- Je sors, je lançai à mon papa qui débarrassait le reste sur la table à manger.

Celui-ci releva la tête, un peu perplexe avant de me dire de bien m'amuser mais de ne pas rentrer ivre mort. Si je rentrais vivant ça serait déjà bien, je m'étais dit dans ma tête avant de sortir de la maison. Un lourd soupire de soulagement traversa mes lèvres, je me sentais plutôt bien, les poumons pas très frais mais l'air l'était alors ça suffisait.

À vrai dire, j'ignorais où aller. Je me dirigeai vers la plage, les pieds nus frottant le sable avec mes claquettes à la main. J'avais un sacré swag, sapé en jogging t-shirt claquette.

Je marchai doucement jusqu'au bar de la plage, j'y commandai un cocktail sans alcool. J'étais assez fatigué comme ça. Je le bu doucement, plutôt concentré sur les gens autours. Il y avait du monde, la musique forte et il faisait chaud bien que ce soit un bar ouvert. Je n'aimais pas ça, je voulais profiter de mes derniers mois de vie mais je ne prenais aucun plaisir à être là, debout avec un verre à moitié rempli d'une boisson avec l'autre moitié remplie de glaçons énormes qui gâchaient tout le goût. En plus ça me coûta une couille ce truc.

Je repartis aussi vite que j'étais arrivé, j'avais besoin de respirer, de laisser mon coeur battre correctement. Je sortis en toussant fort, j'entendais certains geindre de dégoût avant de ricaner, j'avais envie de crier « CONNARD JE VAIS MOURIR ALORS TA GUEULE » mais j'allais mourir bien assez tôt, inutile de raccourcir ce temps de vie. Alors je me contentais de repartir sans un mot, la tête baissée de honte et parce que j'avais mal un peu aussi.

Marcher au bord de la mer me fit du bien. Le sable était encore un peu chaud mais les vagues rafraîchissaient mes pieds. J'étais bien, si bien que j'en profitais pour fermer doucement les yeux sans arrêter ma course.

Je marchais tranquillement, oubliant tout ce qu'il y avait autour, oubliant le clair de lune qui avait tellement de clarté qu'une lampe de poche était inutile. C'était plutôt fréquent par ici, les nuages étaient plutôt rares et-

- AH ! je criai d'un coup alors que je me rétamai lamentablement au sol.

- AÏE ! hurla une autre voix. REGARDE OÙ TU MARCHES, ABRUTI !

- EH ! je rétorquai en me redressant pour faire face à l'impoli. TU TRAITES QUI DE- on se connaît ? je fronçai les sourcils avant d'écarquiller les yeux quand cela me revint.Tout a l'heure, il avait un teeshirt à manche longue tandis que là il avait un débardeur alors ça changeait tout. Mais oui ! Yongbok !

- Felix, me corrigea-t-il dans un lourd soupire avant qu'il ne se passa la main sur sa côte sur laquelle j'avais trébuché tel un débile. Tu pouvais pas regarder où tu marches au lieu de te prendre comme le protagoniste d'un clip ? râla-t-il.

Je clignais des yeux face à lui, il était encore très beau mais son visage brillait. Non en fait, ça partait de ses joues pour atterrir vers ses oreilles, dans une ligne fine et continue.

- Toi aussi ouvre les yeux, je répliquais sans oser lever le ton de peur de le vexer et qu'il pleure à nouveau.

Je n'avais aucun don pour réconforter les connaissances alors les inconnus, c'était une catastrophe. La plupart du temps, ils pleuraient encore plus fort suite à mes mots. Alors depuis j'avais pris l'habitude de fuir.

- Laisse-moi tranquille... dit-il d'une petite voix en baissant la tête.

- D'accord. À plus ! je lui lançais tout en me redressant.

Je m'apprêtais à faire un premier pas loin de lui lorsqu'un sanglot me parvint jusqu'à l'oreille. Je soupirais doucement, tant pis pour ma première soirée de récupération d'existence de vie avant de mourir pour de bon. Je supposais qu'aider quelqu'un, et bien le faire pour la première fois, ça pourrait m'aider à gagner des places au paradis. Peu de chance mais on sait jamais.

Généreux comme je suis, je finis par m'assoir à ses côtés sans oublier de soupirer puis je le regardai pleurer à chaudes larmes, les mains sur les yeux pour que je ne le vois pas (ça ne marchait pas mais je vis des petits doigts c'était plutôt mignon. Ce garçon était très mignon tout entier.)

- Ça va pas ? je tentais avant de grimacer.

Felix pleura plus fort. Évidemment qu'il allait pas me répondre « si génial j'adore la vie » alors qu'il pleurait seul face à une mer polluée et une lune pleine de cratères. Était-elle complexée par ces cratères, comme nous avec l'acné ? Sûrement.

- Pleure pas, ça va te déshydrater et tes yeux ainsi que ta bouche vont gonfler, ça va te faire de la peine... j'essayais encore.

Ça ne marcha pas.

J'essayai la main sur l'épaule mais ce fut tellement gênant que je la retirai bien vite. Alors j'avais encore soupiré avant de rester silencieux à côté de lui, à regarder les vagues doucement mouiller le sable pour le refroidir. C'était plutôt joli, grâce à la lune je voyais bien. Y avait-il des poissons dedans ? Est-ce que eux aussi étaient-ils malades ? Devaient-ils réconforter un vieux pote à qui ils n'avaient pas parlé depuis tellement d'années qu'ils en avaient oublié jusqu'à son existence ? Que feraient-ils ? Parler ? Devrais-je réessayer ?

- Pourquoi tu pleures ?

Un faible rire traversa les fines lèvres de Felix tandis qu'il se frotta les yeux avant de me faire face. Bordel qu'il était beau.

- J'ai quelques problèmes, dit-il sans argumenter plus.

- C'est pour ça que t'es là ?

- Ouais, il renifla.

Le bruit me dégoûta mais je n'osai pas faire de grimace de dégoût. Felix regarda à nouveau la mer, cette fois ci en silence, sans pleurer. Je me surpris à le regarder, à tenter d'apprendre chacun des traits de son visage.

- Arrête ça c'est hyper gênant, dit-il soudainement.

- Ui pardon, je répondis en détournant le regard, gêné d'avoir été pris.

Un nouveau rire se fit entendre. J'aimais bien l'entendre rire, enfin quand c'était doux et calme comme maintenant, pas comme un psychopathe comme quand il était face aux confitures, là il était bizarre et faisait peur.

- Pourquoi t'es revenu Changbin ? me demanda-t-il.

- J'ai laissé tomber l'école et j'en avais marre de la ville.

- Ah ouais je comprends, Séoul est étouffante. Surtout les habitants.

- Ouais, quoi que tu fasses ils te regardent comme si t'es un déchet.

Il leva un sourcil avant de secouer la tête, l'air désespéré. J'ignorai si il était désespéré de moi ou des gens de Séoul je n'osais pas lui demander.

- Tu as laissé tous tes amis, même ta copine, comme ça ?

À vrai dire, ça n'a pas été très difficile vu que je n'avais aucun ami ou aucune copine.

- On peut dire ça... je répondis, l'air mystérieux. Et toi alors, pourquoi t'es là ? je demandai pour changer de sujet.

Felix ne répondit pas. Il me sourit doucement avant de se lever.

- C'était cool de te parler.

- Ouais mais tu m'as pas répondu, je lui fis remarquer en me levant avec un peu plus de difficulté que lui.

- T'as changé Changbin, il me dit en approchant son visage du mien.

- Bah comme toi, en même temps ça fait au moins une décennie qu'on s'est pas vu, je lui fis remarquer.

Il gloussa. En l'entendant, j'eus l'impression que tout autour de moi s'écroula pour ne laisser plus que nous deux dans un nouvel univers.

- C'est cool de se revoir, il continua. Ça permet de renouer avec le passé.

- Ouais, cool, je souris.

Le passé où j'étais en bonne santé, heureux, où j'avais des potes, où je m'amusais tout l'été à la plage, où je ne me prenais jamais la tête pour l'école. Où j'étais libre et heureux d'être en vie.

Le long silence gênant qui planait depuis quelques secondes fut interrompu par des cris au loin des gens du bar. Une grimace de dégoût traversa le beau visage de Felix, ça me fit rire. Il rit à son tour.

Il était mignon.

- À plus Changbin, il me fit signe avant de se retourner pour rentrer vers les maisons, dont celle de sa mémé.

- À plus Yon- Felix, je me repris à temps mais j'eus tout de même le plaisir d'encore l'entendre rire.

Je le regardai partir, enfin mes yeux n'arrivèrent pas à décrocher ce postérieur. Donc même les mecs pouvaient être sexy, noté.