21

Le soir suivant le repas désastreux avec ma famille, je n'avais plus la force de me battre pour tenter de créer les derniers souvenirs possibles tous ensemble.

J'étais épuisé, mentalement mais aussi physiquement, je sentais que j'avais considérablement perdu de la force en quelques mois. Lorsque je suis sorti de la maison pour aller m'assoir sur le banc, un vent frais m'avait obligé à aller chercher puis enfiler un pull, une fois revenu sur le banc j'étais presque haletant, épuisé et déshydraté.

C'était étrange, sentir la vie me quitter petit à petit était une sensation que je n'appréciais guère. À cet instant, j'avais revu chaque course à pieds que je m'étais tapé dans ma vie, que ce soit en cours de sport, parce que j'avais oublié quelque chose, parce que j'étais en retard, toutes. J'étais vivant et je n'en avais jamais profité. J'aurais pu exploiter cette force, construire quelque chose, aider des gens, voyager, sauter, nager, que sais-je encore... À la place, j'ai étudié à m'en rendre malade.

Au loin, j'avais aperçu Felix se diriger vers la maison, les mains dans les poches. Il s'était approché à petits pas, peureux mais très curieux sur ce qu'avait dit mes parents par rapport à notre relation.

- Oh, ils s'en fichent, j'avais simplement répondu avant de détourner le regard pour admirer la mer tapis dans l'ombre.

Étonné, Felix s'était assis à mes côtés avant de poser sa main sur ma cuisse.

- Comment ça ?

- Ma mère m'a dit qu'elle s'en fichait, et mon père n'a rien ajouté de plus.

Ses paupières avaient cligné légèrement puis il avait regardé au loin à son tour, visiblement tres surpris.

- Eh bien... Tant mieux alors... soupira-t-il. Comment te sens-tu ?

- Je suis fatigué Lix...

- Tu as pris un anti-douleur ?

J'avais hoché la tête de haut en bas, mais la fatigue n'était pas douloureuse. Saigner du nez, sentir des couteaux traverser son cerveau, des milliers d'aiguilles s'enfoncer dans ses organes, ça c'était douloureux et grâce à la science, j'avais le pouvoir de les atténuer rien qu'en prenant un médicament. Mais la fatigue, elle, était toujours là, c'était même pire quand j'abusais du médicament.

Felix resta assis à mes côtés sans dire un mot durant un long moment. Nous nous contentions de nous apaiser au son des vagues, nos doigts entrelacés. C'était calme et consolant.

- Aurais-tu aimé passer plus de temps à mes côtés ? demanda soudainement mon petit ami.

- Bien sûr. Évidemment. Je donnerais tout pour avoir quelques années de plus à tes côtés.

- Tu n'es pas avec moi parce que c'est ton dernier plaisir avant la mort ? Peu importe avec qui tu le fais ?

J'haussai les épaules, qu'est-ce que c'était que ces stupides questions ? J'étais revenu parce que je refusais de mourir seul et également car j'avais envie de découvrir les plaisirs de l'amour, j'avais trouvé ce désir et amour chez Felix. Mais il me plaisait, réellement, auquel cas je ne lui aurais sûrement pas fait part de ma santé. J'aimais Felix.

- C'est sûrement ce que j'ai dû me dire la première fois qu'on s'est rapproché.

- Ce n'est plus le cas ?

- Je t'aime Felix. Si ce n'était pas toi alors ça n'aurait été personne.

Cette réponse sembla lui convenir au vu du sourire qu'il m'offrît quelques secondes plus tard.

- Oui, j'avais envie de connaître l'amour avant de mourir. Je suis heureux de l'apprendre avec toi.

Quelques secondes plus tard, les douces mains de mon petit copain s'étaient posées sur mes mains afin d'encadrer mon visage et rapproché le sien pour que nous puissions laisser nos lèvres se retrouver dignement. J'aimais l'embrasser, c'était addictif, mais la fatigue m'empêcha de le toucher un peu plus comme j'aurais aimé.

- Tu penses qu'on se retrouvera après la mort ? me questionna mon beau brun en levant la tête vers le ciel.

J'avais haussé les épaules.

- Peut-être, on n'en sait rien. Hier je me disais qu'il n'y avait rien après la mort, demain je me dirais sûrement l'inverse.

- J'aimerais qu'il y ait quelque chose, on pourra se revoir.

- Ça serait cool.

Felix approuva d'un mouvement de la tête sans ajouter quoi que ce soit. Ainsi, nous laissions les minutes s'écouler dans un silence apaisant, jusqu'à que ma chère mère sortit à son tour de la maison, sans un mot, avant de venir s'assoir à côté de moi également. Entouré de mon amant et de ma maman, j'étais un peu mal à l'aise.

- Comment vas-tu Felix ? demanda-t-elle avec un léger sourire.

S'en suivi une courte conversation pleine de politesse puis Felix décida qu'il était pour lui de rentrer ou sa grand-mère se ferait un sang d'encre. C'était faux mais c'était une bonne excuse pour s'enfuir.

J'étais désormais seul avec ma maman, assis sur ce banc. J'étais content de la revoir, elle était avec un pull, les mains plongées dans les poches, le son de sa voix était plus enjouée que ces derniers jours. Était-ce faux ou elle retrouvait la force de vivre, je n'en savais rien mais j'étais content.

- Et toi, comment vas-tu ? reprit elle bien plus calme.

- Ça va. Fatigué mais ça va, et toi ?

- Ça va.

Je lui avais lancé un bref regard avant de lui sourire. Elle passa son bras par dessus ma tête pour le poser sur mes épaules, nous rapprochant un peu plus. C'était rare mais qu'est-ce que j'aimais être dans les bras de ma mère.

- As-tu besoin qu'on retourne voir le médecin ?

- Pourquoi faire ? Pour un médicament contre la fatigue ? J'aurais bien aimé maman, mais à un moment donné il n'y aura plus de médicaments pour m'empêcher de mourir.

Je la sentis se crisper légèrement avant de soupirer, elle se força à acquiescer.

- D'accord, je te fais confiance alors. Si tu sens que tu as besoin de plus fort comme anti-douleurs, on ira en chercher tous les deux.

- D'accord, merci maman.

Elle resta accroché à moi durant de longues minutes, silencieuse comme si elle avait peur de dire une bêtise mais que ça la démangeait.

- Alors, ce petit copain ?

Bingo.

Ça me fit ricaner, c'était mignon de la voir curieuse sur ma vie amoureuse un peu étrange.

- C'est Felix, non ?

J'avais doucement acquiescé, un sourire timide sur les lèvres tout en baissant la tête pour le cacher mais ça ne lui échappa pas, elle se mit à pouffer avant de m'enlacer.

- Je le savais, toutes ces soirées au bord de la plage c'était trop romantique pour que ça reste amical.

- Ça ne te dérange pas que je sorte avec un homme ?

Elle haussa les épaules.

- Je ne sais pas comment j'aurais réagi dans d'autres circonstances. Si j'avais été en bonne santé. Aujourd'hui je veux que tu ne regrettes rien et surtout pas à cause de nous.

Elle posa sa main sur ma joue puis son pouce caressa tendrement ma joue. Elle se pinça les lèvres entre elles lorsque je vis ses yeux se mouiller, mais elle reprit un grand sourire.

- Je suis fière de toi, mon grand garçon.

Elle me fit un baiser sur le front, un baiser qui me reconduit en quelques secondes en enfance. J'étais heureux, en pleine forme, confiant, accroché à ma maman comme une moule à son rocher, j'étais fort, j'étais vivant.

Désespéré, je m'étais allongé sur ce banc puis j'avais posé ma tête sur les cuisses de ma maman pour la laisser me caresser le crâne.

J'aurais aimé qu'elle me répète encore qu'elle était fière de moi et que j'étais son grand garçon. J'aurais aimé l'entendre à nouveau, avant de m'endormir, bercé par ses caresses.

Malheureusement, ce n'est que trop tard que j'avais compris qu'elle n'avait rien ajouter de plus car ses larmes silencieuses l'étranglaient.

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