11) Mr Bang : Ne pas sombrer, surtout ne pas sombrer

Aucun coup sur la porte, le bruit de l'ascenseur qui descend, c'était forcément Emily qui venait pour lui faire son rapport. Changbin lui avait fait une remarque moqueuse quand il avait apprit que la jeune femme faisait ce cirque a chaque fois et que jamais il ne l'avait demandé à quelqu'un d'autre. Mais c'était nécessaire pour être sûr qu'elle avançait dans l'enquête et qu'il ait toujours un minimum de contrôle sur la lionne en cavale.

Son corps passa la porte, comme prédit, et il remarqua directement qu'elle avait repris du poids, une bonne chose vu comment son petit séjour quatre étoiles dans les cellules lui avait été bénéfique. Ses longues jambes faisaient toujours cinq pas avant de s'asseoir dans le siège droit, face à son bureau en cèdre. Ensuite elle prenait une respiration courte mais revigorante et plantait son regard dans le sien. Seulement à ce moment-là.

— Turner.

— Bang.

Christopher eut un rictus, c'était la seule à l'appeler ainsi. Une retenue désireuse qui lui faisait toujours avoir envie que les rendez-vous arrivent plus tôt.

— J'ai vu Mr Hwang. Il dit que vous ne craignez rien pour le procès. En tout cas, les photos ne sont pas assez compromettantes pour qu'un juge les accepte comme preuves. Votre avocat doit le savoir mieux que quiconque mais si vous plaidez innocent il pourra certainement dire que ça aurait pu être n'importe qui à votre place.

— Tu penses que je ne plaiderais pas innocent ? Il la regardait se tasser dans son siège.

— L'êtes-vous seulement ?

— Non évidemment que non. Il se leva et alla se servir un verre.

Chris en proposa un à Emily mais elle refusa.

Tu as bien vu tout ce que je garde dans le sous-sol. J'ai aussi plus de sang que n'importe qui sur les mains. Mais ça, ce n'est pas de ton ressort pas vrai ? Il se délectait de la voir s'insurger de ses paroles silencieusement . En plus, c'est probablement moi sur toutes ses photos. Avoua-t-il mollement. A-t-il dit si les photos venaient de ton téléphone ?

Elle se redressa, heureuse d'avoir enfin la réponse.

— Comme je vous l'avais dit, elles ne viennent pas du mien ! Il confirme mes dires, d'ailleurs l'application n'est même plus à jour apparemment.

Chris vint s'asseoir sur le devant de son bureau et posa son verre à côté de lui. Il s'inquiétait de sa blessure non soignée.

— Et ton ventre ?

— J'irais mieux si vous acceptez que j'aille voir un médecin. Au moins que j'aille à l'hôpital.

Chris la coupa.

— Je ne peux pas te laisser faire ça.

La jeune femme ferma sa bouche. Une femme avec un trou de balle arrive aux urgence et balance à qui veut bien l'entendre qu'elle s'est fait tirer dessus après avoir été enfermé et séquestré par plusieurs hommes appartenant à un gang. Qui plus est à son gang. Et puis quoi encore. Même si il était intimement convaincue qu'elle ne les trahirait pas, il ne pouvait pas se permettre de les mettre autant en danger.

Ses compétences médicales étaient largement suffisantes pour qu'elle survive assez longtemps.

Enlèves ton t-shirt.

Emily rit pour la première fois comme si il avait fait une blague subtile. Ce n'était absolument pas hilarant.

Je déconne pas, enlève ton haut pour que je regarde si ce n'est pas infecté.

— Le coup de boule de la première fois ne t'as pas suffit.

Elle venait de le tutoyer, il s'arrêta un instant, surpris mais cela ne se traduisit que dans un relevé de sourcils agacé.

— Turner. Dans ce genre de situation, tu fermes ta grande gueule et tu obéis.

Elle avala sa salive maladroitement et leva suffisamment son haut pour qu'il puisse l'ausculter. Tout avait l'air en ordre, pas de pue ni d'inflammation. Parfait.

— Alors ? Elle se risqua en tournant la tête vers le mur tandis qu'il était penché sur sa hanche.

— C'est pas beau à voir. Il vaut peut-être mieux qu'on se voit tous les soirs pour être sûr que tu passes la nuit.

Emily tomba les deux pieds dans le piège et ravala un pleure. Il était presque sûr de l'avoir entendu dire "Tout ça à cause de ce foutu Blueberry" ou quelque chose du style. En se redressant, il tomba nez-à-nez avec son visage rond. Un instant de faiblesse. Elle se redressa sur ses deux jambes et partit en trombe en bousculant le pauvre siège qui avait soutenu ses belles fesses. Changbin avait raison, les femmes étaient faibles et il allait sûrement regretter tout ce qu'il était en train de faire.

Le plan était difficile, la faire tomber sans plonger tête la première à sa place.

En arrivant chez Monsieur et Madame Bang, Christopher sentit la même boule dans la gorge qu'il avait eu toute son enfance. Les gosses de riches étaient toujours heureux ? Foutaises. Il n'y avait pas un jour où il n'avait pas rêvé de s'enfuir loin de cette baraque aux allures de belle villa sans imperfection. Rien n'était plus frustrant que d'y remettre les pieds des années plus tard.

Quand il passa la porte, les domestiques se pressèrent pour lui prendre son manteau et ses clés de voiture. Si on ne voulait pas qu'il parte, autant le dire directement. La jeune femme, une européenne blonde au yeux bleu, salua poliment Mr.Bang et l'accompagna dans un salon silencieux. Effectivement, son frère et sa femme n'était pas encore arrivé. Une fois assis, sans un mot de ses géniteurs ou encore une brève salutation amicale, un autre homme vint le servir, cette fois-ci probablement des pays du nord avec des cheveux roux et une barbe proéminente. Dans un coin de la pièce, plusieurs servantes chargées d'assiettes remplies et de plat lourd, attendaient en le regardant s'installer dans un mutisme complet. Elles aussi étaient occidentales, françaises au vu du trait de leurs visages et la tonne de parfum qu'elles portaient. Étrange cinéma mais tellement classique dans cette famille Coréenne pur souche. Si vous voulez complaire l'égo narcissique et étriqué d'un homme fortuné qui vient d'Asie et qui ne l'a jamais supporté, laissez-le avoir des domestiques d'une ethnie qu'il méprise et le tour est joué.

Il n'y avait aucun doute que Julie faisait l'unanimité dans la famille. Une coréenne avec un prénom étranger, le goût des traditions saupoudré d'une touche d'hypocrisie des pays développés.

— Parfait. pensa-t-il en faisant un français quelque peu raciste.

Jungkook arriva trente minutes plus tard. 

De suite, l'ambiance changea et tous le monde se mit en marche. Sa mère se leva, et vint le prendre dans ses bras en le couvrant de mots doux et de louanges. Julie eut le droit au même cirque. Leur père salua l'avocat d'un regard fier et plein de sous-entendues qu'eux seuls ne semblaient connaître. Christopher restait assis sur sa chaise, le regard posé sur l'assiette qu'on venait de lui servir. Ce n'était pas pitoyable, ne l'imaginez pas en train de pleurnicher en gardant le regard baissé et blessé. C'était plus tôt une convenance qui s'était installée depuis longtemps et qui n'avait jamais changé et dont personne ne souffrait. Jungkook brillait et Christopher se demandait combien de temps cette horreur allait-elle durer.

— Bonjour Bangchan.

La voix claire et douce de Julie lui fait relever la tête. Cette femme n'était pas gentille, simplement polie. Il lui renvoya les politesses et tout le monde ce mis a manger joyeusement.

— Alors Jungkook, dis moi. Comment avancent les affaires à Londres ?

Monsieur Bang s'était essuyé la bouche vigoureusement pour se débarrasser de la sauce qui était restée coincée dans sa barbe grisonnante et laissa tomber son mouchoir dans les mains du roux.

— Bien, très bien. Julie va rentrer demain pour continuer de superviser les opérations vu que je suis débordée par la société de Chris.

Christopher, Chris. Que des prénom qui ne sortait que de la bouche de gens qu'il voulait égorger. Facile à comprendre. Le prénom et celui pour saupoudrer leur monde d'hypocrisie. Le même qu'il avait gardé pour devenir celui qu'il était maintenant. Plus l'enfant battu et mal aimé mais bien l'homme capable de tout même des plus grands exploits.

— Évidemment, il faut bien que tu rattrapes ce bon à rien. siffla madame Bang du coin de la bouche comme si c'était tout à fait normal.

Et ça l'était dans leur famille.

— J'ai entendu dire que ta société va couler. Déclara Julie en se tournant vers lui comme si c'était une question.

— Je ne fais qu'entendre partout que tu fais du proxénétisme avec des étrangères. se plaint sa mère en reposant ses couverts en argent. Même la voisine est venue me dire qu'elle avait dit à tout le monde de boycotter ton 'Palace'.

Elle avait pouffé sur le dernier mot.

— Je ne fait pas-

— Tais-toi ! Hurla son père en bout de table en balançant son verre à travers la pièce pour essayer de lui mettre un coup. A qui crois-tu parler !

Christopher aurait pu l'éviter facilement mais ça n'aurait fait que l'énerver plus alors il se prit son vin en plein dans la figure et sur son costume trois pièces. Il ferma les yeux et s'essuya le visage en silence, énervé.

Plus personne ne disait mot. Jungkook fit semblant d'en avoir quelque chose à faire et essaya de rattraper l'altercation qu'il avait lui-même lancée, par pur plaisir. Cet homme maîtrise les mots, c'est son métier, il ne fait pas de gaffe. Cependant il se tourna tout de même vers sa femme en mimant un petit 'Oups'.

Puis le dessert arriva et ce fut le même manège.

Tout du long il avait serré les dents et les mains en repensant à toutes ses années loin d'ici. Rien ne le lançait plus que lorsqu'il était ici. Il sentait son dos, l'entièreté de son corps mutilé et meurtrie s'enflammer et le démanger comme si il avait des putain de puces.

Son empire lui avait permis de fuir, de s'échapper en grande pompe, lui permettant de ne jamais revenir dans ce manoir de l'enfer. Il n'avait aucune idée de ce qu'impliquerait la chute du grand Christopher Bang. Ni de l'envie de meurtre que ça déclarerai dans le fond de son ventre. Ce putain d'article avait envoyé son paradis sur les roses et le voilà la queue entre les jambes, incapable de savoir quand il pourra repartir. Emily Turner, non plutôt celui qui l'avait rejeté sous les rails, avait véritablement détruit sa vie. 

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