Chapitre 15
Il y a des moments dans la vie où, même si vous êtes un être composé en une seule entité, un seul bloc, vous vous coupez en deux. Des moments où vous êtes partagés. Des moments où vous débattez férocement entre vous et vous-même. Des moments où le cœur entend ce qui lui plaît et où le cerveau est alerté.
« Dis-moi Alexandre... Tu me prendrais pour un fou si je te disais que je crois que l'on se connaît ? »
J'avais alors deux options :
La première était, à mon sens, la plus logique. Je pourrais hurler que « non », je ne le prends pas pour un fou, et qu'il a totalement raison. J'aimerais qu'il me parle. Qu'il me dise ce qu'il sait.
Et puis, il y a la seconde. Celle qui me dit de me taire, de faire le mec surpris, choqué et ainsi d'éviter une potentielle catastrophe au cas où...
Alors, ne sachant quoi répondre ou comment réagir, j'ai opté pour une troisième option qui ne se présenta qu'à la dernière minute : rater une marche d'escalier et se vautrer lamentablement par terre.
« Alex ! Ça va ? »
Non, ça ne va clairement pas.
Je ne sais pas si je dois sourire comme un idiot ou pleurer à chaudes larmes.
« Ouais... ça doit être mon cerveau qui est encore endormi... ahaha ! J'ai pas fait gaffe. »
Faux. C'était là ma seule porte de sortie pour fuir ce qui venait de se présenter à moi.
« Donne ta main, je vais t'aider à te relever. »
Sans réfléchir, je le fais et, à son contact, je reconnais cette même sensation qui m'a si longtemps habitée. Cette passion dévorante, brûlante. Cette même sensation qui m'avait habité quelques secondes quand nous étions en ville tous les deux, à fuir cette vieille médium.
« Décidément... Il y a des choses surprenantes, hein ! Comme cette marche sortie de nulle part ahaha ! »
Détourne le sujet, vas-y.
La vérité est que j'ai juste peur. Peur de savoir que mes doutes sont avérés. Peur de me dire que Thétis est là, à l'intérieur de ce corps. Peur de réaliser qu'elle sait... ou qu'il sait... ou qu'ils savent tous les deux.
Peur de me rendre compte que tout à coup... Je ne suis plus seul.
« Comme je te le disais, je crois que l'on se connaît. C'est fou comme impression, non ?
— Oh regarde ! Un papillon de nuit ! »
C'est moche ces bestioles, mais étrangement pratique.
Je continue mon ascension des escaliers en faisant mine de détourner la conversation à chaque fois qu'il la relançait.
Et si... si c'était vrai ?
« Alexandre...
— Waw ! Je suis sûr qu'avec tout le raffut qu'on fait, on doit réveiller tout le monde...
— Tu m'écoutes ou pas ?
— Ils vont nous engueuler demain matin, c'est certain.
— C'est toi qui voulais savoir. »
Oui, bah... Je ne veux plus savoir. Attends, je ne suis pas prêt. Et puis tu ne pouvais pas faire ça vers midi plutôt ? Parce qu'il est clair qu'être deux gars se dirigeant vers les toilettes au beau milieu de la nuit, c'est une situation propice à la discussion.
« C'est vrai qu'il est tard... On devrait se dépêcher et profiter du peu d'heures de sommeil qu'il nous reste Théo ! »
Mais Théo ne répond pas.
Théo ne bouge pas.
Il se contente de rester là, au milieu des escaliers, me regardant.
« Théo ?
— On peut savoir à quoi tu joues ? Tu as envie de discuter ou pas ? Je te parle de mes rêves et toi...
— Bah attends, on fait pipi et après on parle de tes rêves, hein ? »
Je ne suis pas prêt.
Pas prêt du tout.
« Alexander. Il faut qu'on parle. »
Comment tu m'as appelé là ?
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