Chapitre 19 : Ben
PDV Jason
Je n'ai même pas eu besoin de demander à Sarah et Griffin si ça les dérangeait qu'Aisling se joigne à notre dîner hebdomadaire, ma meilleure amie m'a devancé en m'envoyant un message exigeant qu'elle soit là. Je sais qu'Aisling est nerveuse à cette idée mais je sais également que c'est une bonne chose pour elle de faire à nouveau des choses « normal » sans craindre quelconque répercutions plus tard. Même si elle ne m'a rien avoué de ce qu'elle a pu subir avec son ex, j'ai très vite compris qu'elle avait été isolée et qu'elle n'avait plus d'amis depuis bien longtemps. Alors j'ai envie de l'aider à retrouver cette sensation d'insouciance qu'on peut ressentir quand on se retrouve entre amis, j'aimerais qu'elle ne pense à rien d'autre que de se sentir à l'aise et qu'elle s'amuse si possible.
On est rentré depuis peu, assis sur le canapé, côte à côte, Aisling profite du temps qu'il nous reste pour se familiariser avec le téléphone qu'elle s'est offert pendant notre sortie shopping tandis que je suis plongé dans un livre. Mais je ne suis pas concentré, je n'arrive pas à lire deux lignes d'affiler sans lui jeter un regard, je la surprends parfois à me fixer aussi et elle sourit avant de regarder de nouveau son écran. Ce petit jeu de séduction dure quelques minutes jusqu'à ce que mon propre portable posé sur la table basse vibre et m'oblige à m'ancrer dans la réalité. Je pose mon livre que je ne lisais plus vraiment et me penche en avant pour attraper l'objet.
Quand je déverrouille l'écran un SMS d'un inconnu me fait face.
Inconnu : Je sais qui est le tueur...
Je fronce les sourcils sans comprendre. J'aurais pu penser que cela ait un rapport avec une enquête en cours mais nous n'enquêtons sur aucun meurtre pour le moment avec Griffin. Et jamais un indic ne m'aurait envoyé un message du genre. Je m'apprête tout de même à répondre quand le gloussement d'Aisling m'arrête net. Je me tourne vers elle, un grand sourire moqueur fait place à celui d'habitude timide, son écran est tourné dans ma direction et me montre ses messages. L'inconnue, c'est elle.
— Tu aurais dû voir ta tête. Je ne sais pas ce qu'il t'es passé à l'esprit mais tu étais vraiment confus.
— Tu n'aurais pas réagis de la même façon toi peut-être ? Ce genre de message n'est pas celui que tu reçois tout les jours. Comment tu as eu mon numéro ? je l'interroge surpris.
Elle se mord la lèvre puis répond sans me regarder.
— Tu me l'as donné avant de me déposer au centre.
Je me souviens très bien de cela, je m'étonne seulement du fait qu'elle n'est pas ma carte de visite sur elle donc elle a dû retenir mon numéro par cœur. J'hésite à lui en faire la remarque, je ne veux pas la mettre mal à l'aise mais sans avoir besoin de lui dire quoi que ce soit, elle m'éclaire d'elle-même.
— Je l'ai retenu à force de fixer ta carte tout les jours, avoue-t-elle sans me regarder. J'ai voulu t'appeler à peu près toutes les heures.
Je ne lui demande pas pourquoi elle ne l'a pas fait, je le sais déjà, à cause de mon attitude complètement idiote elle a pensé que je voulais me débarrasser d'elle ce jour-là, qu'elle était de trop et qu'elle me dérangeait surement, alors même que tout le contraire était dans ma tête. Je ne veux plus jamais qu'elle pense ça quand cela me concerne et je ne veux plus jamais me sentir aussi mal de lui avoir mis ce genre d'idées en tête.
Je m'apprête à m'excuser encore une fois mais elle m'en empêche en reprenant la parole.
— Je ne mentais pas dans mon message, je sais qui est le tueur ! dit-elle gaiement toujours sans que je ne comprenne.
Elle se penche au dessus de mes genoux et attrape le livre posé sur l'accoudoir. Puis l'ouvre pour voir où j'en suis avant de feuilleter les pages suivantes rapidement. Je viens enfin de comprendre de quoi elle parle ! L'assassin du roman que je suis en train de lire. Quoi d'autre...
— Comment tu peux le savoir ?
Je l'interroge pour oublier l'aveu qu'elle m'a fait, elle n'a pas envie d'en parler plus, je n'ai pas envie de continuer à regretter de l'avoir déposé là-bas. Je veux une conversation simple et joyeuse avec elle, une conversation normale, du moins aussi normale que puisse être une conversation sur un meurtrier narcissique sortie de l'imagination d'un romancier à la réputation houleuse. Aisling me parle de sa théorie, de son résonnement tandis que je l'écoute impressionné par ce qu'elle me dit. Puis on dévie sur d'autre sujet, on se rapproche lentement l'un de l'autre. On change doucement de position sur le canapé, les jambes d'Aisling posé sur les miennes, ma main sur sa cuisse qui n'ose pas bouger, son coude posé sur le dossier, son poing soutenant sa tête alors qu'elle me regarde en souriant quand je parle. Puis le calme revient peu à peu, plus aucun de nous ne parle, on se fixe simplement, ma main qui n'était pas posé sur elle part lentement à la rencontre de la mèche qui lui tombe sur le visage, son arcade abîmé se dévoile en même temps que mon envie de cogner son ex. Mais je ne lui fais pas voir la colère que je ressens contre lui, je me concentre sur elle. Elle qui, penche sa tête contre ma main, qui se repose là en fermant un instant les yeux puis qui les rouvre brillant et trouve les miens. Mon pouce caresse sa peau, doucement pour ne jamais lui faire peur. Puis d'un mouvement infime son visage s'approche du mien qui fait automatiquement de même.
Alors que nos lèvres s'apprêtent à se toucher le vibreur de mon téléphone puis la sonnerie du sien nous interromps nous faisant sursauter et se reculer aussitôt l'un de l'autre. Aisling attrape son portable et je regarde le mien. L'oscar de l'interruption au plus mauvais timing revient à ma meilleure amie Sarah ! Aucun doute qu'Aisling ait reçu le même message. Apparemment le temps est passé bien plus vite que je ne le pensais et nous voilà donc en retard. À cet instant précis je déteste l'envie maladive de ponctualité de mon amie.
Aisling a l'air de se sentir à l'aise. Il faut dire que Sarah et Griffin font tout pour, entre me foutre la honte en racontant des histoires débiles qui nous est arrivés plus jeunes et me foutre la honte en parlant de mon célibat prolongé, Aisling a de quoi se régaler. Je la vois comme j'avais envie qu'elle se sente ce soir, insouciante et joyeuse. Elle rit des blagues de nos hôtes, participe aux conversations comme si elle les connaissait depuis toujours et surtout elle est près de moi et ne cesse de me jeter des regards avec un sourire merveilleux aux lèvres.
Elle aurait presque l'air d'être une femme normal à qui rien n'est arrivé si seulement je n'avais pas remarqué une chose qui prouve le contraire : Griffin ne peut pas l'approcher. Elle parle avec lui sans aucun soucis, plaisante avec et rit de ses blagues, mais un seul geste un peu brusque de la part de mon ami et Aisling sursaute presque imperceptiblement. Mais pour moi, comme pour lui j'en suis sûr, ce n'est pas passé inaperçu. Les gestes de mon meilleur ami se sont faits un peu moins brusque au fil de la soirée, et Aisling n'a plus sursauté une seule fois. J'ai remercié discrètement ce dernier quand les filles parlaient entres elles, il m'a répondu d'un simple clin d'œil avant de reprendre la conversation.
Après ça tout aurait pu être parfait, on aurait pu rentrer tout les deux chez moi, et surement finir ce qu'on avait commencé si j'en croyais Aisling qui fixait souvent mes lèvres en rougissant. Mais un seul coup de fil à chambouler toute la bonne humeur qu'il y a eu durant la soirée.
Griffin a reçu l'appel, il s'est éloigné quand il a vu le numéro puis est réapparu moins de dix minutes plus tard pour me demander de le rejoindre. Je me lève rapidement en me doutant tout de suite que l'appelle vient du poste. Mon ami serre la mâchoire quand j'arrive et se gratte la nuque, rien de bon ne sortira de ses lèvres dans la minute qui va venir, je peux le garantir.
— Je n'ai pas une bonne nouvelle, avoue-t-il alors que je m'en doutais déjà. Ce Ben que tu as fait arrêter... il est sorti de prison. Sa caution a été payé et il est libre jusqu'à son procès.
Mon premier réflexe est de me tourner vers Aisling qui rit avec Sarah, d'ici elles ne peuvent pas nous entendre mais clairement nous voir. J'ai envie de jurer et de me passer nerveusement les mains dans les cheveux mais je sais qu'elle le verrait et comprendrait aussitôt que quelque chose ne va pas. Alors je me restreins, me tourne de nouveau vers Griffin et respire profondément. Je ne peux rien faire contre ça, c'est la loi, mais c'est putain de mal foutu. Je n'imagine pas si Aisling avait été seule en ce moment sans savoir que ce connard était de nouveau libre et qu'il pourrait l'approcher quand bon lui semble.
— Il a interdiction de l'approcher, ajoute Griffin comprenant parfaitement à quoi je pense.
— On sait tout les deux que ça ne l'empêchera pas de le faire s'il en a vraiment envie.
— Je sais, soupire-t-il. Mais elle t'a toi, ajoute-t-il. Et je suis là aussi, il ne lui arrivera rien, il n'a aucun moyen de savoir où elle vit. Personne ne le sait à part nous.
J'acquiesce sans un mot. Je ne lui laisserai jamais l'occasion de lui refaire du mal tant que je suis en vie, j'en donne ma parole.
— Pas un mot pour le moment, d'accord ? Je veux qu'elle profite encore un peu de cette soirée avant de lui dire.
— Ne tarde pas trop, elle doit être au courant.
J'hoche à nouveau la tête et m'éloigne pour reprendre ma place, Griffin fait de même et coupe court aux questions de Sarah en lui faisant juste comprendre que c'était une affaire de boulot. Ma meilleure amie sera mise au courant dès qu'on aura franchi les portes Aisling et moi, sans aucun doute. Cette dernière me regarde d'ailleurs en fronçant les sourcils, j'ai l'impression qu'elle voit que quelque chose ne va pas chez moi mais je la rassure avec un sourire, et sans y penser je dépose un baiser sur sa tempe. Elle est surprise mais pas de peur, son sourire revient et ses joues rosissent lorsqu'elle relève la tête vers mes amis. Je fais de même et surprend Sarah un grand sourire aux lèvres et un pouce en l'air, et Griffin avec un sourire plus modéré mais qui veut tout dire. Une telle réaction pour un simple bisou sur la tempe, je n'ose même pas imaginer ce qu'il en serait s'ils assistaient à plus...
Je franchis le pas de ma porte en suivant Aisling quelques heures plus tard, il est plus de minuit mais je ne suis pas fatigué. L'idée que son ex soit libre ne me quitte pas depuis tout à l'heure et je sais que je vais devoir lui avouer rapidement.
— J'ai passé une très bonne soirée, merci Jason.
Je lui souris et vient la rejoindre sur le canapé.
— Je t'en prie.
— Maintenant qu'on est rentré tu peux me le dire.
Je fronce les sourcils en la fixant. Est-ce qu'elle a pu entendre la conversation que j'ai eue avec Griffin ?
— Tu as quelque chose de non plaisant à me dire, je me trompe ? demande-t-elle. Depuis l'appelle que Griffin a reçu j'ai bien vu que quelque chose avait changé, même si tu as tout fait pour que je continue de passer une bonne soirée. Mais on est rentré maintenant, alors s'il te plait, si tu as quelque chose à m'avouer dis-le moi.
— Ben est libre.
Son sang quitte son visage et elle devient pâle. Je regrette d'y avoir été si franco mais il n'y avait pas d'autre solution. Sa main se porte à sa bouche alors que ses yeux se remplissent de larmes. Mon premier réflexe est de venir la serrer dans mes bras, je ne pense à rien d'autre et j'espère qu'elle ne me repoussera pas. Ses bras passent autour de ma nuque alors que son visage vient se cacher dans mon cou. Je sens ses larmes chaude glisser sur moi et je resserre mon étreinte avant de lui promettre une chose :
— Il ne t'approchera pas. Il en a interdiction et je serais avec toi dès que tu devras mettre le pied dehors. Il ne sait pas où tu vies et son procès est dans quelques semaines, après ça tu n'auras plus à craindre qu'il te trouve. Je suis là pour te protéger Aisling.
Ses bras se resserrent autour de moi mais elle ne répond pas. Je ne sais pas si elle me croit ou non, mais je ferais tout pour lui prouver que rien ne lui arrivera.
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