'il doit bien gagner sa vie en tant que comédien à Broadway. Après tout, il joue Simba dans le Roi Lion, ce n'est pas rien.... Je n'ai jamais trop parlé de ce qu'il veut vraiment faire dans la vie. S'il veut continuer Broadway, le théâtre, la musique, je n'en ai aucune idée... Je crois que j'aimerais savoir. Il faudra que je lui demande.
Ce soir, je me suis donc habillé en conséquence pour un rendez-vous. Un jeans noir tout simple, une grosse paire de boots en cuir, une chemise et mon gros manteau en peau. J'ai évidemment une grosse écharpe enroulée autour de mon cou ! Il fait un froid de canard dehors ! J'ai pris le métro pour aller jusque chez lui. Je suis passé prendre des gâteaux dans une petite boulangerie française et je suis maintenant en route pour chez lui.
Quand j'arrive en bas de son immeuble je ne suis pas étonné de voir un immeuble typiquement style new-yorkais des années trente. J'imagine déjà son appartement comme un grand loft aménagé. Je m'avance jusqu'à la porte du hall, et appuie sur son nom pour l'appeler par l'interphone.
- Oui ?
- C'est moi. Tu m'ouvres ? J'ai froiiiid. Je dis en claquant des dents.
- Mot de passe ?
- C'est pas drôle Niall !
Je l'entends rigoler à l'autre bout de l'interphone et je roule des yeux.
- Allez, fais un effort mon petit Hazza.
- Tu sais que tu me fais chier ? Je me les pelle là !
- Quoi tu as les couilles gelées ? Tu pourras pas me baiser ce soir ? Continue-t-il en rigolant.
Au moins en quinze jours, ce mec n'a pas changé d'un poils. Je ne sais pas si c'est réconfortant ou si j'espérais intérieurement qu'il ait un petit peu évolué...
Je secoue la tête de gauche à droite et m'apprête à répliquer quand j'entends enfin la porte se déverrouiller.
- Septième étage, dernière porte à gauche.
- J'arrive.
Je rentre dans l'immeuble et me dirige vers l'ascenseur qui doit être aussi vieux que l'immeuble lui-même. Je referme la grille derrière moi, appuie sur le bouton de son étage et monte dans une cacophonie de craquements et de cliquetis aussi impressionnants que peu rassurants. Quand je peux enfin sortir au septième, je suis soulagé et je me jure de ne plus jamais reprendre cet ascenseur. Sept étages ou pas, la prochaine fois je les monterai à pied !
Je ne suis pas étonné de voir la porte de son appartement déjà ouverte quand j'arrive sur son palier. Je la pousse doucement et découvre alors une délicieuse odeur provenant sûrement de la cuisine. Je regarde autour de moi en arrivant dans l'entrée. Niall ne tarde pas à faire son arrivée. Il porte un pantalon en toile beige, une chemise légèrement trop ouverte sur le torse et il a coiffé ses cheveux, pour une fois. Son regard azur est évidemment toujours là.
- J'ai emmené le dessert. Je dis en me pinçant la lèvre inférieure lui montrant le paquet que j'ai à la main.
Il sourit en coin et s'approche de moi pour coller sa bouche contre la mienne. Je ne suis absolument pas étonné de son geste. Je ferme les yeux, me surprend à sourire contre ses lèvres et à lui rendre son baiser.
- Je suis heureux que tu ne te sois pas perdu dans ces montagnes lointaines. Dit-il en souriant.
Je roule des yeux en secouant la tête, amusé. Il me prend le paquet de gâteaux des mains et j'enlève mon manteau que je pose sur le porte-manteau prévu à cet effet. Je fais un tour sur moi-même pour observer cette première pièce puis je retourne mon attention sur Niall.
- Tu me fais visiter ?
- Oui avec plaisir ! Sourit-il en hochant la tête de haut en bas.
Je lui réponds par un sourire et le laisse attraper ma main. Il m'entraine avec lui;. Quand je pensais à un loft, je ne m'étais pas trop trompé.
Nous arrivons directement dans la grande pièce à vivre avec la cuisine ouverte et ce qui s'apparente sûrement à une chambre dans le fond caché derrière des paravents. L'espace est chargé avec de vieilles affiches de Broadway ou de cinéma des années 50. Il y a de beaux canapés en cuir, une table basse en bois asiatique qui semble sortie d'un autre siècle. Evidemment, elle est recouverte de mégots de cigarette et de bouteilles de bière vides.
Ce mec à un soucis avec le rangement. Il y a un beau tapis persan sous la table basse du salon et une grande télé. Je suis presque étonné de voir une console de jeu dernier cris et des jeux vidéos auxquels j'ai l'habitude de jouer. Niall est peut-être à moitié normal en fait...
Puis, il y a cette baie vitrée derrière la télé qui donne une vue panoramique sur la ville. Elle fait tout un mur du loft courant sur une cinquantaine de mètres jusqu'à l'espace nuit. C'est magnifique. Avec les lumières de la ville, l'ambiance de cet appartement est tout simplement féérique. Mais ce qui m'attire le plus, c'est cette grosse bibliothèque chargée dans un coin de la pièce, calée entre une affiche des Misérables et des Tontons Flingueurs. Je m'avance en fronçant les sourcils. Il a des livres. Beaucoup de livres ! ENORMEMENT de livres ! N'était-ce pas lui qui m'avait dit que lire était ennuyeux ? Je me retourne vivement vers lui avec un air accusateur.
- Je croyais que la lecture c'était nulle ! Je réplique.
- Je n'ai jamais dis que je ne lisais pas pour autant. Dit-il en haussant des épaules avec un sourire en coin.
Je le vois disparaître vers le coin cuisine et je continue mon petit repérage. Je m'avance jusqu'à la bibliothèque et regarde ce que je peux y trouver. Non seulement il a des livres, mais en plus il ne lit pas de la merde. Il a tous les plus grands classiques littéraires tout courant confondu. Je tire un ouvrage au hasard et tombe sur une vieille édition des "Fourberies de Scapin" de Molière, en français.
- Tu parles français ? Je m'étonne en tournant un oeil vers lui.
- Et Italien, et espagnol, pourquoi ? Tu aimes qu'on te parle en français pendant l'amour, mon amour ? Me répond-il en parlant dans la langue de Molière sur les derniers mots.
Je roule des yeux en secouant la tête avant de ranger le livre et d'en attraper un autre. Je souris en découvrant un des tomes d'Harry Potter. J'adore ces romans... Je le remets à sa place et me dirige alors jusqu'à l'espace qui lui sert de chambre. Il a séparé tout ça avec de grands paravents. Il faut monter deux ou trois marches pour arriver dans cette pièce. Elle est tout aussi mal rangée que le reste de l'appartement mais je ressens une véritable atmosphère apaisante ici. Il a un lit gigantesque totalement défait, évidemment, qui est face à la baie vitrée, mais il y a aussi une grande fenêtre sur le mur du fond. Je m'avance dans cette chambre totalement à l'image de Niall. Un tapis en mouton sur le sol, des guirlandes lumineuses accrochées au dessus de son lit et au plafond, une coiffeuse dont n'importe quelle fille serait jalouse, un dressing gigantesque donnant sur une magnifique salle de bain.
Cet appartement est dingue.
Je retourne vers la cuisine et je vois Niall ouvrir une bouteille de vin rouge.
- Et si j'aime pas ça ? Je lui demande taquin.
- Tu ne fais pas chier et tu bois. Me répond-il en me tendant un verre souriant.
Je rigole, hoche la tête et l'attrape.
- J'adore ton appart.
- Ah oui ?
- Ouai. Il est tout à fait à ton image. Je lui réponds.
- Oh... je ne pensais pas qu'un appartement pouvait être sexy...
Je roule des yeux en secouant la tête. Idiot. Triple idiot même je dirais !
- Tu sais que t'es un putain de mec insupportable ? Sérieusement ? Je lui demande.
- Hmm... mais tu ne peux pas nier que tu aimes ça ! Me répond-il en portant son verre de vin à ses lèvres.
Je ne peux pas nier que c'est peut-être bien justement cette partie de sa personnalité qui me pousse le plus vers lui. Me serais-je autant attaché si il n'avait pas été aussi chiant? Je n'en suis pas certain. Donc je ne vais pas le contredire.
- Tu me suis, je voudrais te montrer quelque chose... souffle-t-il alors en contournant le comptoir qui nous sépare.
Il arrive à ma hauteur, glisse sa main dans la mienne et m'entraîne avec lui. On traverse le salon et je le vois tirer la porte vitrée pour l'ouvrir et on sort sur le beau balcon. Je ne sais pas comment il peut se payer un appartement comme celui-ci mais cet endroit est dingue. Le balcon est couvert par des tentures qu'il a dû installer lui-même, ce qui fait que nous sommes à l'abris de la neige qui continue de tomber. Malgré le fait que les flocons ne se déposent pas sur nos têtes, il fait très froid, même peut-être trop... je tremble comme une feuille à peine arrivé sur le balcon. Sauf que je comprends pourquoi il m'a fait sortir. La vue depuis l'intérieur était déjà magnifique. Mais là, de l'extérieur, avec la neige que l'on peut observer ... ça l'est encore plus. Je sens le corps de Niall venir me prendre contre lui, sa chaleur corporelle me réchauffe et ses lèvres retrouvent rapidement mon cou. Je souris en fermant les yeux. Rien ne vaut la chaleur humaine pour réchauffer un corps. Mais aussi le coeur.... Niall attise petit à petit mon coeur.
Et c'est plaisant d'être réchauffé...
Retour dans le présent.
Quand j'ouvre les yeux, il fait chaud. Je n'ai plus froid. Mais j'ai mal à la gorge, à la tête... je ne me sens pas bien.
Quand j'ouvre les yeux je ne suis pas chez moi, ni chez ma mère. Je suis dans une chambre blanche. Je me souviens que la dernière fois que je me suis réveillé comme ça dans un endroit que je ne connaissais pas c'était dans un hôpital. L'odeur, les draps rugueux, le lit trop dur, ces murs blancs... je suis de retour dans un lit d'hôpital. La différence par rapport à la dernière fois, c'est que je me rappelle et que je ne suis pas seul. Ma maman est là...
Je soupire largement en me redressant et elle se lève du fauteuil où elle était en train de lire. Elle sourit, se rapproche et me prend dans ses bras.
Je ferme les yeux et réalise que cette nuit, j'ai voulu tuer ma meilleure amie
--------------------------------
#RememberFIC_ Attention, cette histoire va vous retourner le coeur.
Merci à Amélie pour ses corrections à l'époque où j'ai posté cette fiction sur Skyrock.
Love.
Phil.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top