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Felix était assis sur le banc face à la mer, le regard perdu. Il était sûrement perdu dans ses pensées, ou alors il était cassé.
- À quoi tu penses ? je lui demandai en m'asseyant plus confortablement sur le banc.
- À toi.
- Ah ouais carrément, je pouffai en baissant la tête.
Il s'était tourné pour me regarder puis il avait secoué la main en rigolant, très gêné. Il avait bafoué quelques mots avant de prendre un peu son souffle pour reprendre.
- Je voulais dire, je me demandais pourquoi tu es ici.
- Et toi ?
- Je te l'ai déjà dit.
- C'était très vague quand même.
- Ça ne se passait pas bien en Australie donc je suis venu. Je ne peux pas être plus clair.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Beaucoup de choses, il pouffa doucement. Je suis content d'être parti.
- Tu es content ici ?
- Oui. Ma grand-mère est très gentille malgré tout et je m'entends très bien avec tes parents. Surtout ton papa, depuis qu'on lui offre des confitures on est très ami.
J'avais levé un sourcil, la raison de cette amitié était plutôt amusante à dire vrai mais quand même, de quoi avait l'air mon père ? Se réjouir autant face à des pots de confitures était un peu étrange.
- Tes parents ne te manquent pas ? je demandai doucement, j'ignorais si c'était bien de poser ce genre de question mais tant pis.
Felix n'avait pas ouvert la bouche durant quelques secondes puis il avait haussé les épaules en faisant une petite moue résignée.
- Pas du tout. Je me sens mal parce qu'ils ne me manquent absolument pas. Je crois que je n'ai jamais été aussi bien depuis que je suis à des milliers de kilomètres d'eux.
Il avait ricané et j'en avais fait de même. J'avais passé tellement de temps loin de mes parents, ils m'avaient tellement manqué que je trouvais ça étrange d'avoir l'exacte opposé face à moi. J'imagine que ses parents étaient des gens stricts et même carrément relous. J'admettais que les parents comme ça m'énervaient spécialement, même s'ils pensaient bien faire, ça ne faisait qu'enfermer leur enfant sur eux-mêmes ou bien ils en faisaient d'horribles personnes tout comme eux.
- Et toi alors ? reprit Felix.
- Moi ?
- Pourquoi tu es revenu ?
- J'ai arrêté mes études.
- Pourquoi ?
J'haussais les épaules. Que répondre. Parce que je vais mourir ? Un peu trop direct. Puis je venais de l'annoncer à ma soeur, je ne voulais pas réconforter deux personnes dans la même journée, c'était un peu trop. Je n'avais pas l'habitude et j'étais nul à ça, vraiment.
- Alors ? continua mon ami.
- Je crois que j'en ai assez d'être un hamster.
Felix leva son sourcil tandis qu'il s'était mis à ricaner sans comprendre ce que je voulais dire.
- Un hamster ?
- Ouais.. Je soupirais en regardant la mer. J'en ai assez de faire du sur-place, de travailler d'arrache-pied, de mettre toute mon énergie, dans rien au final. Toute ma vie j'ai tourné dans ma roue pour quoi ? Pour finir six pieds sous terre, comme tout le monde. J'en avais assez de perde mon temps et énergie dans ce qui ne compte pas.
Felix était redevenu bien silencieux. Il me regardait sans cligner des yeux, c'était un peu gênant. Après une bonne minute de calme, il avait légèrement toussé.
- Qu'est-ce qui compte pour toi alors ?
- Ma famille. Et puis j'ai envie de découvrir des trucs.
- Quels genre de trucs.
- J'en sais rien. Boire jusqu'à en finir ivre mort. Embrasser, ou même coucher avec quelqu'un. Conduire toute la nuit pour atterrir n'importe où le matin suivant. M'habiller comme je veux, dire ce que je veux, être avec qui je veux. Je veux hurler et danser partout.
Il cligna des yeux plusieurs fois.
- Tu n'as jamais embrassé quelqu'un ?
- Rien de sérieux en tout cas.
- Wow. J'aurai jamais pensé que t'étais puceau.
- Et pourtant, je suis encore plus vierge qu'une huile d'olive.
Felix rigola un peu.
- Comment ça se fait ? Je veux dire, t'es super beau et sympa. Il en faut pas plus pour avoir quelqu'un dans son lit.
- J'étais tellement accaparé par mes études que je n'ai jamais eu le temps de sortir. J'étais tellement un rat de bibliothèque que je savais même plus comment bien me comporter face à pleins de jeunes.
- Je vois...
- J'imagine que toi t'as eu pleins de coups.
- Moi ? il leva un sourcil. Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que, t'es trop wow, et vraiment mignon, en plus t'es super gentil et marrant.
- Non je l'ai jamais fait. Et j'ai jamais été bourré non plus. Et j'ai jamais crié face au vide ou dansé. Je crois qu'on est au même stade.
En le regardant dans les yeux, j'ai compris qu'on était deux jeunes puceaux pleins de problèmes. Ça m'a rassuré de savoir qu'il en connaissait pas plus que moi sur la vie. C'était même super cool, au moins si je meurs demain je saurais que je ne suis pas le seul.
Felix avait pouffé en me voyant réfléchir, sourcils froncés tout en souriant, puis il avait tapé mon dos pour me réveiller.
- C'est quoi cette tête ?
- Rien, je réfléchissais.
- À quoi ?
- T'es libre demain ?
Étonné, il ne s'était pas gêné pour me dévisager. Visiblement il ne comprenait rien.
- Tu veux faire quoi ? il demanda avant de soupirer.
- Aucune idée mais on trouvera bien !
Il n'avait pas l'air très convaincu, mais quand je lui avais tendu la main il n'avait pas hésité à taper dedans pour accepter. Ça m'avait fait plaisir. Pour la première fois depuis des jours, c'est comme ci la douleur avait été mis en second plan pour laisser Felix sous la lumière. J'aimais bien Felix.
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