Chapitre 21
Évacué dans les vestiaires le temps de me remettre du choc de ce que je venais de subir, me voilà allongé sur un banc tandis que Théo est assis sur le banc d'en face. Il a l'air... vexé ? Non, pas tout à fait. Exaspéré serait plus juste à dire, je crois.
« Efface-moi ce sourire idiot que tu as sur le visage.
— Je ne peux pas. »
Je suis juste heureux parce que j'ai marqué plus qu'un but.
J'ai véritablement marqué un premier point dans notre longue bataille à venir. Cela veut dire que je prends l'avantage dans notre relation future et ça me plait. Ça me plait terriblement. Tellement que tout mon intérieur trépigne d'impatience d'avoir une « autre fois ».
« Ne va pas t'imaginer des choses Alex ! Je te préviens.
— Moi ? Pas du tout. C'était juste un geste purement...
— Purement neutre. OK ? C'était pour t'aider !
— Tout à fait. »
Mais oui, nous dirons cela. Prends-moi pour un idiot, je ne dirais rien. En fait, j'aime ça.
Parce que de nous deux, le plus idiot semble être celui s'étant mis des œillères.
« Tu sais, si vraiment ça te déplaît, tu n'as pas en plus à me tenir compagnie. Je n'ai pas frôlé la mort non plus. J'ai juste pris un coup. Je m'en remettrais.
— Parce que je n'ai pas le droit de rester là en plus ? Je suis bien dans les vestiaires. Il fait frais. »
Avoue que tu te fais du souci pour moi, ça ira plus vite.
« Comme tu voudras. Je disais ça pour toi. »
Je me retourne de sorte à voir les casiers de l'autre côté du banc. Quelque part, même si mon « moi intérieur » est fou de joie, il est également agacé par cette situation. C'est comme se mettre soi-même des bâtons dans les roues.
Je ne sais véritablement pas à quoi joue Théo, ni même ce qu'il attend et encore moins ce qu'il espère, mais s'il est la moitié de ce qu'était Thétis, alors je sais... Je sais pour sûr qu'actuellement il est le seul qui souffre. Le seul qui se ment. Le seul qui prétend quelque chose qui n'est pas vrai.
Comme s'il voulait volontairement garder ses distances avec moi, mais que malgré tout, tel un aimant, il est véritablement attiré vers moi.
Aimant que l'on pourrait appeler « destin ».
Il n'y a pas de hasard dans ce que l'on est en train de vivre, lui et moi.
« Tu sais, tout compte fait, je ne trouve pas ça très juste !
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce que c'est facile pour toi ! Tu es là, toujours le même Alexandre ou Alexander avec le même corps, la mémoire, les sentiments... Tout est resté comme gravé dans les âges. Tandis que moi... Moi j'ai changé de corps. J'ai changé de vie. Je me retrouve du jour au lendemain à devoir gérer tout ça et...
— Et ça te fait peur. »
Je sais. Crois-moi, même si je ne le montre pas. Je sais ce que tu vis. Ce que tu traverses.
Je suis passé par là bien avant toi.
« Il n'y a pas de secret ou de recette miracle pour réussir à faire avec. Parce qu'il n'y a que comme ça que l'on peut prétendre vivre une vie "normale" toi et moi. En "faisant avec". C'est dur parce que c'est essayer de jongler entre deux vies qui ne nous appartiennent pas... ou plus. Deux existences entremêlées par je ne sais quel lien tordu. J'aimerais te dire que je t'aiderais. J'aimerais sincèrement pouvoir t'aider de tout mon cœur. Parce que oui, je t'aime. Comme au premier jour. Je suis dans ce monde avec les sentiments d'un temps ancien dont plus personne ne se souvient. Donc, crois-moi, te voir lutter intérieurement, même si tu prétends le contraire, ça me broie. Ça me fait mal.
— Alors, dis-moi... Qu'est-ce que l'on est supposé faire ?
— Honnêtement ? Je n'en sais rien. On peut prétendre se souvenir de tout ou on peut en profiter pour tout recommencer. Tout revivre à zéro.
— Toi... Qu'est-ce que tu veux faire ?
— Tant que je suis près de toi, tout me va.
— N'as-tu jamais eu envie d'aimer quelqu'un d'autre ?
— Envie ? Si. Plus d'une fois. Il y a des soirs où je pleurais seul dans mon coin. La douleur est toujours là. Mais tu vois, ce que je ressens pour toi... Pour ton ancien toi ou ton nouveau toi, je me suis rendu compte que c'est ce qui me maintient à flot. C'est ce qui me rattache au monde. Ma raison d'exister c'est toi. Ironiquement, je pourrais mourir pour toi... Une nouvelle fois.
— Ne dis pas ça !
— Et pourtant je le dis. Que ça te plaise ou non. Tu en feras ce que tu veux. »
Je me redresse tout doucement, l'obligeant à soutenir mon regard par mes mots.
« J'ai aimé ardemment la femme qu'était Thétis, mais je me suis rendu compte depuis peu que petit à petit... Je tombe progressivement amoureux de Théo. »
Cela ne sert à rien de mentir. De tourner autour du pot et de perdre un temps que l'on n'a plus le luxe de perdre. Nous nous sommes perdus de vue des siècles durant, n'est-ce pas suffisant comme punition pour les péchés que nous avons commis ?
Si tant est qu'aimer soit un péché.
Si je suis mort d'amour, alors que l'on creuse ma tombe immédiatement, car j'ai déjà un pied dedans.
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