Chapitre 10 : Juste amis
Jason
J'appelle Sarah en sachant parfaitement qu'elle sera déjà réveillée. Aisling et elle doivent faire la même taille, même si Aisling me semble un peu plus mince, mais elle sera tout de même mieux dans des affaires de femmes que dans les miennes. Même si la voir les porter ne me déplait pas.
― Allô, Jason ?
― Hey ma belle, tu vas bien ?
― Ça va et toi ?
― Très bien, et le grand blessé ?
Je ris quand Sarah me répond qu'il se plaint comme un bébé à tout bout de champs. Je relève la tête vers Aisling et la découvre en train de me regarder, elle baisse aussitôt le regard, l'air coupable. J'ai envie de la rassurer et de lui dire qu'elle peut écouter sans problème, mais je ne peux pas le faire sans la toucher pour lui faire comprendre de me regarder. Je me retiens donc et continue un instant ma conversation téléphonique, parlant une minute de Griffin avant d'en venir au but de mon appel.
― Je peux te demander un service ? J'aurais besoin que tu me prêtes des affaires à toi, si possible ? Un pantalon, et un pull devraient faire l'affaire. Peut-être une veste aussi si je peux abuser ?
Sarah répond positivement sans même me demander pourquoi j'en ai besoin, je devine facilement que son mari a dû lui parler de notre conversation de cette nuit. Je lui propose de venir les chercher mais elle refuse en disant qu'elle a besoin d'un break de cinq minutes. J'accepte donc en la remerciant plusieurs fois avant de raccrocher. Aisling me regarde à nouveau, les joues rouges.
― Ce n'était vraiment pas la peine de vous embêter pour moi.
― Vous en valez la peine.
Je n'ai pas réfléchi en lui répondant, et je me fige en me rendant compte de ce que je viens de lui avouer. J'ose la regarder voulant savoir sa réaction, ses joues sont encore plus rouges cette fois et elle baisse la tête visiblement gênée. Je devrais peut-être dire quelque chose, m'excuser, mais je n'en ai pas vraiment l'envie. Je pense ce que j'ai dit, et j'aimerais qu'elle le comprenne. Qu'elle sache que je ne serais pas la seule personne à le penser.
― C'est une bonne amie à vous ?
Aisling change subtilement de sujet, j'en suis parfaitement conscient mais je ne dis rien, j'espère avoir l'occasion de pouvoir lui faire comprendre qu'elle en vaut réellement la peine.
― Très bonne. Je l'ai connu toute ma vie, c'était ma voisine en grandissant et on ne sait jamais vraiment quitter.
― Et vous... vous n'avez jamais rien tenté avec elle ?
Je ris un instant en m'imaginant avec Sarah, non merci ! J'aurais eu l'impression de sortir avec ma petite sœur. Aisling rougit et baisse la tête, ma réaction la retranche sur elle même encore une fois. Je me dépêche de lui expliquer pourquoi sa question me fait rire afin qu'elle ne se sente pas mal à l'aise.
― Je pense que Griffin m'aurait fait la peau si j'avais essayé.
Je continue mon explication quand j'ai de nouveau son attention sur moi.
― C'est sa femme. Griffin a emménagé entre la maison de ma grand-mère et celle des parents de Sarah quand il devait avoir quatorze ans, Sarah et moi en avions treize, pas vraiment l'âge à laquelle on pensait à se trouver quelqu'un, et on se considérait plutôt comme frère et sœur. Griffin est rapidement devenu ami avec nous, et Sarah et lui se sont très vite rapprochés. Ça va faire dix-huit ans qu'ils sont ensemble.
Aisling en reste bouche bée et laisse échapper un petit « wow ». Je la comprends, la relation entre mes deux meilleurs amis me laisse toujours aussi surpris. Ils n'ont jamais eu d'autre relation et pourtant ils sont pleinement heureux et ils sont clairement toujours aussi amoureux qu'au premier jour, si ce n'est plus au fil des années qui passent. Je suis souvent envieux de leur complicité, de ce qu'ils partagent, j'aimerais enfin me trouver cette personne avec qui vivre la même chose. Mais plus le temps passe et plus je me dis que ce ne sera peut-être pas pour moi, que je ne serais pas aussi chanceux. Pourtant quand je croise le regard d'Aisling j'ai cet espoir qui me revient aussitôt en tête et qui me fait penser que peut-être je peux l'avoir moi aussi, ce bonheur.
Mais encore une fois je chasse ces pensées avant qu'elles ne m'entrainent trop loin. Je ne peux pas vouloir quoi que ce soit avec elle, après le fiasco de ce matin quand j'ai tenté de la toucher, j'ai bien compris qu'elle n'était pas prête à pouvoir faire confiance à un homme de sitôt même si j'aimerais lui prouver qu'elle peut me faire confiance et que je saurais être patient, je ne pense pas qu'elle en ait envie.
Trois coups à la porte me font définitivement sortir de mes pensées, et font au passage sursauter Aisling qui se tend aussitôt.
― C'est Sarah, mon amie, je tente de la rassurer. Je ne la ferais pas rentrer si cela vous inquiète.
― Je... non, ça va. Vous n'allez pas la laisser à la porte alors qu'elle vient pour me rendre service.
J'hoche la tête et me dirige vers la porte. Van Gogh est déjà devant celle-ci et attends patiemment que j'ouvre. J'aperçois Aisling quitter la cuisine et se diriger vers le canapé, elle reste debout, le regard rivé sur la porte, clairement en alerte. Elle n'est pas rassurée, je le vois bien, et encore une fois j'aimerais tout faire pour qu'elle n'ait pas peur, pour qu'elle n'ait plus jamais peur de qui pourrait se trouver derrière une porte close.
J'ouvre sur une Sarah souriante qui vient se serrer contre moi sans me laisser le temps de bouger. J'entoure un bras autour de ses épaules et me penche pour déposer une bise sur sa joue avant de me décoller et de la laisser rentrer. Contrairement à d'habitude, elle ne fait pas comme chez elle en entrant plus profondément dans l'appartement, elle attend de me suivre, et je sais qu'elle fait cela pour Aisling. Griffin lui a tout dit, je n'ai aucun doute là-dessus, et Sarah ne veut clairement pas envahir l'espace comme elle le ferait habituellement par respect pour mon invitée et je lui en suis reconnaissant. J'ai suffisamment peur de la réaction d'Aisling face à une inconnue, il ne manquerait plus que mon amie lui saute dessus pour la saluer.
Quand Sarah et moi arrivons devant elle je suis surpris de voir la différence dans son comportement et sa posture. À l'instant même où Aisling pose les yeux sur Sarah la tension s'échappe à vue d'œil de ses épaules et un sourire timide vient prendre place sur ses lèvres. Je pense qu'elle est rassurée de voir que c'est bel et bien mon amie qui est là et personne d'autre. Aisling me surprend encore plus quand elle tend sa main à Sarah.
― Bonjour, dit-elle toujours en souriant. Merci de votre aide.
Je suis étrangement jaloux quand Sarah lui serre la main et que je ne vois aucune crainte sur le visage d'Aisling. Pourtant je comprends rapidement pourquoi elle se laisse toucher par mon amie alors qu'elle sursaute dès que je tente de faire le moindre mouvement vers elle : Sarah est une femme. Aisling a peur des hommes, elle me l'a dit clairement, mais les femmes ne lui font pas peur. Je suis tout de même soulagé qu'elle ne refuse pas entièrement toutes interactions bien que j'aimerais faire partie des personnes qu'elle laisse approcher...
― Aucun problème ! J'ai tout ce qu'il faut.
Sarah lève sa main d'où pend un sac clairement trop rempli pour le peu que je lui avais demandé d'apporter.
― Je t'avais demandé un pantalon et un pull, pas ta garde-robe.
― Mon chéri, c'est mal me connaître si tu penses que ne serait-ce qu'un quart de ma garde-robe pourrait entrer là-dedans. Et puis je voulais pouvoir donner le choix, dit-elle en se tournant vers Aisling et en lui faisant un clin d'œil.
Le sourire de cette dernière s'agrandit et me rend beaucoup plus heureux d'un coup. La présence de Sarah est définitivement une bonne chose, c'est facile de voir à quel point elle est beaucoup plus à l'aise maintenant, et ça me détend à mon tour. Si Aisling peut avoir un minimum de normalité en parlant chiffon avec une autre femme alors j'en suis ravie, tant qu'on ne me demande pas de m'en mêler !
― Je peux vous laisser seule toute les deux choisir pendant que je vais sous la douche ?
J'interroge les deux femmes près de moi, mais c'est surtout sur Aisling que je me concentre quand je demande. Je sais que ça ne dérangera absolument pas Sarah, et je sais que je peux faire confiance à mon amie pour prendre soin d'elle le temps que je m'absente quelques minutes, mais je veux être sûre qu'Aisling, elle aussi, soit à l'aise avec cette idée. Je ne veux pas qu'elle prenne peur en se retrouvant seule avec une personne qu'elle ne connait pas, même si c'est une femme et qu'elle n'a pas l'air intimidé par mon amie.
Sarah me répond aussitôt qu'il n'y a aucun problème, Aisling, elle, me sourit lentement, un simple sourire timide qui m'atteint directement au cœur, avant d'hocher doucement la tête. Ça ira. Et j'aimerais que ça aille comme ça tous les jours pour elle, pas seulement pendant cette dizaine de minutes ou je vais la laisser pour prendre une douche, j'aimerais qu'à partir d'aujourd'hui elle puisse se sentir en confiance peu importe où elle se trouve.
J'hoche alors à mon tour la tête et sourit, rassuré, avant de reculer de quelques pas vers le couloir. Les deux femmes me regardent, mais je n'ai d'yeux que pour l'une d'elle. Son regard s'accroche au mien, et c'est l'une des rares fois où elle ne baisse pas les yeux devant moi, alors même que je la vois rougir. Elle continue de me fixer, et j'ai l'impression de revenir à peine une heure en arrière, quand elle était allongée sur le canapé, sa tête contre ma cuisse. Elle me regardait avec la même intensité, et si je n'avais pas peur de l'effrayer encore une fois, je serais déjà en train de marcher dans sa direction et de la prendre dans mes bras. Juste pour la serrer, lui promettre à l'oreille que je serais toujours là et que je ne partirais pas. Parce qu'il est devenu clair pour moi en moins de vingt-quatre heure : c'est impossible que je la laisse sortir de ma vie.
Je brise le contact à contre cœur, il faut que je sorte de cette pièce avant de vraiment aller la rejoindre. Je croise un instant le regard de Sarah qui me regarde avec cet air que je connais si bien depuis toute ces années, un sourcil relevé, son regard intense qui me fixe, je sais qu'elle voit quelque chose que je ne peux pas lui cacher. Je sais aussi qu'elle va rapidement vouloir qu'on parle. Que je le veuille, ou non. Je n'ai absolument pas hâte de me retrouver à huit clos avec elle pour discuter de ce que je n'ai moi-même pas envie de m'avouer.
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