Chapitre 7

Cela faisait des semaines que j'étais seul dans la chambre. J'avais commencé à développer des petites habitudes et à m'étaler un peu partout. Je m'endormais sans me demander si le lendemain je n'allais pas retrouver quelqu'un dans mon lit ou si je n'allais pas avoir du dentifrice plein la figure. J'étais en paix.

J'avais mon havre de paix.

Et maintenant, je suis là, assis au bord de mon lit, les bras croisés, le regardant dormir comme un bébé.

« Allez, Alex, va te coucher. Demain, t'auras la tête dans le cul. »

Pour ne pas changer.

Mais comment voulez-vous que je dorme alors que son visage est là à 20 mètres ?

Délicatement, je m'approche sur la pointe des pieds et je m'accroupis devant lui. Je détaille ses traits, ses mimiques endormies et je me demande... Oui... Je me demande si, dans ses rêves, aussi fous soient-ils, il se souvient de moi. De cette autre vie.

De nous.

« À... Al... »

Oui ? Oui ? Dis mon nom ! Vas-y, dis-le !

« Allumettes... »

Quoi ?! Mais il rêve de quoi au juste celui-là ?

Soudain, je le vois rouler sur le côté, manquant de s'écraser lamentablement par terre. Au lieu de ça, je me suis précipité comme un second réflexe, le ramassant dans mes bras avant qu'il ne s'étale sur moi.

Génial.

« Hé... Lève-toi...

— Hmmm...

— Théo... »

Je pensais que c'était un mythe. Que ce genre de personne n'existait pas réellement, telle une légende urbaine, mais non. Il est de ceux qui ont un sommeil si profond que même la fin du monde ne les réveillerait pas.

Et moi ? Je fais quoi en attendant ?

Si j'étais un mauvais gars, je tirerais profit de la situation, mais... Mais on parle de Théo là ! Mon coloc' ! Un AUTRE gars ! Je ne peux pas.

« Allez, bouge. »

Je le pousse sans ménagement et file m'enterrer sous ma couette, le laissant allégrement par terre.

Non.

Même ça, mon subconscient se refuse à le faire. Je sais que Théo est Thétis. Que Thétis est là, quelque part enfouie en lui. C'est comme vivre une malédiction et en sachant ça, je ne peux décemment pas le laisser par terre.

Je me relève et le remets au lit, en prenant soin de le bloquer contre le mur de la chambre avec le polochon. Comme ça, il ne retombera pas.

Les jours à venir s'annoncent compliqués. Je ne le connais pas et pourtant, une part de moi est déjà fortement attachée à lui. C'est comme si veiller sur lui faisait ressortir un autre « moi ». Comme si, avec deux « moi », je n'avais pas déjà assez de travail comme ça. Voilà qu'on me complique encore plus les choses.

Quand je me suis levé le lendemain, Théo dormait encore.

« Une vraie marmotte. »

Thétis était pareille dans mes souvenirs. La première au lit et la dernière levée. C'était une jeune femme active, pleine d'énergie et d'entrain donc forcément à la nuit tombée, elle était également la première à se reposer. Parfois, je l'accusait même de ne pas assez prendre de temps pour elle. Elle courait toujours à droite et à gauche à aider tout le monde, sur le marché pour les courses et dans la cité en général.

Elle s'épuisait.

Et moi, j'étais là, bêtement, à la regarder s'agiter.

« Théo, lève-toi ! On va être en retard. »

Pourquoi ? Pourquoi me sentais-je dans l'obligation de le réveiller ? De lui dire « Mon petit chou à la crème, si tu ne lèves pas ton popotin, tu vas rater les premières heures du matin ». Je pourrais très bien aller en cours sans lui.

Je devrais, même ! Allez, soyons fous ! J'y vais.

« Tiens ? T'es tout seul aujourd'hui ? Et Théo ?

— Il pionce...

— Tu ne l'as pas réveillé ?

— Je suis son coloc', pas son réveil personnel. Qu'il se démerde.

— T'es encore en mode grincheux, mec.

— Pas du tout. C'est juste que voilà... S'il n'apprend pas à être à l'heure, je peux rien pour lui. Bon, je vais en cours.

— Si tu veux, j'ai une heure de libre là, je peux aller le réveiller. Tu me files les clés de ta chambre ?

— T'as vraiment que ça à faire toi...

— Allez, ça va être drôle ! File les clés.

— Tiens ! Et pas de conneries surtout !

— Ouais, ouais. »

« Connerie » est sans doute le second prénom d'Octave quand j'y pense. Je ne sais pas encore ce qu'il prépare, ni même ce qu'il compte faire subir à Théo après l'histoire du « python », et honnêtement, je préfère ne pas le savoir. Du moment que son œuvre fonctionne.

De toute façon, je vais être égoïste et ne penser qu'à moi : si je rate ce semestre, je crois que mes parents m'enverront tout droit dans les bras d'Hadès.

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