12. L'amitié (S)
Il est un peu plus d'une heure du mat' quand je rentre enfin chez moi...
J'ai pas mal marché avant de trouver le courage de rentrer. J'étais en colère contre moi, contre Hugo, contre Eden, contre Stan et contre ma mère. Bref, le monde entier me prend la tête !
Comme si je n'avais pas d'autres problèmes à régler...
Dans ma tête, c'est un putain de bordel ! Il suffit que je la revoie une seule fois et mon esprit part en cacahuète comme ça... Pffiou. Pourquoi cette nana m'obsède autant ? C'est dingue ça !
Je suis tout de même heureux de m'être trouvé là à ce moment-là. Je n'ose imaginer les choses qu'il aurait pu lui faire avec son esprit de tordu.
Ma main me fait mal à force de serrer les poings pour ne pas péter la gueule au premier merdeux que je croiserai. Lui aussi doit avoir mal, vu l'hématome qui pointe le bout de son nez sur mes phalanges... Heureusement que je me suis rappelé la présence d'Eden sinon je l'aurai achevé ce connard !
Comment peut-on agir ainsi ?
Je suis loin d'être parfait, mais la violence sur les femmes n'est pas tolérable !
J'accumule tellement de merde en ce moment que j'ai l'impression d'être au bord du gouffre sans cesse... Cette petite soirée avec elle, a au moins le mérite de m'avoir fait penser à autre chose. Surtout, cela m'a permis de ressentir autre chose que de la haine ou de la tristesse.
Mais je sais que j'ai encore fait le con. J'aurai dû insister pour boire un dernier verre avec elle, la rassurer encore plus... Je crois même que j'aurai pu l'embrasser de nouveau, où alors les signaux qu'elle m'envoyait n'étaient pas les bons. J'aurais vraiment dû, mais la situation ne se prêtait pas tellement...
Quand je pousse la porte de l'atelier, je suis accueilli par les ronflements quasi-animaux de Stan. Et j'avoue que ça m'avait manqué. Quel genre de pote vous attend après une dispute dans un endroit pas chauffé ? Le meilleur.
Si seulement je pouvais lui rendre la moitié de ce qu'il a fait pour moi ces dix dernières années... Mais ce n'est pas le cas, je ne peux rien faire, ni lui offrir. Pas avec ma vie de tocard.
Je le couvre de l'unique couverture puis rejoins mon fauteuil où je me grille une clope en le regardant.
Si j'avais su en le rencontrant qu'il serait toujours là à mes côtés...
Au collège, je lui en fais voir de toutes les couleurs. J'étais un ado perturbé... Mon père m'avait déjà brisé, et le seul moyen pour moi de ne pas vriller totalement était de déverser ma colère sur d'autres. En l'occurrence, sur Stan.
Jusqu'à ce qu'un jour il se rebelle contre moi, pas de façon violente non mais par la discussion. Il m'avait demandé ce qu'il n'allait pas chez moi.
J'avais été surpris dans un premier temps, pourquoi ce minus à lunette jouait au psy avec moi ? Au bout d'un moment, mes murs se sont écroulés.
Je lui ai tout avoué, mon père, nos prises de tête, mon mal-être constant...
J'avais trouvé en lui, une oreille, une épaule, un ami fidèle même mieux que ça un frère. À partir de ce jour, j'avais trouvé une autre famille plus normale que la mienne. Petit à petit, je vivais une vie normale ponctué de merde évidemment.
Puis quant au lycée, mon père m'a définitivement foutu à la porte, je n'avais que Stan. Ma couillonne de mère avait baissé la tête devant mon père. J'avais bien vu ses larmes, mais je versais les mêmes.
Je pleurais devant la lâcheté de ma mère face à mon père. Son enfant pas encore majeur vivait à présent comme un SDF et elle ne faisait que pleurer...
Lâche.
Je nourris toujours cette haine sans nom pour elle car tout est de sa faute et ne parlons pas de mon paternel.
Alors la vie a repris son cours, soutenu par Stan, sa mère et son frère, j'ai pris les chemins du lycée, mais quelle catastrophe. Les cours n'étaient pas faits pour moi.
J'y étais comme un lion dans une cage, sans viande privé de liberté.
J'ai toujours eu cette fibre artistique que ma mère nourrissait en cachette. J'ai eu mes premiers pinceaux à huit ans, lors d'un anniversaire où par chance mon père était absent. C'était l'un des plus beaux jours de ma vie. Ma mère à l'époque avait fait les choses bien, j'avais eu un gâteau à la banane, mon préféré. Elle m'avait gâté, des pinceaux, des tubes de peinture, des toiles neuves et également des carnets à dessin.
Pour une fois, j'avais eu l'impression d'exister, d'être aimé par ma mère. Mais ce moment n'a pas duré. En rentrant, il avait trouvé mes toiles et les avaient trouées, déchiquetées devant moi. C'est la dernière fois que j'ai versé une larme devant lui. J'étais un bâtard, je n'étais pas vraiment son fils et il me le faisait bien comprendre.
Au bout de quelques mois d'essais, j'ai arrêté le lycée au grand damne de la mère de Stan, Estelle. J'ai commencé à traîner avec des personnes pas recommandables du tout. Je dois même avouer qu'Estelle est venu me chercher plusieurs fois au poste de police...
Je n'en suis pas fier, mais j'étais un crétin, un crétin en manque d'amour, de reconnaissance.
C'est comme ces jeunes qui font des tentatives de suicide pour qu'on les remarque enfin, pour tirer la sonnette d'alarme et bien moi, je faisais des conneries pour les mêmes raisons. Avant de me rendre compte que ça ne servait qu'à rien, juste à faire éloigner les personnes qui prenaient soin de moi...
Il est temps de reprendre ma vie en main.
J'en ai marre de décevoir mon entourage... Est-ce le fait d'avoir rencontré Eden qui me pousse à réfléchir dans ce sens ? Cette fille m'obsède, c'est fou !
Dès que je ferme un œil, je revois sans cesse sa bouche s'approcher de la mienne, ses yeux se fermer délicatement et papillonner lorsque mes lèvres ont touchées les siennes.
J'entends de nouveau parfaitement son petit gémissement lorsque j'avais agrippé ses cheveux pour ne lui laisser aucune chance de s'enfuir. Je me souviens de la dureté de mon sexe alors qu'elle se pressait sans retenu contre moi. Cette fille aura ma mort sur sa conscience un jour.
Je rigole tout seul quand je me rends compte que je n'ai pas touché une fille depuis le festival. Si on enlève de l'équation cette gamine, qui a profité de ma cuite. Je ne ressens même pas le besoin de me guérir par le sexe, nouveauté chez moi...
Pourtant, je ne suis pas un homme pour elle. J'avais cru un instant que son collègue était tout à fait le type d'Eden, mais je m'étais également trompé. À quel point je me trompe me concernant ?
Je réfléchis à la proposition de l'ami de Stan sur l'exposition. Et si c'était cette solution qui me sortirait de cette merde dans laquelle je me contente de vivre ?
Qu'est-ce que cela me coûterait d'au moins tenter le coup ? J'ai de toute façon pas mal de tableau déjà fait et suffisamment bien pour être exposé.
Je crois que c'est ma troisième clope que j'allume quand Stan remue enfin sur le canapé et semble se réveiller en grognant. Le jour commence à transpercer par les petites fenêtres qu'il y a dans l'atelier.
Stan émerge enfin au bout d'une dizaine de minutes, il me regarde avec étonnement.
- T'es chelou mec à me mater comme ça !, il déclare avec un sourire moqueur sur le visage.
- Ouais, mais ce n'est pas nouveau..., je lui réponds en lui tendant un café.
- Merci. Tu es rentré tard ?
- Ouep, tu dormais comme un bébé quand je suis rentré. Tu aurais dû retourner chez toi, c'est plus confortable.
Stan hausse les épaules et boit une grosse gorgée de café chaud. Il se lève en s'étirant et ne peut pas s'empêcher de me jeter des regards.
- Tu es allé où cette nuit ?, il demande.
- Je t'avoue qu'au départ, c'était pour trouver de quoi me vider...
- Élégant, il lâche dans un soupir.
- Je suis comme ça..., mais j'ai croisé une connaissance sur le chemin.
- D'où ta main abîmée ?
Bon sang, il a le sens de l'observation assez élevé... Je suis surpris qu'il prenne le temps de vérifier mon état à peine levé.
- C'est une autre histoire.
- J'ai tout mon temps Sonny, il déclare en se rasseyant dans le canapé.
Je soupire et pèse le pour et le contre du fait de lui avouer ce que je ressens pour Eden. Car oui ce n'est pas juste histoire de lui raconter ma soirée, il va vouloir en savoir plus, poser des questions... Peut-être qu'il est temps de faire face aux nombreux évènements de ma vie. Je prends une profonde respiration avant de lui raconter cette soirée avec Eden. Stan reste stoïque alors que je fais face à plusieurs sentiments au fil de mon récit.
J'ai du mal à mettre des mots sur ce que je ressens réellement pour Eden.
Elle me plaît vraiment beaucoup, son corps, son visage habitent chacun de mes rêves... En plus, elle n'a pas l'air idiote, ni de se laisser faire même si les circonstances prouvent le contraire. J'aime son air faussement naïf...
Stan m'observe sans ciller et m'écouter sans me couper. Pour couper court au sujet d'Eden je lui explique que j'ai réfléchi à la proposition de son ami :
- Je me disais, Fred est toujours partant pour que j'expose ?, je demande.
Stan a soudainement les yeux pétillants et se relève rapidement sur le canapé. Il me regarde encore comme pour vérifier si je déconne ou pas. Mais non mon pote, je n'ai jamais été aussi sérieux...
- Tu ne blagues pas ?, il m'interroge.
- Du tout... Il est temps de me sortir les doigts du cul non ?
- Pas qu'un peu oui ! Tu ne vas pas te défiler au dernier moment ?
- Rooh, je n'ai jamais fait ça !
- Mytho, plusieurs fois même, tu m'as mis mal devant des amis.
- Quand ça ?
- Quand j'ai voulu te faire rentrer dans cette boite de transport... Pourtant, tu semblais motivé aussi. Et cette fois où j'avais réussi à te faire DJ résident dans ce club ?
- Oh, ouais, je me rappelle... Je n'assure pas désolé.
- J'n'ai juste pas envie de me brouiller avec plus de monde qu'actuellement. Fais les choses bien justes une fois Sonny, ok ?
- Ok.
- Si c'est cette fille qui te rend comme ça, je l'aime déjà bien.
Nous rigolons et il finit son café avant de s'activer. Il allume le poste non loin de nous et la musique remplit l'espace quasiment vide de l'atelier. Sa tête bouge au rythme du son puis il se redirige vers l'endroit où j'entrepose les tableaux finit.
- Va fumer une clope dehors et appelle le. Je vais regarder ce qui est exposable !
- Oui chef !, je lui réponds en le saluant comme les militaires.
Fred répond à la première sonnerie et semble heureux de m'avoir au bout du fil. Il m'annonce clairement qu'il est toujours d'accord pour que j'expose et il m'avertit qu'il a même un peu plus de place qu'au début. Un proche à lui a réussi à lui prêter un entrepôt près des docks.
Mon interlocuteur est très satisfait de ma volonté de remplir une partie par mes tableaux. Cependant, il me demande au moins 20 tableaux qui ont à peu près le même univers.
L'exposition aura lieu dans deux mois, et nous serons 3 artistes de rues à exposer.
Deux mois...
Deux petits mois pour réunir les tableaux qui me plaisent. J'en ai déjà une bonne partie, mais comme Fred souhaite le même univers, je vais être obligé de bosser et de me donner à fond. J'ai bien ma petite idée...
À mon retour dans l'atelier, Stan la transformer en une galerie d'exposition. Le sourire aux lèvres, je le rejoins.
- On a deux mois.
- Deux mois avant l'expo ?, il reformule.
- Ouep... Je vais avoir du taff...
- Tu as tout le matos qu'il faut ou tu veux qu'on aille à la boutique ensemble ?
- Je crois que je vais déjà fait quelques croquis et voir les tableaux que je peux mettre dans l'expo.
- Bonne idée.
Nous prenons donc place sur le canapé, et je sors mon carnet de croquis. Le même que celui offert par ma mère quand j'étais gamin.
- Elle t'a dit quoi au fait ?, me demande Stan.
- Qui ça ?
- Ta mère...
- Comme d'habitude.
- C'est-à-dire ?, il insiste.
- Que je lui manque, qu'elle regrette et qu'elle souhaite me revoir.
- Et ?
- J'n'en ai rien à foutre. Il faut qu'elle assume ses gestes, il est hors de question que je la revois !
- Sonny... Tu ne vas pas lui en vouloir toute ta vie ?
- Si. Pour moi, elle n'existe plus !, je m'écris en commençant à perdre le contrôle.
- Même pour Anaïs ?, il dit en m'énervant encore plus.
Je ne supporte pas qu'on se mêle de ma vie de cette façon. Je comprends très bien le petit jeu de Stan et je sais qu'il voit ma mère régulièrement. J'ai envie de lui foutre une tarte quand il fait le con comme ça.
Je ne vais pas mentir, Anaïs me manque, même plus que ça, mais je ne peux pas...
Nerveusement, je me gratte la barbe, saleté de tic nerveux ! Je me lève et commence à faire les cent pas. Stan m'observe du coin de l'œil et fait profil bas, car il me connaît, il sait qu'il est allé trop loin.
Mon côté nerveux fait régulièrement surface, je suis un sanguin, c'est la vie qui m'a façonné de cette façon. Je n'arrive pas à garder la tête hors de l'eau quand on me parle de ma mère ou ma sœur. Il va falloir que je me contrôle quand même...
Je tente alors de reprendre mon esprit torturé en main et j'allume une nouvelle clope. Je tire dessus comme un forcené, mais ce n'est pas grave, ça me calme un peu. La musique diffusée par les enceintes disposées çà et là me détend également, surtout que j'ai joué ce mix au festival. Je l'ai joué quand Eden avait ses grands yeux plongés en moi.
C'était comme si elle voyait plus que ce que la plupart voyait, comme si elle me comprenait. Pourtant, je suis sûr que nous n'avons pas eu la même vie, loin de là...
Le fait de la revoir dans mes pensées a un putain d'effet calmant sur moi.
Je retourne alors vers Stan et lui lâche :
- Ne reparle pas de ça, le sujet est clos ok ?
- Ouais compris Sonny.
Il me tend sa main que je saisis sans me forcer. Nous nous sourions comme des idiots jusqu'à ce que l'on frappe à la porte. Qui ça peut bien être ?
Mon cœur s'accélère quand mon cerveau imagine Eden derrière cette lourde porte. Quel con ce cerveau ! Elle ne sait même pas où je vis, comme la plupart des gens qui m'entourent.
À la place de son visage angélique, la tête souriante et stupide de Carlos apparaît.
Quelle déception.
Je le fais rentrer non sans lui jeter un regard noir. Le petit chien toxico de Stan est revenu au bercail. Je ne sais pas ce qu'il fout ici, mais bon, j'ai décidé d'être gentil alors je vais essayer de tolérer sa présence...
Autour de la table basse, nous passons l'après-midi à évoquer les tableaux que j'aimerais faire. Lentement, mais sûrement, l'idée que j'avais en tête se transforme en belle trame pour mon expo. Il ne reste plus qu'à peindre... Et je n'ai que deux mois pour tout finaliser.
Alors quand les gars partent en fin de journée, je décide de m'y mettre immédiatement. Il n'y a pas de retard possible. Avec le nombre de tableaux que j'ai déjà, il m'en manque une dizaine pour parfaite la scène que je souhaite réaliser lors de l'expo. Stan et Carlos sont ravis par mon idée, alors je me dis que ce ne doit pas être si mal que ça...
L'idée de pouvoir tourner la page de mon passé grâce à ces tableaux si personnels me séduit. Depuis quand l'envie d'avancer dans la vie a t'elle mûrie en moi ?
J'attrape mes pinceaux et commence à peindre les prémisses d'un nouveau tableau. Je mets tout mon cœur, tout mon âme dans cette exposition avec l'espoir secret de m'ouvrir un tout nouvel avenir...
Bonjour / Bonsoir !
Je sais le chapitre est un peu plus court que les autres... MAIS pour me faire pardonner vous avez le droit à deux chapitres !! Que je suis gentille dis donc :p
C'est surtout pour vous remercier pour vos lectures, votes et commentaires :)
J'espère que ce chapitre vous a plu en tout cas :)
Vous avez pu voir un peu plus du passé de Sonny... Mais il reste beaucoup de chose à voir encore ^^ Vous avez votre avis sur notre beau Sonny ?
Allez on se retrouver de suite pour le chapitre suivant !
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