Chapitre 4
J'ai expressément pris les devants de notre petite visite guidée à deux. J'aurais pu rester à côté de lui, ou bien même derrière lui, mais dans les deux cas, ça m'obligeait à affronter son regard. Sa silhouette. En étant devant, j'avais juste à agiter les bras, donner deux ou trois indications à la hâte et croire qu'il les enregistre une à une. De toute façon, jusqu'à présent, il n'a pas posé la moindre question, ne m'a pas demandé de ralentir le rythme et se contente même de marcher derrière moi.
Parfait.
Ce gars est parfait !
Enfin parfait dans le sens où il comprend vite... Pas parfait dans le sens « parfait » du terme quoi.
« Et le gros bâtiment gris souris vraiment moche là-bas, c'est le gymnase. Il est généralement ouvert aux étudiants du campus jusqu'à 23 h, pour ceux qui veulent faire du sport. Tu trouveras une liste des activités vers les différents secrétariats, mais aussi dans le hall du dortoir avec divers prospectus pour des associations d'étudiants. Si tu as des questions, je peux te passer l'adresse mail du responsable des étudiants.
— Ou tu peux me répondre toi aussi, non ?
— Ouais... Enfin... Ça dépend. Pour les questions banales peut-être, mais si t'as un truc bien spécifique, alors faudra voir avec quelqu'un d'autre.
— OK. Je peux retourner m'installer maintenant ?
— Tu peux. On a fini. Je vais aller faire un tour, je te rejoindrais plus tard.
— Merci en tout cas ! C'était sympa de ta part. »
Et là, ce fut le choc. Pas le petit choc de rien du tout. Non, je vous parle du gros choc.
Son sourire.
C'était exactement le même genre de sourire que feu celui de Thétis. Le sourire joyeux, honnête, brillant. Celui qui vous réchauffe le cœur. Celui qui vous éblouit votre journée.
Ah que je déteste ce garçon.
« Finalement, ça t'a pas bouché le trou du cul de lui faire la visite, si ?
— Octave... Sauve-moi... »
Jamais je ne pourrais parler de ça à Octave. Jamais il ne comprendrait ma situation, ni même mes sentiments. Après tout, moi-même je ne suis pas certain de comprendre vraiment ce que je ressens. Je suis à la fois heureux, surpris, frustré...
C'est ça ! Frustré !
Je dirais qu'en termes de pourcentage cela se traduirait par un très petit 500 % de frustration.
« Du coup, on mange ensemble ? Genre... Tous les trois ? Houlala, ne plus avoir l'exclusivité d'avoir un petit tête-à-tête avec toi Alex, ça me rend toute chose !
— C'est ça, rigole. Tu prends tout à la rigolade.
— Tu connais le proverbe mon gars, "Mieux vaut en rire qu'en pleurer", et puis ça peut être sympa. Il connaît personne et toi, tu t'es enfermé dans ta petite bulle perso là. Peut-être qu'il pourrait t'en sortir le petit. Je mise sur lui en tout cas.
— Je te demande pardon ?
— Après tout, en l'espace de trois heures, je ne t'ai jamais vu exprimer autant d'émotions que depuis que je te connais. C'est drôle. J'aime bien ce Alexandre là. »
Et moi, je le déteste déjà.
Je me déteste.
J'aimerais que l'on me dise qu'il y a un remède quelconque. Une solution miracle. Une porte de sortie ou même un échappatoire à cet enfer sur terre. J'aimerais que l'on me dise ce que j'ai fait d'aussi horrible dans ma vie passée pour me retrouver sanctionné d'une telle manière.
J'aimerais comprendre.
« Bon, on va bouffer ? Je crève la dalle.
— Tu crèves toujours la dalle à ce que je sache...
— Pas de ma faute, mon métabolisme me force à constamment manger. Ma mère me disait souvent "Si tu ne manges pas ta soupe Octave, jamais tu ne grandiras" et regarde maintenant... 1m85 et toutes mes dents. »
Pourtant, la soupe, ça n'a jamais été ton truc par le passé.
« Attends. T'es plus grand que moi ? »
Depuis quand ?
« Faut croire.
— Approche. Faut que je vérifie ça. »
À quelques centimètres l'un de l'autre, nos visages se rapprochent dangereusement quand Théo fait son apparition.
« J'interromps quelque chose ?
— Hein ? Ah non ! Tiens, tu tombes bien, le nouveau ! D'après toi... Qui est le plus grand ? Alex ou moi ?
— À vue d'œil comme ça ? »
Moi ! Moi ! Moi !
J'ai toujours été plus grand qu'Octus. Cela m'achèverait de savoir que j'ai même perdu mon seul avantage contre lui.
« Je dirais... Alexandre. »
Ouais !
« Favoritisme. Tu sais, ce n'est pas parce que t'es son colocataire que t'es obligé d'entrer dans ses bonnes grâces, hein.
— Ne l'écoute pas. Maintenant on est fixé ! Je suis le plus grand !
— M'en fou, mon python est le plus gros ! »
Je ne veux pas savoir.
« Ne l'écoute pas Théo... Viens. On va manger toi et moi. »
Inconsciemment, comme pour le protéger de toutes ces obscénités, j'ai couvert ses oreilles, le poussant en avant vers le réfectoire.
Inconsciemment, mon ancien moi protège encore et toujours Thétis de n'importe quel mal.
« Hé ! Attendez-moi ! »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top