Chapitre 9 : Retour à la réalité
Un souffle chaud et humide me fouette le visage alors que j'émerge lentement du sommeil dans lequel j'étais plongée. Je n'ouvre pas les yeux tout de suite, laissant les souvenirs de la veille lentement entrer dans mon esprit. C'est quand je me souviens de tout que je me rends compte que j'ai dû m'endormir devant le film, or j'étais assise et je suis maintenant allongée. Je n'ai pas besoin de vérifier pour comprendre que j'ai la tête posée sur la jambe de Jason. Malgré cette réalisation je n'ai pas envie de bouger, mon corps me fait un mal de chien, comme chaque réveil après que Ben se soit défoulé sur moi. Mon arcade me tire, mon poignet me lance, mes côtes me font serrer les dents au moindre mouvement, même mes jambes me paraissent lourdes, me donnant l'impression d'avoir couru un marathon la veille.
J'ouvre lentement un œil, puis l'autre, pour découvrir que le souffle que je sens contre moi n'est autre que celui de Van Gogh, assis aux pieds de son maître, qui me fixe la langue pendue. Il s'approche un peu plus de moi quand il voit mes yeux ouverts et me lèche la joue avec enthousiasme. Je ris avant de tenter de le repousser, mais il prend ça comme une autorisation pour continuer, il atteint à nouveau ma joue avant de s'occuper de ma main. Je continue de rire en me cachant le visage des deux mains pour me protéger de ses attaques, son museau vient pousser contre mes doigts, tentant de les écarter pour faire une petite place à sa langue. Sous moi je sens le corps de Jason vibrer aux rythmes de son rire qui vient se joindre au mien. Je n'ose plus bouger, j'aurais dû me lever dès que j'ai compris que je me trouvais sur lui, ça aurait évité ce moment bizarre où je n'ai pas la moindre idée de ce que je devrais faire ou dire.
J'écarte lentement les mains de mon visage et tourne la tête pour le regarder. Je devrais me redresser tout de suite, maintenant qu'on est tout les deux réveillés, mais quand je croise le regard joyeux et le sourire enjoué de Jason, je n'arrive plus à esquisser le moindre mouvement.
― Ça fait du bien de ne pas être celui qu'il attaque de bon matin pour une fois, plaisante-t-il en ne me lâchant pas du regard.
― C'est comme ça tous les jours ?
― Tout les matins, c'est devenu un jeu pour nous. Il attend patiemment près de moi que je me réveille, et dès que j'ouvre les yeux les attaques de langues commencent. Je fais souvent exprès de garder les yeux fermés alors même qu'il sent que je suis réveillé, juste pour voir la patience qu'il a à attendre.
Je souris en jetant un rapide coup d'œil à Van Gogh qui s'est calmé, puis je regarde à nouveau Jason qui continue de me fixer en souriant. Je ne me rappelle pas la dernière fois que je me suis sentie aussi en confiance et sans peur en me réveillant un matin. J'aimerais que cette sensation continue chaque jour, pouvoir profiter de ces petits instants de bonheur et d'insouciance, mais je sais que la réalité va bientôt frapper. Pourtant j'essaie de m'accrocher encore quelques minutes à cet instant ou rien n'est compliqué.
Jason et moi continuons de nous fixer sans rien dire. J'ai l'étrange impression que lui aussi s'accroche à ce moment, qu'il n'a pas envie qu'il s'arrête. Peut-être que ce que j'ai ressentis hier est réciproque finalement ? Que je l'attire peut-être autant que lui m'attire ? Que ce n'est pas qu'une question de se sentir en sécurité le temps d'une soirée, mais une réelle attirance qui pourrait donner plus. J'ai envie d'y croire. Mais à l'instant même où son doigt me surprend en se posant sur mon front pour y repousser une mèche qui me tombe sur le visage, ce moment se brise.
Je sursaute et me tends, envoyant une décharge de douleur dans toutes les parties de mon corps endolori. Je me redresse précipitamment en grimaçant sous la douleur encore plus accentuée de mes côtes. Je détourne le visage de Jason alors que les larmes me montent aux yeux, larmes qui n'ont rien à voir avec la douleur physique. C'est un nouveau coup, mentale cette fois, qui me tombe dessus et me fait souffrir. Un rappel de pourquoi je ne pourrais pas m'accrocher à lui, parce que je ne peux même pas le laisser me toucher, parce qu'un simple frôlement sur mon visage m'a foutu une peur bleue simplement parce que je ne l'ai pas vu venir et n'aie pas pu anticiper. Quel genre d'homme voudrait être avec une femme qu'il ne peut même pas approcher sans qu'elle sursaute ?
― Aisling...
― Ça va, je l'interromps avant même qu'il ne continue.
Toujours dos à lui, je tente de respirer normalement et de me calmer.
― Je vais nous préparer un petit déjeuner, vous pouvez me rejoindre dès que vous en avez envie. Vous aimez le café ?
J'acquiesce sans tourner la tête. Je l'entends se lever et faire quelques pas avant qu'il ne s'arrête.
― Je suis désolé, lance-t-il avant de s'éloigner.
Je ne réponds pas et laisse mes larmes rouler le long de mes joues. Van Gogh s'approche de moi et pose sa tête sur mes cuisses avant de geindre. Je pose automatiquement ma main sur son crâne et commence à le caresser, et ne pense lentement à rien d'autre qu'à ses poils sous mes doigts.
Je me décide à le rejoindre quand je suis sûre d'être calmé et que j'ai mes émotions sous contrôle. L'odeur du bacon qui s'échappe de la cuisine fait gronder mon estomac. Jason est dos à moi devant la gazinière quand j'entre dans la pièce, la table est déjà dressée et je n'ai qu'à m'assoir en attendant qu'il termine. Je l'observe cuisiner en me demandant ce qu'il a dû penser de notre échange, de ma réaction. Je ne lui demanderai jamais en face mais je suis curieuse de savoir ce qu'il se passait dans sa tête avant que je ne rompe le contact précipitamment.
Je baisse les yeux dès qu'il se tourne vers moi, une assiette remplie de bacon dans une main. Il la dépose sur la table avec un petit sourire en lançant un « servez-vous » avant d'à nouveau se tourner pour cette fois préparer deux cafés. Je l'écoute et me sert quelques morceaux et les dépose dans l'assiette posé devant moi, avant d'oser me servir dans le bol de fruit frais coupé qui trône près du bacon. Je ne me permets pas de commencer à manger, préférant l'attendre pour ça. Le regardant à nouveau je me demande si je devrais dire quelque chose sur ce qui s'est passé. M'excuser à mon tour de ma réaction ? Mais quand il vient à table en déposant un mug devant moi, rien d'autre qu'un « merci » ne franchit mes lèvres.
On mange dans le silence complet, sans se regarder. Du moins je garde fermement mes yeux rivés sur la nourriture devant moi et rien d'autre. Je ne sais pas si Jason n'ose pas parler ou bien s'il veut se débarrasser de cette situation -moi- au plus vite. Je ne pourrais pas lui en vouloir si c'était le cas mais rien qu'à cette idée mon estomac se noue.
Van Gogh vient briser ce silence en venant s'assoir à mes côtés et en aboyant. Je sursaute et relève les yeux vers lui, il me fixe, langue pendue en attendant clairement quelque chose. Je tends le bras pour lui caresser le crâne mais cela n'a visiblement par l'air d'être ce qu'il veut. J'ose alors tenter un regard vers son maître qui nous fixe déjà un sourire aux lèvres.
― Si vous avez terminé avec votre bacon je pense que cet estomac sur pattes aimerait bien en profiter, dit-il en me montrant mon assiette d'un signe de tête.
Je comprends mieux le soudain intérêt du chien pour moi qui jusqu'à présent était allongé près de nous. Je suis repue et je n'ai aucune hésitation quand j'attrape la tranche de bacon qu'il me reste pour la tendre à Van Gogh. Ce dernier attrape délicatement le morceau avant de partir le manger dans son coin.
Maintenant que Jason et moi avons fini de manger il est plus difficile de retomber dans le silence sans que cela ne devienne inconfortable, pourtant je ne sais pas quoi lui dire. Je garde la tête baissée pour éviter son regard que je sens sur moi. Puis au même moment, alors que je ne tiens plus sous cette tension, je me lève et me rends compte que Jason fait de même.
― Je vais...
― Est-ce que...
Jason et moi commençons à parler au même instant avant de nous arrêter simultanément. Je le regarde et souris alors qu'il fait de même. Quand il voit que je ne vais pas parler la première il se lance.
― Je vais aller promener Van Gogh, vous voulez m'accompagner ?
Je refuse poliment mais j'ai l'impression qu'il est déçu. J'aurais pu penser qu'il m'a demandé par politesse, pourtant je pense qu'il aurait vraiment apprécié que je vienne avec lui.
― C'est que je n'ai pas envie de sortir comme ça, j'explique en pointant ma tête et mes habits d'un geste de la main.
― Si c'est à cause de votre arcade...
― Non, je l'interromps aussitôt. J'ai vraiment besoin d'une douche, j'avoue alors penaude, je ne me sens pas vraiment propre après... hier.
Il a l'air de comprendre et son air change du tout au tout. Il a l'air désormais déterminé.
― Je vais vous trouver des affaires adéquate avant que vous ne preniez une douche. Je prendrais la mienne aussi, et on ira ensemble promener Van Gogh.
Il sourit mais le fait disparaitre aussitôt en ajoutant :
― Enfin si vous en avez envie, je ne veux pas vous forcer.
― J'en ai envie, je le rassure rapidement.
Il me sourit à nouveau et je l'imite, il a l'air ravie de ce revirement. Et si une promenade, même courte, peut me faire gagner quelques minutes de normalité et de paix avant de devoir aller au poste, alors je suis partante.
― Van Gogh en sera ravie. Je vais appeler une amie qui doit faire à peu près votre taille pour qu'elle apporte des vêtements. Vous vous sentirez probablement mieux que dans mes affaires trop larges.
Je n'ose pas lui dire que j'aime être dans ses habits mais je le contredis quand même avec une autre excuse.
― Je ne veux pas que vous dérangiez qui que ce soit pour moi, je peux rester avec ça.
Il secoue la tête en souriant encore, attrape déjà son téléphone et le porte à son oreille avant de me répondre.
― Croyez-moi, ça ne la déragera pas. Elle habite trois étages plus bas, je pourrais y aller si elle ne peut pas monter.
Mon cœur se serre à l'idée de savoir qu'il a une amie dans le même immeuble prête à lui rendre ce genre de service aussi facilement. Ce pincement ressemble dangereusement à de la jalousie, alors même que je n'ai aucun droit sur lui. Mais je ne peux pas m'empêcher de me demander qu'elle genre de relation il entretient avec elle, s'il a déjà essayé de la toucher sans qu'elle ne panique et se cache.
J'essaie de ne pas écouter la conversation quand la femme décroche mais je suis un peu trop curieuse.
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