25. Maven
L'aube orangé qui reflète sur la salle du trône laisse paraître une fine ligne rouge longeant mes terres.
C'est répugnant.
Depuis que je suis sur ce trône, la couleur rouge me dégoûte sans pouvoir en expliquer la raison. Je pourrai me convaincre que c'est dû à leur peuple contre qui je me bats depuis des années, mais finalement je ne les aime pas plus que les Argents. Tout ces peuples m'agacent finalement.
Alors pourquoi le rouge me dérange ? Il m'arrive souvent de me demander ce que j'aime à la différence de ce que je devrais aimé, c'est subtile mais c'est pour moi la limite entre le noir et le blanc, entre la vérité et de le mensonge. Savoir ce que je veux aimer ou ce que ma mère veut que j'aime. Je suis conscient que son impact sur ma vie a été important, mon esprit me joue souvent des tours par sa faute mais est-ce là une si mauvais nouvelle ? Je n'ai jamais aimé vivre toute manière, alors autant lui donner ce que j'ai pour lui faire plaisir à elle, c'est bien la seule personne en qui je peux encore me reposer.
Enfin peu importe, quand tout cela sera fini il ne restera que leur os, et encore.
Je m'assois sur mon trône et ajuste ma couronne avant l'arrivée de mes prisonniers. La salle est presque aussi bondée qu'à mon mariage, tous les Nobles alliés de Norta sont présents, même la Maison Cygnet de la Région de Lacs nous fait cette honneur. Tous ce sont précipités aujourd'hui pour voir leurs grands rêves se réaliser, et pas n'importe lequel. Celui qui coupe la tête aux Rouges. J'ai si hâte de les voir rire face aux pleurs mélancoliques de ceux qui leurs serviront de spectacle durant cette soirée. Ils joueront une toute dernière fois aux méchants loups tueurs de moutons, ils baveront et mangeront autant qu'ils le voudront avant que leur corps n'explose, avant que tout ne se réduise qu'à une marre de sang.
Je n'ai jamais eu l'occasion de découvrir la couleur qui se forme entre le rouge et l'argent, peut-être est-ce encore plus étrange. Un mélange d'un Rouge et d'un Argent, rien que d'y penser j'en ai la nausée, pourtant c'est le mensonge que j'ai du répandre sur le don miraculeux de Kara. La curiosité de mon Royaume est un piètre défaut, je n'avais pas le choix de leur sermonner une historie d'enfant pour cacher l'existence des Sangs-neuf. Évidement ça n'a pas suffit. La Garde Écarlate ne s'est pas faite très discrète ces derniers jours, elle insistait sûrement à nous exhiber sa palette de Sangs-neuf prêts à tout pour faire couler notre sang sur le sol.
Mes plans ont dû changer tant de fois de directions pour éviter que notre Royaume se fissure et me mette à découvert, ça m'a également couté des sacrifices que je n'ai su éviter. En commençant par ma sœur, ma main droite, je l'ai senti bien trop faible pour me soutenir, le choix de l'exiler était déjà prévu dès lors où son nez se fourrait trop proche de celui de Kara. Puis vient le tour d'Evangeline, je devais trouver un moyen de m'en débarrasser pour pouvoir conclure mon alliance avec la Région des Lacs et prendre la princesse Iris comme épouse. Mais pour garder une relation de confiance avec la Maison Samos, je devais faire passer Evangeline pour l'unique responsable, ainsi je n'aurais rien perdu de ce malentendu.
Avec le temps, et beaucoup d'observation, j'ai compris que Kara jouait un rôle dans mon plan mais aussi dans ceux des autres, elle est représentée comme un symbole de paix et de libération pour tous, Rouge comme Argent. Ça été plutôt simple de la mettre sur le chemin de ce que je voulais éloigner du Royaume, grâce à elle j'ai pu débusquer mes futurs traitres avant même qu'ils ne décident d'agir. Elle ne se rend pas compte de son importance, c'est ce qui la rend si précieuse. La garder au palais m'a permis de détruire les Argents de l'intérieur du palais mais aussi d'attirer les Rouges ici sans même à devoir leur tendre un piège.
Tous sont attirées par cette fille et finissent entre mes mains. Je suis loin d'être le fermier mais j'en récupère la récolte, quelle merveille. Puis tous se demandent mon secret d'anticipation, alors que tout me tombe du ciel comme des jours entiers d'anniversaire, que rêver de mieux ?
C'est ainsi que j'ai pu prédire l'attaque de la Garde Écarlate au palais, je ne connaissais pas exactement le jour mais je savais qu'il attaquerait les jours qui suivent la lettre que j'ai reçu. Cal n'a pas tant changé après tout, il aime menacer et paraître faible dans son écrit pour mieux viser ses cibles ensuite. Alors j'ai attendu, regardant chaque jour ceux qui me disaient me servir, demandant aux soldats de contrôler les entrées et sorties de tous le palais sans exception. Grâce à la recherche de mes espions et l'aide de la Maison Cygnet j'ai pu m'approprier un Sang-neuf dont le pouvoir se résume à imiter celui qu'il touche. Contre une somme ridicule de pièces il a accepté de travailler pour moi et trahir les siens, les Rouges sont si rabaissants.
Ils pensent se battre pour une cause qui les touchent tous alors que leurs ennemis se trouvent dans leurs rangs, ils ne sont pas plus intelligents que nous après tout. Se faire trahir par l'un des siens est un tradition ici.
Le Sang-neuf a bousculé Mare comme il a bousculé la plupart des employés autour, mais malgré les autres intrusions je lui avais demandé de trouver seulement la Faiseuse d'éclair, c'était la cible première. Il l'a reconnu à l'instant où sa main s'est mise à crépiter des étincelles. Quel pouvoir satisfaisant ça doit être de maîtriser la colère du ciel et pouvoir faire gronder les orages, j'envie presque Kara d'être en mesure de se l'approprier aussi.
Cette affaire a encore été résolue sans avoir eu à sortir du palais. C'est donc ça la face caché d'une guerre ; laisser les combattants s'entretuer entre eux et récolter les restes. Un principe que Cal aurait du comprendre en tant qu'héritier légitime du trône.
En pensant à lui je sers inconsciemment les accoudoirs de mon siège. Il aurait dû être à ma place, porter la couronne et diriger ce Royaume que je déteste tant. Si j'étais capable de jouer avec le temps je serai retourné à mon enfance, une période dont je n'ai que très peu de souvenir mais on dit que ce sont les meilleurs moments d'une vie.
Maélane me disait que nous jouions souvent ensembles avant que ma mère ne nous sépare pour m'enfermer dans ma chambre faire mes devoirs. Pendant que Cal apprenait l'histoire de la guerre, ma mère m'éduquait comme un animal mal-formé. Les très peu de souvenirs qu'ils me restent sont ceux de mes larmes qui m'empêchaient de respirer, ou alors était-ce le pouvoir de ma mère qui coupait ma respiration, tout se mélange en essayant d'y retrouver du sens.
Je passais mes nuits à pleurer pour je ne sais plus qu'elle raison, j'avais peur de ma chambre tellement ma mère me terrorisait dedans, mais je n'arrive pas à me souvenir de quoi. Un trou noir se trouve dans mes souvenirs, certains sont clairs et lisibles et d'autres flou et incomplet. J'ai passé tant de nuits depuis à essayer de me retrouver, à me retirer de ses prises mais rien ne change, je suis devenu celui qu'elle souhaitait. Le vide dans ma tête ne se comblera jamais.
Évidement j'ai fini par deviner seul ce que je subissais petits, lorsque j'ai revu Samson réduire en cendre l'esprit de Kara je me suis imaginée à sa place. La douleur qu'elle ressentait était sûrement celle qui m'a élevé. Je maudits parfois ma mère de m'avoir retiré mes souvenirs et mes émotions, de ne plus voir la vie comme un être humain mais plutôt comme un quatrième mur. C'est étrange, je vis constamment une scène de théâtre dont je suis le réalisateur, et je pense ne jamais réussir à trouver mon rôle.
Par compassion, ou par égoïsmes, tout dépend du point du vu, j'ai amené Kara dans mon gouffre car elle était la seule à pouvoir me sauver. Son don est si grand qu'elle aura assez de force pour me sortir de cette misère et accomplir ce dont je n'ai jamais réussi.
Je n'ai pas su porter seul la couronne et me voilà incapable de me la retirer seul, ce monde est détestable.
Mes soldats demandent le silence de la foule tandis que je me lève énergiquement de mon trône. Il est temps d'animer la soirée.
- Chères amis, alliés et invités, c'est un immense honneur pour moi de vous voir ici ce soir pour vous offrir l'un des plus plaisant spectacle : l'exécution ! m'exclame-je sous les applaudissements vifs de tous.
Riez tant qu'il en est encore temps, ce monde m'emportera autant que vous.
Ma mère se rapproche de moi et m'esquisse un sourire radieux, je lui retourne rapidement pour ne pas rallonger ce moment déjà pesant pour moi et fais signe aux soldats d'apporter les surprises.
J'ai beaucoup de mal à lui pardonner ce qu'elle m'a fait même si c'était pour mon bien. Ou peut-être son bien à elle. Je préfère laisser cette histoire derrière nous, malgré sa cruauté sur mon coeur elle a été la seule à ne pas me trahir, et pour un roi le cœur brisé est loin d'être un signe de trahison. Je n'ai d'ailleurs jamais su comprendre mon cœur, ma mère me l'a broyé le jour où elle a compris qu'il me mettait inconsciemment des bâtons dans les roues. Pour elle l'amour est ridicule, il nous affaibli plus qu'autre chose, et elle a pris de l'avance en me le retirant dès mon plus jeune âge.
Je me demande ce j'aurais pu ou pas accomplir avec des sentiments. Peut-être aurais-je gouté pour la première fois au bonheur, à la paix d'être libre et soi-même. Car en observant la relation que menait Cal avec Kara j'avais l'impression qu'une émotion nouvelle me submergeait, un alliage de jalousie et de désire, je n'avais jamais ressenti de telle sensation auparavant. C'était différent mais plaisant, je touchais à quelque chose de nouveau et je ne savais pas pourquoi. Et évidement c'était lui qui en profitait, l'héritier Cal Calore, celui à qui tout revenait.
En gardant Kara près de moi j'ai essayé de l'imiter pourtant, mais je n'ai pas réussi à l'aimer comme l'aime Cal, à vrai dire je ne sais même pas ce qu'est d'éprouver de l'amour pour quelqu'un, c'était le poison à ne pas goûter d'après ma mère. Toute cette histoire me rendait fou, je ne comprenais plus rien, moi qui avait le contrôle sur tout cette fois-ci j'vais lâché les rênes.
Alors je suis resté fidèle à moi-même, par peur de perdre le contrôle sans avoir pu finaliser mon plan. J'ai laissé la seule chose qui me hante depuis toujours, jour et nuit ; la soif du pouvoir, du contrôle et du sang. Je prends tant de plaisir à les voir tous s'agenouiller devant moi, à me supplier, m'implorer d'arrêter leur souffrance. C'est la seule conclusion que je tire des magouillages de ma mère sur mon esprit, c'est elle qui a voulu m'inculquer ces horreurs et je ne peux m'y défaire.
La porte s'ouvre en grand, laissant place à la célèbre Mare Barrow suivie de ses gardes qui tiennent fermement le bout de ses menottes. Ses cernes sur son visage creusé est l'une des premières conséquences des menottes, même après une bonne nuit de sommeil son corps ne se recharge plus, il épuise ses ressources en contrant les effets de la pierre du silence et tue peu à peu la prisonnière.
Kara a été la seule à prendre l'avantage sur cette arme, je crois même qu'Enguerrand lui-même n'avait pas découvert un tel miracle.
La Rouge s'avance tout de même avec férocité et lève le menton face aux murmures moqueurs des Nobles autour d'elle. Sa démarche ressemble à celle de Kara, une femme dont le caractère se transforme rapidement en charge explosive. Elle frappe des talons pour marquer sa présence et me foudroie du regard dès lors où je me rassois sur mon siège. Elle pensait peut-être que son dernier combat serait contre moi, et je ne lui en ferai malheureusement pas cette honneur.
- Bien dormi ? demande-je peu inquiet de son état.
- Va te faire... crache-t-elle avant d'être interrompu violemment dans sa phrase par l'un de ses gardes qui lui lance un coup de coude au ventre.
- Toujours aussi en colère j'imagine, ironise-je. T'en fais pas, les Rouges n'ont jamais gagner, et ce n'est pas prêt de changer.
Je fais attention à ne pas prendre de ton trop arrogant. Je veux faire bouillonner sa haine et son désespoir en elle mais sans tomber dans son piège, elle ressemble bien trop à Kara pour j'atteigne le fond de son âme avant elle.
Les Rouges sont difficiles à manipuler lorsqu'ils n'ont plus rien à perdre, c'est le cas de la Garde Écarlate par exemple. Si la richesse ne les intéresse pas ou que leur famille est déjà morte, ils n'auront que faire des mes propositions et préfèreront se jeter dans la gueule du loup sans réfléchir.
Les yeux de Mare trahissent ses mauvaises intentions, elle me regardent sans vraiment le faire, son esprit est ailleurs sûrement à la recherche d'un plan, d'une solution. Je reconnais ce regard, celui de son symbole qui était prêt à tout pour avoir le dernier mot et retourner dans sa prison le sourire aux lèvres. Mieux vaut en finir vite avant qu'elle ne découvre une issue. Mon plan est sur le point d'aboutir, rien ni personne ne s'en sauvera.
Ses gardes la mettent à genou de force et lui font lever la tête vers moi, vers le Roi qui la regardera mourir. J'aime ce moment, ce regard suppliant mais en même temps pleins d'espoirs, elle a peur mais ne se laisse pas envahir par la folie, son calme et sa ténacité prouve que c'est une ennemie redoutable pour nous. Elle aurait pu tenir compagnie à sa chère idole mais je préfère garder son exécution pour la fin, lorsque le sang rouge débordera sur mon carrelage.
Quelle belle couleur finalement.
- Tu es un monstre, crache Mare entre ses canines.
Un rire m'échappe, des souvenirs aussi, tous les Rouges se répètent.
Lorsque j'ai demandé à ma mère le jour de mon mariage d'entrer dans l'esprit de mes misérables prisonniers et de les faire haïr Kara, ils me disaient également la même phrase. La grande Elara est douée pour faire ressortir la noirceur des âmes, et les Rouges sont très noirs. Elle s'en est servi pour troubler Kara lorsqu'elle est descendue dans nos cellules, un dès tourment qui a d'ailleurs joué un rôle dans son comportement d'aujourd'hui.
En contrepartie, je n'avais pas imaginé qu'elle puisse être si enragée pour contrer le pouvoir de ses menottes, mais après tout elle m'a grandement facilité la tâche. J'ai dû la punir pour son acte ce qui m'a fait sauter quelques marches vers ma victoire.
Kara est sûrement une grande femme mais dont les profondeurs sont aussi sombres que les ténèbres. Son vécu a fini par la trahir, et sa soif de vengeance l'ensevelir, il a fallu deux passages de mon cousin Samson pour aboutir à ce résultat. En temps normal un seul aurait suffi, mais j'oublie souvent qu'elle est différente des autres.
Alors oui je suis un monstre, mais un monstre qui porte une couronne, et c'est là que tout se joue.
Tout est si prévisible, si simple à manier, la guerre ne se gagne pas qu'en force et je suis le seul à l'avoir compris. Kara se croyait meilleure que moi à ce jeu, elle a voulu faire de son périple à La Région des Lacs un avantage sur moi, mais tout s'est retourné contre elle. Je n'avais pas totalement prédis ce qui lui arriverait, mais les pièges de la Maison Cygnet me semblaient bien trop faibles pour l'arrêter alors j'ai préféré attendre que Kara me propose d'elle-même une piste sur laquelle je pouvais naviguer.
A mon grand étonnement elle est revenue se livrer à moi, elle a choisis la subtilité au lieu de la brutalité, une solution qui me plaisait autant qu'à elle. Son plan était sûrement de faire basculer des Argents de son côté pour renforcer la prochaine attaque de la Garde Écarlate, et elle m'a bien facilité la tâche. Beaucoup pensent que j'ai un plan depuis le début de ce conflit alors que je ne fais que m'adapter au fur et à mesure des situations, je n'aime pas rester figer sur un objectif et préfère faire ce que j'affectionne en temps voulu. C'est ça mon secret.
Ça m'est égale de perdre, tant que je reste dans la partie.
Je me lève à nouveau de mon siège et fais taire l'assemblée en pointant mon doigt vers le plafond.
Il y a plusieurs surprises ce soir, bien que Mare me soit d'une grande fortune, j'aimerais y ajouter son camarade. Le fidèle compagnon et l'ami de mes prisonnières, sans oublier qu'il était également l'ancien fiancé d'Evangeline Samos, une autre prisonnière encore dans sa cellule. Tellement de noms le représentent, le destin lui était parsemé d'or dès sa naissance, il a fallu qu'il détruise tout et me laisse sa place. Sans ça j'aurais été un garçon libre, pleins d'émotions et de vie, j'aurais pu profiter de ma jeunesse sans me mêler de leurs affaires ennuyeuses d'adultes. Mais le destin a tourné, il a fait de moi un roi et de lui un prisonnier, c'est si désolant.
- Je voulais laisse admirer l'un de mes prochains cadeaux, un homme que vous connaissez bien trop.
Sur ce court discours, il entre. Les portes s'ouvrent sur le corps massif et imposant de Cal, son regard est aussi noir que ses ongles qu'il a du utiliser pour gratter les menottes qui le faiblissent. Il semble beaucoup moins atteint que Mare, ou peut-être le cache-t-il pour sa plus grande fierté.
Cet imbécile est entrer dans le palais aussi enflammé qu'une torche pour libérer ses amis, il était seul et bien trop émotif, j'ai rapidement deviné qu'il avait désobéit au plan des Rouges. La chance était de mon coté ce jour-là. Les Nymphus de la Maison Cygnet présents normalement seulement pour préparer notre futur mariage, se sont retrouvé face à lui et ont su éteindre cet incendie ambulant. Cal savait qu'il ne gagnerait pas mais ça ne l'a pas arrêté dans sa course.
C'est donc ça d'avoir le cœur brisé ? Laisser son corps répondre par ses émotions les plus sombres, ne plus être maître de soi-même. Je comprends enfin les raisons de ma mère de m'avoir retiré ce fardeau, mon hypersensibilité m'aurait joué des tours.
- Où est-elle ? hurle Cal sans prêter attention à tout ce qui l'entoure.
Je souffle longuement et me rassois sur le trône, plus je serai loin mieux je me porterai. Il crache sa haine comme un serpent cracherai son venin, ce n'est pas ma faute si son plan était stupidement pensé. Kara elle-même aurait fait mieux comme sauvetage.
- Vous vous rejoindrez bientôt, lance-je vaguement en regardant le ciel au cas où il n'aurait pas encore compris ce qui leur attendait.
Son grognement fait réagir ses gardes qui le clouent au sol au même niveau que Mare. Depuis que Kara a réussi à briser ses menottes grâce à la haine qu'elle émettait, je me méfie de chacun de mes prisonniers.
D'autres en sont sûrement capables, Kara ne peut pas être l'unique version dans son genre. Après tout elle n'est qu'un évolution d'elle-même. Au départ son pouvoir était ridicule et ne servait qu'à faire voltiger des objets à travers la pièce, mais je ne sais pas quel moyen elle a réussi à le développer autant, sans avoir eu recours à de l'entraînement elle a su développer ses facultés aussi loin.
Avec mes conseillers on a d'abord pensé que c'était inné chez elle, du moins héréditaire de sa famille, mais d'après Samson ses parents ne possédaient pas de don, ni ses grands-parents d'ailleurs. Alors on a conclu que c'était son esprit, peut-être plus touché que les autres, plus fort, plus dur, qui a poussé son don a repousser ses limites. Beaucoup de questions tournent encore autour d'elles, mais malheureusement sans réponse concrète. Est-ce tous les Sangs-neuf télékinésistes qui le peuvent ? Ou est-ce un pouvoir héréditaire, venant de plusieurs générations antérieurs ?
Je ne serai plus de ce monde avant de l'avoir compris, ce mystère me dépasse bien trop et aucun livre ne m'a donné le moindre indice. J'ai préféré abandonner l'idée de me procurer une autre Kara, un Sang-neuf aux mêmes facultés, j'ai donc choisi l'idée qui transforme directement l'original en l'un de mes pions. C'est-à-dire de me servir de Kara comme une arme.
Après les deux passages de Samson Merandus j'ai vu son personnage changer, assez pour perdre le contrôle mais pas excessif à point de se laisser mourir par la souffrance de son esprit. J'ai réussi à atteindre l'équilibre que je voulais, celui de faire d'elle le monstre que tous redoutaient, Rouge comme Argent ne pourront plus la retenir, et ça sera là mon dernier effort en tant que roi.
Je lève ma main droite pour annoncer le décompte avant l'exécution. Tous les sourires s'étirent, les respirations se coupent, un silence pesant mais agréable s'abat dans la salle. Je n'aperçois que le regard de mes prisonniers qui ne se laissent pas avoir par leurs émotions et serrent les dents face à la hache que lève le bourreau. Bientôt leurs têtes tomberont. Je pourrai me réjouir d'avoir battu Cal après des années d'acharnement contre lui, après des milliers de larmes écoulées par jalousie à son égard, moi le Roi Maven j'ai enfin gagné.
Enfin je croyais.
Mon armure en métal se déploie et se transforme en une immense lance qui me transperce le plexus. Ce n'est pas l'œuvre d'un Samos au vu du hurlement de Ptolemus qui accourt vers moi. Il n'y a qu'une personne qui est capable de s'approprier les dons des autres, et elle s'est enfin réveillée.
Je ne me débats pas, laissant mon sang argenté s'écouler sur le trône devant la frayeur et les cris des Nobles. Ma mère tente de me retirer la lance mais je l'en empêche. C'est ce que je voulais après tout.
Je ne pensais pas que Kara agirait aussi vite, je voulais au moins voir mes prisonniers mourir mais elle a préféré les sauver. Ce n'était pas prévu, tout avait été fait de manière à ce qu'elle ne puisse plus réfléchir comme une Rouge, ni une Argent, mais qu'elle réfléchisse comme moi. Je croyais que Samson l'avait retourné contre son peuple, qu'il lui avait retiré ses sentiments pour Cal, ses ambitions auprès de la Garde Écarlate... qu'a-t-elle finalement retenu de tout ça ? Je n'aurais sûrement plus assez de temps pour le voir de mes propres yeux.
Mon plan est terminé.
A elle de prendre la relève.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top