11. Kara

Ma tête brûle et me réveille brutalement. Je grince des dents en frottant mes mains contre mes yeux. Que m'est-il encore arrivé pour souffrir autant ? La torture ne se termine donc jamais ?

J'ouvre les yeux et me vois assise sur le béton asymétrique d'une poussiéreuse ruelle. Un chat amaigri me regarde depuis son trône de poubelle. Mais où suis-je ? Je me lève rapidement mais difficilement et tourne sur moi-même. Je me trouve au milieu d'une ville, seule, sous la pluie et sans aucune indication. Une douleur au bras me submerge soudainement, en regardant j'aperçois une cicatrice de piqure au biceps. Ils m'ont endormis.

Je me rappelle.

Maven m'a chargé d'une mission. Il m'a endormi pour me sortir du Royaume et me voilà livrer à moi-même. Je devrais être accompagnée de deux soldats mais je n'aperçois personne qui y ressemble. Vont-ils me suivre plus discrètement que je pensais ?

J'ai froid.

Mon corps tremble sous cette pluie glaciale. Je n'ai aucune moyen de me couvrir, un pantalon trop grand et un t-shirt trop long me servent de protection. Rien de très efficace, surtout en ayant des chaussures déjà bien trempées.

En regardant mes pieds, je découvre mes mains. Mes mains libres. Je n'ai plus de menottes.

Je suis libre.

Oubliant le froid, je saute de joie et fait danser mes doigts dans les airs. Je pensais ne plus jamais retrouver cette sensation. Je suis si bien. J'aimerais arrêter tout ces conflits et simplement profiter de la vie simple. Mais la vie simple est une sorte de liberté, et pour l'avoir il faut se battre et finir cette guerre.

Je me mets en route d'une marche rapide et sûr. La première chose est de trouver où je me trouve. Je cherche alors une auberge, un hotel, un lieu accueillant du monde. Je dois trouver des habitants. J'ouvre mes oreilles et suis les voix que je perçois au loin. Avec de la chance, je découvre une petite brasserie avec une dizaines de personnes. Aucun ne souri, leur visage ont l'air de fondre et leurs yeux de s'effacer. Ils me font penser à mon ancien village, c'est une expression connue chez nous, les Rouges, nous n'éprouvons plus rien car nos réserves de larmes se sont vidées depuis l'enfance. Mes parents étaient inquiets sans cesse, et ce stresse découlait sur moi. Dès petits, nous savions que nous étions en danger à cause de notre sang. Aucun Rouge n'est épargné.

Je m'approche doucement sans croire leur regard et entre dans l'établissement. Heureusement, personne me prête attention outre la dame du bar.

- Qu'est ce que je te sers, gamine ?

- Je cherche simplement une carte, pour me repérer.

Elle arque un sourcil. Évidemment que c'est une étrange question, mais j'ai besoin d'avancer la mission pour rentrer chez moi. Je n'ai pas de temps à perdre ici.

- Voilà pour toi, on se trouve là au cas où, dit-elle en me lançant la carte sur le comptoir.

Je la saisi et fixe l'endroit qui se trouve être la fameuse brasserie. Stupéfaite, j'exclame un léger cri presque imperceptible mais qui en valait la peine. Je me trouve à seulement quelques kilomètres de la mer d'Armago, la frontière entre Norta et la Région des Lacs. Je dois suivre les rails du chemins de fer jusqu'au port et y trouver un bateau qui m'y conduira. Je ne perds pas une minute et sort de la brasserie. La mission commence maintenant. Je me donne une semaine pour terminée et avoir le temps de revenir. Qui sait ce que Maven mijote durant mon absence. Je ne pourrai jamais lui faire confiance, il est bien trop instable. Sa mission elle-même n'est pas clair. Il me libère alors que je ne rêve que de sa mort depuis des années. Quel fou agirait ains ? Le problème c'est que Maven n'a rien d'un fou. Il est parfaitement conscient et fait attention à tous les détails. Cette mission joue en sa faveur mais par quel moyen ? Mon cerveau n'est pas aussi malsain que le sien pour le comprendre. Je me contente donc de marcher, plus vite je rentre, plus vite je serais rassurée.

- Départ dans dix minutes ! s'écrit une voix derrière l'immense vague de pluie.

J'approche des rails. D'après les cris, je dois me trouver près d'une gare également. J'inspire un bon coup et accélère le pas jusqu'à trottiner. Je n'ai aucune idée des horaires des trains ici, je crois même qu'il n'y a jamais eu d'horaire. Mais je n'irai pas assez vite à pied, quitte à attendre le train des heures ça sera toujours plus rapide que d'utiliser mes faibles jambes. Si je peux prendre le train jusqu'au port, je gagnerai énormément de temps.

Je m'attendais à découvrir un bâtiment où du moins ce qui devrais être une gare. Mais rien. Les rails sont bien là. Un train de quatre wagons y est posé dessus. La fumée noire qu'il crache est si grande qu'elle noirci l'entièreté du ciel. Il n'y a aucune indication. Le train est à l'arrêt mais comment peut-on savoir que c'est ici l'arrêt ? Il n'y à rien. Une trentaine de civiles font la queue pour monter impatiemment. Certains se bousculent, d'autres s'énervent. Un homme lambda sort du lot et donne des ordres à chacun. Est-ce un contrôleur ? Il n'y ressemble pas mais à ce stade je ne suis pas surprise. Je m'approche donc et me place en fin de file.

- Sortez vos pièces ! Les places sont minimes, les plus riches pourront y entrer ! s'exclame à nouveau le soit-disant contrôleur.

Je m'offusque. J'ai vécu bien trop longtemps auprès des Argents, j'avais oublié la dur vie de mon propre peuple. Tout se gagne par la fortune. Les plus riches ont plus d'accès que les autres. C'est un monde cruel que je n'avais pas regretté.

Instinctivement je tapote mes poches de pantalon en sachant déjà ma triste fortune. Je ne possède rien, je n'ai jamais eu la moindre richesse de toute manière. Je travaillais jour et nuit pour mes parents, pour leur permettre le mérite de notre cabanon qui s'appelait « maison ». Et puis pour nourrir nos fines bouches. Nous travaillions tous comme des esclaves pour subvenir à nos besoins mais sans espoir de gagner plus. Si l'un de nous tombait malade, nous pouvions tout perdre. Je me souviens de ma sœur qui c'était fait une entorse en courant sur les routes bosseuses du village. Mes parents avaient du travailler deux fois plus pour la laisser se reposer. Aujourd'hui ma sœur est morte à cause des Argents malgré tout le travail qu'elle a enduré pour eux. Quoi que l'on fasse il ne nous respecteront jamais. Ce souvenir me crispe le visage et me trouble la vue. Si j'avais découvert mes pouvoirs plutôt, j'aurais pu la sauver. Alors aujourd'hui, et jusqu'à ma mort, je ne m'arrêterai pas de me battre contre ces maudits Argents. Leur sang métallique coulera à flot dans toutes les villes tandis que je marcherai dedans comme ils ont marché sur le sang de ma sœur.

Sous les cris du contrôleur, je sursaute et sors de mes tristes pensées. Je touche à nouveau mes poches vides. En attendant, je n'ai toujours pas la moindre pièce. Même pas un bijou que j'aurais pu voler à une princesse. Mais j'ai une mission, et j'ai besoin de ce train.

Je sors de la file et fais le tour du train pour accéder à une autre porte. D'un mouvement de doigt je casse la serrure et y entre. Je tombe nez à nez avec un homme qui me toise.

- Voleuse ! Il y a...

Coupée dans sa phrase, je le projette à l'extérieur du train et referme la porte. C'est la place que je cherchais. Un homme en moins, une fille en plus. Il ne doit pas être bien blessé en tombant, je l'espère. Je balaye cette pensée en secouant ma tête comme un chat le ferait pour s'essorer. En me donnant sa place il me permet d'avancer dans ma mission et de me rapprocher de ma victoire. Grâce à lui les Rouges seront bientôt sauvé, ce n'est finalement pas si tragique de l'avoir bousculé par-dessus bord.

- Le train est au complet ! Nous allons démarrer, installez-vous chères voyageurs, prévient le contrôleur en montant à bord.

En m'asseyant, je colle mon front à la vitre de soulagement. Mais mon cœur se sert à la vue des nombreux civiles encore à l'extérieur et n'ayant pas pu monter. La peur se lit dans le visage de chacun d'eux. Ils s'énervent, se sert les uns contre les autres mais surtout ils laissent à contre-cœur le train partir sans eux. Avec un peu de menace, j'aurais pu obliger le contrôleur à les faire monter. Mais le temps presse, je n'avais pas envie de me faire aussitôt remarqué. Je me rassure en imaginant ma victoire au Royaume de la Région des Lacs. Ça sera un premier grand pas vers la destruction de la monarchie Argent. Les Rouges seront bientôt sauver. Du moins, je ferai tout pour. 

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