TW - anorexie, auto-mutilation.

- Felix... Felix... Eh oh... Réveille-toi...

En ouvrant doucement mes yeux, agressés par la lumière du matin, j'étais tombé sur la plus belle des surprise.

Il était là. Allongé, à mes côtés, souriant, sa main caressait doucement ma joue.

Qu'est-ce qu'il était beau. Rayonnant. Doux.

- Bien dormi ? me demanda-t-il avec sa voix rauque matinale.

- Oui... Et toi ? j'avais répondu avant de m'étirer puis de venir l'enlacer.

Changbin était glacial, maigre et les traits de son visage fatigué reflétait la douleur qui l'avait tant empêché de dormir.

- Je suis bien... Je dors bien maintenant, avait-il souri.

- Tant mieux.

Je m'étais redressé pour aller m'habiller de sous-vêtement puis d'un long teeshirt. À m'observer, j'avais moi aussi trop maigri. Encore. Ce corps meurtri depuis trop longtemps qui refusait maintenant de se nourrir correctement sans craindre le moindre gramme était répugnant. C'était une peur stupide que je n'arriverais probablement jamais à me débarrasser. Mais les cicatrices de mes avants bras s'effaçaient, peu à peu, doucement, contrairement à la violence qui les avaient provoqué d'un coup sec.

Parfois il m'arrivait de les regarder, de me demander qu'est-ce qu'il m'était passé par la tête. Étais-je si stupide ? Stupide de vouloir me déchirer mais d'avoir trop peur d'aller plus loin ? Stupide de croire que ça allait régler quoi que ce soit ? Stupide de croire que mes parents allaient enfin comprendre ma douleur ?

Bien sûr qu'ils n'allaient rien comprendre.

Un fils gay, un sale pédé, un fils incapable de se retourner pour siffler des nanas, un gamin qui ne peut pas s'empêcher de chauffer devant les torses plats.

J'étais mal né, une erreur, comme ils me l'avaient si souvent répété. Encore si ce n'était qu'eux, mais il avait fallu que j'en pince pour un gars de ma classe et c'était fini pour moi. C'était devenu trop à supporter, et comme un lâche j'avais fui en Corée du Sud, un pays qui ne me reconnaissait même pas. Mais ici, j'avais de la famille, je n'étais pas seul, et j'avais de quoi me reconstruire, repartir à zéro, être quelqu'un d'autre.

- Regarde-moi, Felix.

La douce voix de mon amoureux m'avait extirpé de mes pensées et en me retournant, son doux sourire m'avait immédiatement rassuré.

J'étais si bien avec Changbin. Si bien. Il m'avait fait comprendre à quel point l'amour était beau, pur et qu'il en valait la peine.

Changbin méritait tout.

- Pourquoi t'ont-ils arraché à moi ? j'avais murmuré en m'approchant de lui. Pourquoi n'es-tu plus à mes côtés ?

Changbin méritait tout. Il méritait de vivre, de se lever chaque matin et de se coucher chaque soir.

- Pourquoi ?

Sa main s'était posée sur ma joue, toujours aussi glaciale. Son touché était si chaud mais si froid, devant moi mais si loin.

- Pourquoi, Changbin ? Qu'est-ce que je vais devenir sans toi ?

- Regarde-moi, Felix. Qu'importe où je me trouve, tu n'auras qu'à regarder le ciel.

Il avait souri, encore, et c'était suffisant pour que je me mette à chialer, encore. C'était si beau, il était si magnifique, je voulais que cet instant dure toujours.

- Tu vas t'en sortir.

Il semblait si loin, sa voix disparaissait au fil de ses mots, il s'enfuyait loin de moi, non, reste, encore, juste un peu, ne pars pas, s'il te plaît.

- Ne me laisse pas...

Lorsque j'avais ouvert mes yeux d'un seul coup, brutalement, la douleur m'avait frappé au point de m'empêcher de respirer correctement.

Ce n'était pas la première fois que je m'étais réveillé en pleurant, mais je me sentais toujours aussi misérable.

- Debout là dedans, avait soupiré ma grand-mère en ouvrant le plus possible les rideaux. On va aller rendre visite aux Seo.

Je n'avais aucune envie d'aller les voir, encore plus avec ma grand-mère qui ne comprendrait pas pourquoi j'étais incapable de rester debout sans trembler de tout mon être dans leur maison. J'avais envie de fumer.

- Non... j'avais répondu en lui faisant dos, toujours allongé dans mon lit bien chaud.

- On y va, tu ne discutes pas. C'est important de soutenir nos amis durant l'épreuve du deuil, en plus Changbin était ton ami d'enfance. On va leur prendre à manger, également de quoi honorer sa mémoire en priant.

- Non ! j'avais soudainement crié, la faisant sursauter. Non, je n'irais pas ! J'ai besoin de respirer, j'ai besoin de me tirer !

- Qu'est-ce que tu racontes.

- J'étouffe, ok ?! Changbin est mort, et moi je suis encore là ! J'aurais dû être à sa place, lui il avait encore toute sa vie devant lui et moi-

- Quoi toi ? Hein ? avait-elle rétorqué de son ton sec. Ton ami est mort à cause d'une maladie plus douloureuse que lente et tu trouves encore le moyen de te plaindre ?

- Tu comprends pas ! j'avais grimacé sous les sanglots. Tu comprends rien, t'es exactement comme papa et maman !

- Vraiment ? Je t'ai déjà refusé un toit, un repas chaud, j'ai déjà fait une remarque sur ton homosexualité ?

Bouche bée, je l'avais regardé droit dans les yeux avant de déglutir. Touché. J'étais terriblement gêné maintenant.

- Allez, habille-toi. On part pour le déjeuner.

Sans rien ajouter de plus, j'avais reniflé avant de passer ma main sur mes joues pour les nettoyer.

En marchant vers la maison endeuillée, ma grand-mère vérifiât une dernière fois qu'elle avait bien tout pris. Elle s'était faite toute belle, bien que j'étais certain que les Seo n'en avait un peu rien à faire.

- Si tu savais... j'avais toussé pour m'éclaircir la voix. Si tu savais... Pour ce que je suis, pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?

- Tes parents t'en ont suffisamment parlé non ?

- Oui mais pourquoi tu as accepté de m'héberger ?

- Tu es mon petit-fils. La famille, c'est fait pour ça. Et tant que ta maman reste trop bornée pour comprendre, moi je m'occuperais de toi.

C'était sa façon à elle de dire qu'elle tenait à moi et qu'elle m'aimait. C'était étrange, mais ça faisait du bien.

- Merci grand-mère.

C'était tout ce que je pouvais répondre. Sa pudeur m'aurait empêché de lui dire que je tenais à elle aussi. Un simple merci suffisait.

- Assez parlé. Tiens-toi droit bon sang, tu ne voudrais pas leur manquer de respect non ?

- Non, non bien sûr...