Chapitre 14 : Je suis un abruti

PDV Jason

On s'apprête à sortir de l'appartement quand Aisling s'arrête net dans son élan. Son regard se pose au sol tandis que je garde un œil sur elle. Depuis son baiser dans la chambre je ne peux penser à rien d'autre que ses lèvres contre ma peau, et à quel point j'aimerais qu'elle recommence, et qu'elle me laisse la serrer dans mes bras pendant qu'elle le fait.

Quand je vois qu'elle n'est pas prête à bouger mes yeux se pose où les siens regardent. Ce que je vois me tord l'estomac. Une tâche de sang séché détonne sur le carrelage d'un blanc immaculé. J'ai pourtant déjà vu pire, bien pire même. Mais en sachant à qui appartient ce sang je ne peux pas avoir la même réaction que j'aurais en mission. Mon propre sang boue et mes mains se serrent en poings. Si j'avais ce connard qui lui a fait ça en face de moi, je suis dorénavant certains que je lui décrocherai une bonne droite. Il me dégoûte depuis la veille, mais j'en suis au point de non-retour.

Je m'attends à ce qu'Aisling se tourne vers moi, les larmes aux yeux, peut-être déjà en train de couler le long de ses joues, mais quand je croise son visage je n'y vois rien, du moins jusqu'à ce qu'elle croise mon regard. La confusion transforme les traits de son visage sans que je ne comprenne pourquoi.

― Je vais bien, dit-elle doucement. Grâce à toi.

Sa main attrape mon poing, me sortant automatiquement de la rage dans laquelle je me trouvais envers Ben, mon corps se détend alors que je ne le pensais pas aussi crisper et mes yeux se posent sur la main frêle qui tient la mienne qui se déplie lentement. Mes doigts s'agrippent et s'entremêlent aux siens sans réfléchir. Quand sa bouche s'ouvre puis se referme je comprends que je n'aurais pas dû et commence à délier nos doigts, mais elle me surprend à nouveau en se raccrochant à moi avant que je ne puisse retirer ma main complètement. Ses joues rosissent mais son regard reste ancrer au mien.

Cette femme est une sainte. C'est elle qui sort d'une relation abusive où elle a été maltraitée pendant je ne sais combien de temps, et c'est elle qui me rassure. Aucun doute qu'elle ait sentie mon changement d'humeur. Pourtant elle n'a pas pris peur, au contraire, elle s'est rapprochée de moi, et m'a touché de son plein grès sans hésiter. Si j'avais le moindre doute sur le fait que j'ai envie qu'elle reste à mes côtés, il vient de s'envoler. J'ai envie de la serrer contre moi, de lui demander de rester dans mon appartement, de partager mes nuits avec elle...

Merde. J'ai une putain d'envie de l'embrasser à cet instant précis et lui dire tout ça. Si je ne pensais pas qu'elle prendrait peur, je l'aurais même déjà surement fait.

Je suis totalement en train de tomber sous son charme. Je ne sais pas comment ça peut être possible en si peu de temps, ça ne m'est jamais arrivé avant, mais je ne peux pas ignorer mes sentiments qui grandissent pour elle. J'attendrais le temps qu'il faudra pour qu'elle ait entièrement confiance en moi, qu'elle me laisse l'approcher sans crainte, et qu'elle apprenne à me connaitre. Peu importe le temps que ça pendra, j'attendrais, et si j'ai le moindre doute sur le fait que ce soit réciproque alors je lui avouerais. Je l'inviterais à rendez-vous, et je lui prouverais à quel point elle mérite d'être aimé. Je lui montrerais comment un homme est censé se comporter avec une femme. Une femme aussi pure qu'elle devrait être chérie tous les jours.

J'espère seulement que j'en aurais l'occasion.

J'ai eu envie d'inviter Aisling à déjeuner mais je n'ai pas trouvé le courage de lui demander. Au lieu de cela j'ai eu la stupide idée de l'emmener directement au centre d'entraide que j'ai appelé la veille, je ne lui ai même pas demandé son avis avant qu'on n'arrive devant et que je lui explique où l'on était. Je lui ai aussitôt dit que je pouvais la déposer ailleurs, n'importe où, mais elle m'a à peine regardé quand elle m'a répondu que ça allait. Je ne la connais pas encore suffisamment pour totalement deviner ses pensées, mais je suis presque sûre qu'elle était déçue. Je n'ai pas réussi à comprendre pourquoi. Et je n'ai -encore une fois- pas osé lui poser la question.

Son admission c'est passé rapidement, trop rapidement, je n'ai pas eu le temps de lui parler. J'ai à peine eu le temps de lui donner ma carte avec mon numéro avant qu'elle ne disparaisse avec une autre femme qui allait lui montrer sa chambre. Je n'ai pas eu le droit de les suivre étant un homme.

Je me suis retrouvé dans un état de confusion totale jusqu'à ce que je me trouve englué dans les bras de Sarah à la porte de leur appartement. Je suis arrivé ici par automatisme, la boule au ventre et avec un sentiment de malaise qui m'a collé à la peau depuis que j'ai laissé Aisling là-bas.

― Où est Aisling ? demande Sarah en se décollant de moi.

― Je l'ai déposé au centre.

Je la suis jusqu'au salon où mon meilleur ami, et partenaire, est allongé en position fœtal dans leur canapé. Je la salue d'une tape sur l'épaule, lui interdisant de se redresser. Sarah continue ses questions alors que je m'installe sur le fauteuil où j'ai l'habitude de me poser chaque fois que je rends visite à mes amis.

― Tu l'as déjà déposé ? Tu aurais pu passer un peu de ton après-midi avec elle, ça n'a pas dû être facile pour elle aujourd'hui, la pauvre.

― Je crois que j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas, j'avoue à mon amie sans répondre à sa question alors que son mari nous écoute sans un mot.

Sarah fronce les sourcils un instant et attend que j'en dise plus. Je soupire en passant une main sur mon visage. Je ne peux pas arrêter de penser au visage d'Aisling quand je me suis garé et que je lui ai dit où est-ce qu'on était.

― On a été au poste, elle a fait sa déposition, ensuite on est allés chez elle récupérer des affaires. Tout allait bien, elle m'a embrassé...

― Elle quoi ?!

Sarah et Griffin se sont exclamé en même temps. Griffin c'est même redressé et doit le regretter amèrement quand je vois la douleur se lire sur son visage. Il grimace et jure avant de se recoucher en me jetant un regard noir. Comme ci c'était ma faute. Sarah, elle, a l'air heureuse de ce qu'elle vient d'entendre.

― Sur la joue bon sang ! Ne commencez pas à vous imaginer des choses. C'était un simple baiser sur la joue pour me remercier de ce que j'ai fait pour elle.

― Jason, t'as la tronche d'un ado amoureux. Tu me fais quoi là ?

Je fronce les sourcils en regardant Griffin. Il me défie du regard et ne baisse pas les yeux.

― Je t'emmerde.

Il glousse et baisse enfin les yeux avant de répliquer.

― Tu as aussi la répartie d'un ado !

Sarah l'engueule comme un gamin en lui demandant de se taire pour que je puisse continuer. Je le regarde un sourire aux lèvres, content qu'il se soit fait reprendre par sa femme sans que je n'aie quoi que ce soit à dire. Cette dernière me regarde d'ailleurs avec expectation pour que je finisse de lui raconter ce qui s'est passé avec Aisling, ce que je ne tarde pas à faire. Je leur raconte brièvement ce qui s'est déroulé dans son appartement, le baiser, le sang au sol...

― Quand on est sortie je voulais l'inviter à déjeuner mais je n'ai pas osé. Au lieu de ça je l'ai conduit directement au centre sans la prévenir...

― Mais qu'est-ce que tu es con ! s'exclame Griffin alors que Sarah lui frappe le mollet.

Je le regarde les yeux écarquillés. Donc j'ai clairement fait une connerie et même mon meilleur ami l'a compris avant moi. Sarah adopte son ton doux qu'elle utilise souvent avec nous quand on fait une erreur et qu'elle essaie d'être la plus gentille possible pour nous le faire comprendre. Je sens que je vais détester ce qu'elle va me dire, pourtant j'attends impatiemment qu'elle m'éclaire.

― Jason, chéri. Vous avez apparemment passé une bonne matinée ensemble, elle a clairement fait des progrès en vraiment peu de temps avec toi. Mais tu ne lui as pas laissé le choix et tu l'as déposé là-bas sans lui demander son avis. Cela donne l'impression que tu voulais te débarrasser d'elle.

Je me redresse d'un coup du fauteuil sous l'accusation que Sarah ose formuler.

― N'importe quoi ! Je voulais qu'elle reste avec moi, putain, pas me débarrasser d'elle !

Mon amie se lève et vient lentement se poser devant moi avant d'attraper mes mains et de doucement les serrer dans les siennes.

― Moi je le sais, mais comment tu penses qu'elle a dû le prendre ?

― Merde.

Je ne sais pas quoi dire d'autre. C'est pour cette raison qu'elle avait l'air déçu. Elle devait réellement l'être. Après tout ce que je lui ai dit, j'ai osé l'abandonner là-bas comme un con sans penser. J'avais peur de trop m'imposer, je ne voulais pas profiter de ce petit rapprochement pour lui en demander davantage. Apparemment j'aurais dû. Sarah me serre dans ses bras alors que je ne dis plus rien. Je me laisse à nouveau tomber dans le fauteuil quand elle me lâche et baisse la tête en réfléchissant à ce que je pourrais faire. Je ne peux pas me pointer au centre et demander à la voir.

― Je peux savoir ce qu'il se passe au juste entre vous ? demande Griffin en me sortant de mes pensées. Parce qu'entre tes messages de cette nuit, et ce que j'entends maintenant, j'ai quand même la grosse impression que tu t'es bien entiché de cette fille.

― Il ne se passe rien, dis-je sans même relever la tête.

― Mais tu aimerais bien, s'immisce Sarah.

― À un point que tu n'imagines même pas, j'avoue sans même avoir à réfléchir.

Je soupire en levant finalement la tête vers mon couple d'amis. Sarah sourit, l'air de comprendre mais n'en dis pas plus. Griffin lui se lève difficilement avant de venir me serrer l'épaule et de se diriger vers la cuisine.

― Tu vas avoir besoin d'alcool, annonce-t-il en disparaissant par la porte.

Je grogne mais me décide à le suivre. Je vais le regretter mais je sais que j'en ai besoin pour éviter de penser à la connerie que j'ai faite. J'aurais dû penser à ce qu'Aisling se serait imaginer... Je ne vais penser qu'à ça maintenant que Sarah m'a remis les idées au clair, j'ai peur que tous les progrès que j'ai pu faire avec Aisling se soit envolé si elle pense sincèrement que j'ai eu envie de me débarrasser d'elle...

Semaine de merde !

Quatre jours que je n'ai pas pu mettre un pied au centre pour aller voir Aisling, la faute à trop de boulot. Je finis bien trop tard pour pouvoir lui rendre visite, je n'ai pas une seule minute pour moi durant la journée pour pouvoir appeler et demander à lui parler. Tout semble être contre moi pour que je ne puisse pas la revoir, et ça commence réellement à me gonfler. Ce n'est pas comme ça que je pourrais la convaincre que je n'ai pas eu envie de la laisser si vite et que je voulais rester plus longtemps avec elle.

Quand le vendredi soir arrive enfin, il est encore trop tard pour que j'y aille, les portes seront fermées dans moins de vingt minutes, je n'ai pas le temps d'y aller et ça me frustre encore un peu plus. J'ai besoin de compagnie pour éviter de ne penser encore une fois qu'à elle, alors à peine ma douche prise je me dirige chez Griffin et Sarah. J'ai prévenu Griffin par message en sortant du poste, heureusement mes amis n'ont rien de prévu ce soir.

Griffin va beaucoup mieux, il ne se plaint plus de son postérieur douloureux et peut enfin s'assoir et marcher sans problème, ce qui me soulage, ça veut dire qu'il sera prêt à retourner bosser dès lundi. Je commençais à me sentir mal de ne pas avoir mon partenaire avec moi, c'est difficile de faire confiance à un collègue de surveiller vos arrières quand vous n'avez pas l'habitude d'être avec lui. Avec Griffin on est un duo depuis le début, on sait ce que l'autre pense et comment on réagira dans n'importe quelle situation. Les missions se passent beaucoup mieux dans ces conditions.

― Sarah n'est pas là ?

Quand je vois Griffin se pincer les lèvres je sais déjà qu'il va me dire quelque chose qui ne va pas me plaire. Pourtant il reste silencieux avant de me proposer à boire. Je refuse, il ne va pas s'en sortir si facilement.

― Où est-ce qu'elle est ?

Il soupire et évite mon regard quand il me répond :

― Au centre... avec Aisling.

Je reste muet face à son aveu. La confusion doit se lire sur mon visage car Griffin n'attend pas longtemps avant de continuer.

― Aisling l'a appelé il y a quelques heures, Sarah c'est précipité là-bas après le coup de fil.

Je sors rapidement mon portable de la poche de mon jeans sans même répondre. Aisling a peut-être tenté de me joindre, quelque chose c'est peut-être passé et elle a eu besoin d'aide. Si je n'ai pas entendu son appel, elle a surement appelé la deuxième personne à laquelle est a pensé. Mais mon écran n'affiche rien, même quand je regarde mon journal d'appel, il n'y a aucune trace d'appel d'Aisling. Ça me fait mal de penser qu'elle n'a pas voulu me joindre, elle doit définitivement penser que je me suis débarrassé d'elle.

― Elle ne voulait probablement pas te déranger au boulot.

Je relève les yeux de mon écran pour regarder Griffin, évidement qu'il a compris à quoi je pensais.

― Elle n'est pas un peu trop jeune pour toi ? ajoute-t-il quand je ne réponds pas.

― Elle est majeure.

― Elle a vingt et un ans, tu en as trente-trois.

― Tu as eu le rapport complet de Sarah ? je demande en sachant parfaitement la réponse.

Je me confie très souvent à ma meilleure amie, je l'ai encore fait la veille, mais je sais que beaucoup de chose revienne aux oreilles de Griffin. Non pas que cela me dérange, je n'ai rien à cacher à mon meilleur ami, mais ce dernier n'a jamais les mêmes réactions que sa femme. Et il est toujours beaucoup plus franc que Sarah.

― Tu joues au super-héros ? Elle vient à peine d'être libéré d'un connard, qu'est-ce que tu penses qu'il peut se passer avec toi ?

― Je ne joue à rien du tout ! Je n'ai pas la prétention de dire que je l'ai sauvé et que je dois continuer à prendre soin d'elle. Je sais qu'elle est assez forte pour s'en sortir seule...

― Alors pourquoi tu ne l'oublies pas et la laisse se relever seule ? m'interrompt-il sans gêne.

Je sais qu'il essaie de me pousser à bout, de me faire dire des choses que je n'ai pas envie d'avouer pour l'instant. Mais il sait comment me manipuler.

― Parce que j'ai envie de l'aider, c'est tout.

― Mais pourquoi ?

― Parce que je l'apprécie, putain !

― Tu la connais à peine.

― Tu connaissais Sarah depuis une heure quand tu m'as dit que tu l'épouserais un jour.

― C'est différent, insiste-t-il en souriant me rendant fou.

― Ça n'a rien de différent ! J'ai aperçu cette fille, et avant même d'être certain que quelque chose n'allait pas j'ai été attiré par elle. Merde Griffin, c'est exactement comme Sarah et toi, je l'ai vu et la première chose que j'ai pensé c'était « je veux passer ma vie avec elle ! ».

Mon ami sourit de toutes ses dents et se détend complètement en s'affaissant dans le canapé, il a eu ce qu'il voulait. Ce que je ne voulais pas avouer, ce à quoi j'ai refusé de penser depuis que j'ai posé les yeux sur Aisling.

― Tu n'es qu'un enfoiré. J'espère que tu vas te casser la gueule encore une fois et que tu te feras un bleu sur l'autre fesse !

Griffin se marre et me montre son majeur.

― Celui-ci commence à peine à disparaitre, ne me porte pas la poisse, et puis je te manquerais trop. En tout cas, j'ai une œuvre d'art sur le cul mon pote, il est passé du bleu tellement foncé qu'on aurait cru du noir à un mélange de vert, jaune et violet. Tu veux voir ?

Il n'attend pas ma réponse négative pour se lever et défaire les liens de son jogging. Je lui balance un cousin pour qu'il arrête mais il s'approche de moi. Je me lève aussitôt pour lui foutre une raclée quand le bruit de la porte nous arrête brutalement.

Sarah vient de rentrer.

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