Chapitre 6

Il est minuit. Un peu plus tôt, Alice m'a accompagnée au dortoir. Je dors dans sa chambre avec quatre autres filles, qui elles s'occupent de tous ce qui a attrait au ménage.

Couchée dans ce lit inconnu, je suis incapable de m'endormir. Je sanglote, la bouche pressée contre les draps pour ne pas réveiller les autres. Il ne manquerait plus que je sois catégorisée comme le bébé qui a encore besoin de sa maman pour s'endormir. Mais c'est la première fois que je suis séparée de ma famille et la possibilité de ne plus jamais les revoir me provoque une douleur au coeur que j'ai de plus en plus de mal à ignorer. A l'idée de rester coincée pour toujours ici, je suis prise de panique, ma respiration s'accélère et mon souffle se raréfie. En entendant les ronflements de mes colocataires, je comprend que j'ai intérêt à me lever rapidement si je veux avoir une chance de fuir cet endroit. 

Sans attendre davantage, je sors de mon lit le plus discrètement possible, attrape sur la chaise  mes habits pliés et mes bottines, enfile le tout en quatrième vitesse et sors sans demander mon reste. Une fois dans le couloir, je me dévisse le cou pour vérifier que personne n'arrive. Quand il est clair que je suis seule, je m'élance à toute vitesse. Je n'ai aucun mal à retrouver le chemin, j'ai fait attention à le mémoriser au préalable.

Je traverse la salle à manger, la cuisine à présent déserte et lorsque j'aperçois enfin la porte qui mène aux jardins, je sens des larmes de soulagement perlées le long de mes joues. Ni une ni deux, je l'ouvre et lorsque l'air frais de la nuit me fouette le visage, je soupire de soulagement.

je ne pense pas au fait que j'ai seulement réussi à gagner les jardins et non pas à traverser l'immense forêt. Je ne pense pas non plus au fait que le domaine est probablement gardé jour et nuit par des sentinelles et que je n'ai toujours pas retrouvé mon frère. Je suis trop naïve, je me vois déjà de retour au village.

- Hey Lou ! Chuchote soudain une voix.

De peur, je hurle et me retourne brusquement vers l'origine du son. Mais avant que je n'ai pu voir de qui il s'agit, une main se plaque sur ma bouche pour m'empêcher de réveiller tout le château.

- T'es pas bien ?!

- Et toi ?! Tu m'as fait la peur de ma vie ! 

- Je risque la mienne ce soir alors je me suis dit que j'avais le droit, me dit Gale en gloussant.

- Ce n'est pas drôle...

- Râle pas. Je m'excuse, ça te va ?

J'acquiesce. A présent, tout mes espoirs de fuite tombent à l'eau. Je ne connais pas encore bien ce garçon mais quelque chose me dit qu'il sera loyal envers le camp qui assurera le mieux sa survie, et ce n'est certainement pas le mien. Si je me met à courir, il me rattrapera, si je lui explique, il me dénoncera. Je dois me faire une raison, ce n'est que partie remise.

- On peut aller voir les voir ces chevaux ? Lui demandais-je en masquant du mieux que je peux ma déception.

- Ouais, allons-y, soupire-t-il.

Il me guide à travers les arbres et nous arrivons bientôt devant une belle et grande écurie. Mais pas de chevaux.

- Voilà, t'as vu maintenant on peut s'en aller ? 

- Tu n'es pas sérieux ?! Je veux les voir de près !

- Ce n'est pas ce qu'on avait convenu morveuse, me dit-il en levant son index. Tu nas pas l'air de comprendre que ce ne sont pas les gentils poneys que t'avais l'habitude de voir chez toi. Tu sais ce qu'on donne à manger à ces bêtes ici ? De la chaire humaine. Quand nous autres domestiques devenons trop vieux ou qu'on ne sert plus rien, ils nous donnent à bouffer à leurs bêtes. Tu veux vraiment devenir de la nourriture pour cheval parce que si tu t'approches trop, je te jure que c'est ce qu'il t'arrivera...

Des cheveux qui mangent de la chaire humaine, et puis quoi encore ? Si il essaie de me faire peur, c'est raté.

- Tu sais ce que je pense ? C'est que tu n'es en vérité qu'un froussard.

- N'importe quoi, ça n'a rien à voir ! s'énerve-t'-il, vexé.

- Prouve le alors, viens avec moi !

- Non, je ne suis pas un froussard. Je ne veux juste pas mourir.

- Froussard ! Froussard ! Froussard ! Chantonnais-je en m'éloignant.

- Non Lou ! Reviens, l'entends-je chuchoter mais je décide de l'ignorer.

Cet idiot inventerait n'importe quoi pour que je ne m'approche pas de ses chevaux, mais je ne me laisserai pas intimider. 
Pourtant, lorsque j'arrive devant l'entrée, je me met à hésiter. Et si Gale disait réellement la vérité en fin de compte ? Et si c'est chevaux étaient dangereux ?

Je m'approche doucement, les chevaux attendent tous bien sagement dans leurs box. Et à part leur taille impressionnante, ils n'ont rien qui semble différé des chevaux que j'ai déjà pu voir. Ni griffes tranchantes, ni dents pointues. La taille hors norme, ça doit être un trait caractéristique des animaux de cette région, me dis-je en repensant à l'énorme chien de cette après-midi. 

Je déambule entre les box, ravie et m'arrête bientôt devant un beau et grand étalon, noir comme l'ébène.

- Salut, tentais-je en approchant doucement ma main.

Aussitôt, sa mâchoire claque à quelques centimètres de mes doigts que je retire précipitamment en poussant un petit cri.

- Oh tu m'as fait peur, je ne vais pas te faire de mal, chuchotais-je comme un secret.

Je re-tente l'expérience et cette fois-ci, il rue avant d'essayer à nouveau de me mordre.
En ronchonnant, je frappe doucement du dos de ma main sur son museau, pas impressionnée pour un sous.

- Tu aimes bien parader à ce que je vois. Mais tu ne m'impressionnes pas tu sais. D'où je viens, nos chevaux ont leurs donne des cerfs et des loups entiers à manger ! Ce n'est pas parce que tes dents sont plus grands que les miennes que j'ai peur.

C'est un mensonge, je n'ai encore jamais vu de chevaux manger de la viande. Mais en croisant les yeux rouges vifs de cet animal, je commence à croire un peu plus les dires de Gale.

- Méfie-toi. C'est dangereux d'être aussi proche de lui, de cet écurie c'est le plus gros consommateur de chaire humaine.

Je tourne vivement la tête vers celui qui vient de parler et tombe sur un homme se tenant à l'entrée. Impossible pour moi de fuir, constatais-je immédiatement, il occupe tout l'espace et bloque la sortie.

- Qui...qui êtes-vous ?

- Je pourrais te poser la même question. Pourquoi n'ai-je pas senti ta présence avant ?

Je l'observe et remarque qu'à côté de lui, se trouve le chien de tout à l'heure.

- Le chien !

Il semble me reconnaître car il accourt tout de suite vers moi et une fois de plus, me renverse en me sautant dessus.

- Moi aussi je suis contente de te voir, gloussais-je sous ses coups de langues et ses aboiements festifs.

- Néan ! Ici !

L'homme crie et le chien se met à trembler en retournant auprès de son maitre, la tête basse.
Il n'a vraiment pas l'air commode, constatais-je en grimaçant. Même si d'ici, j'ai du mal à voir à quoi il ressemble, je pense qu'il fronce les sourcils. J'en conclus donc qu'il doit être dans un mauvais jour, comme cela arrive parfois à papa et Philippe. 

- Vous lui faites peur ! M'exclamais-je.

- Je te demande pardon ?

- Il a peur de vous ! Vous êtes méchant avec ce chien !

- Ce n'est pas un chien. C'est un démon. Enfin je ne suis plus sur qu'on puisse l'appeler comme cela maintenant, dit-il en ricanant.

- Un...un démon ? Murmurais-je en frottant automatiquement ma main qui vient de le caresser. 

- Oui, et toi tu es humaine alors que fais-tu ici ?

Je ne sais pas qui est cet homme ni même quelle importance il a au sein de ce domaine mais ce qui est certain, c'est qu'il n'est pas humain. Restant sur mes gardes et bien décidée à ne pas attirer d'ennuis à Gale, je lui répond simplement.

- Je travaille.

- Tu travailles ? Et je peux savoir où ?

- Aux cuisines, avec Jade.

- La vieille t'a embauchée ? Un petit microbe comme toi ?

- Je ne suis pas petite !

- Petite...

Je le vois qui bloque sur mes derniers mots et j'en profite pour essayer de m'enfuir mais il me rattrape vite et me colle contre lui pour m'empêcher de me débattre.

- Du calme, sinon je te brise la nuque. Laisse moi réfléchir.

- Lâchez moi !

- Tu es la petite que Léonard a ramené, dit-il et je ne suis pas sûr que cela sonne comme une question.

- Non ! Et ne faites pas de mal à Léonard ! Lui a été gentil avec moi !

Il ne m'écoute pas, son air est pensif, sa prise solide.

- Il m'a dit qu'il t'avait tué, il m'a aussi dit que tu l'avais suivi, pourquoi ?

- Ça ne vous regarde pas !

- Dis le moi sinon je fouille ton cerveau et tu regretteras de ne pas me l'avoir dit, déclare-t-il et dans sa bouche, cela sonne comme une promesse.

- Allez-y, vous ne trouverez rien !

Il sourit, il n'a pas l'air de quelqu'un a qui on résiste. 

- Dis le moi ou je tue le chien.

je cesse immédiatement de me débattre et murmure

-...vous ne le ferez pas.

- Tu crois ça ? Sache seulement que à l'heure où l'on parle, ton ami Léonard est escorté jusqu'aux enfers où il séjournera pendant un petit moment.

-...

Je l'observe. Maintenant assez proche de lui, je peux parfaitement le détailler. Il est beau, plus beau que Léonard, bien plus beau. Ses cheveux blonds lui donne le même côté sage que George alors que sa mâchoire carrée et son début de barbe  lui donne l'allure d'un homme sombre et dangereux. Quand je croise son regard, je frissonne, ils sont tels que Magda me les a décrit...

- Vous êtes Lucifer ?

- On vous parle de moi dans ton village ? Et toi qui es-tu et que venais-tu faire sur mon territoire ?

- Je vous ai vu enlevé un garçon de mon village , je le cherchais.

- Tu le cherchais ?

- Oui, c'est mon ami.

- Et comment t'appelles-tu ?

-...Lou...

- Tu mens.

- Non, je m'appelle Lou !

Il sourit.

- Et bien Lou, il insiste pour me prouver qu'il n'est pas dupe, que faisais-tu hors de ton dortoir à une heure pareil, la nuit est remplie de dangers, surtout ici. On ne t'a pas appris cela chez toi ?

- Je...je voulais voir vos chevaux.

- Ils n'ont rien d'extraordinaire si ce n'est qu'ils pourraient te manger en une seule bouchée.

- Ils sont grands, beaucoup lus que chez moi et ils sont plus beaux aussi, admis-je.

- Bien évidemment, il ne manquerait plus qu'ils soient aussi moches que ceux des humains !

- Vous êtes arrogant ! M'exclamais-je en utilisant ce mot dont j'ignorais tout de la signification mais que j'avais souvent entendu de la bouche de ma mère dans pareilles situations. Vous parlez de mon village comme si ses habitants vous étaient inférieures !

- Tu es une petite très perspicace, c'est un caractère assez rare chez ton espèce.

- Vous recommencez !

- Je ne fais qu'énoncer une vérité, nous sommes des créatures célestes et toi, tu es...humaine alors tu as intérêt à changer de ton si tu ne veux pas finir en pâtée pour cheval.

- Je vous déteste !

- Du calme, tu me fatigues. Retourne dans ta chambre sinon tu vas le regretter.

Je comprends à son air qu'il est très sérieux, je n'ai pas intérêt à plus m'attarder. Il me lâche enfin et je pars en courant sans jamais me retourner. J'arrive cinq minutes plus tard dans mon couloir, toute essoufflée.

J'ouvre la porte, la chambre est plongée dans le noir et les seuls bruits qu'on entend sont les ronflements des filles. Doucement, je m'approche de mon lit quand la voix d'Alice m'arrête.

- Par les enfers, où étais-tu ?!

- Je...je me promenais.

- Dehors ?! À cette heure ?! Tu es complètement inconsciente ! Tu aurais pu tomber sur le maitre...

- Je ne savais pas...mais heureusement, je ne l'ai pas croisé.

- Et bien tu as eu de la chance. Sinon crois-moi, tu ne serais plus de ce monde à l'heure qu'il est, dit-elle en se recouchant.

En m'allongeant cette nuit là , je ne peux m'empêcher de me demander, aurait-il eu pitié ?
C'est impossible, d'après ce que j'ai compris, le maitre n'éprouve pas de pitié.

Il est mauvais.

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