Chapitre 13 : Merci

Je ne pouvais pas supporter que Jason entende ce que j'ai eu à dire, pas après qu'il m'ait avoué vouloir continuer à me voir après cette journée. Je n'aurais pas supporté que son regard change sur moi quand il aurait entendu tout ce que Ben m'a fait subir jusqu'à présent, et je ne le connais pas encore suffisamment pour savoir comment il aurait réagi en sachant toute mon histoire. Je vois son regard se durcir chaque fois qu'il me voit froncer les sourcils ou qu'il m'entend gémir de douleur, je sais que sa colère n'est pas dirigée vers moi, elle est de toute évidence contre Ben, et je ne voudrais pas qu'il arrive quoi que ce soit à Jason s'il décidait que Ben mérite de s'en prendre une pour tout ce qu'il m'a fait -même si ça me ferait surement plaisir qu'on le remette à sa place-.

C'est pour ça que je lui ai demandé de quitter la pièce et que je me suis retrouvée seule avec une inconnue à déballer mon histoire. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, mais quand je suis sortie de la pièce j'étais exténuée.

Jason est adossé au mur d'en face, les bras croisés, le regard fixé au sol, sa tête se redresse dès qu'il entend la porte s'ouvrir et il est devant moi en deux grandes enjambées. Je vois ses mains se lever, prêt à les déposer sur moi, mais il les fige au dernier moment et les laisse tomber le long de ses flancs. Je sais qu'il a eu envie de me toucher et je pense que j'aurais aimé ça cette fois, je l'ai vu venir, je n'aurais probablement pas sursauté, et son réconfort m'aurait fait du bien après ce moment passé enfermé à raconter mon cauchemar. Mais je ne lui dis rien et me contente de le regarder, tentant de ne pas laisser transparaitre la détresse que je ressens au fond de moi.

― Tu vas bien ?

J'hoche la tête sans un mot. Si j'ouvre la bouche je sens que je vais craquer, et je n'en ai pas envie, pas ici.

― Tu mens ?

J'hoche à nouveau la tête en la baissant cette fois-ci pour éviter son regard sur moi.

― Viens on va sortir d'ici, j'ai pu récupérer les clés de ton appartement. On va aller chercher tes affaires, d'accord ?

J'acquiesce alors avant de le suivre en dehors. L'air extérieur me fait un bien fou, et je respire enfin correctement. Mes pensées sont plus cohérentes maintenant et je réagis seulement à ce que Jason a dit. Il a les clés de l'appartement, il veut qu'on aille chercher mes affaires, ce qui signifie qu'il va me déposer ensuite je ne sais où. La bulle a définitivement éclaté, on va devoir se séparer, alors même que je me sentais en sécurité avec lui, chez lui. Je sais bien que ça n'allait pas durer, qu'il a sa vie et que je n'en fais pas partie. Il a d'autre chose à faire que de m'héberger. Mais je ne me sens pas prête à me retrouver dans un nouvel endroit inconnu. Pourtant je ne lui dis pas. Je ne veux pas qu'il me prenne en pitié et me propose une nouvelle nuit dans son appartement. Je ne peux pas le laisser passer une nouvelle mauvaise nuit, même s'il ne travaille visiblement pas aujourd'hui -du moins pas officiellement, puisqu'il s'occupe quand même de moi-, je me doute qu'il devra retourner bosser.

Donc quand Jason avance jusqu'à sa voiture, je le suis sans un mot, lui indique mon adresse quand il me la demande et me ferme complètement au monde qui m'entoure. Je peux faire ça, je dois le faire, je n'ai pas d'autre choix, et peut-être qu'avec un peu de chance cette situation ne dura pas. Qu'avec je ne sais quel miracle, dans moins d'une semaine, j'aurais un appartement à moi. C'est beau de rêver, ça m'empêchera peut-être de sombrer dans la déprime que de penser que tout sera réglé rapidement.

― On y est.

Jason me sort de mes pensées. Sa voix est douce mais hésitante. Je n'ose pas le regarder, ne réponds même pas quand je sors de la voiture et me dirige par automatisme vers l'entrée de l'immeuble. Je le sens me suivre de près. Quand Ben était à sa place, j'étais tendue, sachant qu'une fois la porte de notre appartement fermé il pourrait laisser libre cours à toute sa colère sans que personne ne soit là pour l'en empêcher. Pourtant quand c'est Jason qui est là, derrière moi, à la même place que Ben occupait encore hier, je ne ressens absolument aucune peur, aucune tension. J'ai l'impression que quelque chose c'est brisé en moi quand il m'a pris dans ses bras avant d'entrer au poste. Que ma confiance envers lui à grimper d'un niveau. Il pourrait probablement me toucher que je ne prendrais pas peur, même si je ne suis pas prête à tester cette théorie, j'ai espoir que ce soit possible.

Jason me tend le trousseau de clés quand j'arrive devant la porte et j'hésite un instant avant de le prendre, ça fait longtemps que je n'ai pas eu les clés en main. Je les attrape d'une main tremblante, ce que Jason ne manque pas de louper, mais je baisse rapidement la tête et me tourne vers la serrure pour ouvrir la porte avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit.

J'avance aussitôt et m'enfonce rapidement dans l'appartement avant de m'arrêter en plein milieu du salon. J'ai vécu ici pendant presque deux ans, Ben m'a très vite convaincu de venir m'installer avec lui, mais maintenant que je suis ici, dans ce contexte, je n'ai pas l'impression d'être chez moi. Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans cet appartement que dans la maison que je partageais avec mes parents, pas aussi bien que je me suis sentie en une seule nuit chez Jason.

Cette réalisation me prend de plein fouet et me pince le cœur. Je ne comprends pas comment ça peut être possible, pourquoi je n'ai pas envie de quitter son appartement à lui. Je me tourne vers Jason qui me fixe déjà sans un mot, et je comprends.

C'est lui.

C'est grâce à lui que je me sens comme ça, que je me sens à l'aise dans son appartement, c'est parce qu'il était là avec moi. C'est parce qu'il était là au poste que je ne me suis pas totalement effondrée et que j'ai continué. Et c'est parce qu'il est là maintenant que je ne suis pas totalement en train de paniquer. C'est auprès de lui que je me sens bien, même si je ne comprends pas comment c'est possible.

J'essaie de chasser mes pensées. Je ne peux pas réfléchir à ça pour le moment. Ce n'est pas l'endroit pour, pas le meilleur timing non plus. Je casse donc tout contact avec lui et me dirige sans un mot vers la chambre où je sais que je trouverais une valise pour y mettre le plus d'affaires possible. Je n'ai rien d'autre que des vêtements et quelques photos. Tout ce que mes parents possédaient et que j'ai voulu garder se trouve dans un garde meuble dont je n'ai jamais parlé à Ben, heureusement. Dieu sait ce qu'il aurait fait avec s'il l'avait su.

Je ferme la valise je ne sais combien de temps plus tard. J'ai essayé de me dépêcher autant que possible pour rester le moins de temps ici. Cet endroit ne referme que de mauvais souvenirs, aucuns bons moments de ma vie ne se sont dérouler dans cet appartement, même quand Ben était attentionné, tout ça s'est envolé dès la première gifle.

― Tu veux de l'aide ?

Je sursaute légèrement en entendant la voix de Jason à l'entrée de la chambre. Mais ce n'est pas de peur, seulement de surprise. Je ne l'ai pas entendu arriver. Je me tourne vers lui, prête à lui annoncer que tout va bien, mais quand je le vois avec une pochette à la main alors qu'il n'avait rien en entrant, ma bouche se ferme et mes sourcils se froncent. Ce que je regrette encore une fois automatiquement quand mon arcade me fait mal. Il a l'air de voir vers quoi mon regard se dirige puisqu'il m'explique sans même avoir à lui demander. Il a l'air coupable et se mord la lèvre avant de commencer.

― J'ai demandé à des collègues de poser quelques questions à Ben pendant que tu portais plainte.

J'hoche la tête sans pour autant comprendre à quoi correspond cette pochette, ni même quelles questions il aurait pu demander qu'on pose à Ben. Mais je n'ai pas longtemps à me demander quand Jason s'avance vers moi en ouvrant ladite pochette pour me montrer son contenu.

― Il a avoué où est-ce qu'il caché ta carte bancaire, ton passeport et tout tes papiers importants, tout ce qui aurait pu te laisser l'opportunité de partir.

J'observe mes documents les larmes aux yeux. Cela fait longtemps que Ben m'a tout pris pour m'éviter d'avoir l'envie de partir comme Jason l'a mentionné. Sans ma carte je n'avais aucun moyen de récupérer d'argent. Et même si Ben l'avait je ne lui ai jamais laissé l'opportunité de l'utiliser. J'ai toujours refusé de lui dévoiler mon code, il n'a jamais eu aucune autorité sur mes comptes même s'il a tenté de me persuader à plusieurs reprises. Mes refus catégoriques m'ont valu plusieurs coups évidemment, j'ai même terminé avec un bras cassé. Mais il était hors de questions qu'il puisse se servir de l'argent que j'ai hérité de mes parents et de la vente de leur maison. Je préférais encore mourir que de lui laisser cette opportunité.

Alors quand je vois que Jason a pu faire en sorte de les récupérer sans même que je ne lui demande quoi que ce soit, ayant clairement deviné par lui-même qu'il devait y avoir plus que ce que je ne disais, je ne peux empêcher ce sentiment que j'ai envers lui de grossir un peu plus.

― Ne bouge pas, dis-je en faisant un pas vers lui pour combler la distance qui nous sépare.

― P... pardon ?

Il semble confus mais m'écoute tout de même en ne bougeant pas du tout ce qui me facilite les choses. Mes mains se posent sur ses épaules, je me mets sur la pointe des pieds pour combler l'espace entre nos deux visages puisqu'il est plus grand que moi. Et je dépose finalement mes lèvres sur sa joue. Je les laisse un peu plus longtemps qu'un simple baiser devrait durer, je le sais, mais je ne peux pas m'en empêcher. Mon cœur bat à tout rompre en sentant sa peau râpeuse contre mes lèvres, en sentant son odeur si masculine me chatouiller le nez, et en sentant la force de son corps sous mes mains.

― Merci, je murmure alors en décollant légèrement ma bouche.

Quand je me recule Jason a les yeux fermés et prend une longue inspiration avant de les rouvrir. Un sourire éblouissant vient prendre place sur ses lèvres tandis que son regard est pétillant. Je lui suis reconnaissant de ne pas avoir tenter de bouger ses mains. Je n'aurais pas voulu gâcher ce moment en paniquant si ses mains m'avaient surprises en se posant sur moi.

On se fixe un moment sans rien dire avant que je ne brise le contact. Je serais capable d'en vouloir plus si on continue à se regarder comme ça, mais encore une fois ce n'est ni le lieu, ni le moment. Et je ne suis même pas sûre que Jason voudrait que je fasse quoi que ce soit de plus. Je ne voudrais pas gâcher une amitié qui vient à peine de commencer tout ça parce que j'ai l'envie folle de l'embrasser. Alors je récupère la pochette qu'il tient toujours et m'empresse de lui tourner le dos pour la mettre dans ma valise.

Avec mon argent je pourrais facilement me payer un long séjour dans un hôtel. Pourtant je sais que je ne le ferais pas, je sais que je ne me sentirais pas en sécurité en me retrouvant seule, alors même si le centre ne me donne absolument pas envie, je sais que je ne serais pas seule là-bas. Avec un peu de chance j'aurais encore plusieurs heure en compagnie de Jason pour me faire à l'idée de me retrouver là-bas.

Mais je sais parfaitement où je me sentirais le mieux si je pouvais choisir...

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