Je me suis arrêté au milieu des escaliers, m'accrochant fermement à ces derniers. J'hésite entre m'asseoir carrément par terre pour éviter une nouvelle chute ou juste... Non, je crois que je vais m'asseoir.

« Comment tu... ? Enfin... Tu... ? Attends. J'ai besoin d'une pause.

— Tu veux que je me répète ?

— Non. J'ai bien entendu. J'ai parfaitement entendu.

— Tant mieux. Je n'ai pas envie de me répéter honnêtement. Je te laisse encaisser le coup, je vais faire pipi en attendant. »

Comment tu peux me planter là après avoir dit ça ? Comment peux-tu seulement faire comme si de rien n'était alors que tu réclamais une discussion il n'y a même pas cinq minutes de cela ?!

Espèce de monstre. Sans cœur.

« Attends ! »

Je me relève et le rattrape tandis qu'on entre tous les deux dans la pièce.

« Je veux savoir... Comment ?

— Tu es sûr que tu poses la bonne question ? »

Non. C'est vrai.

« Depuis quand ?

— Honnêtement ? Je n'en sais trop rien. Je dirais que ça a commencé à partir du moment où nos regards se sont croisés. Tu sais, c'était... Comme une impression. Un sentiment. Quelque chose me raccrochait à toi et j'en avais l'intime conviction. Puis petit à petit, la réponse est venue d'elle-même.

— Tes rêves... En fait... Tu te replonges dans le passé à travers eux.

— Je t'avouerais que ce n'était pas très clair au début, puis petit à petit, tout s'est remis dans l'ordre. »

Il s'arrête et baisse son regard.

« Qui aurait cru, hein ? Un gars. Toi... Par contre... Tu n'as pas changé d'un pouce. Toujours le préféré des dieux.

— Je voudrais savoir une chose... Pourquoi tu ne l'as pas dit ? Pourquoi tu...

— Ah ! Je t'arrête. Tu vois quelqu'un venir te voir un jour et dire "Au fait ! Toi et moi, on se connait de nos vies antérieures" ? Je paraîtrais pour un fou. D'abord, je devais avoir la confirmation que tu étais...

— Que j'étais "moi" ? On sait très bien que nous ne sommes plus ces deux-là.

— Nous ne le sommes plus, mais nous le sommes encore. Alexander est Alexandre. Thétis est Théo. Mais l'inverse n'est pas valable. Nous avons nos deux caractères bien distincts. Juste une montagne de souvenirs avec.

— Et ?

— Et quoi ?

— Et qu'est-ce que l'on fait maintenant ? Je veux dire... Toi et moi et... Tout ça.

— Je te l'ai dit, non ? Nous ne sommes plus nos anciens nous. Ce qui veut dire que Thétis et Alexander n'existent plus. Ils sont morts depuis bien longtemps. Leurs sentiments avec. »

Voilà de quoi j'avais peur. Voilà ce que je ne voulais pas entendre. Je ne voulais pas entendre la vérité.

Ce qui s'est passé avant reste un souvenir lointain. Des jours heureux, deux amants en paix et amoureux, un soleil brillant... Tout ça, n'est qu'un vague et lointain souvenir n'appartenant même plus à l'air du temps.

Nous ne sommes plus ces mêmes jeunes gens.

Très bien. Je comprends.

Je devais m'y attendre. Je ne pouvais pas rester ce pauvre idiot naïf croyant aux miracles.

Ce n'est pas un miracle que nous vivons, mais une malédiction.

« Je peux te poser une question quand même ?

— Je t'en prie.

— Si tu ne m'aimes pas ou plus... Pourquoi est-ce que tu pleures alors ? »

Sans même s'en rendre compte, une larme roule le long de sa joue qu'il s'empresse d'essuyer du revers de sa main.

« Ça... C'est bizarre...

— Tu dis que c'est bizarre, moi, j'appelle ça un signe.

— Un signe de quoi ?

— Il y a encore de l'espoir pour nous deux. Que ce soit dans cette vie ou pas. »

Il rigole avec cynisme comme si tout ceci n'était qu'une vulgaire comédie.

« Je te l'ai dit pourtant... Il n'y a plus...

— Je m'en fiche. Si vraiment tu es cette fille que j'ai jadis aimée et qui m'a aimé de tout son être... Si vraiment il y a encore cette part en toi, alors peu m'importe. Tout ce que j'ai à faire, c'est de te faire tomber amoureux de moi... Pour la seconde fois.

— Comme si c'était possible. Tu n'es pas un dieu. Tu ne peux influencer les sentiments des gens Alexandre ! »

C'est vrai. Je ne suis pas Dieu.

Mais il n'en reste pas moins que je suis un homme plein de ressources.

Prends garde.

« Tu veux parier ? Prépare-toi. »