9. Déclaration de guerre
Loki soupira. Le vent faisait lentement bouger ses cheveux poisseux de sang, lui donnant de petits frissons. Le sol sous lui était confortable, à la fois doux lorsqu'il y promenait ses doigts fins et irritant lorsqu'une de ses plaies entrait en contact avec lui. En plus du bruit de la brise, il pouvait clairement entendre des battements d'ailes et des cris d'oiseaux. Ouvrant finalement les yeux, le Jotun jeta un regard à la double étendue autour de lui. A sa gauche, l'horizon était porté par une mer légèrement agitée par la brise. A sa droite, c'était la plage qui occupait l'espace, une plaine de sable totalement déserte sur laquelle il était allongé.
Il faisait toujours nuit, ce qui laissait supposer que le Dieu de la Malice était toujours en France, ou du moins en Europe. Le temps n'était par contre pas du tout le même, car même s'il faisait plutôt doux à Paris il y avait ici une chaleur bien plus lourde. Il se serait donc téléporté au Sud, peut-être de l'Hexagone, peut-être d'un pays frontalier tel que l'Espagne. Et à en voir la plage sur laquelle il se trouvait désormais, l'Espagne était plus que probable. Arrivant à cette conclusion, Loki ne put s'empêcher de grimacer, une vive douleur lui ayant l'espace d'une seconde transpercé le crâne.
Peu importe où il était et ce qu'il allait faire ensuite. La priorité était de trouver un moyen de se soigner. Il s'était téléporté sans vraiment avoir une destination possible, souhaitant seulement être le plus loin possible de Thanos. A l'évidence, ses pouvoirs plus qu'amoindris avaient fait au mieux. Se retrouver en Amérique ou même en Australie aurait été bien plus sûr, seulement il n'était plus assez puissant pour aller jusque-là. Tout comme il n'avait plus assez de force pour se régénérer, et si ses petites coupures et autres blessures superficielles avaient maintenant disparues le Jotun savait que le plus gros était encore à faire. Sa blessure au dos était visiblement grave, et son front qui ne cessait pas de saigner l'inquiétait. Mourir d'une hémorragie lorsqu'on était un dieu était rare, presque impossible puisque les cellules se régénéraient bien plus rapidement, cependant avec un état de fatigue comme le sien et une attente trop longue le prince savait qu'il y avait un risque.
Faisant de son mieux pour se relever, le sable sous lui étant désormais taché de sang, Loki se mit sur les genoux comme il le put. Les restes de son armure, qu'il avait regagné avant de se battre, lui semblait bien plus lourds que d'ordinaire. A chaque mouvement, son dos le faisait souffrir, et il se forçait à rester conscient malgré sa vision trouble et son mal de crâne. Ce fut à cet instant qu'elle apparut dans son champ de vision.
Elle courrait depuis qu'elle l'avait vu, quelques mètres plus loin. Pas spécialement sportive, elle était malgré tout arrivée avec une rapidité qui la surprenait elle-même, poussée par tout le rouge autour de l'étranger. Maintenant face à lui, incertaine de ce qu'elle devait faire, elle se contenta de demander bêtement :
- Tout va bien ?
Alors Loki perdit connaissance. Il savait que c'était risqué de s'abandonner ainsi à une humaine, inconnue qui plus était, mais il n'en pouvait plus de toute manière. Maintenant que quelqu'un était conscient de sa présence, il pouvait espérer que cette personne soit pourvue de neurones fonctionnels et qu'elle le sauverait. Il en demandait beaucoup de la part d'un humain, mais d'autres l'avaient déjà surpris par le passé, et il n'avait plus vraiment le choix.
De retour à Paris, ce fut un hélicoptère qui se posa sans permission devant l'hôtel que le Jotun venait de quitter. Tony, Clint et Thor en sortirent, le reste de la bande ayant décidé de rester dans l'engin. Les gens se poseraient déjà bien assez de questions en voyant entrer un milliardaire mondialement connu en costume ultra-cher, un homme en déguisement d'agent secret noir et un carquois dans le dos et un dieu aux allures de surfeur californien, tout aussi connu depuis ce qui s'était passé à New York.
Cela faisait des heures que les Avengers cherchaient Loki dans tous les grands hôtels d'Europe et d'Asie. S'ils avaient dû le faire à une autre époque, la tâche aurait été bien plus compliquée, mais aujourd'hui le monde marchait avec l'informatique. Que les hôtels aient encore un registre papier ou non, les informations finissaient toujours sur ordinateur. Ce qui voulait dire qu'elles étaient facilement accessibles, surtout pour un génie de la technologie et trois agents d'une organisation secrète ultra-moderne. Ainsi, lorsque le groupe éplucha finalement un énième hôtel, français cette fois, ils cherchèrent les clients arrivés dans la journée. Il y en avait deux : une jeune femme d'une trentaine d'années, rousse, avec un style qui ne correspondait de toute façon en rien au Jotun. Le second, en revanche, méritait qu'on s'attarde sur lui.
C'était un homme, le genre de personnes à qui on ne pouvait donner un âge exact, d'après ce que montrait la photo sur sa carte d'identité. Le fait que Loki ait pu s'en procurer une fit hésiter les Vengeurs, mais puisque le Dieu avait pu se créer un compte en banque et ce qui allait avec il n'y avait en fait rien d'étonnant au fait qu'il se soit également créé une fausse identité.
Pour en revenir à Tom Hiddleston, comme l'indiquait également l'écran, c'était un blondinet aux cheveux longs, aussi longs que ceux du Jotun, et aux yeux sombres. S'il y avait une chance que ce soit lui, rien ne l'affirmait pour autant. Du moins, jusqu'à ce qu'un petit triangle rouge s'affiche sur l'une des fenêtres, plus précisément celle de l'hôtel où ils venaient de trouver le blond. Les Avengers se regardèrent. Ils avaient, semblait-il, trouver une piste. Restait à espérer, vu l'écran en face d'eux, qu'ils ne la trouvaient pas trop tard.
Poussant les portes de l'hôtel, l'étrange trio se retrouva au milieu des dorures. L'entrée était déserte et totalement silencieuse. A peine les trois hommes s'étaient-ils lancé un regard qu'ils se ruèrent vers l'ascenseur. En un instant ils étaient devant la porte entrouverte de la chambre où, d'après les ordinateurs de la Tour Stark qui ne se trompaient jamais, était sensé se trouver Tom Hiddleston, alias Loki, ou du moins l'espéraient-ils.
Doucement, sans un bruit, Clint ouvrit plus largement la porte. Le spectacle devant les trois Vengeurs était assez énorme. Les membres du personnel de l'hôtel présents au moment de l'alarme se trouvaient là, certains pleurant, d'autres les yeux fixés sur ce qu'ils avaient devant eux, comme hypnotisés. Le personnel se mélangeait avec l'équipe du SAMU qu'ils s'étaient empressés d'appeler. Cependant l'espion, le milliardaire et le dieu étaient presque sûrs que les urgences ne pourraient pas faire grand-chose pour la pauvre femme de chambre.
Cette dernière était accrochée au mur orangé, le visage figé dans une expression trahissant l'effroi et la douleur. Ses yeux vides regardaient devant elle sans vraiment voir. Mais ce n'était pas ça qui assurait les personnes présentes que la femme devant eux était morte, pas plus que l'ecchymose qui s'était rapidement formé sur son cou ou ses mains crispées. Non, ce qui prouvait que le corps en face d'eux était un cadavre était le casque à cornes qui clouait la femme de ménage au mur. Les deux pointes étaient enfoncées au niveau de ses côtes, entourées de deux taches de sang qui s'étaient bien étendues de cinq centimètres de rayon autour des cornes dorées.
- Cornes de bouc, murmura Tony.
Le milliardaire ne savait plus trop quoi penser. La scène devant lui laissait croire que le Titan avait finalement réussi à s'emparer du Jotun, et pourtant tout cela lui semblait trop simple. Tony avait fait des dizaines de cauchemars après les évènements de New York, et de plus terrifiants qu'il ne voulait bien l'admettre. Mine de rien, Loki était un adversaire qu'il ne prenait pas à la légère. Alors oui, peut-être que Thanos était Thanos et qu'on ne pouvait le vaincre. Mais Loki restait lui aussi Loki. Thor leur avait raconté tellement d'histoires, tellement de fois où le Dieu de la Malice en avait réchappé de peu. Le Jotun avait toujours trouvé une échappatoire, et que cette fois-ci soit différente faisait légèrement tiquer le milliardaire. Mais après tout, peut-être ne voulait-il juste pas y croire.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? lança finalement Clint.
Aucun des trois hommes ne prêtait attention aux regards curieux que commençaient à leur jeter les gens autour d'eux. Ils se contentèrent de se regarder entre eux, la mine grave, ne sachant quoi répondre à la question de l'archer. Que faisait-on lorsqu'un criminel extraterrestre qu'on était sensé haïr mais qu'on protégeait depuis un moment avait subitement disparu de la circulation et dans des circonstances qui suggéraient qu'il aurait très bien pu passer de vie à trépas ?
- On devrait en discuter avec les autres.
C'était Tony qui avait parlé, les yeux désormais fixés sur le sol. Bien qu'il ne put donc le voir, le Dieu du Tonnerre approuva d'un signe de tête avant de se diriger vers le cadavre toujours accroché au mur et d'en déloger le casque à cornes de son petit frère – quoiqu'en dise leur sang – faisant tomber la morte au passage. Aucun membre du personnel de l'hôtel ou des urgences ne sembla avoir le courage de protester, c'est donc en silence que Thor sortit de la chambre, suivi de près par Clint et le milliardaire. Encore une fois, il n'y eut aucun bruit dans l'ascenseur lorsqu'ils l'utilisèrent, a part peut-être un ou deux petits « plop » causés par le sang qui gouttait légèrement du casque. Thor avait les mains crispées sur ce dernier. De tous les Vengeurs et même en ne prenant que les trois présents dans cette boite de métal, il était le plus touché, c'était évident. Stark appréciait Loki parce-qu'ils se comprenaient, Clint pour qui savait quelle raison, mais les deux dieux avaient une relation bien plus fusionnelle. Et, le blond avait prit la décision au moment même où ils étaient entrés dans cette chambre, il irait chercher Loki chez Thanos s'il le fallait. C'était comme se livrer à la mort, il en était conscient, mais il n'avait jamais été très responsable au niveau de sa survie de toute façon.
Une fois de retour dans l'hélicoptère, les autres ne mirent qu'une seconde à comprendre que quelque chose clochait. Le casque dans les mains de l'asgardien était une plutôt bonne indication.
- On est arrivé trop tard, dit amèrement Clint.
- Qui sait, peut-être qu'il s'en est tiré.
Le milliardaire se parlait peut-être plus à lui-même qu'autre chose, mais peu importait, puisqu'il avait parlé à voix haute.
- Mon frère n'abandonnerait pas un combat, ce n'est peut-être pas un asgardien mais il a été élevé comme l'un d'entre eux, l'honneur passe avant tout dans une guerre.
Tony aurait bien fait savoir au blond que, pour lui, Loki était loin de considérer l'honneur comme quelque chose de primordial, mais ce n'était sans doute pas vraiment le moment.
- Ce qui veut dire ?
- Puisqu'il a visiblement perdu, il est soit entre les mains de Thanos, soit dans un état critique quelque part.
Rien de bien rassurant, donc. Le silence se fit dans l'hélicoptère, tandis que celui-ci ramenait le petit groupe à la Tour Stark. Le casque d'or reposait toujours entre les mains de Thor, dont l'expression laissait clairement deviner une réflexion intense. En effet, comment savoir si son frère avait été capturé ou avait réussi à disparaitre au dernier moment ? Si la seconde option était la bonne, il était impossible pour les Vengeurs de retrouver le Jotun. Si c'était la première, la seule solution était de se battre, mais il ne pouvait pas déclarer la guerre à Thanos sans savoir s'il avait réellement Loki ou non. La chose tenait déjà du suicide à la base, mais s'il n'y avait en plus aucune bonne raison derrière...
Lorsque les Avengers – et Coulson – furent finalement de retour à la Tour, c'est sans un mot qu'ils se dirigèrent tous vers le salon. Chacun d'entre eux savait qu'une discussion était nécessaire.
- Alors ? lança finalement Natasha en s'adossant au mur. Vous savez ce que je pense de tout ça, mais aucun de vous ne va accepter de laisser tomber, n'est-ce pas ?
- Natasha...
- Quoi, Clint ? Il y a deux mois Loki était l'ennemi public numéro un et maintenant on se retrouve à l'aider ? On parle quand même de s'attaquer à Thanos !
- On n'a jamais parlé de se battre contre Thanos...
- Mais vous l'avez tous pensé, c'est évident. Vous avez tous lu les légendes sur le Titan Fou. On ne s'en sortira pas, et on entraînera la Terre avec nous.
Cette dernière phrase laissa un lourd silence dans la pièce, chacun pesant le pour et le contre des décisions qu'ils devraient prendre, et ce le plus rapidement possible. C'est finalement Coulson qui reprit la parole :
- J'ai bien peur d'être d'accord avec l'agent Romanoff. Stark, Clint, je sais que vous appréciez Loki plus que vous ne le devriez, mais nous ne pouvons risquer la sécurité de la planète.
L'agent ne mentionna même pas Thor, car il se doutait que s'il avait peut-être une chance de raisonner les deux humains, l'asgardien tenterait tout de même de sauver son frère. Et puis peu importait, puisque le Dieu de la Foudre n'était pas vraiment lié à la Terre, au final. Les propos de Coulson ne surprirent personne, après tout il était un agent du SHIELD avant toute chose, tout comme Natasha. On pouvait dire ce qu'on voulait de l'organisation de Nick Fury, mais elle était composée en grande partie de robots qui obéissaient aux ordres et faisaient en sorte de sauver le plus grand nombre, quand bien même ç'aurait été un membre de leur famille qu'il fallait sacrifier. Clint aussi, évidemment, mais ce dernier avait un lien inexplicable avec le Jotun quoiqu'en disent les autres, et c'était ce lien qui l'empêchait d'être d'accord avec ses plus proches collègues et amis.
- Steve ? continua Natasha, sachant que le soldat serait de son côté.
Ce dernier eut un moment d'hésitation avant de répondre, jetant un regard désolé à Stark :
- Ecoutez, je sais que Loki semblait au final plus humain que ce qu'on imaginait. Mais il reste un ennemi ayant déjà fait un nombre important de victimes, et on ne peut risquer la vie de civils dans un autre combat, surtout pas un que nous sommes sûrs de perdre.
- Et pourquoi on devrait perdre ? s'énerva Tony. On est les Avengers, on a déjà neutralisé des menaces extraterrestres par le passé et on le fera encore. Et puis, hier, on avait décidé de ne pas laisser Loki à Thanos. La question ne devrait même pas se poser maintenant.
- Votre égo ne nous aidera pas à nous en sortir, Stark.
- Je pensais qu'on avait déjà eu cette conversation, Captain.
Les deux hommes se lancèrent un regard électrique. Ils avaient du mal à s'entendre depuis le début, et cela ne semblait pas près de changer. Il fallait dire que tout deux avaient des principes diamétralement opposés. Steve n'était qu'un homme qui avait voulu sauver son pays parce-qu'il croyait en des valeurs vieilles comme le monde, et il prenait la vie humaine très au sérieux. Tony, lui, avait passé la plus grande partie de sa vie à se moquer de cette dernière, comme en témoignaient les dizaines d'armes qu'il avait créées, et il mettait toujours en avant son argent et son intelligence. Evidemment, tout cela cachait une énorme insécurité, mais ça personne ne le comprenait vraiment.
- De toute façon, qu'on ait une chance de gagner ou non, je suis pour qu'on essaie. Il y a à peine une journée, vous étiez tous prêts à protéger Loki, alors qu'est-ce qui a changé ?
C'est Clint qui avait pris la parole cette fois. Puisque c'était le seul qui ne s'était pas encore exprimé, les regards se tournèrent tout naturellement vers Banner, qui déglutit difficilement. Le scientifique détestait être le centre de l'attention, et il doutait que ce qu'il allait dire allait plaire à tout le monde.
- Ecoutez... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Ne pas livrer Loki à Thanos, c'est une chose. Mais aller nous-même chercher les ennuis...
Ce fut l'avis de trop pour Stark, qui partit se servir un verre non sans jeter un regard déçu à Bruce. Les deux scientifiques s'étaient toujours bien entendu de part leur profession, mais aussi parce-que Tony était aussi extraverti que Banner était introverti, et que leur personnalités distinctes équilibraient la balance tant et si bien qu'ils se sentaient vraiment proches.
Quand le milliardaire revint de l'autre bout du salon un verre à la main, le ton était apparemment monté. Thor et Clint tentaient visiblement de convaincre le reste du groupe que ne rien faire n'était peut-être pas la meilleure décision, mais les autres ne semblaient pas prêts à changer d'opinion sur le sujet. Se battre promettait trop de risques, des risques bien trop importants pour les prendre. Cependant les Avengers n'eurent pas l'occasion de débattre plus longtemps, puisque la baie vitrée vola – une nouvelle fois – en éclats.
- Bordel, c'est quoi ça encore ? jura Barton.
Tous fixaient maintenant l'objet sur le sol, celui qui avait éclaté la fenêtre de la Tour. C'était une hache, le genre qui servait aux bourreaux lorsqu'ils avaient pour mission de décapiter quelqu'un. Faite entièrement de métal, elle brillait à la lumière du lustre du salon. Thor, la mine grave, lança :
- Thanos ne retient pas mon frère, mes amis.
- Qu'est-ce que c'est que ça, Point Break ?
Stark avait comme un mauvais pressentiment, tout d'un coup.
- Une Déclaration de guerre, ami Stark. A Asgard, envoyer une hache à ses ennemis signifie l'entrée en guerre.
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