La fêlure

C'était vendredi soir. Scarlett venait de terminé ses devoirs, et s'apprêtait à descendre son sac dans le salon, lorsque, en passant devant le miroir de sa chambre, elle fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas. Un détail, minuscule. Mais il avait attiré son regard, si habitué à la surface lisse et froide de la glace. Dans le coin supérieur gauche. Une fêlure. Elle n'était pas présente ce matin là, l'adolescente en était sûre. Elle parcouru la petite ligne du bout des doigts, avant de sortir de sa chambre.
Lorsqu'elle eu posé son sac dans l'entrée, elle se dirigea vers le canapé, où son père regardait les informations.

''- Papa, tu sais qui a cassé mon miroir ?''

Il leva la tête, interloqué.

''- Personne n'a touché ton miroir, qu'est ce que tu racontes ?
- Si obligatoirement, il est fêlé.
- C'est impossible. Personne n'y a touché je te dis.
- Bah viens voir de toi même.''

Son père se leva en éteignant la télévision, et suivit Scarlett jusqu'au miroir. Là, elle croisa les bras pendant que l'homme fixait la fêlure, incrédule. À son tour, il effleura l'imperfection. Puis il se tourna vers sa fille, avec un regard d'incompréhension malgré le ton réprobateur de sa voix.

''- Personne ne l'a touché. Si quelqu'un l'a abîmé, c'est toi. Peut être sans faire exprès, mais c'est la seule explication. Si tu tiens à vérifier, tu pourras toujours demander à ton frère quand il rentrera du cinéma.''

Scarlett soupira. Elle savait pertinemment qu'elle n'y était pour rien. Mais tant pis, elle attendrai le retour d'Alexandre. La jeune fille regarda son père repartir, puis ferma la porte. Elle re dirigea ensuite son attention sur le miroir. Son reflet. Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade sur ses épaules, couvertes par une veste kaki. Ses yeux noisettes foncés faisaient d'autant plus ressortir la pâleur de sa peau. Alexandre et Scarlett avaient du sang japonais, ou coréen, du côté de leur mère. Lequel des deux, ça, la jeune fille l'avait oublié. De toute manière, ce n'était pas quelque chose qui l'intéressait vraiment.
Elle détourna son regard de la glace, et le laissa glisser sur son bureau jusqu'à sa fenêtre entre ouverte, attiré par un mouvement. Mouvement d'ailleurs accompagné d'un miaulement aiguë. Mylo, le chat des voisins. Il venait souvent voir la jeune fille. Elle ne s'en plaignait pas : Scarlett aimait beaucoup Mylo, et avait toujours voulu un chat. Cependant, son père étant allergique, il était impossible à la petite famille d'en adopter un.
Elle s'apprêtait à faire un pas en avant, lorsqu'elle crû percevoir une ombre, comme un voile, passer dans le miroir. Avec un regard suspicieux pour l'objet en question, la jeune fille se raisonna. Ce devait être son imagination. Elle s'approcha du chat.

''- Coucou Milo... Ça va mon chat ?''

Bien sûr, elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui réponde. Il se frotta néanmoins à sa main en ronronnant. Scarlett souris. Elle le caressa un instant, avant de redescendre les escaliers, laissant la fenêtre ouverte pour ne pas enfermer le chat.

Alexandre ouvrit la porte. Il déposa ses affaires, puis lança.

''Je suis rentré !''

Scarlett lui sauta au coup. Malgré leurs chamailleries, les deux jeunes étaient très proches. Les gens les prenaient souvent pour des jumeaux d'ailleurs, autant pour leur ressemblance physique que pour leur affection l'un pour l'autre. Cependant, sur le plan caractériel, ils n'avaient pas grand chose en commun. Scarlett était introvertie et renfermée, tandis qu'Alexandre, lui était extraverti et déjà très entouré dans leur nouvel environnement. Enfin, ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres.
Il lui posa une main sur la tête pour lui frotter les cheveux, sous les protestations de la jeune fille.
Une fois que son frère eut mangé un peu et bu, Scarlett l'emmena dans sa chambre. C'était leur rituel du vendredi soir. Ils allaient tout les deux dans sa chambre, s'asseyaient confortablement et discutaient de leur semaine, se racontaient ce qui leur était arrivé, enveloppés dans des couvertures.
Après une bonne heure de rigolade et de discussions, l'adolescente posa à son frère la question que, quelques heures plus tôt, elle avait poser à son père.

''- Il est cassé ? Depuis quand ?
- Je ne sais pas précisément, en tout cas ce matin il était en bon état.
- Je vois. Tout ce que je peux te dire c'est que je n'y suis pour rien.''

Scarlett jeta un coup d'oeil à son miroir, et se perdit dans la glace. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait un mauvais pressentiment. L'adolescente avait l'impression qu'il aurait mieux valu que le garçon lui dise sans gêne aucune qu'il avait lui même frappé dans le miroir armé d'un marteau de bon coeur plutôt que d'entendre qu'il n'y était pour rien.
Elle continua à fixer la paroie miroitante. Elle senti son coeur manquer un battement, mais n'y prêta pas attention. Son pouls s'emballa. Elle ne le remarqua même pas. Elle était plongée dans des réflexions dont elle même ne saisissait pas l'essence, et était comme coupée de son corps.

''- Scarlett ?''

On la secoua comme un prunier. La jeune fille tourna la tête, pour se trouver nez à nez avec un Alexandre aux sourcils froncés.

''- Tout va bien ? S'enquit-il.
- Bah oui pourquoi ?
- Pourquoi tu réagissais pas ?
- À quoi ? Lui demanda sa soeur, perplexe.
- Moi ! Je te parlais, tu ne m'écoutais pas. Je t'ai appelée, pas de réponse, pas même un mouvement.
- Ah, désolée, répondit la jeune fille sans vraiment le penser.
- T'es complément buggée ma vieille.
- C'est toi le vieux modèle !''

Le jeune homme se muni d'un oreiller avant de lui abattre sur le visage.

''- QUI EST CE QUE TU TRAITES DE VIEUX MODÈLE ?!''

S'ensuivit une bataille de polochon digne d'entrer dans l'histoire des grandes batailles d'oreillers, entre éclats de rire et coups bas, grognements et cris de triomphes.

Le miroir, lui, était déjà oublié.
Pourtant, croyez moi, vous ne devriez pas...

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