Chapitre 33
Une fois les bagages déposés dans nos chambres à l'auberge que nous avions choisie, je me suis mis en devoir de faire un tour de la ville tel un touriste moyen.
Certains bâtiments sont d'une autre époque, d'autres me sont familiers.
Tout s'est considérablement agrandi et je saisis toute l'ampleur de la modernisation.
Je suis né ici. J'ai grandi ici.
Et je suis mort non loin d'ici.
Là-bas, derrière les collines, il y a ce temple. Un temple sacré. Je ne sais plus quelle divinité nous y célébrions, mais je m'en rappelle. C'est là-bas que tout a commencé comme tout s'est terminé. Là-bas que je voulais me marier avec Téthis.
Mariage... C'est ça ! C'est pour ça !!
C'est pour ça que nous étions là tous les trois ce soir-là ! C'était uniquement pour ça !
« Théo ! Théo ! »
Je me précipite jusqu'à l'auberge en courant, mais Théo n'est pas dans sa chambre. Sa valise n'est même pas défaite.
« Octave, tu n'as pas vu Théo ?
— Hmm, non, pourquoi ? »
Il n'y a qu'un seul endroit où il peut être.
Près du fleuve, il y a une petite bute toujours fleurie, toujours à l'ombre du feuillage de cet arbre millénaire.
Théo est là. Assis dans l'herbe.
« Je savais que tu serais ici. »
C'est ici que nous passions le plus clair de notre temps tous les deux. Nombre de nos câlins et de nos baisers ont été accueillis par ces fleurs. Nous étions loin des regards indiscrets, loin du tapage des marchands de la ville.
Loin d'Octus nous poursuivant pour qu'on joue avec lui. C'était notre refuge. Notre sanctuaire.
« Tu n'as pas oublié toi non plus ?
— Comment veux-tu que j'oublie ? »
J'ai passé ici les meilleurs moments de ma vie. J'y ai les souvenirs les plus fous et les plus chauds également.
Alors, m'asseyant à côté de lui, j'arrache une petite fleur sauvage, lui tendant tendrement.
« Tu sais que je ne suis pas censé aimer les fleurs en étant un gars ?
— Au diable ce que l'on pense. Par contre, tu me parais préoccupé... Tout va bien ?
— Je n'en sais rien. Oui. Non. Cet endroit me rappelle tellement de choses. Comme si... D'un coup...
— Tout t'était revenu au visage en t'éclatant en pleine face ?
— Exactement.
— Dis-moi Théo, est-ce que tu te souviens de cette fameuse soirée ? »
Il se retourne vers moi, la tête légèrement penchée sur le côté.
« On allait se marier. »
Nous allions unir nos vies, à jamais. Nous allions nous promettre l'un à l'autre et nous jurer de nous suivre dans la mort.
Chose que nous avons plus ou moins faite.
« Et moi qui pensais que l'on ne pouvait pas être plus épris l'un de l'autre. On allait faire le grand pas.
— Ouais... Mais on ne l'a pas fait... On...
— N'en a pas eu le temps. »
Non.
Nous n'en avons pas eu le temps.
« Faisons-le ! »
Hein ?
« De quoi ?
— Marions-nous ! Quand tout ça sera terminé et si l'on s'en sort encore après.
— T'es sérieux ?
— Dis tout de suite que tu ne veux plus m'épouser.
— Je n'ai pas dit ça ! C'est juste que... Genre, tu le veux vraiment ?
— Tu sais Alex, dans la vie, il y a beaucoup de choses que je ne veux pas... Mais quand il est question de toi, c'est différent. »
Ouh. Je ne sais pas comment le prendre. Ça me rend...
« T'es mignon en fait quand tu veux ! Ahaha !
— Fous-toi de moi et je promets de demander le divorce !
— Mais non ! Ahahaha ! »
À cet instant, alors que nos visages furent tournés l'un vers l'autre, je ne pus m'empêcher de saisir le sien pour l'attirer à moi. L'embrasser.
L'embrasser pour lui rappeler ô combien je l'ai aimé et que cet amour, lui, n'a jamais connu de fin. Il ne s'est jamais éteint.
La proximité de nos corps dégageait une chaleur que je ne reconnaissais pas tandis que l'on se vautrait dans l'herbe.
« Ah ! Mais y'a des hôtels pour ça bande de cochons ! »
Surpris par Octave, on se redresse immédiatement, se rhabillant à moitié.
Merde à la fin ! On ne peut pas avoir cinq minutes d'intimité ?
« Vous n'avez pas changé tous les deux... Toujours à vous câliner dans l'herbe.
— Tu viens de tout gâcher, t'es fier de toi ?
— Fier et limite jaloux d'être le seul... À être seul.
— Il faut dire que tu as autant de charme qu'un bouc.
— Merci Théo, ça me va droit au cœur.
— Dis-moi Octave, j'ai une question. Tu as dit que tu venais pour réparer une erreur... Je n'ai pas cessé de repenser à tout ça et... de quelle erreur tu parles ? »
Dis-moi mon ami, pour quel crime t'a-t-on puni si ce n'est celui d'avoir aimé jadis ?
« J'ai été puni pour avoir été incapable de prévenir votre mort à tous les deux. Mon erreur, c'est vous.
— Ce n'est pas comme si c'était prévisible. Il n'y a pas une date dans le calendrier qui nous dit "Coucou, demain, tu vas mourir."
— Tu ne comprends pas Alex... Je le savais. J'ai été prévenu. »
Comment ça ? Qu'est-ce que...
« Je savais que vous alliez mourir et je n'ai rien fait pour vous sauver. Au fond, tout ça, c'est de ma faute. »
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