☆ Soixante-treizième regard ☆

Aujourd'hui, j'ai vu mon père rendre un billet de dix euros à ma sœur - il lui avait gardé pour qu'elle ne le perde pas avant de rentrer à la maison. Elle a affiché un grand sourire, comme si ce stupide bout de papier valait plus que tout au monde.

Cela m'a rappelé une conversation que j'avais eue, avec mon voisin de table, durant un cours de mathématiques. Nous nous étions mis à énumérer toutes les raisons qui faisaient que la société n'avait plus aucune valeur morale ; que tout était pitoyable. Nous tombions d'accord sur chaque point que nous soulevions. C'est rare que je puisse discuter ainsi avec quelqu'un d'autre, sans avoir besoin de soupeser chacun de mes mots pour ne pas donner un avis trop brutal, aussi, j'ai énormément apprécié ce moment - et tant pis pour les exercices de mathématiques.

Vers la fin de l'heure, une phrase avait fini par nous revenir en tête. J'admets être incapable de retrouver son origine et nous l'avons sûrement d'ailleurs modifiée mais globalement, elle disait que les hommes n'apprendraient à vivre que lorsque le dernier arbre sera tombé, lorsque le dernier animal aura été abattu et que les gens auront compris que les billets ne se mangeaient pas.

C'est à cause de ces mots que j'ai été incapable de comprendre, sur le moment, ce que ma soeur trouvait à son argent.

Elle a onze ans et considère déjà cela comme une chose terriblement précieuse, comme presque tous les humains.

J'ai treize ans et je considère cela comme une chose terriblement inutile, comme une illusion de la société, et je ne sais pas qui d'autre pense cela.

28/03/2021

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