Chapitre 2

- Mais que veut-il faire de George ?

- Je ne sais pas ma petite. Mais les personnes qu'il emmène dans son château ne reviennent jamais.

À l'idée que cet être cruel ai enlevé George et soit en ce moment en train de lui infliger les pires tortures, ma vision se brouille de larmes et je sers les jupons de Magda un peu plus fort entre mes doigts tremblants.

- Mais papa et Philippe vont le retrouver. Ils sont forts et intelligents !

- Ton père ne pourra malheureusement rien contre le seigneur des enfers. Aussi intolérable que soit cette idée, il doit accepter le fait que George est sans doute perdu... et toi aussi.

- Non ! George n'est pas perdu ! Moi, je saurais le retrouver, m'écriais-je en me détachant brusquement de son étreinte.

- Et comment compterais-tu t'y prendre du haut de ton 1m20 ? Me demande-t-elle faussement curieuse.

- Je...je trouverai Lucifer et je vais le tuer ! Je te le promet !

Alors que je m'attend à ce qu'elle félicite ma bravoure, elle se rembrunit d'un seul coup et la mine angoissée me dit sévèrement

- Ne fais pas l'imbécile. On ne saurait le tuer, et sûrement pas une petite fille telle que toi !

- Moi je pourrais le tuer !

- Cesse de dire pareilles sottises !

- Mais....

- Pas de mais ! Je serai dans la chambre d'à côté si tu as besoin de moi mais interdiction de sortir, tu dors !

- Magda !

- Ça suffit Louise ! Mes histoires n'ont pas pour but de te faire courir à ta perte. Si tu continues avec ses bêtises, je ne t'en raconterai plus !

Et sur ces derniers mots, elle sort en refermant aussi brusquement qu'elle peut la porte.
Je n'aime pas quand elle me crie dessus. Mais j'aime encore moins écouter.
Dès qu'elle est sortie, je me rue dans ma commode et attrape sous ma pile de jupes un petit couteau que j'avais volé à la forgerie. Je le fais tourner entre mes doigts en analysant la fine lame brillante. Je n'aime pas les armes. Maman dit que je suis une petite fille froussarde, capricieuse et précieuse. Jusqu'à aujourd'hui, je ne l'avais jamais contredite.
Mais je vais leur prouver à tous qu'ils se trompent, que je suis la plus brave de toutes.

- Je vais te retrouver George, je te le jure.

J'attend d'entendre les ronflements de Magda dans la chambre d'à côté et sors le plus discrètement possible par la fenêtre qui donne sur les bois. Mais en l'enjambant, je m'érafle le genoux sur un clou et commence à saigner. Sous la douleur, je piaille et tente tant bien que mal de retenir les larmes qui menacent de couler en reniflant.

Courage Louise, n'oublie pas ce qu'a dit maman ! Tu n'es pas un bébé !

Une fois dehors, je cours vers les bois sans un regard en arrière, je trottine aussi vite que me le permettent mes jambes entre les arbres que je reconnais malgré l'obscurité. Depuis aussi loin que je me souvienne, je viens ici quand les autres suivent leurs cours de défense. La forêt est interdite aux enfants mais je ne m'en suis jamais souciée, ce qui m'a valu de nombreuses corrections. Quand je rentrais enfin à la maison, je me faisais toujours gronder par ma mère et quand c'était mon père ou Philippe qui me retrouvait en premier, j'avais droit à une gifle.

Pas assez concentrée, je trébuche sur une racine et m'écroule par terre, ma tête cogne violemment contre le sol et je sens bientôt un liquide poisseux tremper mes cheveux. Cette fois, je n'arrive pas à retenir les larmes et commence à pleurer en appelant George.
Mais personne ne vient et je me traite d'idiote mentalement pour avoir si peu de courage. Je suis seule et si je veux retrouver George, il faut que je me remette debout et que je continue d'avancer. J'appuie sur mes  mains écorchées et me redresse, ma tête tourne mais je n'y prête pas attention, le plus important étant mon frère.

Je me remet à courir en trébuchant. Chaque bruit de branche qui casse, de feuille qui tombe me fait sursauter. Je suis tellement nerveuse que je n'entends pas l'homme arriver derrière moi, sans doute mon cœur bat-il trop fort.
Mais je me sens soudain soulevée du sol et envoyée valser contre un arbre, mon dos craque sous le choc et je laisse échapper un hoquet de douleur.

- Qu'est-ce qu'on a là ? Murmure une voix inconnue.

Je suis tétanisée de peur. Le plus vite possible, je commence à ramper pour m'enfuir mais une grande main m'attrape par le cou et me ré-envoie valser contre l'arbre, plus doucement cette fois.
J'ouvre difficilement les yeux et découvre alors à quelques centimètres de mon visage celui d'un homme. Il est plus beau que tous les hommes du village, des cheveux noirs avec des yeux de serpent qui brillent dans la nuit. Comme un joli monstre... Pendant un instant, je reste hypnotisée par cette beauté inhumaine.

- Qui...qui êtes-vous, chuchotais-je.

- Tu me vexes ! S'esclaffe-t-il, Léonard, démon. Et moi, à qui ai-je l'honneur ? Demande-t-il en souriant.

Je ne répond pas, je tremble trop et n'arrive même plus à réfléchir correctement. Ce n'est pas du tout comme ça que ça devait se passer, où est mon frère...

- Arrête de trembler sinon je te mangerai encore plus vite. Réponds-moi plutôt.

- Lou...Louise.

J'ai parlé sans réfléchir, ses yeux toujours plongés dans les miens m'empêche de penser de manière logique.

- Louise, c'est un vrai nom d'humaine ça, je déteste.

Il m'attrape alors à la gorge et me soulève à hauteur de son visage. Sous sa prise, n'arrive plus à respirer correctement et même si j'en étais capable, je doute de savoir encore comment faire. Je suis tétanisée de peur et sens soudain un fin filet couler le long de ma cuisse. Comprenant de quoi il s'agit,  j'écarquille les yeux. Devant mon brusque désarroi, il fronce les sourcils et son regard se baisse alors sur le bas de ma robe de chambre à présent trempée.

- Par les Enfers ! Espèce de parasite incontinent ! S'écrie-t-il en me relâchant brusquement, la mine dégoûtée.

Il s'écarte et je peux enfin reprendre ma respiration, d'une main tremblante, j'écarte les mèches qui se sont échappées de mon chignon, le visage à présent rouge de gêne.
Du coin de l'œil je l'observe, pour un démon il n'est pas du tout comme je me l'imaginais, je le voyais plutôt avec des dents pointues, des griffes et des yeux immenses mais j'ai en face de moi un homme qui pourrait presque passer pour un humain si il n'avait pas ces yeux de serpent et cet air bien trop méchant.

- Que regardes-tu ?

- R...rien, m'empressais-je de répondre sans pour autant détourner les yeux.

- Tu t'attendais à un horrible monstre n'est-ce pas ? Comme ceux qui se trouvent dans les livres que tu lis.

- ...

- Dis-moi petite, pourquoi te trouves-tu dans les bois en pleine nuit ? Cela ne t'est-il pas formellement interdit ?

- Je voulais retrouver quelqu'un, dis-je timidement en soutenant son regard.

- Le garçon n'est-ce pas ? Tu te crois courageuse mais tu es stupide petite humaine. J'hésitais entre te garder en vie encore quelques jours et te manger mais mon choix est fait.

- Rendez moi George ! M'écriais-je soudain sans pouvoir me retenir.

Aussitôt, le démon se retourne vers moi et me sourit. Toutes ses grandes dents blanches et parfaitement alignées me font frissonner de peur et sans pouvoir m'en empêcher, je recule.

- George ? Tu veux dire le maigrichon que j'étais en train de manger quand tu m'as interrompu ?

- Vous...vous avez mangé George ? Demandais-je d'une petite voix sans vouloir y croire.

- Non, mais j'ai mangé un dénommé Arnold. Il n'arrêtait pas de gesticuler en pleurant, il m'a fatigué.

- George est en vie ? Soufflais-je soulagée...quoique...

- Oui, je viens de te le dire.

- Tuez moi et relâchez George !

Il éclate de rire et me dit

- Tu es tellement désireuse de mourir ? Allons, rien ne presse, nous avons le temps.

- À quoi vous jouez ?! M'écriais-je sans comprendre où il veut en venir.

-Tu es si stupide. Tu parles comme si tu avais le choix mais tu ne l'as pas, je ne relâcherai pas ton frère et je te tuerai si cela est mon plaisir.

- Relâchez George, je vous en prie !

- Des supplications à présent ? Sinon quoi, que comptes-tu faire, me tuer avec l'arme que tu cache sous ton chandail ? Tu n'as pas encore compris que c'est moi qui décide ?

- Tuez moi et laissez George s'en aller alors !

- Que tu es fatigante à toujours répéter la même chose. Mais il est donc ton frère, je ne m'étais pas trompé.

- Oui, George est mon frère et quoi que vous comptiez lui faire, sachez qu'il est malade et que si il n'a pas son traitement, il ne survivra pas. Vous aurez donc fait tout ça pour rien !

- C'est don pour cela qu'il puait la vielle charogne, marmonne-t-il entre ses dents mais malgré tout, je l'entend.

Je suis tendue, il semble réfléchir et durant un court instant, je m'imagine qu'il va nous laisser repartir George et moi, vivants.

- Et que proposes-tu ? Me questionne-t-il ensuite.

- Prenez moi à sa place et rendez le à notre famille.

- Intéressant, je devrais donc faire preuve de bonté, dit-il en faisant mine de réfléchir.

- S'il vous plaît, laissez le partir, murmurais-je en sanglotant à bout de nerfs.

- Quel âge as-tu ?

- Dix...dix ans.

- Tu es bien idiote de t'être aventurée seule ici petite. Bon bien sûr je ne peux pas te blâmer, tous ceux de ton espèce le sont aussi, mais sache que je n'ai pas l'intention de tuer ton frère. Le maitre en a besoin , donc il restera en vie.

- En vie, répétais-je bêtement sans trop oser y croire.

Il grogne

- En vie, oui.

- Vous ne laisserez pas partir George, c'est ça.

- Ni lui ni toi. As-tu compris maintenant ? Tu n'aurais jamais du sortir ce soir petite.

Je ne répond pas, trop occupée à me demander si en effet, je n'ai pas fait une affreuse bêtise.

- Viens, mon campement est un peu plus loin et tu as de la chance, je voyage seul, il y a de la place.

- Vous ne me tuez pas ?

- Pas maintenant. On a le temps je t'ai dit. Cette nuit, je te laisse vivre mais ne cherche même pas à t'échapper parce que sinon, ce sera George et puis ta famille que je boufferai, tu as compris petite ?

Je ne répond pas, ma tête saigne et tourne, tout tourne. Je m'écroule par terre, inconsciente.

Avant de sombrer complètement, j'ai le temps de me sentir soulevée du sol par deux bras puissants et chauds et j'ai beau être au pire endroit, je me sentirais presque en sécurité.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top