3 - Développer son avis

Une fois que nous avons notre avis en tête, il nous reste encore à le formuler. Je ne parle pas ici de « comment dire à l'auteur que ses personnages ont la profondeur d'un verre d'eau sans courir le risque d'avoir un suicide sur la conscience » : ce sujet sera (mal)traité dans la prochaine partie. Non, ici il s'agit simplement d'organiser ce que l'on a à dire et de le développer de façon à ce qu'il soit utile à l'auteur.

Comme d'habitude, n'hésitez pas à partager vos propres façons de faire !

(L'avis, pas les auteurs. Ni les personnages. Même si c'est tentant.)

Découper son avis en grandes parties n'est pas obligatoire, mais au-delà d'une certaine longueur laissée à l'appréciation du commentateur (autrement dit : que je ne saurais absolument pas estimer), cela peut s'avérer plus ou moins nécessaire. Cela vous évitera de partir dans tous les sens, et ça permettra à l'auteur de mieux suivre le fil de votre pensée.

(Évidemment, quand je dis « découper en parties », je ne pense pas à des parties totalement hermétiques qui ne communiqueraient pas entre elles : ce serait absurde, un livre est une unité et toute fonction continue envoie un connexe sur un connexe – pardon, je veux dire, un livre est une unité, chacun de ses aspects influence les autres. Vos parties se répondront très probablement d'une façon ou d'une autre.)

Il y a pour cela plusieurs façons de faire. Certains commencent par lister les points négatifs, puis les points positifs, afin de terminer sur une note plus joyeuse. Si vous choisissez d'opter pour cette méthode, ne partez pas tout de suite : vos listes de points positifs/négatifs, il peut être pertinent de les organiser par sous-parties.

J'ai vu également des découpages linéaires, où l'on donnait un avis chapitre par chapitre, ce qui permettait de se rendre compte de l'évolution de l'opinion du lecteur. De même, si vous optez pour cette option, je vous conseille de jeter un œil à la suite pour organiser vos avis sur chaque chapitre.

On peut aussi choisir une répartition assez classique que j'ai utilisée dans les chapitres précédents : la première impression, la façon d'écrire, les personnages, l'intrigue, et éventuellement l'univers. Cela permet à l'auteur de se retrouver facilement dans l'avis et c'est un plan assez pratique à suivre.

Personnellement, j'ai opté pour la technique du « bricolage fait-maison » (oui, le nom est aussi fait-maison...). La répartition mentionnée ci-dessus ne me satisfaisait pas : la façon d'écrire, les personnages, l'intrigue et l'univers me semblaient trop liés, chacun renvoyant à l'autre. (Comme mentionné plus haut, il y a toujours des renvois, mais je préfère les limiter.) La façon d'écrire influence directement l'empathie qu'on ressent pour un personnage ; l'évolution de la personnalité des personnages et celle de l'intrigue sont (censées être) étroitement liées ; la construction de l'univers influence l'intrigue et en dépend... Bref, c'est un sac de nœuds et j'ai vite cherché une autre méthode. D'où le bricolage : après ou pendant ma lecture, je liste tout ce que j'ai à dire sur l'histoire (les points positifs comme négatifs) et j'essaie de les regrouper : si un point influence fortement un autre, je les mettrai dans la même partie ou dans des parties adjacentes. J'essaie souvent de repérer les principaux axes d'amélioration de l'histoire pour former mes parties, puis de faire de même avec les éventuels points positifs que je n'aurais pas cités au cours de l'avis. Il arrive qu'au final mon plan ressemble pas mal à celui cité précédemment, mais il est aussi parfois totalement différent.

Il y a sans doute bien d'autres façons de faire, n'hésitez pas à partager les vôtres !

Une fois qu'on sait que le caractère du personnage principal n'est pas assez montré dans l'histoire, que l'auteur a tendance à abuser des anaphores inutiles ou que tel point de l'univers n'a vraiment aucun sens, encore faut-il le justifier. (Et ce sans déprimer l'auteur, mais ça c'est pour après.) En effet, personnellement, si on vient me voir pour me dire « hey, ton histoire est chiante comme la pluie », je vais me poser quelques questions, certes, mais ça ne va pas m'aider des masses. Si c'est une histoire que je viens de commencer, ça pourra me pousser à la remettre en question, oui ; mais si j'ai déjà essayé de l'améliorer par moi-même, j'aurai déjà envisagé cette possibilité, donc qu'on vienne me le dire sans précisions ne m'aidera pas. Il y aura toujours quelqu'un pour trouver des défauts à un point de l'histoire, donc si une remarque n'est pas justifiée, elle ne sert pas à grand-chose.

J'ai donc tendance à énoncer dans chaque partie le point que je veux développer, puis à expliquer en quoi c'est un aspect négatif en m'appuyant sur des exemples de l'histoire et sur l'effet qu'ils ont produit sur moi. « Quand le personnage a fait X, je n'ai pas compris et je l'ai trouvé idiot/malfaisant/inconscient/..., alors que si plus tôt dans l'histoire Y avait été abordé, cette action m'aurait semblé plus logique/acceptable/réfléchie/... ». Bref, je m'assure que le problème que je soulève est bien compris par l'auteur (libre à lui ensuite de ne pas être d'accord, mais j'essaie de limiter les malentendus).

Ensuite... reste à conseiller. Parce que c'est bien beau d'identifier un problème, mais proposer des solutions adaptées, c'est encore mieux. (Toute blague comportant les mots « flyer » et « Darmanin » serait de très mauvais goût.) Si vous avez une idée de la façon dont l'auteur pourrait régler le problème que vous avez soulevé, n'hésitez pas à le partager ! Pour cela, plusieurs possibilités :

⨁   Si vous écrivez aussi, vous pouvez puiser dans votre expérience. Avez-vous déjà rencontré le problème que vous avez relevé ? Comment avez-vous fait pour le régler ? Que vous a-t-on éventuellement conseillé ? Comment pourriez-vous adapter cette solution à l'histoire que vous conseillez ? Que feriez-vous si, en tant qu'auteur, vous étiez confronté à ce même problème ? Bien sûr, chacun a ses propres techniques d'écriture et ce qui marche pour l'un ne marchera pas toujours pour l'autre, mais il est tout de même possible de s'échanger des méthodes et des astuces tant qu'on ne les prétend pas infaillibles.

⨁   S'il vous arrive de traîner sur des recueils de conseils d'écriture (que ce soit des livres édités, sur Wattpad, sur des blogs ou que sais-je), n'hésitez pas à partager ce que vous y avez appris. Il ne s'agit pas de les présenter comme la sainte parole, juste de les exposer, de dire ce que vous en pensez (en positif comme en négatif), et comment ils pourraient s'adapter à l'histoire en question. (Ça peut aussi marcher pour dire « Untel pense comme moi donc j'ai raison », mais Bidule a dit que les arguments d'autorité c'est mal, donc vous ne le ferez pas, hein ?)

⨁   Si vous aimez lire (et j'espère pour vous que c'est le cas si vous décidez non seulement de lire des histoires, mais en plus de conseiller leurs auteurs), votre expérience de lecteur peut être très utile. Avez-vous déjà lu un livre qui se rapproche de celui que vous conseillez sur le point en question ? Comment ce livre s'en sort-il avec ce problème, s'il s'en sort ? Par exemple, si le caractère du personnage principal vous semble mal transmis : parmi les livres dont les personnages vous ont paru marquants, comment les auteurs les présentaient-ils ? Quelles astuces étaient utilisées pour « faire passer » la personnalité de vos personnages préférés (ou détestés, tant qu'ils ont suscité quelque chose de fort) ? Comparer directement l'histoire de l'auteur que vous conseillez à une autre peut être délicat, mais vous pouvez en tirer des conseils sans préciser d'où ils viennent ; cela sera toujours utile.

Ce sont mes principaux moyens de développer un avis, n'hésitez pas à compléter avec les vôtres !

Par ailleurs, j'ai insisté sur l'importance de donner des conseils d'amélioration au lieu de juste balancer les points négatifs, mais j'ai tendance à penser que le contraire est encore plus dérangeant. Si vous donnez des conseils sans expliquer à quels problèmes ils répondent, l'auteur saura certes quoi faire, mais il ne saura pas pourquoi il le fait. S'il a plus confiance en lui qu'en vous (pour synthétiser), il risque juste d'ignorer vos conseils. Bon. On s'en remet, mais travailler pour rien c'est rarement agréable. Si c'est l'inverse, eh bien, il risque de les appliquer n'importe comment – parce que quand on agit sans but, on va pas forcément très droit. D'autant que, dans un domaine aussi incertain et chaotique que l'écriture d'une histoire, personne ne peut se vanter de toujours savoir quel est la meilleure stratégie. Donc un conseil sans justification... de mon point de vue, ça ne vaut pas grand-chose.

Pour ce qui est des points positifs, j'utilise personnellement les mêmes techniques pour les justifier – expliquer pourquoi telle chose est réussie me semble primordiale, déjà parce que ça peut réparer un peu l'égo, ensuite et surtout parce que lorsqu'on envisage de réécrire une histoire, savoir ce qui fonctionne dedans aide pas mal. D'abord parce qu'on sait ce qu'on n'a pas besoin de changer ; ensuite parce qu'on peut essayer de généraliser ce qu'on a fait à l'ensemble de l'histoire. Alors, si tel personnage secondaire vous a paru très bien construit, n'hésitez pas à expliquer pourquoi, à décrire en détail ce que telle réplique a produit en vous, les images que telle description vous a inspirées. Cela pourra donner à l'auteur les outils pour mieux développer ses autres personnages secondaires, et lui montrera qu'il en est capable.

Bref... n'hésitez pas à développer sur vos ressentis, sur vos impressions, même si ce ne sont « que » les vôtres : s'ils ont une grosse part de subjectivité, ils restent des indicateurs utiles lorsqu'ils sont bien développés.

Encore une fois, vos astuces à vous sont les bienvenues, de même que votre avis sur ce que j'ai développé ici !

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