20. Kara
La princesse Maélane a été enfermée sous les ordres de Maven.
Lorsque j'ai appris cette nouvelle j'ai compris que Maven jouait aussi bien aux échecs que moi. Nous mettons tout en oeuvre pour faire tomber les adversaires un par un et atteindre notre objectif. Il a enlevé la jeune princesse de ma liste noire, je pourrais penser qu'il m'a facilité la tâche mais ça me paraîtrait bien trop simple pour y croire. Même si mon but est de l'isoler pour mieux le détruire, le fait qu'il me devance remet mon plan en doute. Il ne peut pas agir comme moi, il doit faire un erreur, se tromper de chemin, pas Maven, si ? Comment peut-on avoir les mêmes plans sans aller au même endroit ? Il n'aurait jamais pris le risque de perdre un Argent de son entourage si ça ne lui apportait rien à son objectif. Que se passe-t-il dans sa maudite tête ? Je me suis livrée de nouveau à lui pour le découvrir et le retourner contre lui mais s'il nuit à mes plans chaque fois je n'arriverai à rien.
Ça fait d'ailleurs bien longtemps que je n'ai plus croisé le Roi, il reste de plus en plus de temps dans sa chambre là où ses pensées fusent comme des cartouches sanglantes. J'ai entendu dire par une des femmes de chambre qu'elles même n'y pouvaient pas entrer. S'il ne fait plus confiance à personne, je doute que je puisse m'approcher de lui. C'est pour cette raison que j'ai entrepris quelques pas vers la princesse Evangeline Samos pour avancer dans ma mission. Maven n'a pas cherché à me reprendre et m'éloigner d'elle, au contraire il a fait de moi sa principale alliée. Encore une décision de Maven qui échappe de mon bon sens.
Les soldats me traînent dans le couloir jusqu'à sa chambre. Son mariage est dans quelques minutes et elle a voulu que je sois présente malgré nos précédentes rivalités. Depuis que je lui ai avoué les intentions de Maven elle me suit à la trace comme un animal en détresse. Elle pensait être reine elle qui s'est tend battue pour le devenir, là voilà que son fiancé la trahis pour une autre. En perdant son trône elle perd sa légitimité au près de ses parents qui ne l'ont conçu que pour régner. Sauver Evangeline était loin d'être dans mes plans mais je ne peux refuser de l'avoir à mes cotés. Son aide sera précieuse.
Les gardes frappent soigneusement à sa porte et me laissent entrer seule.
Evangeline est assise sur le tabouret de son impressionnante coiffeuse au miroir illuminé par de petites LED étoilées. Elle ne détourne par le regard de son reflet et me laisse pénétrer dans sa chambre comme si elle ne me voyait pas. Je m'approche à la chercher d'un endroit où me poser discrètement sans déclencher une remarque sur mon impolitesse.
- Je t'en prie, m'invite-t-elle en tapotant un tabouret près d'elle de ses longs ongles pointus.
Je m'exécute comme un robot et m'assois droite comme un meuble. Loin d'être une princesse je fais beaucoup d'efforts pour le paraître à cet instant. La pression qu'elle sa sur ses épaules pour garder sa prestance découle aussi sur moi sans qu'elle ne le veuille. Son corps aussi droit qu'un mur porte une longue et blanche robe recouverte de fines lames argentées qui peuvent rapidement devenir des couteaux aiguisées. Même sa tenue de mariage est dangereuse, toute fois je ne sais pas si c'était déjà dans ses projets ou elle a du les rajouter de justesse en comprenant la menace que représente son fiancé.
Evangeline est toujours sur ses gardes, elle est prête à dégainer ses armes pour la moindre occasion et elle n'en sera pas moins ravis. La voir dans une robe aussi brillante me laisse bouche bée, elle qui me terrifiait autrefois j'ai du mal à détendre mon corps sur ce tabouret qu'elle aurait pu piéger aussi. Je suis dans sa chambre, sur sa chaise et si près d'elle que je ne verrai même pas son attaque venir. Je reste donc silencieuse jusqu'à ce qu'elle décide de briser le silence.
- Lors du choix de la reine, toutes les princesses se retrouvent en concurrence pour épouser leur futur prince. Nous nous battions toutes pour avoir Cal, je m'en souviens... dit-elle en divaguant pendant un court instant dans ses pensées.
Je me souviens également de cette époque.
J'étais encore près de ma famille, pauvre mais heureuse. Le choix de la reine est un événement si important qu'il est diffusé sur toutes les chaînes de télévision, le peuple est à l'affût de celle qui deviendra leur reine. N'ayant pas de télé à la maison, j'ai du entrer dans un petit bar du village pour profiter de leur écran et ne pas rater cette annonce. Je n'avais jamais vu un tel combat, les femmes se battaient jusqu'au sang, utilisant leur pouvoir jusqu'à leur dernier souffle. Tout ça pour un roi qu'elle ne connaissait même pas. Et à cette époque c'était Cal qui était l'héritier, Evangeline se battait pour lui, non pour Maven.
- Comment l'on vous départage t-on ? demande-je avec une voix remarquablement douce.
- Nous sommes placées, chacune notre tour, dans une arène. Et de là, nous exploitons notre pouvoir pour impressionner la famille royale qui à la fin choisira la plus performante.
Évidement que l'effroyable Evangeline a été choisi. Son âme de combattante sanguinaire lui a donné la première place aussi facilement que l'on donne un arc à un archer. Sa force dépasse celle de toutes les princesses du Royaume et elle n'a certainement pas laissé de chance à ses autres concurrentes. Aucune n'a été de taille à la battre, même lors d'un simple spectacle.
- Mais je voulais Cal, pas son demi-frère, murmure t-elle.
Elle continue de s'observer dans le miroir. Son visage bien peinturé est aussi fade que sa robe, a la regarder on ne pourrait pas savoir qu'elle prépare son mariage. Son envie de meurtre se lit sur son visage comme le jour où nous sommes affrontées pour la première fois, et encore je crois qu'à cette époque elle rayonnait un peu plus.
En baissant mon regard sur ses mains, j'aperçois un petit pot de crème très clair qu'elle ouvre de ses doigts fins. Son index tapote son contenu avant de venir étaler d'éclatantes paillettes sur les quelques mèches de cheveux qui pendent. La futur Reine vient de passer plusieurs heures de préparation pour être prête pour son mariage mais malgré ça elle trouve le moyen d'arranger un détail que nul ne verra. Peut-être est-ce une façon de s'occuper et d'éviter d'attendre, ou de diminuer le stresse qui brûle en elle.
Elle cligne doucement des yeux avant de les détourner vers moi à travers le miroir. Je sursaute presque en croisant ses iris argenté qui m'ont longtemps terrifiés. Pendant quelques secondes je semble hypnotisée face à une jeune femme perdue et en détresse. Je n'arrive pas encore à savoir si c'est bien le cas ou ce n'est que le fruit de mes désires, une envie folle de la voir dans un si mauvais état. Car si c'est vrai, Evangeline sera déjà un pion acquis.
- Pourquoi tu fais ça alors ? Tu es une Samos, tu pourrai revendiquer tes droits... lance-je en prenant enfin mes jambes à mon cou.
- Justement, je n'ai pas de droit, me coupe t-elle sans me quitter des yeux.
- Nous en avons tous, tout dépend du courage que tu as pour les exploiter.
Cette fois j'en suis sûr, son regard m'implore. Elle fait un lent circuit avec ses yeux en commençant par mes lèvres puis mes mains menottées pour revenir sur mes yeux noirs corbeau. Elle angoisse, ses yeux cherchent un échappatoire ce qui me laisse l'opportunité de faire la conversation. Une de ses mains vient caresser délicatement l'un de ses précieux colliers de pierres hors de prix. C'est une façon dire à son cœur brisé qu'il a de l'espoir à travers toute cette tyrannie.
- Nous avons pas tous la chance de pouvoir se rebeller, avoue t-elle.
Je crois bien qu'en une seul phrase elle a pu me faire éprouver de la peine pour elle.
J'ai la chance d'avoir pu trouver la Garde Ecarlate, d'avoir pu y entrer et me battre à leur côté, car aucun groupe rebelle ne s'est formé chez les Argents. Je devais me servir d'Evangeline pour détruire l'entourage de Maven mais je réfléchis à faire d'elle une nouvelle recrue pour la Garde Écarlate, comme Cal l'est devenue. Peut-être que je peux recruter l'ensemble des Argents. Alors contre qui ferais-je la guerre ? Maven n'est pas le seul problème de ce monde, le problème est l'inégalité entre Argent et Rouge et ça ne bougera pas tant que les Argents seront en vie. J'ai beau faire de beaux discours sur Cal, il préfèrera toujours vivre dans l'or que dans la boue, et Evangeline aussi. Ils ne changeront jamais.
Mon espoir pour eux s'est éteint depuis bien longtemps.
Le plus important ici est que si Evangeline se révolte, d'autres princesse la suivront. Elle est un symbole pour la puissance féminine Argent, la seule princesse à prendre les armes et la seule à battre des hommes de guerre. Elle a défié les lois de l'inégalité des sexes alors pourquoi pas se battre pour l'inégalité des sangs ?
- La chance n'existe pas Evangeline. Si des Rouges ont pu battre des Argents, je pense que tu es de loin capable de poser tes souhaits.
- Et après ? Je serai exilée du Royaume, me retrouvant à la rue comme...
- Nous ?
Elle ne confirme pas même si c'était ce qu'elle pensait. J'avais raison, les Argents ont peur de tomber aussi bas que nous, ils préfèrent rester enchainée à leurs richesses aussi longtemps qu'ils le pourront.
- Je n'aurais jamais pensé qu'une femme aussi forte que toi soit aussi désorientée. Tu subis ta vie plus que moi finalement.
Elle étouffe un rire gênée.
- Très bien la donneuse de leçon, que dois-je faire alors ?
La porte de la chambre s'ouvre et nous éjecte violemment de notre conversation. J'ai manqué une occasion de recruter Evangeline, je souffle presque de colère avant de voir apparaître la Reine Samos. Elle entre et fait signe à sa fille de la suivre. Je n'ai le droit à aucun regard de sa part, outre celui de Evangeline qui m'incite à la suivre également.
Je m'exécute aussitôt, m'éloignant le plus possible de sa mère aux dents pointues. Elle rêverait de m'embrocher je le vois à son regard de vipère, tout comme l'est son mari le Roi Samos. Ils me détestent. Mais ils ont fait l'effort de me laisser avec leur fille le jour de son mariage, quelle générosité. Si ce n'est pas, j'espère, pour mieux me tuer après.
Les deux dames Samos avancent vers la salle du trône, le pas léger et coordonnées comme si elles parcouraient un nuage. Pour ma part je suis laissée derrière elles, loin derrière au vu la longueur de la queue de la robe. Nous approchons de la grande porte qui sera le dernier obstacle avant de faire face au Roi. Evangeline me lance un regard que je n'arrive pas à comprendre tellement il est rapide et elle s'engouffre dans la salle du trône.
Lorsqu'elle s'ouvre, une lumière apaisante nous parvient et me laisse croire quelques secondes que je suis en plein rêve. Je m'arrête au pied de la porte près des gardes pour observer Evangeline traverser l'allée sur un tapis blanc étoilés, séparant l'immense publique autour d'elle en deux parties. Il y a assez de monde pour couvrir le moindre mètre de la pièce, tant d'Argents regroupés au même endroit qui pourraient être touché si une explosion venait à se produire, le génocide serait royal. Un rêve que j'aimerais tant réaliser.
Le Roi Samos sort de la foule et s'approche de sa fille pour prendre sa main. Ses yeux s'arrêtent sur moi quelques instants. Un mélange de surprise et de colère émane de lui et me fait garder la tête aussi haute que possible. Qu'il ose me défier, il ne peut rien faire ce soir. Il détourne finalement le regard vers la future Reine et lui tend son bras qu'elle accepte volontiers. Evangeline profite de ses parents avant qu'elle donne sa vie à un autre homme, bientôt elle devra vivre entre les murs de ce palais et quitter sa famille pour toujours.
Si je n'étais pas aussi haineuse de leur sang, j'aurais surement été émue par ce spectacle. C'est le premier mariage auquel j'assiste et je pense n'avoir jamais rien vu d'aussi incroyable. Le plafond brille comme les rayons du soleil qui font scintiller de mille feu les pierres précieuses qui ornent la robe de la futur reine. Il n'y a que le son de l'orchestre qui brise le silence, sinon le publique n'ouvre pas la bouche. Je pense même que certains ont coupé leur souffle tellement la scène était somptueuse.
Arrivée au pied des marches du trône, Evangeline s'incline devant son Roi qui lui pose une couronne sur la tête. Cette anneau argenté aux branches pointues élèvent Evangeline et la transforment en une reine, en notre reine. Elle se redresse ensuite et se positionne à côté de Maven. Celui-ci attrape deux verres, que lui offre une des servantes Rouges sur un plateau, et en donne un à Evangeline.
L'orchestre s'arrête une minute pour laisser Maven parler :
- A notre reine, Evangeline Samos, annonce t-il avant de boire son verre d'une gorgée.
La nouvelle reine fait de même et sourie sous les applaudissements du publique. Je suis la seule à garder mes mains le long du corps, laissant ma haine remonter en moi. Pendant que la Garde Ecarlate se bat pour ma cause, je suis en plein mariage admirant le couronnement que l'on devra briser pour se libérer des mains Argents. Voir Maven aussi heureux me répugne, il boit les verres qu'on lui sert tout en riant auprès d'autres Nobles tout aussi répugnants. Evangeline fait de même et me rappelle pourquoi je la détestais autant, elle tourne avec sa robe pour briller encore plus aux yeux du publique. Si je pouvais la faire tomber dans une flaque de boue j'en serais la plus heureuse.
- Le voir se marier à une autre te perturbe tant que ça ?
La mère de Maven se place à ma gauche, assez proche pour briser mon espace vitale et m'empêcher de la fuir.
Je n'ai jamais eu l'occasion de converser avec elle, à vrai dire son fils l'a mis de coté depuis son couronnement, la laissant vagabonder dans les couloirs du palais à la recherche d'une proie. Et aujourd'hui c'est sur moi que ça tombe. Par contre j'ai rencontrer son frère, Samson Merandus, le Chuchoteur qui a bu mon esprit comme si j'étais un verre d'eau à consommer. Depuis je me méfie de leur famille, leur pouvoir manipulateur dépasse largement les autres Argents et pourrait me faire succomber aussi.
- Si ça avait été Cal j'aurais certainement empêché ce mariage, oui.
Elle n'est pas là pour discuter, cette femme ne sait que cracher son venin sur ses interlocuteurs, alors crachons le ensemble. Je sais bien que Cal a toujours été un frein dans ses projets, il a mis Maven dans l'ombre durant de nombreuses années et mis sa Maison au second rang. Elle a du œuvrer à sa manière pour faire basculer la balance et mettre son fils adoré sur le trône alors qu'il n'en était pas digne. Mais ça personne ne le sait.
- Tu es bien la seule à avoir trouver l'amour, encore une preuve que tu n'es pas des nôtres.
- Vous n'avez pas de cœur, ça ne me surprend pas.
- Que nous apporte notre cœur dans ce monde ? Pour réussir il faut se battre avec ses mains, pas son cœur, nous ne sommes pas sur l'île du crique, Kara.
Ils ont tous les mêmes réponses. Se battre, se battre, se battre... Pourquoi au final ? Le monde n'a jamais fonctionné ainsi, ce sont les Argents qui fond de la guerre une tradition et ce depuis qu'ils existent. Ils n'ont que ce mot à la bouche alors qu'ils rêvent tous de vivre en paix, je ne les comprends plus.
- En te regardant tu sembles aimer tous les rois, souffle-t-elle.
- Lire dans les pensées ne veut pas dire lire dans les émotions, Elara.
- Ne m'apprends pas mon métier, jeune fille. Tu veux Maven autant que tu as voulu Cal et ça pour sauver ta répugnante cause de Rouges libres.
Elle lit dans mes pensées et c'est en voulant les éloigner que je finis par lui donner ce qu'elle veut. Je croyais pouvoir la battre à son propre jeu mais encore une fois l'éloquence Argent me réduit à la Rouge que je suis. Elara voit clair en moi et je pense même qu'elle connaît mes objectifs. C'est cette raison qui l'a pousse à venir me parler, elle essaye de me détourner de mon chemin et me faire croire que je suis aussi folle qu'elle. J'ai appâté Cal mais j'en suis rapidement tombée amoureuse, et je l'ai finalement toujours considéré comme un des miens, mais Maven n'aura pas cette chance. Il est dans ma tête pour que je n'oublie pas qu'il est la cible principale sur laquelle je ferai couler du sang.
- Un Rouge ne battra jamais un Argent, ce n'est pas toi qui changera ça, crache-t-elle.
Son venin touche mon visage cette fois. Je me tourne vers elle et tiens son regard affamé de meurtre.
- Vous n'avez pas idée de la détermination qui coule en moi, en nous les Rouges, et croyez-moi je ne vous laisserai jamais gagner.
Elle recule d'un pas.
Qu'elle s'en prenne à moi autant qu'elle le souhaite, je ne me soumettrai jamais. Nous savons toutes les deux que cette conversation ira trop loin si nous poursuivons. Un grognement de frustration sort de sa gorge avant de tourner les talons et rejoindre la foule, elle ne m'embêtera plus aujourd'hui, du moins pas tant que le mariage a lieu. Je reste plantée devant les géantes portes et me prépare à fuir en cas d'imprévu. Jamais je n'avancerai au milieu de cette foule d'Argents, l'un d'eux peut me transpercer avec sa fourchette tellement aisément que personne ne s'en rendra compte.
C'est ironique mais je me sens en sécurité près de mes soldats, eux ne peuvent s'en prendre à moi et ont l'ordre de me garder en vie. Maven met un pied dans sa tombe en ordonnant une chose pareille. Plus je serai en vie mieux je pourrai mettre en place mes plans, à moins que ses plans soit aussi de me garder en vie. Comme chaque réflexion que je me fais, j'en reviens toujours au même point. Que veut Maven ?
En parlant de ce denier, le voilà qu'il arrive soudainement vers moi. Je fais mine de ne pas le remarquer en regardant les Nobles qui m'entourent à la recherche d'un détail qui pourrait m'interpeller. Mon comportement étrange le surprend et le fait sourire.
- Tu es une très mauvaise actrice.
- C'est bien l'un des seuls cours que j'aurais aimé avoir de toi, professionnel que tu es, ironise-je.
Si nous faisions des cérémonies d'acting, Maven serait vainqueur chaque année. Il ne manque pas une journée sans chanter ses mensonges, il ne doit même plus savoir distinguer le vrai du faux.
- Dommage j'ai raté une occasion de me rapprocher de la célèbre tueuse d'Argent, dit-il peu touché en haussant les épaules.
Encore un magnifique jeu d'acteur. Je me détourne de lui pour regarder son trône. Même à l'autre bout de la salle il scintille, il paraît si grand et si puissant, quelle idée de mettre un homme si petit comme Maven. Il fait tout juste ma taille mais malgré sa plus grande largeur il ne m'impressionnera jamais autant que Cal. Le petit Roi restera un jeune enfant à mes yeux peu importe la quantité de sang qu'il fera couler, et je hais ce type d'enfant.
Le trône m'irait mieux à moi, je me vois déjà dessus avec une longue armure de guerrière comme aime s'accoutumer Evangeline. J'imagine Maven me déposer sa couronne sur le haut de mon crâne avant de s'agenouiller devant moi. A cet instant je lui trancherai une bonne fois pour toute la tête pour récupérer les clés de Norta et lui prendre ce qu'il ne méritait pas.
- Ne fais pas cette tête, tu vis dans un palais de diamant, rit-il en me voyant froncer les sourcils à chaque fois qu'un Argent me gâche la vue.
- Prisonnière dans un palais diamant ce n'est pas aussi bien que tu ne le penses, souffle-je.
- Nous le sommes tous, et tu es la seule à te plaindre c'est étrange, non ?
Ces Argents me fatiguent. Ils ne savent que subir leur vie, que suivre bêtement leurs traditions sans jamais penser pouvoir s'y défaire.
- Vous êtes lassant ! Pourquoi vivre une vie que vous ne voulez pas ? Personne ne vous y contraint, m'exclame-je.
Les Rouges vivent comme des rats à cause d'eux et de leurs manières capricieuses de vouloir tout contrôler, mais finalement ils ne contrôlent rien. Alors qu'ils nous laissent tranquille, nous donnons nos vies pour les satisfaire sans jamais y arriver, cette injustice me pend au nez je ne peux plus l'entendre de leur bouche.
- La soif du pouvoir est une drogue ici.
- Si tu en as conscience, pourquoi l'accepter ?
Il ne veut pas le pouvoir, il ne l'a jamais voulu. Je me souviens du Maven que j'ai connu lorsque Cal m'entraînait au palais à une autre et belle époque, le jeune garçon n'aimait rien. Il n'avait aucune passion, Cal lui-même me l'avait confirmé, Maven était aussi vide qu'une coquille ouverte.
Évidement sa mère était déjà passé par-là lorsque j'ai mis le pied au palais, mais cette souffrance qu'il a subi pour reprendre le trône n'a finalement pas servi à grand chose. Il est monté sur le trône comme un robot que l'on aurait programmé, alors que son cœur lui implorait de faire marche-arrière sans doute. Un roi qui n'aime pas son trône n'est pas un roi, il ne fera jamais de Norta un royaume épanoui et je l'ai vu dans son esprit le jour où nous avons déjeuner ensemble. J'ai réussi à m'introduire dans sa tête au-même titre que le faisait sa mère, et je n'ai vu que haine et souffrance. Si ce n'est pas moi qui changera le monde, c'est lui, mais en mal.
- Pourquoi pas ? rétorque-t-il d'un sourire narquois et innocent.
- Maven... m'exaspère-je.
Il rit face à mes nerfs qui montent dans le vent. Ne rien comprendre à leur stupide vie d'Argent commence fortement m'agacer. Rien ne coordonne, ou peut-être que c'est moi qui ne suis pas apte à les comprendre.
Mon silence colérique le résonne. Son sourire disparaît et son sérieux refait surface.
- Vient, j'aimerais te montrer quelques choses.
Il fait signe aux gardes qui m'accompagnent de nous suivre et quittons ensembles la salle du trône. Je n'ose à peine regarder par dessus mon épaule par peur de croiser la guirlande d'Argent qui nous regarde sûrement fuir le mariage. Nous traversons les couloirs sans être à côté, Maven mène la marche comme un chef et prend même plaisir à ce qu'on le suive tous comme des moutons ignorants.
Je profite toujours de ce temps silencieux et précieux que j'ai pour repérer les lieux, et à mon plus grand bonheur je suis menée dans une nouvelle partie du palais que je ne connaissais pas. Nous approchons d'un minuscule ascenseur qui s'ouvre à notre approche. Maven y entre et m'invite à faire de même. Méfiante j'avance doucement et me colle au fond de l'ascenseur pour éviter ma proximité avec le Roi. Aucun soldat ne nous suit, les portes se referment et me voilà seul avec Maven pendant quelques secondes qui semblent une éternité. Je n'ai jamais été aussi proche de lui, je peux sentir son parfum et voir les reflets blonds qui colorent quelques unes de ses mèches de cheveux.
J'ai soudainement chaud, je ne sais pas encore si c'est lui qui utilise son pouvoir ou si c'est mon corps qui est pris d'une panique.
- Mon anniversaire n'est pas encore passée, tu sais ? tente-je pour briser cette tension qui n'a l'air de toucher que moi.
Il se contente de sourire sans me répondre. L'ascenseur s'ouvre et nous sortons cote à cote. Plus nous nous approchons du but plus mon cœur s'agite. Ma respiration s'accélère envoyant les sombres couloirs qui s'offrent à nous, c'est loin d'être le plus bel endroit du palais. Tout semble vieux et mal-entretenu. Un ancien château pas rénové. Toute fois ce lieu doit être important vu le nombre surprenant de soldats qui s'y trouvent. Chaque mètre est sécurisé, tout comme les multiples salles fermées par un gigantesque cadenas. Est-ce la trésorerie de Norta ? Les archives du Royaume ? Les expériences secrètes de Maven ? Tout est possible ici, et rien ne me choque.
Maven s'arrêtent devant un long et sombre couloir. Il murmure quelques mots à l'un des soldats qui me prend le bras pour m'embarquer avec lui.
- Certains chiens sont plus difficiles à dresser que d'autres, je pense que tu sauras mieux les gérer que moi, dit le Roi en me laissant aux mains du soldats.
Nous sommes dans un couloir de cellules. C'est une prison, et en regardant de plus près les prisonniers j'aperçois la couleur de leur sang. Ils sont tous Rouges, tous de mon peuple. Pendant que je me promène dans les couloirs du palais, le Roi collectionne les trophées Rouges pour son plaisir personnel. Chacun de leurs regards me brisent, ils me supplient et agonisent en tentant d'oublier la douleur de leurs plaies. Moi aussi j'étais à leur place, mais mon but était de les sauver, pas de les faire connaître la prison à leur tour.
- Sale traître ! s'écrit l'un d'eux.
Comme un chef de troupeau qui donne le départ, tous les autres prisonniers répètent son insulte en se rapprochant des barreaux. Ils tendent leurs bras pour tenter de m'attraper, leurs regards suppliant se transforment en haine et je ne vois plus que des monstres enragés. Les insultes volent au-dessus de ma tête comme un cauchemars, je suis perdue au milieu de leur colère que je ne comprends pas. Les soldats me poussent à avancer alors que je tente de m'expliquer avec les prisonniers mais rien à faire ils me crachent à la figure. Je repousse le soldat et attrape l'un des Rouges par son col à travers les barreaux de sa cellule.
- Qu'est-ce-qui vous prend ? lui crie-je.
Les soldats me tirent pour me défaire du prisonnier mais ma poigne est verrouillée, je ne lâcherai pas cet homme avant d'avoir une réponse.
- Répond !
Son visage semble sans vie, son corps se ramolli sous mes mains et ressemble presque à un cadavre. Il ne répond rien, il ne peut rien répondre, sa bouche ne lui répond plus. Il y a quelque chose de pas normal. Je le lâche, sentant mon cœur s'emballer j'ai peur de lui faire d'avantage de mal. Ils peuvent crier autant qu'ils veulent, je fais mine de ne plus rien entendre et rejoins les soldats qui continuent de me tirer par le bras. Je veux sortir d'ici, c'est un enfer. Je ne supporterai plus leur voix longtemps.
- Ne te fais pas avoir !
C'est une voix féminine au loin qui m'interpelle. La dernière cellule au fond, des soldats sont postés devant comme si elle avait plus d'importance que les autres. L'atmosphère sombre m'empêche de voir qui se trouve derrière ces barreaux mais je réussi à distinguer ses mots, son ton et son courage, je l'a reconnais.
- Farley ! m'écrie-je aussi en courant dans sa direction avant d'être violemment arrêter par les soldats qui me soulèvent du sol et se dirigent vers la sortie.
Je me débats et hurle de toutes mes forces mais ma force physique est loin de les égaler. Je ne m'arrête pas pour autant et continue de me débattre, mon amie est ici, Diana Farley la dirigeante de la Garde Écarlate. Avant d'être sortie du couloir j'aperçois un soldats frapper contre la cellule de mon amie et lui hurler dessus.
- Maven ! crie-je à nouveau.
C'est au Roi de s'expliquer. Je me débattrai jusqu'à voir mon amie sortir de ce trou. Qui sait depuis combien de temps elle est ici, peut-être depuis des jours, en espérant qu'ils ne la torturent pas comme je l'ai vécu.
J'hurle son prénom à travers les couloirs résonnant, son prénom de jeune garçon qui cache bien son esprit pervers et vengeur. Il ne s'arrêtera jamais de faire du mal, à moi et aux autres, il a cette cruauté en lui, celle de sa mère et rien ni personne ne pourra lui enlever.
Les soldats me secouent pour me faire taire mais ça ne suffit pas, je hurle de rage et tente de sortir de leur emprise malgré leur force démesurée. Je dois me battre, je suis ici pour me battre, je ne peux plus attendre.
Les prisonniers s'accumulent alors que je pensais que nous gagnions la guerre mais je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe en dehors de ses murs dorés, je suis enfermée comme un démon qui fuit la lumière du soleil. A cause de ça je perds l'avance que j'avais pris en allant à la Région des Lacs.
Le soldats devant la cellule de Farley continue d'y donner des coups tout en prenant un bâton pour en donner également à mon ami à travers les barreaux. Je ne peux pas l'entendre gémir d'où je suis mais regarder suffi à me faire tomber dans le gouffre qui se creuse depuis le premier jour où j'ai mis les pieds ici. Mon cœur s'emballe comme un moteur prêt à exploser, il me manque l'essence, mon don pour mettre cet endroit en cendre et sauver mon amie. Pourtant, malgré mes menottes, je sens un frisson parcourir mon corps et rejoindre le bout de mes doigts. Si longtemps que je n'avais plus senti une telle sensation, celle de monter en puissance et de réaliser la force qui m'habite.
En regardant mes mains je décide de prononcer une toute dernière fois son prénom, c'est la dernière fois que je le supplierai.
La prochaine fois c'est toi qui suppliera mon nom.
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