Chapitre 34

Comme d'habitude, Octave ne s'exprime qu'en énigmes, en sous-entendu que je ne semble pas comprendre ou que j'ai peur de comprendre pleinement. À chaque fois, je me dois de lui tirer les vers du nez si je veux avancer et avoir un semblant de réponse.

« Comment ça, tu le savais ? »

Comment aurait-il pour le savoir ? Nous n'étions pas devins et nous ne le sommes toujours pas. La réincarnation ne nous a accordé aucun pouvoir ni aucun bénéfice contrairement au reste des hommes et il est quasiment impossible pour nous de savoir ce qui nous attend demain.

« Une vieille dame, que j'ai prise pour une folle du village m'a averti, mais je n'ai pas écouté et... »

Une vieille dame ? Attends, attends, attends. Ralentis mon ami.

Ayant peur de comprendre de qui il s'agit, je me retourne vers Théo qui semble avoir la même inquiétude dans les yeux quand nos regards se croisent. Cette même vieille dame de l'allée. Cette même vieille dame qui nous a dit que nous étions maudits.

« Quoi ? Pourquoi vous faites des têtes comme ça ?

— Cette vieille dame... On l'a déjà croisé une ou deux fois.

— Où ça ? »

Se levant d'un bond, Octave est à la limite de nous secouer dans tous les sens.

« En ville, près du campus universitaire.

— Donc elle est toujours là ?

— Oui... Mais comment elle nous aurait retrouvés ? Je veux dire, ce n'est pas comme si l'on portait une quelconque balise sur nous ou quelque chose du genre. Et puis qui serait-elle ? Quel rôle jouerait-elle ? Pourquoi nous avertir du danger ?

— Je crois qu'il est temps que je réponde à ces questions par moi-même. »

Sortant de nulle part, nous surprenant tous les trois, la vieille femme sort de derrière un tronc d'arbre, penchée sur sa canne de bois.

« Là, maintenant, je flippe grave.

— Oh... Pardonnez. »

D'un coup de canne sur le sol, la vieillesse s'évanouit ne laissant apparaître que beauté et jeunesse.

« Est-ce mieux ?

— NON ! Vous êtes qui à la fin ?

— Iris.

— Genre "la" Iris ? »

Je me retourne vers Théo qui semblait savoir qui elle était.

« Quoi ? Tu suis jamais tes cours ? Iris ? La messagère d'Hera ?

— Hera... Hera la femme de Zeus ? La déesse du mariage et tout le tralala ?

— Montrez un peu de respect ! C'est grâce à la bonté de cette dernière que vous êtes ici aujourd'hui.

— Attendez... C'est trop gros ça. Pourquoi une déesse nous aiderait ? À l'époque on n'était rien ni personne et aujourd'hui ce n'est guère mieux.

— Vous souvenez-vous de votre dernière campagne Alexander ? »

Encore cette histoire ?

« Vaguement. Je veux dire, c'est dur d'avoir 2000 ans de souvenirs dans la tête.

— Si tu te souvenais, tu saurais. »

Combien de fois dois-je entendre cette même rengaine ? J'ai l'impression que le sort de tous repose sur moi, sur ses souvenirs perdus, flous ou incompréhensibles.

« Écoutez, avec tout le respect que je vous dois, ça commence à bien faire. "Souviens-toi", c'est bien beau de me le dire à chaque fois, mais comme vous semblez être celle qui nous a en partie foutu dans cette merde, à vous nous dire. Maintenant y'en a marre. On n'a pas demandé à revenir à la vie. On n'a pas demandé à revivre tout ça. Fallait nous laisser morts. Tant pis, ça aurait été triste, mais on n'aurait pas eu toutes ces emmerdes déjà. Maintenant, soit vous crachez le morceau et on s'en va d'ici l'esprit en paix et le cœur léger, soit vous nous dites rien et moi, je plie quand même bagage. Rien ne nous empêchera de mener une vie normale sans intervention soi-disant "divine". »

Depuis le temps que je rêve de rentrer dans le lard d'un dieu ou pseudo-dieu, me voilà enfin assuré sur un point. J'en suis capable. Envoyer balader ce monde de divinités qui, soi-disant, choisit notre chemin, nous guide ou nous avertis, tout ça, je n'y crois plus depuis longtemps.

Les dieux nous ont abandonnés à partir du moment où ils nous ont pris pour des pions avec lesquels ils pourraient s'amuser. De quoi se mêlent-ils ?

« Vous nous avez dit que nous étions maudits. Ensuite, vous nous avez dit que tout était lié à notre mort. Puis Octave nous informe qu'il a été prévenu et là vous apparaissez. Mais qui êtes-vous au juste pour croire que nous sommes vos jouets ? On ne veut pas de vos avertissements dignes des biscuits chinois. On ne veut pas de votre aide divine. En fait, on s'en bat les cacahuètes de savoir si l'on va mourir ou pas. Rien n'est éternel, pas même les hommes. Laissez-nous tranquilles, maintenant.

— Tu commets une grave erreur Alexander.

— C'est Alexandre dans cette vie. Assumez ce que vous avez fait en jouant avec nos vies.

— Très bien, comme tu veux. Libre à toi de rentrer si tu le souhaites. »

Parce que tu penses que je vais me priver ? Tu peux te carrer le doigt dans l'œil, la messagère.

Et puis au bout de même pas 3 mètres, je me suis rendu compte que j'avançais tout seul.

« Sérieusement les gars ? Vous achetez ça ? Le blabla du "vous avez un destin divin" ?

— Écoute Alex... Ne le prends pas contre toi, mais moi je veux aller jusqu'au bout de cette histoire. Avoir le mot de la fin.

— Mais Théo, justement, notre fin elle est là ! Si on reste, on meurt. T'as envie de remettre ça ?

— Pas spécialement, mais on n'a pas fait tout ce chemin pour rien ? T'es pas d'accord avec moi ?

— Je refuse d'être une marionnette plus longtemps. Cette histoire est allée beaucoup trop loin. »

Parce que tout cela prend une dimension que je n'avais même pas imaginée de loin et je refuse de m'embourber encore plus.

« Si vous me cherchez, je retourne à l'auberge. »

Il est grand temps de faire le chemin retour. Ça suffit les conneries maintenant.

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