C'est ma toute première pensée quand je vois mon dessin. J'y ai représenté un pistolet, une corde de pendu et une boite de médicaments. Il faut que je tente quelque chose. Vous vous demandez sans doute pourquoi je veux me tuer. Et bien, j'ai des amis sympathiques, de la famille aimante, non je ne me fait pas harceler, mon établissement n'est pas mal famé non plus, et je n'ai pas de problème particulier. Je dois simplement me tuer. Je le dois. Des fois, ce sont ceux qui ont tout qui sont les plus démunis. Je pense avoir mérité ma place chez ces personnes.

Ces temps-ci je me demande si je laisserai vraiment des malheureux derrière moi. Je veux dire, de toute mes copines, est-ce qu'il y en aura une qui viendra à mon enterrement ? Est-ce que toute ma famille regrettera ma mort ? Est-ce qu'ils seront triste ? Que graveront-ils sur ma tombe ? Je pense qu'ils seront simple "Ci-gît Phoebe Wilcox, 2001-2016" Ils prendront peut-être un marbre funéraire sur lequel il y aura écrit un message générique, comme "Repose en paix, ma fille". Rien que de pensé à cela, ça me répugne ! On n'oublie pas la mort, mais les morts malheureusement.

Que ce soit ceux mort au combat ou simplement les "sans-famille", sur leurs tombes, bien que légèrement entretenues, on voit la poussière invisible, celle qui fait comprendre qu'ils ont été oubliés. Celle qui fait comprendre qu'ils sont perdus dans les pensées et disparus des mémoires.

C'est décidé, je me ferais incinérer. Je serais toujours présente, et on sera obligé de se souvenir de moi. Et j'aimerais que mes cendres soit jetées dans un fleuve, comme Gandi. Ce n'est pas un homme qui a été toujours juste, il était même raciste mais il s'est battu pour ses convictions. Moi, j'ai l'impression de me battre contre moi-même.

  •R• 

Quand ma grand-mère est morte, la dame la plus gentille de l'univers, seule une dizaine de personnes assistèrent à l'enterrement. Ma mère, mon père, mon frère, mes deux tantes, mes deux cousins, ma cousine, deux amies de la défunte, le notaire et moi. Mais n'allez surtout pas penser que ma mamie n'était pas sympathique !

Elle était juste entourée d'hypocrites. Des gens qui profitaient de sa faiblesse de cœur pour s'en mettre plein les poches. J'avais 7 ans quand elle partit de notre monde. Je ne suis retournée sur sa tombe que l'année passée. J'en avais gardé une superbe image, une tombe de marbre blanc à côté de celle de son mari, une plaque dorée posée dessus, des bouquets de fleurs tout autour...

Ce que je vis m'a brisé. La blanche tombe avait été noirci par le temps, plus aucune fleur autour de la plaque, plaque sur laquelle les mots gravés sur le contre-plaqué or me paraissaient maintenant insignifiants et incomparables à ma grand-mère. Depuis, je viens une fois par mois pour me recueillir. Je lui confie tout mes problèmes, et, même si elle ne peut me répondre, je sais que où qu'elle soit, elle m'écoute et m'écoutera à jamais. C'était mon plus grand modèle, et elle l'est toujours.

Je sais que si je me suicide, je la retrouverai et nous serons en paix toutes les deux. Quand je laisse vaquer mon imagination, nous serions de blancs vêtues, des couronnes de pâquerettes sur la tête et un sourire fixé pour l'éternité sur notre visage. Nous serions heureuse,  et elle me présenterai mon grand-père que je n'ai jamais connu. Je pourrais revoir mon frère disparu en 2012, quelque part en Affrique. Je serai heureuse. Je ne donnerai pas un sens à ma vie, mais à ma mort. Tout a un sens. Tout mérite un sens. Tout doit mériter un sens.