PDV Aisling

Jason a l'air très surpris face à ce que je viens de lui dire, je lui ai bien dit que j'avais fait des études pour devenir développeuse informatique mais il ne pensait peut-être pas que j'étais déjà aussi loin vu mon âge. Il ne tarde d'ailleurs pas à me demander plus d'informations sur mon parcours.

— J'ai passé et obtenu mon BAC à dix sept ans, j'ai fait deux ans d'études et passé mon DUT informatique, ensuite j'ai commencé ma licence pro métiers de l'informatique mais j'ai abandonné quelques mois avant la fin quand... les choses se sont aggravées.

Il comprend sans avoir à développer, les choses signifiant évidemment Ben mais je ne suis toujours pas prête à développer sur ce sujet là avec lui. Je ne veux pas de pitié me concernant dans son regard, je ne veux pas qu'il ait peur de réveiller quelque chose en moi s'il me touche. Je souhaite qu'il continue comme il le fait maintenant, à me parler comme si l'ombre de mon ex ne planait pas sur moi, à me regarder sans connaitre toutes les cicatrices qui se cachent sous mes vêtements...

— Tu comptes retourner à l'université ? demande-t-il ensuite.

—Non, je ne veux pas retourner en cours, je... je serais bien trop angoissée à cette idée. La conseillère s'est renseignée pour moi et elle m'a trouvé une formation en ligne pour obtenir mon diplôme. Il me manque juste un ordinateur pour pouvoir m'inscrire et me lancer.

Il sourit et s'approche un peu plus de moi pour attraper ma main. Je le laisse faire sans aucun mouvement de recul ou de panique, ça me rassure encore une fois et clairement lui aussi.

— C'est une très bonne idée. On ira dès qu'on est prêt, je t'invite à déjeuner. Enfin si tu veux bien évidemment, ajoute-t-il aussitôt.

J'acquiesce pour accepter, rien ne me ferait plus plaisir. Je n'ai pas fait de sortie normal depuis si longtemps que je suis impatiente de pouvoir partager ça avec lui. Ce sera bien la première fois depuis un moment que je n'aurais pas peur de ce qui pourrait m'attendre en rentrant chez moi si un homme aura eu le malheur de me parler durant la journée. Ça fera aussi quelques temps que je n'ai pas pu me faire plaisir, profiter enfin de renouveler un peu ma garde robe, retrouver la technologie et pourquoi pas tenter de reprendre contact avec d'ancienne connaissance. Quoi que, personne n'a eu l'air de vraiment s'inquiéter de me voir disparaitre du jour au lendemain, alors rester loin de ces gens là ne me ferait surement pas plus de mal. Toutes mes anciennes connaissances doivent probablement passer leur temps à sortir, faire la fête, boire et draguer, mais même si j'ai le même âge, que ce serait quelque chose qui devrait me donner envie, ce n'est pas le cas. J'ai envie d'être posé, de travailler, de rentrer le soir être au calme chez moi, avec quelqu'un qui m'attendra et avec qui je pourrais parler de ma journée.

Autant trouver de nouveaux amis, plus âgés ou posés, recommencer tout à zéro, et repartir sur de bonne base. C'est ce dont j'ai besoin après tout. Retourner dans le passé ne m'apportera rien de bon, sauf des mauvais souvenirs et des questions auxquelles je n'aurais pas envie de répondre. Il faut voir vers l'avenir maintenant.

Après c'être préparé et avoir avalé un petit déjeuner Jason et moi nous sommes dirigés vers un centre commercial. J'ai passé la matinée à me faire une nouvelle garde robe sous son œil amusé qui heureusement n'a pas eu l'air de s'ennuyer, bien au contraire. Il a joué le jeu plus facilement que moi et a tenté de me trouver un tas de vêtements avec plus ou moins de réussite. Je pense qu'il a essayé de me faire rire pour beaucoup de chose et ça n'a rendu la partie de shopping que meilleure. Je suis détendue grâce à lui alors que la première heure hors de l'appartement n'a pas été simple, je n'ai pas pu m'empêcher de sans cesse regarder autour de moi, j'avais peur que Ben n'apparaisse de nulle part, que d'une façon ou d'une autre il est réussi à sortir de prison, où il croule depuis une semaine en attendant son jugement, et qu'il est réussit à me retrouver. Mais Jason a très vite compris que je n'étais pas bien, et a aussitôt réagit en me changeant les idées, me parlant d'un tas de choses, m'invitant au passage à ce joindre à lui pour aller dîner chez ses amis ce soir. J'ai d'abord refusé ne voulant pas m'imposer dans leur rituel mais il m'a facilement convaincu en me disant que Sarah serait heureuse de passer du temps avec moi. Il a même voulu pousser jusqu'à passer la soirée chez lui plutôt que chez eux pour que je puisse m'échapper dans la chambre seule si je venais à me sentir un peu trop submergé par la situation, mais j'ai refusé qu'ils changent d'endroit juste pour moi. Si je me sens mal alors je lui dirais simplement que je suis fatiguée et que je vais rentrer seule. Après tout il n'y a pas de route à faire seule, juste à changer d'étage.

On a déjeuné ensemble dans un petit restaurant avant de directement nous diriger vers le magasin d'informatique. Le repas a été un peu étrange, bien que la conversation ait été aussi simple que d'habitude, j'ai senti une différence cette fois. Une impression bizarre que c'était une sorte de déjeuner romantique, un premier rendez-vous, alors même que l'on avait déjà passé la matinée entière ensemble. Je me suis bien passé de lui faire la remarque, pas envie de passer pour une folle, mais je me demande s'il l'a ressenti comme moi.

Je prends un temps monstre dans l'allée des ordinateurs, expliquant à Jason ce qu'il me faudrait alors même qu'il ne comprend pas la moitié des choses dont je lui parle, mais il a la décence de ne pas avoir l'air ennuyé et au contraire me pose des questions quand il ne suit plus du tout de quoi je parle. Le vendeur qui était venu pour me proposer son aide est vite reparti quand il a compris que je m'y connaissais beaucoup mieux que lui et n'est toujours pas revenu de l'aide qu'il est soit disant aller donner à un autre client. Jason s'est même marré quand il a recroisé son regard alors qu'il était seul au bout du magasin clairement en train de nous éviter.

Alors que j'hésite toujours dans mon choix, Jason interrompt mes pensées et m'oblige à le fixer lui plutôt que de continuer à détailler les fiches devant moi, je sais pourtant ce qu'il me faut mais j'ai peur de trop envahir l'appartement de Jason le temps d'être prête et de trouver un autre logement.

— En réalité tu aurais besoin des deux, je me trompe ? m'interroge-t-il.

Je me mords la lèvre et fuis son regard avant d'acquiescer. Comme il l'a dit j'ai besoin de deux ordinateurs, un fixe et un portable, le fixe étant plus puissant et le portable plus pratique, c'est ce que j'avais avant de tout arrêter.

— Pourquoi tu ne les prends pas alors ? C'est une question d'argent ? enchaine-t-il aussitôt captant aussitôt mon regard.

— Non je n'ai pas de problème de ce côté-là, c'est... autre chose.

Je ne mens pas pour ça, maintenant que j'ai récupéré ma carte et que j'ai enfin un accès libre à ma banque j'ai pu découvrir l'état de mes comptes auxquelles Ben n'a pas pu toucher. J'ai été surprise de la somme présente dans mon compte épargne, je ne me rappelais pas avoir hérité d'autant de mes parents, mais cela me permettra au moins de continuer à vivre sereinement le temps de me remettre sur pieds et de retrouver une vie plus ou moins normal.

— Qu'est-ce que c'est ?

J'hésite à lui avouer la vérité même si je connais déjà sa réponse, il va me rassurer en me disant que je ne l'envahi pas, que ça ne le dérange pas, c'est ce qu'il me répète depuis le début mais j'ai encore du mal à le croire malgré tout. Je n'ai d'ailleurs pas besoin de répondre car il le devine avant même que je n'ouvre la bouche.

— Tu penses que tu vas me gêner n'est-ce pas ? Avec tes vêtements, tes ordinateurs, tes produits ?

J'hoche à nouveau la tête sans émettre un son, je n'avais même pas pensé à l'endroit où je mettrais mes habits pour qu'il ne soit pas visible, et ne parlons pas des produits d'hygiène que j'ai acheté et qui vont envahir sa salle de bain.

— Aisling... Je vais te le répéter tout les jours s'il le faut, tu ne me dérange pas, ni toi ni tes affaires. J'ai de la place dans mon dressing pour tes vêtements, la salle de bain est suffisamment grande pour supporter nos produits à tout les deux et il y a de la place dans le salon pour y abriter deux ordinateurs. On arrangera l'espace ensemble pour que tu puisses travailler dans les meilleurs conditions possible. D'accord ?

Un sourire vient finalement agrandir mes lèvres et j'accepte enfin. Il me faudra encore du temps avant de complètement me mettre en tête qu'il m'accueille vraiment chez lui sans aucun problème et apparemment sans avoir de doute sur la cohabitation qu'on va devoir effectuer. Je lui indique donc les deux modèles que je souhaite acheter et il se charge de repérer un autre vendeur pour faire part de notre choix. Un homme imposant arrive rapidement avec un sourire, Jason lui indique ce qu'il voudrait et l'homme acquiesce sans pour autant me quitter des yeux. Il me met mal à l'aise et m'oblige à me tourner pour ne pas subir son regard insistant. Je m'éloigne doucement des deux hommes qui discutent le temps que le vendeur imprime une facture. Ça ne fait pas plus de cinq minutes que je suis partie quand une main se pose sur mon épaule sans que je ne m'y attende et qu'une voix que je ne connais pas résonne dans ma tête. Je sursaute aussitôt et m'éloigne au plus vite. Je tremble quand je me retourne et aperçois le vendeur qui était avec Jason, ce dernier est encore éloigné et il a son téléphone à l'oreille, il me tourne le dos mais se retourne un moment et son regard se pose sur moi. Je ne sais pas ce qu'il voit mais il raccroche assez vite et se précipite vers moi, il vient passer son bras autour de ma taille et me serre contre lui alors que je cache ma tête contre son torse. Je sens son torse vibrer pendant qu'il parle à l'homme en face de nous mais je n'entends rien, je me coupe du monde juste un instant le temps de reprendre mes esprits. Quand je me redresse le vendeur a juste le temps de tendre une feuille à Jason puis de s'excuser avant de disparaitre. Jason ne dit rien et continue de me tenir en m'éloignant dans un coin désert.

Je m'excuse rapidement de ma réaction. Je n'aurais pas dû réagir comme ça mais je ne m'y attendais pas, cet homme m'a surpris alors que je n'envisageais pas que quelqu'un vienne me voir, encore moins me toucher. Si cela avait été Jason et que j'avais réagit de la même manière il aurait peut-être pensé à deux fois avant de continuer à penser qu'il est heureux que je sois avec lui.

— Tu n'as pas à t'excuser Aisling, pas après ce que tu as vécu, cet homme a dépassé les bornes en te touchant alors qu'il n'avait pas à le faire. Tu as réagis de la seule façon que tu connais.

— Ça aurait pu être toi, j'avoue alors en lui disant ce que je pense tout bas.

Il sourit et vient m'attraper la main sans que je ne m'y attende, je n'ai aucune réaction autre que des picotements là où sa peau touche la mienne. Je regarde nos mains puis j'ancre mon regard au sien.

— Je ne pense pas que tu aurais réagis de la même façon, parce que je n'aurais pas été assez bête pour te toucher alors que tu ne me voyais pas, et même si je l'avais fait je pense que tu te serais calmé aussitôt que tu aurais vu que c'était moi. Parce que tu sais que tu peux me faire confiance, je ne ferais jamais rien pour te prouver le contraire.

Je serre sa main sans répondre, je ne saurais pas quoi dire. Il ne s'en offense pas et garde ma main dans la sienne avant de nous diriger vers les caisses, où je paie avant de rapidement récupérer mon matériel. Je lâche la main de Jason à regret pour qu'il puisse m'aider à tout porter puis on se met rapidement d'accord pour rentrer.

La journée shopping est quelque peu écourtée mais malgré ce dernier petit incident elle n'était vraiment pas mauvaise. Bien au contraire.