Chapitre 5 : Cauchemar

Jason

Il est à peine plus de minuit quand j'entends le bruit des griffes de Van Gogh qui résonnent sur le parquet. Je suis penché sur mon ordinateur, la copie du dossier médicale d'Aisling ouvert dans une fenêtre, le casier de Ben dans une autre. Comment ce connard a pu s'en tirer aussi longtemps après tout ce qu'elle a pu subir ?! Ça me dépasse.

J'ai appelé le poste dès que j'ai été seul, demandant à mon ami, l'un des collègues qui l'a arrêté plus tôt dans la soirée, de m'envoyer son dossier. Un dossier vide. À part deux contraventions pour excès de vitesse, il n'y a rien. Aucune condamnation, aucune plainte contre lui. L'homme presque modèle. Du moins quand il ne se cache pas pour battre sa petite amie dès qu'il en a l'occasion.

Je souffle de frustration en passant mes mains sur mon crâne. J'ai l'habitude de ces situations, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive de devoir arrêter des mecs dans ce genre. Mais cette fois-ci je me sens différent. Je n'ai jamais eu à devoir être en contact aussi rapproché avec la victime, ce n'est jamais moi qui suis là pour la réconforter. Alors, avoir dû assister à la réaction d'Aisling m'a totalement renversé. Ses larmes, ses tremblements, la peur panique qui se lisait dans ses yeux à chaque insulte un peu plus vive de Ben quand il se faisait emmener, et surtout sa frayeur quand je m'approche d'elle ou que j'essaie de la toucher. Tout ça, me donne l'envie invraisemblable de la protéger de tout, même si ce ne sera plus mon rôle dès que je l'aurais déposé au centre d'entraide demain.

J'aperçois mon fidèle compagnon arriver dans le salon, je redresse la tête alors qu'il se dirige droit sur moi, un air presque déterminé se fait sentir à la façon dont il m'approche. Son museau vient me pousser la cuisse durement quand il arrive à ma hauteur, j'essaie de lui caresser le haut du crâne, pensant qu'il cherche des caresses, mais il s'éloigne pour que j'arrête de le toucher avant de revenir me pousser la cuisse. Il se recule à nouveau, fais quelques pas en arrière avant de recommencer son manège deux fois pour finalement retourner dans le couloir par lequel il est arrivé. Je pense qu'il essaie de me faire venir mais je n'ai rien à faire là-bas, si jamais Aisling venait à sortir de ma chambre et me voyait près de la porte, je me doute que sa réaction ne serait pas très bonne. J'ai besoin qu'elle ait confiance en moi, pas que je lui fasse peur.

Pourtant quand je vois Van Gogh revenir et s'assoir juste à l'embrassure de la porte du couloir je me demande si je ne ferais pas mieux d'aller voir ce qu'il y a. Elle se sent peut-être mal ? Après cette soirée, ou plutôt ces derniers mois, il y aurait de quoi être malade. Mon chien me fixe toujours alors que je ne fais aucun mouvement, puis apparemment décidé à ce que je fasse ce qu'il souhaite, il se met à aboyer. Juste une fois. Avant de se redresser sur ses quatre pattes et de recommencer une deuxième fois. Cela a le don de me faire bondir du canapé.

― C'est bon je viens ! Tu as intérêt à avoir une bonne raison mon gros.

Je le rejoins rapidement afin qu'il ne réveille pas Aisling en recommençant, du moins si celle-ci dors encore. J'arrive à peine près de lui qu'il se dirige aussitôt vers la chambre, je le perds de vue quand il entre et je m'approche doucement. La lumière est éteinte et rien ne filtre à travers les rideaux. Il n'y a pas un bruit, Aisling dort toujours. Je commence donc à faire demi-tour quand je l'entends. Un gémissement, comme une plainte, puis les draps. Elle doit être en train de se retourner. Je m'éloigne un peu ne voulant pas qu'elle me trouve ici, mais je m'arrête encore une fois quand je l'entends crier un « non » étouffé par des pleurs. Elle gémit encore, je suis presque sûr que c'est de douleur, alors cette fois-ci je me décide à avancer dans la chambre.

― Aisling ?

J'attends un instant de voir si elle me répond, mais je pense qu'elle dort et qu'elle doit être en train de faire un cauchemar. Je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas lui faire peur en la réveillant et qu'elle me découvre près d'elle en plein milieu de la nuit, dieu sait ce qu'elle pourrait penser et ce qu'elle a pu déjà subir dans une telle situation ! Mais je ne peux pas la laisser comme ça, surtout quand j'entends à nouveau pleurer, et répéter des « non, s'il te plait ». Mes poils se hérissent à l'entendre, je ne veux même pas penser à ce qu'elle peut être en train de rêver, mais je sais que ça ne peut être rien de bon. Je décide enfin de m'avancer près du lit, la lumière qui émane du couloir éclaire suffisamment la chambre pour que je ne me prenne pas quelque chose dans les pieds au passage.

Je m'arrête près du matelas et l'appelle quelques fois, un peu plus fort à chaque essaie pour éviter d'avoir à la toucher. Van Gogh près de moi commence à geindre. Je crois qu'il supporte encore moins que moi les plaintes qui sortent des lèvres de la pauvre femme. Je ne trouve pas d'autre solution que de poser ma main sur son épaule et de légèrement la secouer en prononçant à nouveau son prénom.

Cette fois ci ma tentative fonctionne, à mon plus grand regret. Aisling ouvre des yeux écarquillés et la peur panique se lit sur son visage. Elle agrippe le drap avant de le serrer fortement contre elle et de s'éloigner autant que possible de moi. Elle en tombe presque du lit mais se rattrape à temps.

― Aisling, c'est moi Jason, je tente de doucement la rassurer. Tout va bien. Je suis désolé de vous avoir fait peur, vous étiez visiblement en train de faire un cauchemar et Van Gogh voulait à tout prix que je vienne vous aider. Je crois qu'il a senti votre détresse.

À l'entente de son nom, ce dernier saute sur le lit, même s'il n'y est pas autorisé, et pars aussitôt poser sa tête sur les jambes d'Aisling qui pose automatiquement une main sur son crâne. Elle regarde partout autour d'elle avant de passer une main sur son visage et de soupirer, elle se détend rapidement sous mes yeux avant d'ancrer son regard au mien.

― Il n'est pas là ? chuchote-t-elle la voix cassée.

Son ton peu assuré me brise le cœur, j'ai envie de la prendre dans mes bras et ne plus la lâcher jusqu'à ce qu'elle soit totalement rassurée mais je me retiens.

― Il n'y a que nous deux. Ou plutôt nous trois.

Je pointe Van Gogh du doigt qui apprécie clairement les caresses qu'elle lui donne et elle sourit distraitement en continuant.

― Je suis désolée si je vous ai réveillé.

― Je ne dormais pas encore.

Le silence tombe alors que je suis toujours debout près du lit. Aisling baisse la tête et n'ose plus me regarder et je comprends qu'il est temps que je sorte de la chambre maintenant qu'elle est réveillée. Mais je tiens à m'assurer qu'elle n'a besoin de rien avant que je la laisse seule.

― J'aimerais bien un verre d'eau, mais je peux aller me le chercher.

― Je vais y aller, restez au chaud sous les draps, j'arrive.

Elle me remercie alors que je m'éloigne. Je m'arrête plus longtemps que nécessaire dans la cuisine pour lui verser un verre d'eau. Je ferme un instant les yeux et soupire, ça me tue de la voir si fragile et apeuré, je ne la connais pourtant pas et j'ai appris à ne pas laisser mes émotions prendre le dessus quand il s'agit du boulot. Mais c'est différent cette fois. Je secoue la tête et tente de chasser tout ce qui me traverse l'esprit avant de retourner dans ma chambre, un verre rempli à la main.

La lampe de chevet est allumée quand je reviens dans la chambre. Aisling me remercie une nouvelle fois quand je lui tends le verre. Elle avale la moitié du contenue avant de le poser sur la table de chevet près d'elle. Je me rends seulement compte que j'étais en train de la fixer quand elle croise mon regard et baisse la tête.

― Désolé. Je vais...

Je me racle la gorge quand je perds mes mots. Recule de quelques pas vers la porte et recommence.

― Je vais vous laisser dormir. Si vous avez besoin de quoi que ce soit...

― Vous pouvez rester ici ?

Son interruption me fige au milieu de la chambre, je ne réponds pas et la fixe me demandant si j'ai bien entendu ce qu'elle m'a demandé.

― Enfin... vous n'êtes pas obligé, vous voulez sûrement dormir maintenant, il doit être tard. Je... désolée. Je n'ai pas envie de me rendormir, les... cauchemars sont...

― Je vais vous tenir compagnie, je l'interromps à mon tour n'ayant pas le courage d'entendre ce qu'elle pourrait me dire sur ses cauchemars.

Je regarde autour de moi, me demandant où je pourrais bien m'assoir afin d'éviter de rester debout, mais la seule possibilité qui s'offre à moi est le lit, or je n'oserais pas. Par terre contre le mur devrait faire l'affaire si je ne reste pas plusieurs heures ici. Je me dirige vers celui le plus proche du lit quand Aisling m'arrête en comprenant ce que je m'apprête à faire.

― Vous n'allez pas vous mettre par terre à cause de moi. Il y a suffisamment de place dans le lit.

Elle rougit et baisse la tête et plutôt que de l'embarrasser davantage en faisant quelconque commentaire je me contente de m'approcher à nouveau du lit mais en faisant le tour de celui-ci pour me retrouver de l'autre côté. Je m'installe dessus, dos contre la tête de lit, une jambe allongée devant moi, et l'autre toujours au sol. Je ne veux surtout pas qu'elle se sente oppressé par ma présence, même si c'est elle qui m'a demandé de rester. Le silence s'installe un instant entre nous, seule la respiration bruyante de Van Gogh qui s'endort le brise. J'aimerais poser un tas de questions à Aisling, savoir principalement comment elle s'est retrouvée dans cette situation, et depuis quand exactement cela dure. Mais je sais que ce n'est pas un interrogatoire sur sa vie privée, à cette heure-ci, qui l'aidera à mieux dormir et à oublier ses cauchemars. Alors je me tais, continuant de chercher ce que je pourrais bien lui dire qui ne la mettrait pas mal à l'aise. Quand rien ne me vient je commence à me mordre les lèvres. Heureusement Aisling nous sauve tout les deux en brisant le silence pour me poser une question la première.

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