Le Serpent de Fer

Il arrive. 

Dans la sombre nuit d'hiver, à cette heure précédant l'aube, le sol frémit sous le frottement de ses écailles argentées. Fascinant reptile, il rampe furtivement vers son but, sans dévier le moins du monde; habile et fier, il n'ondule qu'avec la plus grande précision. Ses grands yeux jaunes transpercent l'obscurité, à peine éclaircie par quelques lampadaires parsemés le long de sa route. 

De rares badauds attendent sa venue avec angoisse, mais ce n'est pas encore l'heure de son festin. Au moins devraient-ils le savoir, c'est dans la fraicheur de l'aurore que son humeur est la plus agréable. Ses grognements n'y sont que très rares, à peine dérangé par quelques spectateurs imprudents. 

Moi, je suis postée là, immobile, proie que le train-train assourdissant de la vie dévore. Il arrive. Sa silhouette longiligne serpente vers moi, ses traits imposants se dessinent. Lors, je saisis la mesure de sa vraie nature. Quel funeste destin le mastodonte me réserve-t-il ? M'étouffera-t-il sous le poids de la fatalité ? M'injectera-t-il le venin insidieux de la complétion, me condamnant à la recherche d'un vain antidote ? L'éclat froid de ses yeux se reflète dans mes prunelles et je bats des cils, encore mal éveillée.

Voilà qu'il se rapproche encore; dans un léger frémissement, il susurre frêlement pour annoncer sa venue, et s'immobilise un instant pour reprendre son souffle. 

Il est là, devant moi.

Il ouvre ses portes, comme une invitation à entrer en son sein, à prendre la route.

Mon coeur s'emballe. Il s'enroule autour de moi. Tel le spectre angoissant qui me fait suffoquer. Mon sang bouillant fuit la pression de son corps glacé qui m'enserre. Mes veines vibrent sous ma peau diaphane. Ses écailles reluisantes me terrifient. 

J'entre en lui.

D'un tintement, il annonce le départ et, lentement, redémarre. Dans une accélération précise et continue,  il traverse cette étendue longiligne d'eau. Au loin, je vois quelques  îles. Hélas, le paysage défile à une vitesse vertigineuse. Nous quittons le Pont de pierres, et l'ennui de la ville reprend le dessus.

A cette heure matinale, comme bien souvent, alors que je ne cesse de m'émerveiller devant ce véhicule qu'est le tramway, mélange ingénieux entre le train et le bus, gardant de l'un et de l'autre respectivement, le confort et la praticité, je savoure avec un plaisir presqu'enfantin ce moment ordinaire et paisible, laissant mon esprit s'aventurer à des considérations saugrenues.

Évitant soigneusement l'heure de pointe durant laquelle ce trajet me semble bien moins agréable, il me plait d'avoir l'embarras du choix et de jeter mon dévolu sur la place la plus confortable, la plus stratégique peut-être. 

Si la vue d'un magnifique paysage ne dure qu'un instant, celle des passagers est bien plus pérenne et constante. Les yeux plongés dans un livre, pour esquiver la présence incommodante de quelques langues de vipères, il m'arrive pourtant de lire et relire plusieurs fois la même ligne de mon roman, tant mon regard est attiré par les individus qui peuplent ce reptile géant. 

Ma lecture attendra.

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Hello, je vous présente le début d'une histoire que j'ai en tête et qui n'est qu'une ébauche pour l'instant  ! Je ne sais pas encore si ça sera un prologue ou le début du premier chapitre, ou un écrit abandonné ='D, mais je trouve que cette partie entre dans ce recueil parce qu'elle peut faire office de bébé nouvelle, et en même temps je peux voir si l'effet escompté fonctionne =D 

Merci de votre lecture et à bientôt !


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