Déphasée
Je me suis toujours sentie à côté, comme si les autres vivaient dans un monde qui ne m'appartenait pas.
C'était comme si à chaque fois qu'on me donnait l'occasion de visiter ce monde, de côtoyer ses habitants, et partager ses instants , je ne puisse pas entièrement m'intégrer.
Quand je vois ces jeunes se déhancher sur de la musique battante, se frotter, crier, chanter à perdre toute conscience j'ai l'impression d'être dans une bulle qui m'éloigne de cet écosystème, telle une main qui attrape vulgairement une petite poupée.
Tous les groupes se voisinent sans jamais se mélanger, sans jamais vraiment discuter. Il faut sauver les apparences, envoyer suffisamment de codes corporels pour être compris de l'ennemi ou de l'ami.
J'ai toujours senti que j'avais un train de retard, un avion d'avance ou une voiture en trop, j'ai l'impression de constamment courir après ce train de vie qui m'échappe.
Comme si je refusais involontairement d'avancer avec cette société, comme si mon inconscient décidait de rester figé.
Je ne suis pas asociale, je n'ai pas peur de la foule, j'aime éperdument, je rigole assez souvent mais je n'arrive pas à rentrer dans ce moule, celui dans lequel les jeunes hommes et les jeunes femmes sont conditionnés dès leur naissance, celui qui dit que la vérité est là et pas ailleurs, celui qui nous enclave entre deux barrières et nous force à galoper, à suivre le troupeau sans jamais en douter.
Parfois j'ai l'impression d'enfin appartenir à ce monde, j'arrive à rassembler les codes sur mon corps, à attirer l'œil, fraterniser avec les habitués et même être considérée. Cependant les diverses situations comme la fête, les valeurs, les débats me rappellent violemment que je ne suis pas faite pour vivre comme cela.
J'en viens parfois à me demander si ce n'est pas moi qui cloche, si je ne suis pas malade, marginale ou trop responsable.
À vrai dire je sais au plus profond de moi qui le monde qui m'attend n'est pas celui qu'il me faut, que la vie dont je rêve secrètement est celle vendue par les publicités : une vie de luxure, d'abondance, parfaite et sans soucis.
Peut-on au final vouloir quelque chose inconsciemment ? Mon âme peut elle rêver d'une vie plus simple quand tout autour de moi est compliqué ? Manufacturé ? Conventionné ?
Je croyais avoir trouvé le chemin de ma vie, je croyais avoir choisit ce qu'il y avait de meilleur, de plus satisfaisant pour mon esprit de rigueur. Pourtant je doute.
Tout mon être est remis en cause, suis-je faite pour une vie occidentale ordinaire ? Suis-je faite pour vivre en animal grégaire ?
Les réponses à mes questions viendront sûrement avec le temps, je continuerai en attendant de courir après ce train qui continue d'avancer sans jamais s'arrêter.
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